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L’apprentissage dans le sillage des politiques publiques

CHAPITRE 6 : Les politiques publiques d’emploi et de formation

2. HISTORIQUE ET CONTOURS DES POLITIQUES DE L’EMPLO

2.3. LE CADRE DES POLITIQUES DE L’EMPLO

Afin d’informer les acteurs du domaine de l’emploi, politiques ou partenaires sociaux, il est nécessaire d’emboîter l’économique et le social et de replacer les évolutions dans une perspective historique sans faire l’impasse sur le contexte européen. Car la politique économique est un élément déterminant de l’efficacité de la politique de l’emploi. Malgré

248 Dutheillet de Lamothe, O. (2002). Au carrefour de l’économique…, op. cit., p. 98.

249 Dinnsau-Ensai, L. (2000). « Les Réductions du temps de travail d’un dispositif à l’autre ». Premières

tout, l’opposition traditionnelle – et pourtant inopérante – entre politique économique et politique sociale demeure, considérant que la première favorise les entreprises et les employeurs et que la seconde se trouve plutôt du côté des salariés.

La thèse soutenue par Olivier Dutheillet de Lamothe est la suivante : une politique de l’emploi ne peut être étudiée et analysée séparément d’une double dimension économique et sociale. L’état de l’emploi est, en effet, le produit de la situation économique d’un pays. La politique de l’emploi n’intervenant qu’à la marge sur le taux d’emploi pour en améliorer le niveau en phase de croissance et en amortir le ralentissement en période de récession. Si la politique économique est déterminante, la dimension sociale est quant à elle essentielle. Partant du principe que chaque citoyen a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi, la politique de l’emploi joue un rôle fondamental sur le plan social en permettant, d’un côté, aux chômeurs et aux personnes les plus éloignées de l’emploi (jeunes, salariés âgés, femmes, etc.) de s’insérer sur le marché du travail et en encourageant, de l’autre, un arbitrage économique favorable à l’emploi, en particulier dans le contexte d’automatisation des processus de production.

2.3.1. Le cadre intellectuel

Trois principales notions de base sont utilisées dans le cadre de la réflexion sur les politiques de l’emploi : la notion de chômage, celle de taux d’activité et d’emploi et celle de création d’emploi. Il nous paraît donc important de nous arrêter quelques instants sur ces différents concepts.

Le groupe des chômeurs regroupe l’ensemble des personnes à la recherche d’un emploi (demandeurs d’emploi en fin de mois, DEFM) inscrites à l’ANPE. Depuis le 5 janvier 1992, deux catégories de demandeurs d’emploi sont comptabilisées dans la définition officielle des chômeurs : les personnes inscrites à l’ANPE recherchant un emploi à temps plein et à durée indéterminée et ayant exercé une activité occasionnelle ou réduite de moins de 78 heures dans le mois (catégorie 1) et celles inscrites à l’ANPE recherchant un emploi à temps plein et à durée indéterminée mais ayant exercé une activité de plus de 78 heures au cours du mois considéré (catégorie 6). D’autres catégories d’importance plus relative existent selon la nature de l’emploi recherché : CDI à temps partiel (catégorie 2 et 7), CDD (catégories 3 et 8). Le BIT (Bureau international du Travail) considère les chômeurs comme des personnes sans

emploi, à la recherche effective d’un emploi et immédiatement disponibles. Le chômage des jeunes correspond au nombre de demandeurs d’emploi parmi les hommes et femmes actifs de moins de 25 ans. Cette notion est à manier avec précaution puisque les jeunes actifs (qui ont un emploi ou qui sont à la recherche d’un emploi) représentent une part minoritaire de l’ensemble des jeunes de 15 à 24 ans, en raison de l’allongement de la durée des études supérieures. Enfin, les chômeurs de longue durée regroupent les personnes au chômage depuis plus d’un an.

Le taux d’activité est le rapport entre la population active, c'est-à-dire les personnes qui ont un emploi et les chômeurs, et la population totale en âge d’exercer un emploi, à savoir la tranche d’âge 15 – 64 ans. À ce titre, la France marque sa spécificité par un très faible taux d’activité des jeunes (15 – 24 ans) et des travailleurs âgés (55 – 64 ans). Du côté des jeunes, cette situation s’explique en partie par l’allongement de la durée des études, mais également par la marginalité du cumul études – emploi, à l’inverse de l’Allemagne où l’apprentissage s’y exerce à grande échelle. C’est dire à quel point le calcul du taux de chômage ne suffit pas, à lui seul, à rendre compte de la structure de l’emploi par populations dans un pays donné. En effet, comme l’explique Olivier Dutheillet de Lamothe, « il ne tient […] pas compte des personnes qui sont découragées de se présenter sur le marché du travail et qui, de ce fait, ne figurent pas dans la population active. Or, pour les femmes, les jeunes et les plus de 50 ans, ce découragement conduit souvent à une exclusion totale du marché du travail »250. Le taux d’activité est généralement associé au taux d’emploi, rapport entre la population qui exerce un emploi et la population en âge d’en occuper un (15 à 64 ans).

Alors que le chômage représente la partie "malade" de l’emploi, les créations nettes d’emploi en constituent la partie dynamique et vitale. Elles sont le résultat des flux croisés entre les entrées et les sorties du marché du travail sur une période donnée.

2.3.2. Le cadre institutionnel

Trois catégories d’acteurs entrent en jeu dans la conception et la mise en œuvre des politiques de l’emploi : l’État, l’UNEDIC et l’ANPE, et les partenaires sociaux.

