• Aucun résultat trouvé

La commémoraison : une affaire familiale 143

PREMIÈRE PARTIE : LA GENÈSE D’UN LIGNAGE(XI e – XIIIe

2. La fondation de l’abbaye de la Roë : un élément fondamental de la mémoire familiale des Craon ? des Craon ?

2.3 L’émergence d’une mémoire familiale à connotation religieuse

2.3.1.1 La commémoraison : une affaire familiale 143

Les notices mentionnant des donations pieuses constituent une partie conséquente du corpus documentaire des Craon jusqu’au XIIIe

siècle. Ensuite, elles deviennent éparses, ponctuelles, noyées dans une documentation plus riche et plus diversifiée ; de plus, leur nombre se réduit très nettement mais sans disparaître. Ce constat traduit-il un changement dans la spiritualité et les pratiques des Craon dont le tournant se situerait au XIIIe siècle ou bien cela ne relèverait-il que d’un problème documentaire ?

Parmi ces actes évoquant des donations, quinze mentionnent de manière précise le but de celles-ci : entretenir la mémoire des défunts et assurer leur salut. Cependant, jamais le salut n’est envisagé de manière individuelle. Les auteurs des actes associent systématiquement le sort de leur âme à ceux de leurs ancêtres ou parents. Une seule notice144 mentionne la préoccupation du seigneur de Craon pour le salut d’un étranger de la famille : elle émane de Robert le Bourguignon en faveur du comte d’Anjou, attestant la nature particulière de leur relation. L’entretien d’une mémoire familiale apparaît ainsi être une préoccupation de l’ensemble du groupe familial.

Les abbayes de la Roë et des Bonshommes de Craon constituent le pivot de cette mémoire funéraire : 50 % des actes les chargent de cette mission. Cela confirme l’idée précédente que nous avons dégagée et rejoint la thèse développée par M. Lauwers145 sur le rôle de l’église aux XIe et XIIe siècles.

Le tableau ci-dessous évoque d’une part la nature des dons effectués par les Craon « pour le salut de leur âme » ou « pour la mémoire de leurs ancêtres » et d’autre part la nature des services funéraires qu’ils attendaient des communautés ecclésiastiques. Parmi les notices émises par les Craon, seules un très petit nombre d'entre elles stipulent les actions qui devaient être menées. En effet, le rapport entre les mentions précises des services funéraires et les formules pro anima est approximativement de 1/3. Et lorsqu’ils mentionnent ce qu’ils attendent de l’institution ecclésiastique, les indications sont floues : il s’agit le plus souvent de messes funéraires, d’anniversaires, mais la périodicité n’est pas indiquée, les donateurs semblent se désintéresser des modalités liturgiques ou les laisser à la discrétion des religieux.

143

M. Lauwers, La mémoire des ancêtres. Le souci des morts. Morts, rites et société au Moyen Âge, Paris, 1997, p. 329-331.

144

Cartulaire de Saint-Aubin d’Angers, charte DCCCLXXX. Copie BN, latin 17126, p. 168.

145

Référence Date Bien donné Service pro anima

Cartulaire de la Roë, n°13

1128/1130 donation d’un four Messe anniversaire en l’honneur du fils d’Hugues seigneur de Craon

H. 175, fol. 2 (Archives de la Mayenne)

1180 rente annuelle de 5 s. Messe pour le fils de Maurice II, Renaud

H. 175, fol. 2 1180 rente annuelle de 5 s. Messe pour le beau-frère de Maurice II, Amaury de Meulan Cartulaire de la Roë, fol. 102 Avant 1191 1 arpent de la terre de Sablonnière à la Roë

Une lampe près de l’autel principal pour l’aîné de Foulque, demi-frère de Maurice II et fils de Marquise

Tableau 11 : Nature des dons effectués par les Craon pour célébrer leurs morts

Parfois, les indications peuvent devenir précises, comme le prouve l’acte146

émanant de Maurice II de Craon et de sa mère Marquise avant 1191. En contrepartie d’un arpent de la terre de la Sablonnière donnée à la Roë, les religieux devaient pro anima Fulconis entretenir une lampe ardente près de l’autel principal ad lampadarium mortuorum altaris. Il s’agissait de Foulques de Mathefelon147, fils de Marquise, mère de Maurice II de Craon, et de Payen de Vaiges : il était donc le demi-frère de Maurice II.148 Au-delà de l’indication précise du service funéraire que les chanoines devaient effectuer, cet acte nous interpelle sur les contours du groupe familial, ce que nous allons voir dans la seconde partie.

