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La multiplicité des pôles religieux de la famille

PREMIÈRE PARTIE : LA GENÈSE D’UN LIGNAGE(XI e – XIIIe

FONTAINE – DANIEL

2.3.2.2 La multiplicité des pôles religieux de la famille

Si l'on prend en compte les différents établissements ecclésiastiques ayant reçu des donations de la part des Craon, de Robert le Bourguignon à Maurice V, en prenant soin de préciser les différents lieux d’inhumation, nous pouvons confirmer que l’abbaye de la Roë fut certes le pôle religieux de la famille, mais elle ne fut pas le seul établissement à bénéficier des largesses de la famille : ce n’était pas un lien exclusif.

D’ailleurs, le contenu des chartes nous indique que les relations entretenues par les seigneurs de Craon avec l’abbaye de la Roë ne furent pas toujours au beau fixe et ils ne furent pas toujours d’accord. Cette situation était finalement assez logique, étant donné qu’il s’agissait de rapports personnels : des querelles de personnes pouvaient amener au refroidissement de ces relations. Ainsi Hugues de Craon refusa-t-il de reconnaître les limites du don que son grand-père, Renaud, avait fait à l’abbaye, limites pourtant initialement marquées par des incisions dans les arbres.200 Jean-Claude Meuret pense que ce fut à partir de ce moment que

198

17 juin 1191 : Olivier et Raoul de la Roë, témoins des concessions de Maurice de Craon à l’abbaye quand il partit pour Jérusalem (Cart. de la Roë, t. II, p. 11).

199

Chartrier de la Roë, vol. 45, p. 3.

200

Cartulaire de l’abbaye de la Roë, n° 9 (1128-1130) : Hugo Castri Credonis dominus … metas terre nostre

calumpniatus est, dicens nos terminos a suis antecessoribus traditos transisse. Qua propter eudem Albinum super hac re convenit eique dixit ut vel metas retraheret vel diem constitutam qua super metas venire possent

l’abbaye commença à délimiter ses terres par des talus-fossés circulaires dont le cadastre porte les traces.201 En 1191, une notice résumait la confirmation par Maurice II de Craon des droits de Saint-Nicolas, en des termes identiques que lors de la fondation de la collégiale par Renaud le Bourguignon, avec cependant un ajout intéressant qui précise que l’épouse de Renaud avait fait don à Ballots, d’un four et du droit de ramassage du bois mort dans la forêt de Craon.202

susciperet et tunc eadem circumquamque ostenderet… idem Albinus fines terre nostre cepit per ambulare ac incisuras arborum que eamdem terram terminabant eis demonstrare…

201

J.-C. Meuret, Peuplement, pouvoir et paysage sur la marche Anjou-Bretagne, Société d’Archéologie et d’Histoire de la Mayenne, Laval, 1993, p. 534.

202

B. de Broussillon, La Maison de Craon, t. I, p. 116-117, acte 178 (1191) : concessit etiam ejusdem Raginaldi

uxor terram quam habebat juxta praedictum castrum super ripam Olidonis, apud Balortium, terram ad duas carruscas et unum furnum, et in sua foresta ligna ad furnum calefaciendum… similiter dedit praedictus Raginaldus totum boscum canonicis illius ecclesiae ad quaecumque vellent et possent adquirere ad usus acclesiae suae et eorum hominibus et medietariis ad domos construendas et ad caeteros usus eorum…

Les détails précis de cette notice postérieure de 100 ans à la donation effective par Renaud nous amènent à penser que Maurice II de Craon souhaitait favoriser sa collégiale Saint-Nicolas en couchant par écrit des droits qui n’avaient cessé d’être mis en cause au cours du XIIe siècle par l’abbaye de la Roë.203 Ce fut justement à Ballots en 1196 que Maurice II de Craon fonda les Bonshommes de Craon.

