PARTIE III : Les adolescents français, l’École et la culture numérique
Chapitre 4 ‐ Le numérique et les jeunes, une dynamique culturelle
4.1 La culture de l’individu (rang A)
La culture de l’individu mentionnée par Michel de Certeau comme la première des dimensions propres à définir une culture caractérise finalement autant l’individu lui‐même que son milieu. C’est une construction individuelle dans un cadre collectif et c’est un travail que l’individu fait sur lui‐même au sens où nul ne peut le faire à sa place. Rendant compte du capital culturel incarné, concept très proche de la culture de l’individu, Pierre Bourdieu le compare au bronzage, nul ne pouvant bronzer par procuration. L’incarnation du capital culturel est ainsi à la fois processus et état, l’apprentissage et le savoir. C’est la culture de l’individu.
4.1.1 Médiation sémiocognitive (cellule A1)
La médiation sémiocognitive est relative au rôle que les technologies jouent dans la construction des représentations mentales par les individus et leur manipulation. Est donc questionné ici le rôle que les technologies numériques jouent dans les processus d’acquisition de connaissances. C’est aussi là que la rencontre entre l’École et le numérique est la plus visible, là que se pose la question des technologies comme moyen au service des apprentissages scolaires, là enfin que les médias numériques constituent une alternative voire une concurrence aux propositions de l’institution scolaire.
Internet bouscule la hiérarchie des sources d’information
Conformément à ce que l’on sait depuis les années 60, les médias sont progressivement devenus l’une des principales sources d’information des jeunes. Internet succède à la télévision comme source informationnelle de complément voire de substitution aux apports de la famille, de l’École ou des livres. Les jeunes collégiens et lycéens déclarent faire (et font) grand usage d’internet à la maison pour répondre à leurs besoins scolaires, supplantant très
probablement les manuels scolaires qui leurs sont attribués. De même, ils recourent massivement à internet pour s’informer sur tous les sujets qui les intéressent.
De ces nouvelles pratiques découlent plusieurs questions. On s’interroge d’abord sur la capacité des jeunes (et des moins jeunes) à procéder à des recherches d’information efficaces et, depuis les années 90, nombreux sont les travaux qui montrent à la fois la complexité cognitive des procédures de recherche et de traitement de l’information et des difficultés que rencontrent les jeunes pour y faire face. Il a été notamment montré que les caractéristiques des artefacts venaient accroître la charge cognitive propres aux activités de recherche d’information et dégrader en conséquence les capacités attentionnelles et mémorielles dévolues à l’activité (Dînet, 2003). Le bénéfice potentiel offert par la multiplication et l’accessibilité des sources est ainsi contrebalancé par la nécessité de développer des nouvelles compétences informationnelles (identification des besoins d’information, élaboration et exécution d’une requête, évaluation de la pertinence du résultat). La nécessité de disposer de la plupart des compétences préexistait aux technologies numériques. Pourtant, elles sont d’autant plus nécessaires que la fréquence des démarches de recherche d’information s’accroit. D’autre part, une partie de ces compétences est spécifique aux nouvelles formes de médiatisation des procédures de recherche et de traitement de l’information. La maîtrise de ces compétences est clivante au sens où elle contribue à situer la ligne de fracture entre les « info‐riches » et les « info‐ pauvres » (Cerisier, Rizza, Devauchelle, & Nguyen, 2008), les « info‐élus » et les « info‐ exclus » disait Philippe Quéau (2001) à l’orée de la décennie 2000. Pourtant, selon différents travaux, l’École ne semble pas en mesure aujourd’hui d’agir très efficacement sur l’infoexclusion. Cédric Fluckiger (2008) montre les difficultés de mise en œuvre des technologies à l’École, notamment dans le champ informationnel en raison d’un déficit de compétences des élèves ou d’instrumentations très différentes à l’École des artefacts qu’ils mobilisent différemment dans d’autres contextes et à d’autres fins. Dans le cadre de nos propres travaux, nous avons montré l’échec récurrent de l’École quant à la maîtrise de certaines des compétences du référentiel national B2i, renvoyant hors l’École (aux familles en particulier) la responsabilité d’accompagner les jeunes dans la construction de ces compétences (Cerisier, Rizza, Devauchelle, & Nguyen, 2008).