Le deuxième constat que l’on peut dresser concerne la nature des donations, numéraires dans la moitié des cas, mais concédées de manière raisonnée et ne grevant pas trop les finances familiales. Parfois, ces donations sont constituées d’un four ou d’un arpent de terre mais ne paraissent pas suffisantes pour altérer le patrimoine. D’une manière générale, les donations effectuées n’ont pas porté atteinte aux biens familiaux149

et parmi les acteurs de ces donations, un membre du groupe familial se distingue des autres : l'épouse du seigneur de Craon.

2.3.1.2 L’importance de la femme et de la cellule conjugale dans cette mémoire liturgique. La pérennité des solidarités larges aux XIe – XIIe siècles.

À la suite des travaux de Georges Duby sur le lignage, les historiens admettent un changement des structures internes de la famille aristocratique associé à une transformation

146

A.D. Mayenne, Cartulaire de la Roë, fol. 102.

147

Une notice de Maurice II en faveur des chanoines de Saint Nicolas de Craon datant de 1191 mentionne déjà la mort de Foulques de Mathefelon (Chroniques Craonnaises, p. 596).

148

« Mauricius de Credone et Marquisia mater ejus pro anima Fulconis fratris… » Cartulaire de la Roë, fol. 102.

149

Dans une approche économique et sociale, Georges Duby expliquait la désagrégation des patrimoines laïcs au début du XIe siècle par les donations pieuses auxquelles s’ajoutaient les partages successoraux. Le don retranchait des biens des patrimoines mais n’était pas compensé par la redistribution d’avantages visibles (G. Duby, La société aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, rééd., Paris, 1988, p. 61-62, 68-73, 221-224 ;

G. Duby, Guerriers et paysans, VIIe-XII e siècle. Premier essor de l’économie européenne, Paris, 1973, p. 60-69,

sociale et institutionnelle aux Xe et XIe siècle : on assisterait alors à l’évolution d’un groupe de parenté élargie vers un lignage patrilinéaire ayant pour conséquence une réduction de l’influence de la parenté cognatique.150

Ils constatent de profondes mutations à cette période et insistent sur un resserrement familial autour de la cellule conjugale (d’une durée limitée), s’accompagnant de l’abandon des relations élargies au profit de la parenté agnatique. Cela signifierait alors une individualisation de chaque groupe familial à connotation patrilinéaire.151

Dans cette partie, ce sont les quinze actes portant la mention « pour le salut de l’âme » qui nous intéressent. Le tableau ci-dessous précise quelles personnes sont célébrées par le groupe familial. Le salut n’étant pas envisagé de manière individuelle par les Craon, il apparaît que seules quelques individualités devaient rester à la postérité, être honorées par la famille. Il s’agissait avant tout d’une affaire familiale et ce tableau nous donne quelques renseignements sur les contours de ce groupe.

Sources Date Seigneur concerné ou dame de Craon

Nombre de chartes

1 - - - 0

2

Cart. de la Roë, fol. 12v

1128-1130

Hugues

5

A. D. Mayenne H. 175, fol. 2 1180

Maurice II Cart. hôpital Saint-Jean d’Angers,

n°LXXII

Fin XIIe s. Cart. Bons Hommes de Craon, fol. 220. 1217

Amaury

Ibidem, fol. 176 1224

3 A.N., L. 974, n° 931 Sd. Fin

XIIe s.

Isabelle de Meulan en faveur de Geoffroy de Mayenne et de Maurice II

2

A.N., L. 974, n° 936

4

Dom Piolin, Histoire de l’Église du

Mans, t. III, p. 663

1067 Robert le Bourguignon et Avoise

5

Cart. Saint-Aubin d’Angers, n° CCCCXV

1093-1106

Berthe, femme de Robert le Bourguignon

A. D. Mayenne H. 175 fol 2 1180 Maurice II

Cartulaire de la Roë, fol. 102 1191 Maurice II et Marquise sa mère

A. D. Mayenne H. 194 (12) 1216 Amaury

5. Cartulaire de Saint-Aubin d’Angers

DCCCLXXX. Copie B.N., latin 17126, p. 168

1096 Robert le Bourguignon en faveur

du comte d’Anjou 1

1. Actes où le salut est envisagé par l’auteur de manière individuelle « pro salute mea » 2. Pour le salut des ancêtres (antecessores, predecessores).

