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INTRODUCTION GENERALE

1. ETAT DE L’ART : LIENS ENTRE GEOGRAPHIE, BIODIVERSITE, DOMESTICATION ET GESTION DES BIODIVERSITE, DOMESTICATION ET GESTION DES

1.1. La géographie et la conservation de la biodiversité

L’accroissement démographique et économique, associé depuis le début du XIXe

siècle au progrès technologique, a eu pour conséquence des dégâts environnementaux et une destruction de la nature sans précédent (Mathevet et Godet, 2015; Mathevet et Poulin, 2006; Veyret et Simon, 2006). En conséquence, la biodiversité est devenue un enjeu majeur et les sciences du vivant visent aujourd’hui à comprendre les causes de la perte de ces ressources naturelles en même temps que promouvoir leur utilisation durable (Mathevet et Poulin, 2006). L’apport récent des sciences humaines et sociales, notamment de la géographie, souligne l’importance de considérer la biodiversité dans son contexte territorial (Veyret et Simon, 2006). Les géographes s’intéressent en effet aux différents enjeux que la biodiversité représente pour les sociétés dans leur interaction permanente avec la nature (Bazile, 2014).

Les changements d’origine anthropique de la Nature amènent à s’interroger sur la place des humains dans la Nature et sur leurs relations à cette Nature (Mathevet et Marty, 2015; Mathevet et Poulin, 2006). Aux XVIIIe et XIXe siècles, la perception de la Nature s’appuyait sur deux idées principales : celle d’une Nature harmonieuse en état d’équilibre en l’absence d’anthropisation, et celle de l’Homme comme agent responsable de la dégradation de cet état de Nature originelle (Veyret et Simon, 2006). Au cours du XIXe

siècle, les discours conservationnistes se renforcent et opposent Nature et Société (Moreau 2005 in Veyret et al. 2005). Cette opposition trouve sa justification dans l’écologie qui s’intéresse au vivant mais exclut l’Homme de la « science des écosystèmes » (Bazile, 2014; Veyret et Simon, 2006). La protection de la nature sous les statuts de parcs naturels ou de réserves vont ainsi exclure les sociétés humaines. Toutefois, certains auteurs comme Jean-Claude Lefeuvre reconnaissent « l’homme comme un élément structurant des écosystèmes et des paysages, comme “une source de

perturbations, comme un nouveau moteur de l’évolution par les changements qu’il impose à la planète” » (Lefeuvre 1981 in Veyret et Simon, 2006).

A la fin du XXe siècle, le débat sur la biodiversité s’est progressivement déplacé de l’écologie à l’économie, au social et au culturel (Veyret et Simon, 2006). Pour la géographie, qui étudie depuis longtemps les modifications anthropiques de la Nature (Marsh, 1864; Reclus, 1866, 1869 in Mathevet et Marty 2015), la conservation de la biodiversité met en jeu des phénomènes géographiques. La géographie se propose aussi d’étudier les organisations sociales selon leurs conditions de production et de reproduction dans l’espace (Bazile, 2014), dans une perspective qui intègre l’évolution des territoires concernés (Veyret et Simon, 2006).

La compréhension des problèmes de conservation de la biodiversité fait appel à l’interdisciplinarité. Elle doit intégrer le savoir écologique et les savoirs produits par les sciences géographiques et politiques, par la sociologie, l’économie et les sciences de la gestion (Mathevet et Poulin, 2006), en incluant la dimension éthique comme un élément décisif (Blandin, 2010; Larrère et Larrère, 2011; Maris, 2010). D’un point de vue interdisciplinaire, il y a actuellement en géographie quatre courants qui s’intéressent à la biodiversité (Bazile, 2014). Le premier courant associe géographie et écologie et « […] a surtout des implications dans la biologie de la conservation, la biogéographie, les modèles spatiaux de la biodiversité et du changement climatique, mais aussi et surtout dans l’appropriation du concept anglo-saxon d’écologie du paysage (landscape ecology) par les géographes » (Bazile, 2014).