On s’interroge ensuite sur l’évolution du périmètre et de la structure de la culture des jeunes. Deux hypothèses s’affrontent qui reposent finalement sur les questions du contrôle de l’accès à l’information et de l’accompagnement des apprentissages. Sans les médias, l’accès des jeunes (et des moins jeunes) à l’information, quelle qu’elle soit, était rare et essentiellement soumis à la médiation humaine des parents, des enseignants ou d’autres personnes ou institutions d’autorité. L’évaluation du rôle joué par internet dans ces processus mérite d’être réalisée à l’aulne de ce que nous savons de la télévision des jeunes. La télévision a été en ses origines présentée comme « une fenêtre ouverte sur le monde ». À Pierre Bourdieu et autres spécialistes de la télévision qui ont dénoncé la simplicité de cet aphorisme en suggérant que la télévision était avant tout un monde virtuel que le
téléspectateur confondait souvent avec le monde réel (Bourdieu, 1996), d’autres comme Umberto Eco (1985) défendent qu’elle est bien une fenêtre mais qu’elle s’ouvre sur un monde clos, celui du téléspectateur. De même, internet a été annoncé comme « le Monde au bout des doigts ». Pourtant, la réalité des observations de terrain diffère radicalement et confirme ce que suggère notre proposition de modèle culturel de la genèse instrumentale. Les documents recherchés et consultés le sont car ils s’inscrivent à la fois dans la zone proximale de l’individu et qu’ils sont présents dans le potentiel social. Il existe bien des contre‐exemples. Le premier est celui de jeunes inventifs qui, plutôt que de reproduire ou de s’approprier les pratiques de leurs pairs s’engagent dans des voies différentes.
À vrai dire, si notre travail de terrain fait effectivement apparaître de telles personnalités, il montre aussi que cette attitude constitue un pattern que tous les jeunes peuvent endosser en des temps et en des proportions variables. C’est aussi l’erreur créatrice, la sérendipidé qui fait découvrir ce que l’on ne cherche pas, à l’instar de nombreuses découvertes scientifiques comme celle, très célèbre, du « rayonnement fossile » (fond diffus cosmologique) découvert par deux radioastronomes des laboratoires Bell alors qu’ils cherchaient seulement à mesurer le bruit de fond radio généré par l’atmosphère terrestre en 1964. Et l’on sait combien il est facile, lorsque l’on recherche une information, d’accéder à une autre qui peut être très différentes. L’écart des résultats obtenus à la recherche réalisée s’avère même largement corrélé aux compétences de recherche informationnelle. Moins l’on sait chercher, plus l’on trouve d’informations… différentes de celles que l’on cherche. Olivier Ertzscheid et Gabriel Gallezot (2003) évoquent deux types de sérendipité : la sérendipité structurelle et la sérendipité associative. La sérendipité structurelle fait que l’on a tendance à étendre sa recherche d’informations à des documents ou dispositifs présentant des parallélismes formels. Chercher systématiquement des informations dans différents forums plutôt que varier la nature et la forme des sources répond ainsi à un processus de sérendipité structurelle. Nos observations restent pauvres à ce sujet mais il semblent bien que les pratiques de recherche d’information des jeunes répondent au moins partiellement à ces choix structurels qui se traduisent par l’adoption de certains types de sites ou par l’éviction d’autres. La sérendipité associative, quant à elle, procède soit de la sélection de références non pertinentes à l’équation de recherche saisie dans un moteur de recherche soit de l’usage des liens proposés par un document que l’on suit en s’éloignant progressivement du sujet initial.
Par ailleurs, l’abondance de l’information disponible associée à l’utilisabilité des outils qui en permet l’accès a changé le regard des jeunes sur l’information. D’une certaine façon, ils ressentent que la nécessité d’y accéder est inversement proportionnelle à leur disponibilité. Pour Marissa Mayer, vice‐présidente de Google, « l’internet créé le sentiment que tout est connaissable ou trouvable, pour autant que vous pouvez construire la bonne recherche,
trouver le bon outil ou vous connecter aux bonnes personnes »77. Bien évidemment, un tel sentiment ne suscite pas les efforts d’apprentissage dès lors que l’on pense trouver ce dont on a besoin au moment où ce besoin apparaîtra, y compris en cas de maîtrise insuffisante des compétences informationnelles.