3. Actes associant l’auteur et son conjoint

4. Actes où l’auteur associe au salut le groupe fraternel et / ou les parents de sa femme 5. Actes où l’auteur associe au salut un étranger de sa parenté

Tableau 12 : Membres du groupe familial honorés par le seigneur ou la dame de Craon

150

G. Castelnuovo, Seigneurs et lignages dans le pays de Vaud, Lausanne, 1994, p. 120.

151

L’évocation des antecessores apparaît fréquemment dans les actes et il est tentant de l’expliquer en évoquant les thèses traditionnelles des historiens sur les structures de parenté, c’est-à-dire la substitution au XIe

siècle d’un modèle de parenté verticale, privilégiant l’ascendance, au modèle horizontal privilégiant l’alliance qui aurait jusqu’alors été dominant. La référence aux antecessores, de plus en plus fréquente dans les actes, reflèterait ce changement.

Il faut cependant apporter quelques réserves à cette interprétation. D’une part, les

antecessores, predecessores évoqués dans les actes ne sont jamais définis avec plus de

précision. Les ancêtres sont mentionnés de manière collective et renvoient à l’ensemble des membres défunts du groupe familial sans qu’apparaisse dans les chartes une désignation nominative et personnelle. D’autre part, il apparaît que l’auteur se préoccupait du salut de son groupe fraternel et / ou des parents de sa femme autant que de ses ancêtres ou descendants : 40 % des chartes mentionnent l’attention de l’auteur pour le groupe de parenté élargi. De plus, si les donateurs évoquent leurs ancêtres, concrètement ils ont besoin de l’assentiment de leurs frères, de leurs sœurs, de leurs collatéraux.

Références Date Contenu Nb 1 Cart. la Roë, n° 13

1128-1130

Donation effectuée par Hugues pour l’anniversaire du décès de son fils Renaud

4

Cart.la Roë, H. 175 fol. 2 1180 Don de Maurice II pour son fils Renaud et Amaury de Meulan

Arch. Dép. Mayenne, H. 194 fol. 12

1216 Amaury confirme ses dons à la Roë

Cart. Bonshommes de Craon,

fol. 176

1224 Amaury confirme les dons de ses ancêtres

2 A.N., MM 746, 155 1208 Don de 100 s. manceaux par Guy VI de Laval au prieuré d’Olivet pour le salut de Maurice III, frère de sa femme 3 A.N., L. 974, n° 931 Sd. Fin

XIIe s.

Isabelle de Meulan pour le salut de Geoffroy de Mayenne et de Maurice II de Craon

A.N., L. 974, n° 936

3 Dom Piolin, Histoire de l’Eglise du Mans, t. III, p. 663

1067 Don de Robert le Bourguignon et Avoise à Marmoutier pour les âmes de Geoffroy, frère d’Avoise et d’Henri et de Guy, frères de Robert

3

A. D. Mayenne, H. 175, fol. 2 1180 Maurice II fonde l’anniversaire d’Amaury, frère de sa femme Isabelle à la Roë

4 Chronicorum comitum Pictaviae, dans Historiens des Gaules, XII, 409

1131-1137

Don de Théophanie de Craon à l’abbaye de Mauléon pour l’âme de Maurice I et Théophanie, ses parents 3 B.N., N.A.L., 1254 fol. 27 1208 Dons de Juhel III de Mayenne, demi-frère de Maurice II, à

Fontaine-Daniel des dons pour l’âme de Maurice III

Cart. Fontaine-Daniel, p. 72 1216 Constance ou Clémence de la Garnache fait don à Fontaine Daniel avec l’accord de Maurice III, son frère, d’une rente pour le repos de son frère Pierre de Craon

5 Cart. la Roë, n° 128 1150-1170

Don de Maurice II à la Roë à la demande de sa mère et de Guillaume de la Guerche,

3

Ibidem, fol. 102 Av. 1191

Don à la Roë par Maurice II et Marquise sa mère pour l’âme de Foulques, leur demi-frère et fils

3 - B.N., 1254 fol. 27 3 - 1216 Don d’Isabelle à Fontaine-Daniel pour le repos de l’âme de son fils Pierre de Craon

1. Actes émanant du seigneur

2. Actes émanant de la belle famille du seigneur. 3. Actes émanant du couple

4. Actes émanant des frères et sœurs du seigneur de Craon

5. Actes émanant du seigneur de Craon et de sa mère ou de la mère seule

Tableau 13 : Membres du groupe familial entretenant la mémoire des défunts : la place prépondérante de la femme

Prenant en compte l’ensemble des vivants, ce tableau met en valeur des idées d’une autre nature que le précédent et évoque les membres du groupe familial participant aux donations dans le but d’entretenir la mémoire des défunts. Un acteur se distingue des autres : l’épouse du seigneur de Craon, agissant conjointement avec son mari ou en tant que mère. Sur quinze actes où figure la mention « pour le salut de l’âme », le 1/5 émane du couple et 40 % des actes font référence à l’intervention d’une femme : en tant qu’épouse ou en tant que mère et veuve en nombre similaire.

