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Les espèces sauvages apparentées aux plantes cultivées (crop wild relatives, CWR), immense source de potentiel

INTRODUCTION GENERALE

1. ETAT DE L’ART : LIENS ENTRE GEOGRAPHIE, BIODIVERSITE, DOMESTICATION ET GESTION DES BIODIVERSITE, DOMESTICATION ET GESTION DES

1.5. Les espèces sauvages apparentées aux plantes cultivées (crop wild relatives, CWR), immense source de potentiel

génétique

L’importance de la diversité phytogénétique pour améliorer la productivité des agroécosystèmes afin d’assurer durablement la sécurité alimentaire a été largement soulignée depuis plus de 30 ans (Altieri et Merrick 1987; Hoyt 1992; Brown et Hodgkin 2012; Louafi et al. 2013; Dulloo et al. 2015). Les travaux concernés font valoir que l’agrobiodiversité doit être gérée en considérant à la fois sa conservation et ses usages (Louafi et al. 2013). L’agroécosystème comprend des espèces végétales appartenant à trois catégories de plantes qui, ensemble, forment son agrobiodiversité (Wale et al., 2011 in Louafi et al. 2013) :

 « Les espèces de plantes délibérément semées ou plantées pour récolter de la nourriture, des fibres, du bois ou simplement décorer, etc. ;

 Les espèces sauvages apparentées [aux espèces cultivées] et avec lesquelles elles peuvent se croiser. Celles-ci constituent le pool génétique associé aux espèces cultivées (crop wild relatives ou CWR) pouvant évoluer de façon autonome, échanger avec l’espace cultivé ses ravageurs et maladies, et parfois même être source d’aliments lors des périodes de famine ;

 Les espèces sauvages de l’environnement agricole qui interagissent avec le système de production agricole en fournissant divers services dont ceux de régulation. »

Les espèces sauvages apparentées à des plantes cultivées (crop wild relatives, CWR), qui forment la deuxième catégorie, ont été définies comme des espèces végétales sauvages qui n’ont pas été domestiquées et qui sont plus ou moins étroitement apparentées à une espèce de plante cultivée particulière à laquelle elles peuvent fournir du matériel génétique (Heywood, 2008; Maxted et al., 2006). Ces espèces sauvages apparentées aux plantes cultivées constituent un immense réservoir de variabilité génétique. Elles sont présentes dans une grande variété d’habitats et se sont adaptées aux conditions locales. C’est pourquoi elles représentent aujourd’hui une source génétique potentielle d’adaptation des plantes cultivées face aux changement de l’environnement et des besoins humains (CGRFA, 2015; Hunter et Heywood, 2010a; Maxted et al., 2008).

La domestication a été définie comme l’adaptation de plantes, faite plus ou moins consciemment par l’homme en fonction de ses besoins (Gallais et Ricroch, 2006). Elle a façonné l’agriculture depuis ses débuts dès le Néolithique (Hoyt, 1992; Mazoyer et Roudart, 2017). Mais, en définitive, le nombre d’espèces domestiquées par l’homme est restreint, en raison des prédispositions nécessaires à la domestication et du petit nombre de mutations intéressantes pour l’homme ou favorables au processus de domestication (Gallais et Ricroch, 2006).

L’amélioration des plantes en tant qu’activité, et notamment l’utilisation des espèces sauvages apparentées aux plantes cultivées comme ressource phytogénétique, s’est vraiment développée depuis le milieu du XIXe siècle et a fourni une diversité génétique essentielle pour l’amélioration des cultures (Gallais et Ricroch 2006; Maxted et Kell, 2009 in Kell et al. 2012). Cependant, le potentiel phytogénétique réel de ces espèces sauvages apparentées dépend de l’identification de leurs gènes d’intérêt et de la compréhension de la relation génétique entre l’espèce cultivée et ses parents sauvages (CGRFA, 2015). Il existe en effet différents degrés de parenté qui rendent plus ou moins complexe l’utilisation de ce potentiel. Ces degrés sont fondés sur l’importance des échanges de gènes avec la plante cultivée, ainsi que le conçoit l’approche génécologique, qui « utilise souvent le concept de pool génétique de Harlan et de Wet (1971) pour définir le degré de relation, en se fondant sur la facilité relative avec laquelle des gènes peuvent être transférés entre espèce sauvage et plante cultivée » (Hunter et Heywood, 2010a). Le concept de pool génétique a trois degrés de relation : le pool primaire où les échanges de gènes sont naturellement faciles ; le pool secondaire où les échanges sont possibles mais ne se font pas naturellement (les espèces ne partageant pas la même aire de distribution) ; et le pool tertiaire où il faut l’intervention du génie génétique (Gallais et Ricroch, 2006; Hoyt, 1992; Hunter et Heywood, 2010a).

