• Aucun résultat trouvé

Niveau V Niveau IV Total niveaux V et

2. À LA RECHERCHE D’UN PARADIGME POUR UNE ÉVALUATION DE L’ÉFFICACITÉ DE LA FORMATION PAR APPRENTISSAGE SUR

2.2. LE CADRE CONCEPTUEL DE LA CONSTRUCTION DES IDENTITÉS PROFESSIONNELLES

L’identité professionnelle, « c’est ce qui permet aux membres d’une même profession de se reconnaître eux-mêmes et de faire reconnaître leur spécificité à l’extérieur. Elle suppose donc un double travail d’unification interne d’une part, de reconnaissance externe d’autre part »155. Les modèles professionnels, les institutions de formation, les cultures de métiers, les organisations syndicales, etc. participent à la construction de ces identités. Toutefois, « le sentiment d’appartenance à une communauté n’empêche pas le sujet de se penser comme unique et différent des autres. En ce sens, la notion d’identité est paradoxale : elle désigne ce qui est unique, ce qui distingue et différencie des autres, mais elle qualifie aussi ce qui est identique, c’est-à-dire semblable, tout en étant distinct. Cette ambiguïté sémantique a un sens profond : elle suggère que l’identité oscille entre similitude et différence, entre ce qui fait de l’individu une identité singulière et qui, dans le même temps le rend semblable aux autres »156.

Plusieurs situations fondent les sources de l’identité professionnelle : le pouvoir exercé au quotidien au sein de l’organisation professionnelle contribue à façonner l’image de soi et les représentations des autres ; l’adaptation plus ou moins rapide des travailleurs aux changements technologiques et à l’introduction de technologies nouvelles remet en question les identités professionnelles antérieures des individus ; la double implication dans le travail mais aussi dans la vie extérieure (activités associatives, familiales, culturelles…) tend à modifier l’identité professionnelle des salariés. En effet, « avec la diminution du temps de travail et l’augmentation objective des niveaux de vie et de ressources des ménages, cette hypothèse d’une désimplication des relations de travail pour cause d’engagements personnels actuels ou futurs dans d’autres activités familiales, de loisirs, d’études ou de militantisme, ne

154

Piotet, F. & Sainsaulieu, R. (1994). Méthodes pour une sociologie de l’entreprise. Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques & ANACT, p. 202.

155 Ion, J. (1990). Le Travail social à l’épreuve du territoire. Toulouse : Privat, p. 91.

156 Tap, P. (1998). « Marquer sa différence », in Ruano-Borbalan, J-C., L’Identité : l’individu, le groupe, la

cesse de prendre de la réalité »157. Toutefois, d’autres formes de retrait, forcé et contraint, viennent s’ajouter aux retraits stratégiques et choisis cités ci-dessus. D’après Thévenot et Boltanski, « dans la mesure où la capacité d’implication des individus au travail ne trouvant pas à se réaliser, par manque d’opportunités, de responsabilités et d’évolutions, c’est dans le domaine de la société civile, surtout familiale, mais aussi associative et culturelle, que l’identité trouve à s’affirmer […]. Il résulte de cette identité domestique une sorte de retrait des identités professionnelles »158. Un autre type de situation a plus particulièrement attiré notre attention : celle relative à la mobilité parcourue. En effet, les expériences liées à la mobilité, à l’instabilité dans l’emploi et/ou dans l’entreprise contribuent largement à (re)structurer l’identité professionnelle. Afin de limiter les effets de cette mobilité et de cette instabilité dans le travail, certaines « entreprises plus réactives et aussi plus fragiles à leurs environnements qu’aux époques de croissance et de monopoles protecteurs gèrent les ressources humaines en termes de projets et de parcours ». De ce fait, « les trajectoires de formation, d’emploi et de reconversion prennent […] une dimension cruciale dans l’affirmation de sa valeur propre et dans la reconnaissance de celle des autres. La possibilité d’évoluer avec la formation professionnelle qui accompagne ces processus, ainsi que l’évaluation de ses compétences et de ses projets, qui résultent de ces trajectoires, définissent les identités par le projet ou la carrière encore à venir »159. Cette approche des notions de trajectoire et de projet articulée à des parcours emploi-formation apporte une lecture contemporaine des identités professionnelles.