Le rôle de la femme dans la célébration des défunts semble essentiel mais il paraît difficile de le quantifier eu égard au problème de sources qui font rarement référence aux femmes.152 Cette contrainte documentaire paraît moins pesante en ce qui concerne d’une part, Agnès de Laval, la femme d’Hugues de Craon (mort en 1138) et d’autre part, Isabelle de Meulan, femme de Maurice II (mort en 1196).

L'acte 13, situé au folio 11v du cartulaire de la Roë et présent dans nos annexes (p. 822), nous apporte effectivement un éclairage nouveau à la fois sur le rôle tenu par l'abbaye et sur celui du couple, en particulier de la femme, dans la célébration des défunts. Rédigé certainement après la mort d'Agnès, tunc uxor ejus, cette notice semble être une compilation de plusieurs originaux et fait référence à plusieurs événements. Ce document mentionne que le seigneur de Craon a fait don d'un four, construit auparavant par Agnès, furnum quem fecerat Agnes, à la communauté de la Roë pour l'entretien de la tombe de leur fils aîné, Renaud, pro anima

Rainaldi primogeniti. L'établissement est un des lieux de sépulture des membres de la famille

et le dépositaire de la mémoire funéraire des Craon. La célébration de la mémoire du fils aîné est donc assurée par les chanoines à la demande du seigneur de Craon et de son épouse, qui précisent d’une part, la nature du service : l’entretien de la tombe et d’autre part la nature du don : la donation d’un four.

Hugues de Craon charge ainsi l’abbaye d’assurer l’entretien de la tombe du défunt, déléguant cette responsabilité, mais il veille à l’application des services qu’il a confiée à l’institution ecclésiastique et participe physiquement et matériellement à l’entretien de la mémoire familiale. Il apparaît ainsi qu’en dehors des institutions ecclésiastiques, personne n’assurait la mémoire funéraire : la famille de Craon entretenait et conservait leur mémoire par l’intermédiaire des communautés ecclésiastiques. Cependant, le groupe familial choisissait les initiateurs de leur mémoire : ils pouvaient maintenir ou confier à une autre abbaye cette mission ; s’ils s’en remettaient à l’institution ecclésiastique, spécialiste de la mémoire, ils choisissaient en revanche les acteurs de cette conservation.

Cette donation pieuse émane du seigneur de Craon qui sollicite l’intervention de la communauté et il se rend accompagné de son épouse sur la tombe de Renaud : le père et la mère sont venus rendre un dernier hommage à leur fils aîné. Non seulement se dégage, à travers cette notice, l'image de la famille chrétienne mais les deux parents viennent accompagner respectivement de leurs hommes et chevaliers : quando supra dicta Agnes venit

visitare sepulturam Raginaldi adduxit secum plures milites de Lavallensi patria et domnus

152 Pour une approche d’ensemble voir, J. C. Ward, English Noblewomen in the later Middle Ages, Londres, 1992, p. 147-154.

Hugo multos de Credone. Agnès se trouve ainsi accompagnée de nombreux seigneurs du pays

de Laval plures milites de Lavallensi patria probablement des alliés de la famille de Laval ou des membres de cette même famille sans qu’il soit possible de les identifier.

À travers cette notice, il apparaît que la commémoration des défunts ou plus précisément d’un fils aîné décédé relève de la responsabilité commune du père et de la mère : cela rejoint la thèse de P. Geary et corrobore l’idée précédente d’un resserrement familial autour du couple conjugal.

La mention d‘Agnès, seule, sans la présence de son époux, mérite cependant une attention particulière. D’après Bertrand de Broussillon, Agnès de Laval était la fille d’Hamon de Laval et d’Hersende et la sœur de Guy III, seigneur de Laval153

; elle se serait mariée à Hugues de Craon vers 1124. Elle serait morte en 1130 mais nous ne savons pas l’endroit où elle fut enterrée.

