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La formation de l’Etat Mauritanien moderne

Section II : Evolutions politique et constitutionnelle (1960-2010)

A- La formation de l’Etat Mauritanien moderne

La Mauritanie, a été dirigée pendant vingt ans par le père de la nation mauritanienne Maître Mokhtar Ould Daddah. En 1978, commence les coups d’Etat militaires, qui prennent une pause pour une durée limité de 21 ans pour une semi-démocratie pleine de contradiction. En 2005, un autre coup d’Etat et une période de transition sanctionnée par des élections législatives, municipales et présidentielles en 2007. En août 2008, un autre coup d’Etat arrive et aujourd’hui les militaires sont encore au pouvoir.

A.1- Le régime civil de 1960-1978

Le 28 novembre 1960, la Mauritanie accède à son indépendance, En juin 1961, une nouvelle constitution de type présidentiel, remplaçant la constitution parlementaire de 1959, est adoptée. L’exécutif voit ses prérogatives renforcées. Le président de la république est { la fois chef de l’Etat et chef du gouvernement. Il décide de la politique de la nation, choisit les ministres qui sont responsables que devant lui, et partage, avec l’Assemblée, l’initiative législative. Un article prévoit qu’il peut prendre les pleins pouvoirs en cas de circonstances exceptionnelles.

Pendant vingt ans, le pouvoir politique en Mauritanie est étroitement associé à un nom, celui me Mokhtar Ould Daddah. C’est lui qui, { la tête d’une petite équipe et avec le soutien de l’ancienne puissance coloniale, tente de mettre en place un Etat moderne. Sous sa présidence, la Mauritanie gagne sa place sur le plan international avec l’entrée { l’Organisation des Nations Unis en 1961 et la reconnaissance par le Maroc en 1969. De même que c’est sous lui encore que la Mauritanie est devenue membre de beaucoup d’organisations régionales et internationales: l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine, aujourd’hui l’Union Africaine UA) ; l’OCI (Organisation de la Conférence Islamique) ; la Ligue Arabe ; la BAD (Banque Africaine de Développement) ; l’OMVS (organisation de la mise en valeur du fleuve Sénégal).

Les premières années de Mokhtar Ould Daddah, sont marquées par un processus de concentration du pouvoir et l’instauration de monopartisme. En effet, en décembre 1961, le parti unique d’Ould Daddah, Parti du Peuple Mauritanien (PPM), voit le jour et son premier congrès ordinaire a lieu à Nouakchott en mars 1963 et se voit attribuer un rôle de conception et direction qui lui confère une large suprématie sur les autres institutions de l’Etat. En janvier 1965, le PPM est reconnu comme l’unique parti de l’Etat dans la constitution. Une décision justifiée par la volonté de construire l’unité nationale. Le PPM devient le seul inspirateur officiel de la vie de l’Etat. Le processus de concentration du pouvoir s’effectue dans la sourde lutte qui oppose les modernistes, représentés par Ould Daddah et ses amis, aux conservateurs représentés par les chefs de tribus. Entre 1968 et 1974, l’agitation populaire en milieu urbain est quasi permanente, où il y a eu des grèves dans les mines de fer en 1968 suivi en 1971 d’une grève presque totale de toutes les entreprises publiques et l’agitation estudiantine était permanente. Dans les campagnes, c’est la misère due { la sécheresse : troupeaux qui meurent et le déficit vivrier en céréales est énorme. Il s’ensuit une vague de sédentarisation sauvage et exode rurale.

A partir de 1972, on assiste à un changement de politique du gouvernement mené naturellement par le président et le parti qui rejette le néocolonialisme économique. Il amorce la mauritanisation de l’emploi et la nationalisation des grandes entreprises. En juillet 1972, la MIFERMA est nationalisée pour devenir désormais la SNIM (Société Nationale d’Industries Minières). Les accords de coopération avec la France ont été révisés, la Mauritanie sort de la zone franc et crée sa propre monnaie, l’Ouguiya, en 1972, puis l’année suivante, la banque centrale de Mauritanie. En ce qui concerne le développement économique et social on peut inscrire à son actif la réalisation de bon nombre de projet qui sont { la base de l’infrastructure existante actuellement en Mauritanie (écoles, routes, hôpitaux, ports, télécommunications etc…)

Cependant, il faut dire que le problème de la guerre du Sahara en 1975 était venu se greffer sur une situation déjà rendue difficile par le poids de la sécheresse, pour la question économique et sociale déj{ fragile. Mais la pression qu’exerce la guerre s’amplifie au fil des ans et est sans doute la principale cause de la chute du régime de Mokhtar Ould Daddah et le début d’une série des coups d’Etat sans fin.