Des études réalisées par Sainsaulieu ont permis de montrer l’existence de quatre façons de se définir par rapport à ses collègues de travail : les modèles de fusion, affinités, négociation et retrait. Le modèle de la fusion – modèle de relation des OS – n’implique aucune responsabilité personnelle ni de perspective individuelle. Les relations entre collègues sont nombreuses, intenses et fortement affectives ce qui procure une forte homogénéité dans le groupe. La présence d’un chef autoritaire y est nécessaire afin de renforcer la cohésion et d’éviter tout problème. L’approche de la négociation – modèle des professionnels de l’encadrement – se caractérise par une différenciation des salariés, affectés à la réalisation de tâches individuelles dans lesquelles des échanges et alliances avec les autres sont prépondérants. Les relations entre collègues sont nombreuses, intenses et sensibles aux

157 Piotet, F. & Sainsaulieu, R. (1994). Méthodes pour une sociologie…, op. cit., p. 218.

158 Cité par Piotet, F. & Sainsaulieu, R. (1994). Méthodes pour une sociologie…, op. cit., pp. 219-220. 159

différences, faisant ainsi exister le groupe comme lieu de confrontation « démocratique ». Le chef y est imposé et mal accepté ; la préférence étant donnée à un leader provenant lui-même du groupe et jouant un rôle de médiateur. Le modèle des affinités – modèle de ceux qui sont amenés à quitter leur groupe d’appartenance d’origine ou de ceux qui vivent de façon angoissante leur mobilité – voit les relations entre collègues limitées à un petit groupe au sein duquel règne échange et entraide. Ces relations étant sensibles aux débats de points de vue, l’écart par rapport au grand groupe est entretenu. La présence d’un chef y est nécessaire afin de porter le projet promotionnel. Enfin, l’approche du retrait – modèle qui renvoie à une autre compréhension de la définition identitaire – implique un faible investissement dans le travail qui est considéré comme un « moyen de réaliser une "autre vie" : loisirs, vie familiale, retour au pays d’origine, etc. »160. Les relations entre collègues y sont peu recherchées et superficielles, ce qui confère une faible existence collective au groupe. Seul le chef, nécessaire par et pour son autorité, permet une structuration.

Depuis le développement de la formation d’adultes en entreprise dans les années 1960, il est devenu évident que l’expérience collective vécue lors de ces stages de formation constitue un lieu important d’apprentissage culturel et de différenciation sociale, s’ajoutant aux anciennes relations artisanales de compagnonnage et aux périodes d’apprentissage en entreprise à l’œuvre dans les métiers de l’industrie. C’est ainsi que Claude Dubar souligne que « les parcours d’emploi-formation constituent de nos jours un moyen important pour se définir une identité sociale et professionnelle »161. Il met d’ailleurs à jour quatre types d’identités liées à des parcours types d’emploi-formation. L’identité d’exclu, liée aux OS sans compétence et sans avenir, ainsi qu’aux anciens métiers non convertibles, suppose que l’individu est son métier et son poste de travail. Si ce métier ou ce poste de travail est supprimé, il perd alors la dignité et la valeur de lui-même. L’identité bloquée s’apparente aux ouvriers possédant toute une série de savoir-faire qui, du fait de ces connaissances techniques, se retrouvent en compétition avec les jeunes techniciens diplômés possédant davantage d’atouts de carrière. Ces professionnels restent donc, durant toute leur vie professionnelle, de simples ouvriers de métiers. L’identité de promotion et d’entreprise s’applique aux personnels qui s’adaptent aux politiques de GRH, de flexibilité et de mobilité en échange de formations accompagnant leurs changements de fonction ainsi que d’une promotion interne. La réussite professionnelle et sociale de ces salariés passe ainsi pas la réussite de leur entreprise. Enfin, l’identité

160 Ibid. p. 207. 161

indépendante caractérise les jeunes diplômés demandeurs de formations, dont le projet professionnel est orienté vers une carrière indépendante (volonté de s’affirmer par des projets individuels, rejet de l’avenir en entreprise, activité de conseil ou création d’entreprise), refusant toute responsabilité d’encadrement et attachés à des réseaux professionnels.

2.3. LE COURANT DE LA « SOCIOLOGIE DES CURRICULA » EN SOCIOLOGIE

Documents relatifs