Se trouvent ainsi concernés par la commémoration de l’anniversaire d’un fils de la famille de Craon, des alliés, des amis ou des membres de la famille de Laval, c'est-à-dire la parenté de la mère du défunt, épouse du seigneur. Sont ainsi maintenues des relations entre les membres de deux groupes familiaux distincts dans le but de s'associer à cet hommage mortuaire. Cette notice, datée du XIIe siècle, nous éloigne du schéma lignager présenté par les historiens, caractérisé par une structure agnatique et patrilinéaire et nous permet à l’inverse d’avancer l’idée d’une pérennité des solidarités larges et le maintien de l’influence de la parenté cognatique. De la même manière, quelques décennies plus tard, en 1208, Guy VI de Laval donnait au prieuré d’Olivet cent sous manceaux pour le repos de l’âme de Maurice III de Craon : il effectuait cette donation en faveur de son beau-frère, puisque Maurice III était le frère cadet d’Avoise, la femme du seigneur de Laval. Étaient alors maintenues des relations étroites entre ces deux familles par des alliances matrimoniales répétées et la femme assurait un rôle essentiel dans le maintien de ces solidarités. Il est probable que le seigneur de Craon remplissait le même devoir à l’égard de la famille de Laval, même si aucun document ne peut confirmer cette réciprocité ; en tous les cas cela permet de nuancer fortement l’idée de l’abandon des solidarités larges à partir du XIe

siècle.

Quatre décennies plus tard, une autre dame de Craon se mit en avant : Isabelle de Meulan, fille de Galéran comte de Meulan et d’Agnès de Montfort, qui fit preuve d’une réelle activité en tant qu’épouse de Maurice II de Craon, puis en tant que veuve et mère. Veuve de Geoffroy

153

de Mayenne, avec qui elle avait eu un fils, Juhel de Mayenne, elle se remaria en 1170 à Maurice II, alors âgé d’une trentaine d’années; ils eurent six enfants.

Date Qualité Références Contenu

1183

Femme de Maurice II

A.N., L. 974, n° 936 Don à Savigny avec l’accord de ses fils ; le sceau de son mari est apposé à la charte

1190 Léchaudé d’Amisy, Chartes de

Normandie, n° 23 des chartes

de Vignats

Don à l’abbaye des Vignats

1175-1196 A.N., L. 974, n° 931 Don à Savigny pour le salut de Geoffroy de

Mayenne et de Juhel de Mayenne, de Maurice II de Craon et de Maurice et Pierre

1175-1196 A.N., L. 974, n° 936 Id.

1196-1202

Veuve de Maurice II

A.N., L. 974, n° 933 Élection de sépulture à Savigny et répartition de 60 sous de rente reçus par elle en dot.

Dons à diverses abbayes, avec l’accord de tous ses enfants

1196-1207 A.N., L. 974, n° 934 Approbation des dons d’Isabelle par Juhel III de Mayenne son fils

1201 Rymer, année 1201, p. 40 Serment fait à Jean sans Terre par Juhel de

Mayenne et Isabelle

1210 A.N., L. 972, n° 634 Donation d’Isabelle à Savigny

1216 B.N., Nouv. Acq. Latines,

n°1254, fol. 27

Donation d’une rente effectuée par Isabelle à Fontaine-Daniel pour le repos de l’âme de son fils Pierre de Craon

Tableau 14 : Actes d’Isabelle de Meulan

À travers les actes recensés, il apparaît qu’Isabelle, pendant les douze ou treize ans de son mariage avec Maurice II, puis une vingtaine d’années comme veuve, eut à cœur de procéder en personne à des donations pro anima; elle avait accordé tout au long de sa vie la charité aux établissements ecclésiastiques. Mais les donations d’Isabelle de Meulan dépassaient le simple cadre de l’action charitable : deux chartes présentent en effet son rôle dans la perpétuation de la mémoire de son premier mari défunt Geoffroy de Mayenne et évoquent sa préoccupation concernant le salut de son second mari, Maurice II de Craon. Ces deux actes, scellés par Maurice II, sont des donations faites au prieuré de Savigny effectuées « pour le salut de mon seigneur Geoffroy de Mayenne, de mon seigneur Maurice de Craon, de mon fils Juhel et de Maurice et Pierre, mes autres fils ».154 Ce don, destiné au salut de ses deux maris et de ses