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La parenthèse démocratique (04/2007-08/2008)

Section II : Evolutions politique et constitutionnelle (1960-2010)

C- La parenthèse démocratique et le coup d’Etat de

C.1- La parenthèse démocratique (04/2007-08/2008)

Ould Cheikh Abdellahi devenait le premier président démocratiquement élu du pays,

avec 52,85%65des voix, au terme d'un processus de restitution du pouvoir aux civils.

Le premier gouvernement formé sur la base d’un marchandage politico-électoraliste sera source de troubles dès le premier mois d’exercice du pouvoir. Une coalition de partis politiques sera la première à contester ce gouvernement de technocrates qui les mettait à la

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Ancien ministre dans les différents gouvernements de Mokhtar Ould Daddah et Ould Taya.

64 Ancien gouverneur de la banque centrale de Mauritanie, ancien ministre dans les années soixante-dix et le frère cadet du premier président de la Mauritanie

Mokhtar Ould Daddah (1960-1978).

touche. Ainsi, l’équipe du Premier ministre Zeine Ould Zeidane66 qui a vécu douze mois sera

entravée dans ses missions par des problèmes d’ordre politique, social, économique et sécuritaire.

Echappant de justesse à une motion de censure, ce gouvernement fut limogé et remplacé par un gouvernement politique issu de la majorité présidentielle et quelques partis de l’opposition démocratique. Cet élargissement a rencontré une opposition farouche par la majorité des députés de son propre camp et brandirent une motion de censure. Ces députés qui ne lui avaient laissé aucun répit durant la première année de son mandat. Alors en ce moment là, ses adversaires le critiquent pour sa faiblesse supposée, tandis que ses

sympathisants louent son tempérament modéré et son souci du consensus. Ould Cheikh

Abdellahi est alors présenté comme un homme discret, ayant longtemps vécu au Koweït et au Niger, loin de cette Mauritanie et les complexités de sa scène politique.

Dès que le président { vu la censure arrivée, il a réagi aussitôt en s’adressant dans un discours musclé aux députés frondeurs, menaçant à son tour de dissoudre le Parlement. Mais ce bras de fer tournera { l’avantage des députés qui finirent par obtenir le départ du gouvernement qui n’a duré que 52 jours. Acharné, le Président reconduit le Premier ministre et forma une nouvelle équipe, sans l’opposition mais avec quelques symboles de la

gabegie du système Ould Taya. Un acte qui a énervé les militaires. .

Malgré cette situation, le Président lança de grands chantiers éminemment politique et sensible à savoir : l’organisation du retour des réfugiés expulsés au Sénégal en 1989 au cours des évènements qui avaient causé la rupture des relations diplomatique entre Dakar et Nouakchott et créé une véritable fracture dans l’unité nationale. Le président s’était également mis à dos la notabilité traditionnelle irritée par la loi de la criminalisation de l’esclavage en Mauritanie voté en août 2007.

On peut dire que la démocratie ne s’est pas accompagnée d’une amélioration des conditions de vie. En juillet et août 2007, les coupures d’eau et de courant se sont multipliées. Et l’image de la paisible nation posée au cœur des dunes a été écornée par quelques dures réalités : des saisies de cocaïne, en avril et mai de la même année, ont révélé

66 Ancien gouverneur de la BCM et candidat malheureux aux élections présidentielles, il a arrivé en 3ème position et Il a demandé à ses partisans de voter pour Ould

son rôle de plaque tournante du trafic de drogue ouest-africain et l’immigration clandestine, ainsi que la faiblesse du système de sécurité.