Une pièce originale204, transcrite sous le n° 197 du cartulaire de la Roë, datée de 1250 par le scribe, évoque un autre différend entre l’abbaye de la Roë et le seigneur de Craon, Maurice II. L’acte mentionne le château de Poiltrée, bâti par Hugues, seigneur de Craon à l’extrémité de ses possessions et tout près de l’abbaye. Simple motte avec palissades à ses débuts, ce site de Poiltrée devint le centre d’une petite population ; un étang avec moulin, un four, une carrière importante, un pont de pierre, une chapelle sous le patronage de Saint Georges, des « bourgeois » et des manants y étaient signalés dès le XIIe siècle.

Les oblations faites à la chapelle située sur le territoire de Ballots ne tardèrent pas à devenir une source de rivalités entre le chapitre de Saint-Nicolas de Craon et l’abbaye de la Roë. Maurice, seigneur de Craon, pour favoriser son chapitre de Saint-Nicolas, voulut forcer les habitants de Poiltrée et de la région à se rendre à cette chapelle : l’abbaye réclama et l’affaire fut portée devant les évêques de Rennes et d’Angers qui condamnèrent le seigneur de Craon. Celui-ci reconnaissant ses torts rendit les oblations et fit don aux religieux du moulin de Barillé et d’une certaine quantité de terre. Cependant, les chanoines de la Roë ne furent pas possesseurs de Barillé pendant très longtemps : trente ans après, un voisin nommé Chennart leur contesta la possession de la moitié du moulin205 et un accord original eut lieu :

203

Abbé Angot, Dictionnaire…, t. I, p. 812-813, art. Craon.

204

Au bas de cette pièce longue de 17 cm et large de 14,5, on voit la place des doubles queues sur lesquelles étaient fixés les 2 sceaux de Maurice de Craon et de l’évêque d’Angers. Ces 2 sceaux sont perdus mais nous pouvons les reconstituer :

- Maurice : un génie monté sur une chèvre.204 Fin XIIe : sceau ovale de 24 mm de haut, pierre gravée : un génie sur une chèvre. Broussillon l’attribue par erreur à Amaury de Craon, fils de Maurice II.

- L’évêque d’Angers : les armes de ce prélat étaient : de gueules à la bande d’or.204 * Au dos de cette charte, on peut lire :

- dans l’écriture du XVIIIe : « Avant 1250, la Roë, Maurice de Craon donne à l’abbaye de la Roë, 12 septerées de terre et le moulin de Barillé, tenu de lui à 12 deniers ; rend les habitants de Poiltrée qu’il avoit fait transférer à Balots et restitue en chapitre les oblations dont il avoit privé les religieus pendant le temps que dura sa haine contreux ».

* Au haut de la charte : « Avant 1250, Maurice de Craon nous donna 12 septerées de terre et le moulin de Barillé tenu de lui à 12 den. de recognaissance »

* Au bas : « Ce Maurice mourut en 1250. Ici, il nous avoit ôté nos paroissiens de Poiltrée pour les transférer à Ballots, mais, par cette charte, il remet les choses sur l’ancien droit et nous restitue en chapitre les oblations dont nous avions été privés pendant ce nuage. »

205

- chaque propriétaire devait avoir une clef des portes à l’eau du moulin, à charge pour chacun de partager à égales portions la mouture et la pêche.

- cet accord réservait cependant aux chanoines un droit de pêche supplémentaire quand ils recevraient un évêque ou un abbé.

Ainsi, les tensions entre les deux établissements fondés par Renaud le Bourguignon, l’abbaye de la Roë et Saint-Nicolas, étaient-elles perceptibles. Pourtant, ces deux fondations répondaient à des objectifs différents, mais complémentaires, pour le seigneur de Craon. Avant 1096, Renaud bâtit dans l’enceinte du château une église sous l’invocation de Saint-Nicolas avec des revenus pour six chanoines, puis huit, mais cette fondation semble avoir été précédée par une petite chapelle construite bien avant le XIe siècle.206 La dimension familiale de la fondation était clairement présentée : à travers cette église, l’autorité châtelaine des Craon était affirmée et le groupe canonial semblait structurellement soumis au seigneur de Craon. Peut-on pour autant parler de patronage seigneurial, avec droit d’admettre les membres de la communauté ou de désigner leur supérieur ? C’était probablement le cas.