Le deuxième courant associe géographie et écologie en intégrant la dimension humaine. Ici, le fait de conjuguer l’économie, l’écologie et la société est crucial. Ce courant s’oriente vers les théories de la conservation qui intègrent le développement économique. « L’espace géographique donne alors un sens plus large à l’environnement qui comporte “des éléments naturels et des éléments matériels, mais aussi des personnes, leurs activités, leurs relations, leurs cultures, leurs institutions” (Brunet, 1993). Cela embrasse donc tout ce qui nous entoure et agit sur nous aux différentes échelles d’analyse » (Bazile, 2014). La géographie est présente dans l’analyse des espaces naturels et de la biodiversité en tant que productrice d’une connaissance relative aux acteurs et à leurs décisions, et également aux effets de leurs pratiques sur la biodiversité (Mathevet et Godet, 2015).

Le troisième courant est la géographie économique, qui s’approprie le concept de développement durable « pour traiter de la vulnérabilité des populations en développant le rapport pauvreté/environnement dans les modèles économiques. Cette orientation débouche sur la valeur donnée à la biodiversité et à sa conservation notamment dans le cadre de la fourniture de services à la société » (Bazile, 2014).

Le quatrième courant est l’approche par les communautés de l’accès aux ressources. Les courants précédents montrent que l’engagement d’actions de gestion de l’espace naturel dépend de conceptions normatives qui bornent l’espace des possibles gestionnaires (Mathevet et Marty, 2015). Dans ce quatrième courant, maintenir de l’activité humaine pour favoriser l’hétérogénéité du milieu et considérer les sociétés comme des facteurs de conservation sont vus comme des aspects décisifs dans le maintien de la diversité, de la richesse et, donc, de la stabilité des écosystèmes (Veyret et Simon, 2006). La géographie peut ici contribuer à mieux comprendre les modes de gestion et de partage des bénéfices (Weber, 1995; Ostrom, 1990, 2005, 2009 in Mathevet et Marty 2015), ainsi qu’à analyser les conditions territoriales d’existence de stratégies humaines. Ces stratégies visent à conserver la nature sauvage au sein des espaces humanisés, dans une perspective d’amélioration des conditions de vie des humains comme des non-humains(Mathevet et Marty, 2015). « Les géographes de ce courant de pensée s’appuient sur des approches locales avec une prise en compte des savoirs traditionnels des communautés locales. Pour respecter leurs points de vue et représentations à forte valeur culturelle, la conservation s’est fortement appuyée sur les approches participatives »

(Bazile, 2014). Les travaux de Berkes (1989) et d’Ostrom (1990) ont révélé l’importance de la démarche participative concernant les institutions relatives à la gestion de ressources naturelles renouvelables. « Ces auteurs soulignent l’efficacité limitée de la gestion centralisée par l’Etat et avancent que les communautés sont les plus à même de gérer efficacement leurs ressources, car elles en ont non seulement la capacité, mais également la motivation, puisque leur survie dépend de la préservation de ces ressources » (Barnaud et Mathevet, 2015).

D’une manière générale, la géographie tente d’aborder le problème complexe du rapport Homme – Nature (Veyret et Simon, 2006). Le paysage comme produit visible du milieu géographique est constitutif du territoire (Mathevet et Poulin, 2006) et joue un rôle important dans la préservation des habitats et des espèces. Les mosaïques paysagères sont

le résultat de processus naturels et des pratiques agraires adoptées et adaptées par les sociétés rurales qui ont aussi créé de la diversité génétique par le jeu des multiples sélections et croisements opérés à travers l’histoire de l’agriculture (Veyret et Simon, 2006). Gabriel Rougerie (1988) dans son ouvrage « Géographie de la Biosphère » privilégie l’approche géographique, à travers la biogéographie, pour présenter les grands types de végétation, et il montre comment l’interaction des facteurs temps, espace et milieu conditionne la répartition et l’évolution de la Vie. Il analyse les systèmes organisés à des niveaux croissants : écosystème, géosystème et paysage, où les facteurs naturels et anthropiques jouent un rôle plus ou moins important (Rougerie 1991, 2000 et 2004 in Bazile 2014).

Le territoire est alors un espace produit, issu de l’organisation collective de la société et de la nature, qui permet d’appréhender les actions différenciées des sociétés humaines sur l’espace et la biodiversité (Mathevet et Poulin, 2006; Veyret et Simon, 2006). Lorsque le territoire intègre des acteurs, il est le reflet des actions, des projets et des conflits qu’entretiennent ces acteurs avec leur espace (Veyret et Simon, 2006).

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