Le problème du Sahara, ne datait pas d’hier. Dès 1957, { l’occasion de sa première intervention publique, Ould Daddah, plaide, en lançant « Faisons ensemble la patrie

mauritanienne »50, pour la récupération du Sahara Occidental. Cette position est constante

jusqu’en 1975.

C’est au moment où l’Espagne décide de se retirer du Sahara Occidental en 1975 et annonce son souhait de donner aux sahraouis leur indépendance à travers un référendum, que les événements vont se précipiter. En novembre 1975, la Mauritanie participe, avec le Maroc et l’Espagne, aux accords tripartis de Madrid sur la décolonisation et le partage du Sahara Occidental.

Les premiers combats entre l’armée mauritanienne et le Front Polisario ont lieu fin 1975 aux côtés des troupes marocaines. La République Arabie Sahraouie Démocratique Indépendante (RASDI) est proclamée le 27 février 1976, le 14 avril, le jour même de retrait définitif des Espagnols, la Mauritanie signe avec le Maroc une convention de partage du

Sahara.51 Elle obtient la région de Dakhla qui devient la 13eme région mauritanienne sous le

nom de Tiris El-gharbia. Des accords concernant l’exploitation de la zone riche de phosphates et des ressources halieutiques ainsi que des prospections géologiques sont inclus dans la convention.

La guerre se poursuivit, toutefois, au détriment de la Mauritanie. Le 7 mars, c’est la rupture officielle des relations diplomatique entre l’Algérie et la Mauritanie. En juin 1976, un commando du Front Polisario attaque Nouakchott. En mai 1977, c’est Zouérate, au nord du pays, qui est touchée. D’autres opérations ont lieu en juillet. Le train minéralier subit des attaques qui contraignent le gouvernement mauritanien à faire appel à la protection de renforts marocains. La Mauritanie lance aussi un appel { la France. L’enlèvement, le 25 octobre 1977 de deux cheminots français sur la vois ferré par un commando du Front Polisario, donne un prétexte d’une intervention rapide pour protéger les frontières et les intérêts mauritaniens. Une force d’intervention aérienne française, dont la mission se limite { des opérations d’observation pour le compte des troupes maroco-mauritaniennes, est installée { Dakar. Mais devant l’audace grandissant des commandos du Polisario qui

50 Philippe MARCHESIN, Ibid. p.148.

pourraient menacer le port de Nouadhibou, les Jaguar français interviennent à deux

reprises en décembre 1977 contre les sahraouies, leur infligeant de lourdes pertes.52

Les conséquences du conflit dépassent le cadre militaire. Les effets sur l’économie nationale se font rapidement sentir. L’effort de guerre est de plus en plus lourd { supporter. En deux ans, l’armée est passée de 2000 { 18.000 hommes ; la défense national prend une

partie croissante dans le budget de l’Etat (60% en 1977).53 Or, les rentrées en devises sont

en baisse : l’exportation du minerai de fer, principal source de l’économie mauritanienne,

fléchit de 9,7 millions de tonnes en 1976 à 8 millions tonnes en 1977.54 Aux difficultés

directement liées { la guerre, s’ajoutent celles créées par les retombés de l’inflation mondiale, la chute des cours des matières et persistance de la sécheresse dans la zone sahélienne. La conjonction de tous ces facteurs conduit à une situation de plus en plus délicate. Alors que le malaise grandit, le chef de l’Etat se trouve de plus en plus isolé. Malgré le congrès extraordinaire du PPM convoqué en janvier 1978 pour tenter de rassurer les partisans et d’intimider les opposants, le président s’avère incapable d’agir sur les événements. Le 10 juillet 1978, il est renversé par le premier coup d’Etat dans l’histoire de la Mauritanie.

A.2- Les pouvoirs des colonels : 1978-1984

L’arrivé au pouvoir des militaires ouvre une période d’instabilité, caractérisée par des coups d’Etat, révolutions de palais, et de fréquentes tentatives de putsch- pas moins de quatre colonels- se succèdent à un rythme élevé.