Les rapports entretenus par les Craon avec les différents établissements peuvent également s’expliquer par un effet de « mode ». En effet, on s’aperçoit qu’ils avaient des liens très étroits avec l’abbaye de la Roë jusqu’à Amaury I (1207-1226) puis les Bonshommes de Craon reçurent les bienfaits des seigneurs, avant que les Cordeliers d’Angers n’accueillent à partir de 1292 leurs dépouilles.207 On constate ainsi un changement d’horizon touchant les Craon, une référence plus urbaine, une nouvelle polarité de l’espace : les seigneurs de Craon se faisaient enterrer à côté de la maison comtale, non plus à l’intérieur de leur châtellenie ; ils décloisonnaient leur horizon tout en se rapprochant du pouvoir politique. La même remarque peut être faite lorsque l’on regarde les alliances matrimoniales conclues par ces seigneurs. Les Bonshommes de Craon faisaient partie de l’ordre des Grandmontains, ordre plus sévère, plus érémitique, refusant le pouvoir et la richesse ; ils possédaient un cartulaire (ce qui constituait déjà une entorse à la règle), mais moins fourni que celui de la Roë, ce qui rend plus difficile une étude des relations entretenues par les Craon avec cet ordre religieux. Le seigneur de Craon suivait en cela l’exemple d’Henri II Plantagenêt, qui avait fondé vers 1178 le prieuré de la Haye-aux-Bonshommes, près d’Angers : les Grandmontains étaient effectivement bien

206

Acte présenté en annexe, conservé à la bibliothèque municipale de Château-Gonthier et traduit par Bodard de la Jacopière, Notice sur l’église de Saint-Nicolas, Angers, 1862.

207

en cour auprès du Plantagenêt. Une donation faite par Maurice II et un accord entre lui et l’abbé de la Roë sont les actes les plus anciens que nous possédons et sont datés de 1196.208

Les familles de milites du pays craonnais suivirent cette orientation seigneuriale traduisant un schéma pyramidal de la société et des relations sociales. Les pratiques du Plantagenêt étaient imitées par le seigneur de Craon qui, à son tour, les diffusait aux personnages les plus importants de sa cour. Gervais Chaorcin donna ainsi aux Bonshommes de la forêt de Craon sa vigne de la Bretonnière en Saint-Fort209 ; Zacharie II Le Vayer apparaissait souvent dans le cartulaire des Bonshommes de Craon puisqu’il en fut un des bienfaiteurs.210

De la même manière, Maurice de Bouche d’Usure, issu d’une famille liée aux seigneurs de Craon, se fit moine aux Bonshommes sous l’épiscopat de Guillaume de Beaumont (1203-1240). Il apparaît donc que la diffusion de cette « mode » s’opéra lentement mais continua alors que l’Anjou n’était plus la possession des Plantagenêts.

La commémoration funéraire renforçait les liens entre familles de même rang mais permettait également aux Craon, en faisant participer les familles du Craonnais à l’entretien de leur mémoire familiale, de s’attacher leur fidélité et de tisser une structure sociale pyramidale dans laquelle ils se positionnaient au sommet. Un document211, daté de juin 1264, atteste de cette réalité : il s’agit d’une charte émanant de Jean Chaorcin qui cède à l’abbaye de la Roë deux setiers de seigle pour l’âme de ses parents et pour l’âme d’Amaury de Craon. La famille de Chaorcin apparaît régulièrement dans le cartulaire de la Roë et ses membres figurent souvent en tant que témoins des chartes du seigneur de Craon, formant avec d’autres familles du Craonnais la cour de justice du seigneur. Jean IV Chaorcin était fils et héritier de Payen II ; la donation dont il est mention était un don anticipé inter vivos : Amaury de Craon ne mourut en effet qu’en 1269, ce qui prouve l’attachement existant entre les deux compagnons. De plus, ces familles reproduisaient les pratiques commémoratives du seigneur entretenant entre elles des relations complexes et imbriquées. En effet, Suhard de Méral faisait un don212 à la Roë pour l’âme de Jourdain Chaorcin, frère de Payen Chaorcin (mort avant 1150) et oncle de Jean Chaorcin. Se trouvaient alors associées à la commémoration des défunts les familles de rang inférieur et dépendantes des Craon, mettant en place une pyramide sociale complémentaire de

208

G. Ménage, Histoire de Sablé (p. 144) fait remonter cette fondation à l’année 1193, mais la charte originale n’existe plus.

