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INTRODUCTION GENERALE

1. ETAT DE L’ART : LIENS ENTRE GEOGRAPHIE, BIODIVERSITE, DOMESTICATION ET GESTION DES BIODIVERSITE, DOMESTICATION ET GESTION DES

1.6. La domestication des espèces et les centres d’origine des plantes cultivées

La domestication des plantes s’est faite à la fois dans l’espace et dans le temps (Demol, 2002). Les travaux précurseurs sur l’origine des plantes cultivées selon leur géographie remontent à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, avec les travaux de Humboldt (1767-1835) en Amérique du Sud, suivi par A.P. de Candolle (1778-1841) en Europe, et son fils A. de Candolle (1806-1893) qui a notamment écrit en 1883 le livre intitulé « Origine des plantes cultivées » (Pitrat et Foury 2015). A. de Candolle, botaniste et phytogéographe suisse, pressent le concept de « centres d’où les espèces les plus utiles se sont répandues ». Il est en cela considéré comme le précurseur de la biogéographie (Demol, 2002). Ces recherches ont été poursuivies par Matthias Jakob Schleiden qui montre vers 1850 le rôle des plantes cultivées comme marqueurs parfaits des mouvements humains à travers le monde, et par T. H. Engelbrecht (1853-1935) qui s’intéresse aux méthodes de domestication par rapport aux zones climatiques et aux conditions écologiques (Pitrat et Foury 2015).

Enfin, N. Vavilov (1887-1943) a entrepris de nombreuses explorations dans le monde afin de collecter le matériel végétal (plantes cultivées et sauvages proches), qu’il a accompagné de données explicatives sur les facteurs socio-environnementaux (Bonneuil et Fenzi, 2011). Vavilov constata qu’il existe des zones particulières caractérisées par une grande richesse de formes cultivées pour certaines espèces, il les nomme « centres de diversité ». Il met en évidence que cette diversité génétique est conditionnée par des facteurs climatiques, édaphiques, culturels et ethniques des peuples qui les cultivent (Bonneuil et Fenzi, 2011; Demol, 2002). Les caractéristiques d’un centre de diversité sont ainsi décrites par Demol (2002) :

 « hétérogénéité du milieu (diversité des paysages, multiplicité des cycles culturaux, diversité des parasites),

 multiplicité d’espèces voisines de l’espèce cultivée,  présence d’hybrides interspécifiques (introgression),

 diversité des variétés cultivées (polymorphisme intraspécifique et intrapopulation élevé),

 fréquence élevée de caractères à allèles dominants (indication d’un taux moyen d’hétérozygotie élevé). »

Pour Vavilov, ces centres de diversité correspondent à des centres d’origine des espèces cultivées et de l’agriculture elle-même. Vavilov distingue d’abord sept, puis huit centres d’origine dans le monde (avec trois sous-centres), localisés essentiellement entre 20° et 45° de latitude et plutôt en zones montagneuses tropicales et subtropicales ou semi-désertiques pauvres en oasis (Demol, 2002; Pitrat et Foury, 2015). Les centres d’origine sont les suivants (Figure 1) : Chine (1), Inde (2), Asie centrale (3), Proche-Orient (4), Méditerranée (5), Abyssinie (6), Sud du Mexique et Amérique centrale (7), Pérou, Bolivie, Equateur (8). Deux centres secondaires sont rattachés au centre d’origine (8), les Iles Chiloé (9), et le Brésil et le Paraguay (10).

En 1968, P.M. Zhukovsky ajoute quatre centres à ceux reconnus par Vavilov : Indonésie, Inde et Chine (11), Australie et Nouvelle-Zélande (12), Euro-Sibérie (13), Amérique du Nord (14). Avec cet ajout, P.M. Zhukovsky met en évidence la différence dans la distribution des espèces sauvages et des cultigènes (plantes cultivées sélectionnées par l’Homme) (Demol, 2002).

Figure 1. Les centres d’origine des plantes cultivées, d’après Vavilov et ses successeurs (source de la carte : Demol, 2002).1 : Chine – 2 : Inde – 3 : Asie centrale – 4 : Proche-Orient – 5 : Méditerranée – 6 : Abyssinie – 7 : Sud du Mexique et Amérique centrale – 8 : Pérou, Bolivie, Equateur –

9 : Iles Chiloé, Chili – 10 : Brésil, Paraguay – 11 : Indonésie, Inde et Chine – 12 : Australie, Nouvelle-Zélande – 13 : Euro-Sibérie – 14 : Amérique du Nord.

Pendant la révolution agricole du Néolithique, les sociétés de cultivateurs et d’éleveurs ont introduit et développé les espèces domestiquées dans la plupart des écosystèmes de la planète, les transformant en écosystèmes cultivés (Mazoyer et Roudart, 2017). Du point de vue des espèces, ce processus agricole met en jeu deux types de zone géographique : « la zone d’origine d’une espèce, celle où le progéniteur sauvage est présent ainsi généralement que des espèces sauvages voisines. C’est habituellement dans cette région que la domestication a eu lieu ; et la zone de diversification, où de nombreuses formes ont été sélectionnées par les agriculteurs à partir du premier type domestiqué. Ce peut être la zone d’origine, mais pas toujours » (Pitrat et Foury, 2015).

Le processus de domestication des espèces est un processus de transformation biologique, qui résulte de manière presque automatique des activités de protoculture appliquées à certaines espèces sauvages (Mazoyer et Roudart, 2017). « On peut définir la domestication comme l’ensemble des processus d’évolution d’une population végétale ou animale sous la double contrainte de ses propres aptitudes morphologiques, physiologiques donc génétiques à s’adapter et du pouvoir de l’homme à conduire ces transformations » (Pitrat et Foury, 2015).

Le processus de la domestication des espèces est classiquement décrit en trois stades (Pitrat et Foury, 2015) :

 prédomestication. C’est l’action de populations humaines non agricoles consistant en une protection et une dissémination de plantes et d’animaux jugés utiles. Cette action primordiale a des avantages sélectifs différents de ceux des conditions antérieures, en particulier la dispersion des plantes, phénomène essentiel à ce stade d’évolution ;

 domestication adaptative. C’est la création progressive par l’Homme d’un nouvel environnement favorable à certaines plantes qui se révéleront intéressantes. Il n’y a donc pas encore d’action directe sur la plante, mais de nouvelles adaptations liées aux modifications de milieu entraînent des rapports nouveaux entre les espèces présentes, aussi bien entre elles-mêmes qu’entre leurs formes encore « sauvages » ;

 domestication agricole. C’est l’assujettissement complet par l’action directe de l’homme sur la plante, combinée à l’évolution des techniques culturales. Ce stade est dominé par les facteurs contrôlant le fonctionnement, l’évolution et la diffusion des systèmes agricoles naissants. Le choix des plantes à cultiver revêt une très grande importance.

Cependant, toutes les plantes n’ont pas subi les trois stades de domestication puisque certaines n’ont eu de relations privilégiées avec l’Homme qu’après l’installation de l’agriculture proprement dite. Certains spécialistes estiment que la domestication a non seulement profondément transformé la plante mais aussi, en retour, influencé très fortement les comportements humains induisant des interactions durables (Pitrat et Foury, 2015).

2. LE PEROU ET LE QUINOA, EMBLEMATIQUES DES

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