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1. LA PÉRILLEUSE DÉFINITION DE LA NOTION D’INSERTION PROFESSIONNELLE

Alors qu’il n’y a encore pas si longtemps, l’accès à un CDI marquait l’entrée définitive sur le marché du travail, la hausse du chômage des jeunes et la précarisation des emplois ont considérablement étendu la période séparant la fin de la scolarité initiale de l’entrée dans l’emploi, redessinant ainsi les contours de la notion d’insertion professionnelle.

1.1. COMMENT CHOISIR LES CRITÈRES DE MESURE ?

Malgré les nombreux essais de définition dont elle a fait l’objet, la notion d’insertion professionnelle demeure complexe et controversée. Michel Sollogoub et Valérie Ulrich138 ont tenté d’en donner une approche quantitative et qualitative. La principale difficulté à laquelle se confrontent ceux qui tentent de cerner cette insertion est le choix de critères de mesure. Elle est souvent définie comme la période qui sépare la fin de la scolarité initiale de l’accès à l’emploi stable (le CDI). Cela suppose donc l’existence d’une phase transitoire entre deux états stables. Or, le retour vers les études après la sortie de formation et le développement de diverses formes d’emploi et de contrats de travail rendent cette définition peu opératoire.

Selon Sollogoub et Ulrich, les critères de mesure de l’insertion doivent prendre en compte à la fois les caractéristiques des employeurs et des dispositifs publics d’insertion, mais également les valeurs portées à l’emploi par les jeunes. Par conséquent, l’insertion professionnelle est une dynamique multidimensionnelle. Seule la combinaison de différents éléments peut permettre de rendre compte de la diversité des processus d’insertion. En effet, l’insertion professionnelle « fait intervenir, dans un monde en mutation rapide et profonde, des myriades d’acteurs économiques et sociaux à tous les niveaux de la société dans un jeu complexe de relations interactives entre marchés du travail et systèmes d’éducation/formation »139.

Nous considèrerons donc que « l’insertion professionnelle des jeunes est une succession d’étapes, une "trajectoire" mue par une dynamique individuelle » au terme de laquelle « les

138 Sollogoub, M. & Ulrich, V. (1999). « Les Jeunes en apprentissage ou en lycée professionnel. Une mesure quantitative et qualitative de leur insertion sur le marché du travail ». Économie et Statistique, n°323, pp. 31-52. 139 Gaude, J. (1997). L’Insertion des jeunes et les politiques d’emploi-formation. Genève : Cahiers de l’Emploi et de la Formation 1, p. 4.

individus concernés ne doivent théoriquement plus être distinguables des autres (ils sont

"insérés") »140.

1.2. QUELS SONT LES OBSTACLES À CETTE INSERTION ?

Les obstacles à l’insertion des jeunes tiennent, d’une part, à l’insuffisance de leur niveau de formation, à son inadaptation aux caractéristiques des offres d'emploi ou à l’impossibilité d’acquérir des qualifications requises sur un marché de l’emploi réclamant une grande faculté d’adaptation et, d’autre part, à leur manque d'expérience professionnelle rendant leur niveau de productivité à l'embauche inférieur au coût salarial courant. C’est ainsi que Jacques Gaude a vu naître « un espace nouveau entre formation et emploi, le sas de transition, [qui] s'est amplifié et institutionnalisé conférant aux jeunes des statuts très divers et traçant les contours d'une nouvelle donne de l'insertion professionnelle […] caractérisée par l'extension de l'emploi instable ou précaire et l'émergence d'un nouveau métier, celui de l'insertion professionnelle, destiné à mettre en relation les mondes, encore bien disjoints, de l'éducation et de la formation, celui des entreprises et celui des jeunes pris individuellement »141.

Selon cet auteur, étudier l’insertion des jeunes sur le marché du travail implique de s’intéresser aux différents moyens d’accès à l’emploi auxquels peuvent recourir les jeunes au sortir de la formation initiale. La principale variante des divers moyens d’accès à l’emploi concerne le mode d’acquisition des qualifications professionnelles qui peut s’effectuer à l'école et/ou dans l’entreprise, soit simultanément, soit alternativement avec le cursus scolaire. En France, la formation est essentiellement dispensée en milieu scolaire. Dans ce cadre, « le système éducatif français privilégie les études générales menant au baccalauréat – référence suprême dans le système de classification des qualifications – et, ultérieurement, à l'enseignement supérieur. Les élèves orientés vers les études professionnelles sont le plus souvent les laissés-pour-compte du système général »142. En effet, le système de formation professionnelle français est construit sur la base d’une adéquation entre niveaux hiérarchiques de l’emploi et niveaux de formation répondant à ces besoins. Cette conception place la formation professionnelle au second rang « pour étalonner les deux ensembles – diplômes et

140 Les Dossiers Insertion, Éducation et Société, Le Lien formation-emploi. Quels emplois à la sortie du système

éducatif ?, Actes du colloque "Le Lien formation-emploi" du 22 novembre 2005, septembre 2006, p. 14.

141 Gaude, J. (1997). L’Insertion des jeunes…, op.cit., p. 4. 142

postes de travail – en référence à des niveaux de formation générale car les nomenclatures tendent à privilégier les connaissances générales plutôt que les savoirs professionnels. Cette articulation par la sélection de l'enseignement général et la voie professionnelle installe une hiérarchie qui place la seconde dans la dépendance du premier »143.

1.3. ENTRE PROGRAMMES DE FORMATION ET DISPOSITIFS D’AIDE À L’INSERTION

Face à la hausse du chômage des jeunes, le gouvernement français a développé un ensemble de dispositifs d’aide à l’insertion qui se situent à mi-chemin entre des programmes de formation et des politiques d’emploi, constituant de plus en plus souvent un passage nécessaire pour accéder à l’emploi. Parallèlement, des initiatives sont entreprises afin de redonner de la valeur à la formation par apprentissage. Malgré tout, ces tentatives se heurtent à la résistance des jeunes et de leurs familles, liée au faible prestige de la formation, et à celle des employeurs, qui depuis la suppression des centres de formation d’apprentis dans les années 1960 sous la pression syndicale, s’impliquent très peu dans la formation. Ainsi, le marché du travail des jeunes devient peu à peu un marché spécifique régi par ses propres règles de fonctionnement établies par les employeurs et les dispositifs publics d’aide à l’insertion (mesures, stages, programmes de formation).

En conclusion, la conjugaison d’un chômage d’exclusion des jeunes les moins formés, d’un déclassement des jeunes diplômés de l’enseignement professionnel, de difficultés de recrutement dans certains secteurs en tension et d’un coûteux dispositif d’aide à l’insertion sont autant de symptômes annonçant un dérèglement durable du lien formation-emploi dans le processus d’insertion des publics jeunes.

2. À LA RECHERCHE D’UN PARADIGME POUR UNE ÉVALUATION DE

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