209

P. de Farcy, Cartulaire des Bons hommes, p. 12 (1200).

210

Ibidem, charte 15 (1221) : pour le salut de son père, sa mère et ses prédécesseurs, il confirma un muid de vin sur la dîme de Saint-Martin-du-Limet. En 1227, il donna aux Bonshommes de Craon six setiers de seigle et leur remit deux sols de rente (charte 23).

211

A.D. Mayenne, Cartulaire de la Roë, fol. 76.

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la structure vassalique, qui fonctionnait au moment des expéditions militaires, notamment lors des croisades.

L’abbaye de la Roë joua ainsi un rôle particulier pour les Craon apparaissant comme dépositaire et garant de la mémoire familiale, du moins de leur mémoire écrite sans qu’aucun acte, émanant du seigneur de Craon, ne vienne corroborer cette fondation et l’on aurait pu penser que ce serait la collégiale Saint-Nicolas qui aurait été chargée de cette mission. Le lien avec l’abbaye s’était maintenu mais à la fin du XIIe

siècle, ce n’était plus le seul fil conducteur. Cette évolution ne doit pas nous surprendre car les seigneurs de Craon successifs eurent un souci constant de se rapprocher du pouvoir décisionnel et furent attentifs à l’évolution de la société. De plus, une fondation seigneuriale ne devenait pas systématiquement un pôle de la mémoire de la famille, comme l’avait pu être, par exemple, la fondation de Montierneuf, étudiée par Cécile Treffort.213 Cette abbaye de Poitiers était une fondation pénitentielle à l’origine, œuvre de Guy Geoffroy (mort en 1086) et devint progressivement le berceau de la mémoire ducale. En revanche, la fondation de Thomas de Marle214 ne devint pas un pôle familial : les Prémontrés ne l'avaient peut-être pas souhaité. Si l’on croise les deux cartes, celle des donations aux XIIe – XIIIe siècles effectuées par les Craon et celle des alliances conclues par la famille à la même période, nous nous rendons compte du rapport étroit existant entre les deux, mettant en exergue une logique familiale où les actions charitables et les unions matrimoniales s’entremêlaient dans le but d’assurer la renommée et le prestige du groupe. Que l’on se situe dans la sphère du religieux ou du familial, l’objectif – clairement défini – était d’accroître l’aire d’influence de la famille. C’est ainsi que le déploiement – bien que tardif – des donations vers le nord est le résultat des liens de parenté avec les Mayenne, une famille alliée des Craon dans le cadre d’un système de parenté élargi. Dans tout cela, un élément apparaît curieux : on ne décèle qu'un seul chanoine parmi les fils des Craon et aucun n’a été apparemment religieux à la Roë.

Conclusion

Trois décennies après la concession de la seigneurie de Craon à Robert le Bourguignon par le comte d’Anjou, Renaud, son fils, fondait la collégiale Saint-Nicolas à l’intérieur de son

213

C. Treffort, « La mémoire d’un duc dans un écrin de pierre : le tombeau de Guy Geoffroy à Saint-Jean-de-Montierneuf », CCM, 47, 2004, p. 249-270. Une grande partie des informations provient de la chronique dite du moine Martin rédigée au début du XIIe siècle et intitulée De constructione monasterii novi Pictavis destiné à raconter, d’un point de vue événementiel, les premiers temps du monastère.

214

J. Chaurand, Thomas de Marle - Sire de Coucy - Sire de Marle, Seigneur de la Fère, Vervins, Boves, Pinon et

château de Craon, et participait quelques années plus tard à l’érection de la paroisse de la Roë située à l’extrémité occidentale de sa seigneurie en zone forestière, point de contact entre différents pouvoirs et influences. La forêt de Craon représentait en effet un espace forestier étendu, jouxtant la forêt de la Guerche, et les limites entre ces deux espaces étaient floues. L’église de la Roë connaissait des influences très diverses : elle était au carrefour d’influences bretonnes et angevines.