Le premier coup d’Etat survient le 10 juillet 1978, au petit matin, sans la moindre effusion de sang comme presque tous les autres. Dans la matinée du 10 juillet 1978, la radio mauritanienne diffuse un long communiqué des putschistes. « Les forces armées, dépositaires en dernier recours de la légitimité nationale, ont pris le pouvoir, ou plutôt repris le pouvoir, { ceux qui l’ont lâchement spolié, pour sauver le pays et la nation de la ruine et du

52 Philippe MARCHESIN, Ibid. p.153. 53 Latifa FACEH, Ibid. p.278. 54 Philippe MARCHESIN, Ibid. p.153.

démembrement, pour sauvegarder l’unité nationale et défendre l’existence de l’Etat ».55 La

constitution est suspendue, le gouvernement, le parlement et le parti sont dissous. Un comité militaire de redressement national (CMRN) présidé par le lieutenant-colonel Moustapha Ould Mohamed Saleck, chef d’état-major des forces armées, est aussitôt mis en place. Il comprend 18 membres dont 17 officiers de l’armée et un commissaire de police. Le 12 juillet, un cessez de feu unilatéral est décidé pars les Sahraouis, pour donner au nouveau régime la chance de trouver un accord de paix. Le nouveau pouvoir se donne trois objectifs : l’arrêt de la guerre, la remise sur pied de l’économie et la mise en place d’institutions

démocratiques.56

Début avril 1979, le CMRN est transformé en Comité Militaire de Salut National (CMSN), une nouvelle charte constitutionnelle est établi, qui efface le rôle central du chef de l’Etat, le colonel Ould Saleck, qui n’a plus qu’un rôle honorifique. Le pouvoir est ainsi octroyé au Premier ministre, un poste auquel est nommé le nouvel homme fort, le lieutenant-colonel Ahmed Ould Bouceif, vice président de l’ancien CMRN. La priorité du CMSN reste la recherche de la paix, il commence d’entamer des contacts avec le Front Polisario après avoir accusé Ould Saleck d’être pro-marocain. Très rapidement, Ould Bouceif, tourne la veste au profil du Maroc et déclare que « Nouakchott entend rester fidèle à

l’alliance marocaine ».57 La plupart des membres du CMSN vont s’opposer aux desseins du

Premier ministre, craignant que le changement d’orientation ne replonge le pays dans la guerre. Ils ont donc commencés à trouver une sortie de cette situation en lui rapprochant d’avoir engagé des dépenses inutiles. Lorsque Ahmed Ould Bouceif se rend en visite au Sénégal le 28 mai 1979, la majorité du CMSN lui était hostile. En retour de cette visite, l’avion du Premier ministre fait un accident au large de Dakar. La thèse de l’accident est officiellement retenue mais des observateurs parlent d’un complot.

Le 31 mai, le CMSN désigne Mohamed Khouna Ould Haidallah comme, Mohamed Mahmoud Ould Louly, (deux membres du CMSN) respectivement Premier ministre et chef de l’Etat en remplacement d’Ould Saleck. Peu de temps après, le 5 août 1979, et à la suite

55 Idem. p.155.

56 Philippe MARCHESIN, Ibid. p.156. 57 Le Monde, 14 avril 1979, p.1.

d’une négociation menée par les nouveaux arrivants au pouvoir, la Mauritanie et le Front

Polisario signent à Alger un accord de paix définitif.58 En vertu de cet accord, la Mauritanie

reconnaît officiellement le Front Polisario et lui abandonne le Tiris-El-gharbia que le Maroc occupe le jour même jusqu’{ aujourd’hui. Cinq ans plus tard la Mauritanie, reconnaîtra la RASD. Dans la même année, la première politique des pêches est adoptée et le redressement de l’économie en général est engagé, mais l’instabilité politique règne encore.

En janvier 1980, Ould Haidallah renforce sa position au sien du pouvoir en renversant le Président Ould Louly, et prendre le pouvoir suprême. Deux tentatives de coups d’Etat sont orchestrées contre le nouveau président en 1981 et 1982. Le colonel Ould Haidallah, se maintiendra { la tête du pays jusqu’en 1984.