La notion de conservation des espèces sauvages apparentées aux plantes cultivées est apparue dans les agendas internationaux à partir des années 1990. Le premier Plan d’action mondial pour la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (Global Plan of Action for Plant Genetic Resources for Food and Agriculture, GPA) a été adopté en 1996 lors de la Conférence de Leipzig. Puis, en 2001, les pays signataires du Traité international sur les ressources phytogénétique pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA) ont fait de la

conservation in situ des espèces sauvages apparentées aux plantes cultivées une priorité nationale (Meilleur et Hodgkin, 2004 in Hunter et Heywood 2010). Le deuxième GPA, adopté par la FAO en 2011, a introduit les nouveaux défis tels que le changement climatique et l’insécurité alimentaire. Une des activités prioritaires de ce Plan est la promotion de la conservation de la gestion in situ des plantes cultivées et de leurs espèces apparentées sauvages (FAO, 2012). La conservation in situ consiste à maintenir et conserver la diversité des plantes dans leur habitat naturel (Hoyt, 1992). Cela a pour avantage, par rapport à la conservation ex situ, de permettre aux espèces de poursuivre leur évolution en même temps que les facteurs de leur environnement. Mettre en œuvre une approche de conservation in situ comprend la localisation et la description des caractéristiques du milieu, la gestion active avec les populations humaines locales et le contrôle de la dynamique des peuplements de plantes visées dans leur habitat naturel ou dans l’espace où elles ont développé leurs caractéristiques distinctives (CGRFA, 2015). La conservation in situ inclut les aspects biculturels des communautés paysannes en s’appuyant sur des approches participatives (Bonneuil et Fenzi, 2011). L’ouvrage « Genes in the field » (Brush, 2000) valorise cette approche puisqu’il s’agit de « comprendre la structuration et la dynamique de la diversité génétique sur le terrain, à la rencontre de la génétique des populations et de l’anthropologie des pratiques semencières des communautés paysannes, et de mobiliser ces savoirs pour la conservation in situ » (Bonneuil et Fenzi 2011).

Formellement, la conservation in situ des espèces sauvages apparentées aux plantes cultivées prend place dans des aires protégées comme les réserves et les parcs naturels (Brush, 2000; Maxted et al. 2007; Hunter et Heywood 2010; Maxted 2012), mais les informations détaillées sur ces espèces font défaut en raison de l’absence d’inventaire approfondi (Hunter et Heywood, 2010a). Le nombre total de ces espèces dans le monde reste inconnu ; il a été estimé qu’il y a entre 50 000 et 60 000 espèces cultivées et espèces sauvages apparentées actuellement (Maxted et Kell, 2009 in Dulloo et al. 2015). Or la majorité de ces espèces sauvages apparentées sont présentes en dehors des aires protégées et il y a encore peu d’expériences de conservation hors de ces aires qui prendraient en compte ces caractéristiques (Hunter et Heywood, 2010a; Iriondo et De Hond, 2008). La multiplicité et la complexité des structures politiques et administratives nationales en dehors des aires protégées rendent extrêmement difficile la mise en œuvre d’une stratégie

ou d’un cadre commun de conservation in situ des espèces sauvages apparentées (Hunter et Heywood, 2010a).

Désormais, la gestion des ressources génétiques dans le cadre de l’agrobiodiversité doit concevoir la biodiversité comme un flux permanent qui dépasse les anciennes représentations du vivant érigées par le modernisme du XXe siècle (entre espèces, entre nature et culture, entre sauvage et cultivé, etc.) (Bonneuil et Fenzi, 2011). Étant donné l’hétérogénéité des espèces, des environnements, des menaces et des besoins, il ne peut pas exister un plan unique de sauvegarde de la biodiversité ou de conservation in situ des espèces cultivées et de leurs espèces sauvages apparentées. Aujourd’hui, la conservation et la protection de ces espèces sauvages de l’agrobiodiversité au sens large ne doivent plus opposer les approches in situ et ex situ (Brush, 2000). Trois échelles simultanées doivent être considérées dans cette gestion des ressources génétiques : le niveau géographique, le niveau de management et les aspects socio-économiques (Louafi et al. 2013).

1.6. La domestication des espèces et les centres d’origine des

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