Ces deux fondations avaient des objectifs différents mais complémentaires : à travers la fondation de Saint-Nicolas, le seigneur de Craon affichait publiquement à la fois sa puissance châtelaine face aux seigneurs locaux mais également sa volonté de suivre la politique religieuse du comte d’Anjou, son seigneur et bienfaiteur, qui avait bâti à Angers une église sous le même nom. Et cette fondation canoniale avait pour but à l’origine d’assurer la célébration liturgique de la famille. La création de la paroisse de la Roë permettait au seigneur de Craon de prendre le contrôle d’une région frontalière convoitée par les voisins bretons et de confirmer ainsi son attachement à l’Anjou : c’était un acte public assimilé à un geste de paix chrétienne. De plus, la prise en main de l’abbaye le distinguait de la première maison des Craon, dont les membres se faisaient enterrer à Saint Clément fondé au Xe siècle par Suhart le Vieux. Si ce souci de légitimité n’a plus de raison d’être au moment de la composition du cartulaire de la Roë à la fin du XIIe siècle, en revanche, un siècle plus tôt, c’était certainement une préoccupation du seigneur de Craon, qui avait évincé les droits de l’ancienne famille. Nous devons ainsi distinguer d’une part l’érection de la paroisse en 1098 et la fondation de l’abbaye début du XIIe

siècle et d’autre part son cartulaire composé à partir de la deuxième moitié du XIIe siècle, lequel contient les actes de fondation et de bénédiction épiscopale. Les contextes étaient différents et les personnages aussi : ce n’était plus Renaud le Bourguignon mais Maurice II qui se trouvait à la tête de la seigneurie, et des chanoines conformistes, chargés de la rédaction du cartulaire avaient succédé à Robert d’Arbrissel, dont le dépouillement et la rupture avec le monde relevaient d’un idéal. Les rapports entre les deux parties s’étaient maintenus mais étaient devenus plus complexes et les intérêts pouvaient diverger ; c’est peut-être l’une des raisons qui amena la communauté à mettre par écrit les avantages acquis. L’acte de fondation, qui apparaît sous forme de notice dans le cartulaire, nous laisse entrevoir une vision a posteriori des événements : les préoccupations et les centres d'intérêt des uns et des autres avaient changé. La concession de Renaud le Bourguignon aux ermites de la Roë en 1096 représentait avant tout un acte personnel, émanant du seigneur du lieu, sans qu’il y ait à l’origine la volonté de fonder un établissement seigneurial et ce n’était

que dans un second temps, au XIIe siècle, que la structure réformée et reconnue par le pape allait devenir un « monastère familial ».

Cela ne signifiait pas pour autant que les Craon se détournaient de leur chapelle castrale. En effet, la collégiale Saint-Nicolas continuait à poursuivre la célébration liturgique que lui avait confiée la famille de Craon dès la fin du XIe siècle plaçant les deux établissements ecclésiastiques en concurrence au siècle suivant, ce qui est perceptible dans le cartulaire. Malgré l’intense activité religieuse du seigneur de Craon et les diverses fondations ecclésiastiques correspondant à un effet de mode, l’abbaye de la Roë conserva, jusqu’au XIIIe

siècle, son rôle de clef de voûte de la mémoire liturgique de la famille sans qu’il y ait eu à l’origine un acte de fondation émanant du seigneur de Craon.

De plus, l’église de la Roë, devenue bourg monastique, constitue un cas exemplaire d'aménagement rural et si le seigneur de Craon n’en avait pas conscience au moment de la concession du bois aux ermites, il est indéniable que l’entreprise de défrichement effectué par la suite sous l’impulsion de cet établissement fut encouragée par les seigneurs de Craon, comme l’attestent différents actes : implantée en pleine forêt de Craon, la Roë fut, dès son origine, une terre de défrichement qui donna naissance à une paroisse, pourvue d’une immunité totale, ce que n’avait pas souhaité au départ Robert d’Arbrissel. En soutenant