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Sur le plan ministériel, on assiste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à une alternance entre, d’un côté, un regroupement au sein d’un même ministère des Affaires sociales et de l’Emploi et, de l’autre, une juxtaposition de deux ministères, l’un en charge du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, l’autre des affaires sociales (santé, sécurité sociale, migrations). Actuellement, il existe un ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité et un ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative. Opter pour un seul et même ministère des Affaires sociales et de l’Emploi offre, cependant, trois avantages : il renforce le poids des Affaires Sociales (face aux Finances), il autorise une négociation globale avec les partenaires sociaux sur l’ensemble des sujets, et il assure le lien entre le financement de la sécurité sociale et l’emploi. Sur le plan des structures administratives, on a assisté à une fusion progressive des organismes chargés de l’emploi et de la formation professionnelle, notamment avec la création des DRTEFP et des DDTEFP.

L’UNEDIC assure, depuis 1958, la gestion du régime d’assurance chômage. Instauré à la suite d’accords collectifs entre les partenaires sociaux, il constitue une parfaite illustration du fonctionnement paritaire français. L’ANPE a, quant à elle, été créée en 1967 en raison du caractère inadapté des services de gestion de la main-d’œuvre mis en place par le ministère du Travail depuis 1945. Elle est en charge du suivi et du placement des demandeurs d’emploi sur le marché du travail ou de la formation professionnelle. Depuis le 24 janvier 2008, l’ANPE et l’UNEDIC ont fusionné au sein d’une seule et même entité. Ce regroupement, s’inscrivant dans un ensemble de mesures plus vastes visant à réformer le Service public de l’Emploi, est destiné à répondre à deux objectifs majeurs à l’horizon 2012 : diminuer le taux de chômage afin de le ramener à 5% et faire progresser de 63 à 70% le taux d’emploi au cours de cette même période, tout en améliorant le service apporté aux demandeurs d’emploi et aux employeurs.

Bien que faisant partie des acteurs qui interviennent dans le domaine des politiques de l’emploi, les partenaires sociaux français ne sont que peu impliqués dans la définition et la mise en œuvre de la politique de l’emploi, par rapport aux partenaires européens. Plusieurs raisons expliquent cette quasi-absence. Tout d’abord, le taux de syndicalisation est beaucoup plus faible en France que dans les autres pays européens (moins de 10% des actifs sont syndiqués à la différence de l’Italie, par exemple, où ce taux atteint près de 40%). Ensuite, la nature même du syndicalisme français explique cette situation. Construit sur un caractère

purement revendicatif, il est l’expression d’une percée révolutionnaire conçue dès le départ comme une alternative à l’action politique. Enfin, les divisions syndicales successives (scission CGT – CGT-FO en 1947 et scission CFTC – CFDT en 1964) n’ont pas contribué à renforcer le poids des partenaires sociaux. Cette déstructuration explique, en partie, l’échec des pactes pour l’emploi comme on les trouve dans la plupart des autres pays européens.

2.3.3. La dépense pour l’emploi

La dépense pour l’emploi représente l’effort financier consacré par la collectivité nationale à la lutte contre le chômage, en faveur de l’emploi : indemnisation du chômage, subventions, allocations, exonérations de cotisations sociales. Les mesures d’abaissement du coût du travail constituent l’une des principales formes de la politique de l’emploi depuis 1993. Parmi l’ensemble des dépenses, on distingue les dépenses dites passives (indemnisation du chômage et incitations aux départs en retraite anticipés) des dépenses dites actives, autres que les revenus de remplacement (aides à l’emploi non marchand, aides directes à la demande de travail marchand, dont les exonérations de charges sociales).

2.3.4. Le cadre communautaire

À l’issue d’un processus long et complexe, l’Europe s’est imposée comme un pilier incontournable dans la définition des politiques de l’emploi. Totalement absentes du traité de Rome, les questions liées à l’emploi font leur apparition sur la scène politique suite à l’évolution de la situation de l’emploi dans les pays européens. Alors qu’une crise brutale et rapide atteint les économies européennes au début des années 1990 faisant perdre près de neuf millions d’emplois en moins de deux ans, le combat contre le chômage devient la priorité de l’Union européenne. L’emploi se place ainsi comme un objectif explicite du traité de Maastricht de 1992 en attendant que soit introduit, dans le traité d’Amsterdam adopté en juin 1997, un nouveau titre (VIII) sur l’emploi. Ayant pour objectif de promouvoir une coordination entre les politiques de l’emploi des États membres afin de renforcer leur efficacité grâce à l’élaboration d’une stratégie commune, ce nouveau titre fait de l’emploi une question d’intérêt commun, à la fois sur le plan communautaire mais également sur le plan paritaire en créant un Comité de l’emploi où sont représentés les partenaires sociaux. Les dispositions du traité d’Amsterdam relatives à la coordination des politiques de l’emploi s’articulent autour de quatre axes : renforcer l’employabilité des demandeurs d’emploi afin

d’améliorer leur capacité d’insertion professionnelle en prévenant le chômage des jeunes et le chômage de longue durée, et en développant les mesures actives en faveur de l’emploi au détriment des mesures passives ; développer l’esprit d’entreprise notamment dans le secteur des services, grâce à une réduction des charges sociales allégeant ainsi le coût du travail ; encourager l’adaptabilité des entreprises et des salariés en s’appuyant, entre autres, sur la formation tout au long de la vie ; et renforcer la parité hommes/femmes en luttant contre les discriminations sexuelles. Ces stratégies s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie globale définie pour cinq ans par le « Plan national d’action pour l’emploi ».

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