Des émeutes populaires contre la cherté de la vie, en novembre 2007, ont coûté la vie { un jeune homme. Des autres événements { l’ordre sécuritaire, arrivent pour compliquer une situation qu’est déj{ catastrophique pour une jeune démocratie. Le 24 décembre 2007, veille de Noël, quatre touristes français sont assassinés en Mauritanie. La piste du crime frauduleux est rapidement abandonnée pour celle de l’acte terroriste et la grande conséquence, surtout économique, de cette attaque avait été l’annulation du Rallye Paris Dakar et une baisse importante dans l’activité touristique. Trois jours plus tard, trois soldats mauritaniens sont tués dans la base militaire d’Al-Ghallaouia, située au Nord-est du pays. L’attaque est revendiquée par la Brigade d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (BAQMI), ex GSPC algérien. Deux événements qui vont inscrire la Mauritanie sur la carte des zones à

risque. Le 1 février 2008, une attaque contrel’ambassade d’Israël en plein cœur de la

capitale Nouakchott et qui s’est terminée par la fuite des assaillants laissant derrière eux trois blessés. Début avril, en périphérie de Nouakchott, des échanges de tirs entre forces de l’ordre et jihadistes présumés s’étaient soldés par la mort d’un policier et de deux islamistes.

Quelques mesures sont prises pour sortir de cette crise, mais les militaires veulent fermer la parenthèse démocratique. Il faut signaler que le numéro deux de l’ancienne junte a soutenu Ould Cheikh Abdellahi, en l’occurrence Mohamed Ould Abdel Aziz, et qui assure sa sécurité personnelle. Ould Abdel Aziz reçoit de la part de son président sa promotion comme Général de l’armée en 2008, avec deux autres des ses amis militaires. Cette cohabitation entre un président qui comptait bien jouir de ses prérogatives et des militaires qui tenaient à lui faire tenir leur feuille de route ne pouvait ainsi perdurer. C’est dans cet ordre d’idées qu’interviendra la dernière crise politique que d’aucun ampute aux généraux. Selon cette hypothèse, les militaires qui voulaient se débarrasser d’Ould Cheikh Abdallahi, auraient alors manipulé l’ancien groupe des députés frondeurs du deuxième gouvernement. Alors, une autre crise fait surface et prend de l’ampleur avec la volonté des députés de fouiller dans les caisses de la Fondation caritative de la femme du président. La commission d’enquête que les sénateurs réclamaient sera refusée par le président du Sénat, faisant

monter la tension au sein de la chambre haute dont les représentants menacèrent de poursuivre ce dernier pour mauvaise gestion.

L’épouse du Chef de l’Etat au lieu d’apaiser le jeu portera la dragée haute, quand lors de la visite présidentielle en Espagne, elle insulte les parlementaires qu’elle traitera de

«menteurs, d’usurpateurs et d’imposteurs».67 Décidés { aller jusqu’au bout de la

confrontation, les députés qui étaient parvenus à réunir la majorité des deux tiers requis, demandèrent la convocation d’une session extraordinaire du Parlement.

Objectif de cette session, fixer la composition de la Haute Cour de Justice, chargée de juger le Président de la République et les membres du gouvernement et dont l’application traîne depuis une année, créer un certain nombre de commissions d’enquêtes, dont l’une concerne le Programme spécial d’intervention doté d’un budget de plus de 38 milliards d’ouguiyas pour améliorer les conditions de vie des populations, une deuxième concerne le projet de reconstruction de la ville de Tintane, { l’est du pays, dévastée par des inondations

et financée à hauteur de plusieurs millions de dollars, et une dernière sur la Fondation K.B.68

Cette demande de session est refusée par la Présidence, entraînant un sentiment chez les élus que le Président de la République cherchait à bloquer la bonne marche des institutions. Un scénario de destitution du Président de la République par la rue aurait alors été planifié, à travers une manifestation populaire qui allait marcher sur la Présidence de la

République suscitant alors l’intervention de l’armée.69

Ce serait pour se prémunir contre un tel plan que le Président de la République aurait décidé, tardivement, dans la nuit du 6 août 2008, de prendre les devants en destituant les généraux sensés être les principaux instigateurs de la crise. La suite est connue, deux heures après la diffusion hâtive de cette décision, les généraux qui avaient aidé Ould Cheikh Abdallahi { accéder au pouvoir, l’ont également aidé à descendre de son fauteuil du président.

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Journal algérien, El-Watan du 28 juillet 2008.

68 K.B : abréviation de Khatou Boukhary, prénom et nom de l’épouse du président Ould Cheikh Abdellahi. Sa fondation a été crée juste après l’investiture de son

époux.