Finalement, au‐delà des conséquences de l’usage des technologies numériques en termes d’informations accédées ou diffusées, c’est bien le rapport des jeunes à l’information qui change. Ce que les spécialistes de sciences de l’information qualifient de « culture informationnelle » peut aussi bien désigner les compétences qu’ils estiment nécessaires de maîtriser que les compétences et comportements que les jeunes ont. Cette évaluation varie sans aucun doute considérablement entre les individus mais il semble que se dégage une évolution majeure de cette « culture informationnelle » qui préexistait aux technologies numériques mais qui évolue considérablement. La première concerne la conscience affirmée par les jeunes de l’accès potentiel à quelque information que ce soit. D’une certaine façon la culture se virtualise.
Internet comme portevoix de la parole et de la pensée des jeunes
La grande différence entre dispositifs télévisuels et internet, c’est bien sûr que le premier relève d’une logique de diffusion d’un centre qui a le pouvoir d’émettre vers tous (logique de « broadcasting ») alors qu’internet permet à chacun d’être aussi bien émetteur que récepteur dans une logique de réseau commuté (Guillaume, 1999). La production et la mise en ligne de diverses informations et documents tiennent une grande importance dans les usages privatifs que les jeunes font d’internet hors de l’École (cf. figure n°19), bien plus que dans les trois autres contextes d’usage (scolaires à la maison, scolaires ou personnels à l’École). Les jeunes alimentent en conséquence l’espace dans lequel ils partagent des informations avec leurs pairs. C’est particulièrement notable en ce qui concerne les usages des réseaux sociaux et l’on peut observer la mise à disposition de deux types d’informations : des informations endogènes (produites par les auteurs), des informations exogènes (fléchées par les auteurs). Informations endogènes et exogènes sont les premières auxquelles accèdent les pairs. Elles sont constitutives de l’espace des potentialités sociales les plus susceptibles d’actualisation au sein de groupes de pairs. Le processus n’est pas nouveau mais considérablement amplifié par les possibilités technologiques disponibles. Rapporté à l’analyse des dimensions de la culture proposée par Michel de Certeau, cela implique que les processus d’élaboration de la culture des jeunes ne sont pas seulement soumis, s’agissant d’internet (même s’ils le sont) à la globalisation qui imposerait une sorte de loi universelle mais qu’ils sont ouverts à des orientations culturelles décidées par les jeunes eux‐mêmes. On peut y lire aussi bien de réelles possibilités d’émancipation que le danger d’aliénations communautaristes. Par ailleurs, ces publications relèvent souvent
77 Source Edge annual question 2010, http://www.edge.org/q2010/q10_print.html#mayerm (document consulté le 23 février 2011)
d’une mise en scène de soi‐même, largement facilitée par ces nouveaux médias (blogs, réseaux sociaux). Souvent dénoncée comme le témoignage de l’enfermement de la jeunesse dans un individualisme stérile, elle semble avant tout révéler des comportements propres à l’adolescence. David Le Breton (2008) présente justement l’adolescence comme l’apprentissage de la mise en scène de soi. Pour lui, les adolescents « ne demandent plus seulement aux écrans ce qu’ils doivent penser du monde, mais aussi ce qu’ils doivent penser d’eux‐mêmes ». Les possibilités de s’exposer aux autres offertes par internet rendent plus visibles ces comportements. Elles les transforment aussi, comme nous l’ont dit les jeunes dont certains mobilisent les technologies afin de maîtriser des conditions de leur exposition aux autres. Il est plus facile pour certains de s’exposer de cette façon. D’autres évoquent les jeux de masques auxquels ils se livrent. Il en reste aussi qui font part de leurs préférences pour les relations en face à face.
De nouvelles situations d’apprentissage
Ce n’est pas seulement l’accès à l’information ou la possibilité d’en diffuser soi‐même qui caractérise les modifications apportées par les technologies numériques à la culture de l’individu. Ce sont également les transformations des modalités propres aux activités par lesquelles les jeunes construisent leurs connaissances. Les performances en termes de traitement automatique des données et d’interactions homme‐machine autorisent des activités d’apprentissage, formelles ou non, partiellement ou radicalement nouvelles. Apprendre les mathématiques en dépassant les difficultés du calcul ou en s’abstrayant de la lenteur d’exécution manuelle des constructions géométriques, rédiger avec toutes les fonctions d’assistance proposées par les logiciels de traitement de texte, découvrir l’économie en jouant sur les différents paramètres d’un logiciel de simulation, voilà autant d’activités qui renouvellent les activités d’apprentissage, autant en ce qui concerne les tâches à réaliser que les ressources nécessaires à leur réalisation ou le scénario qui ordonnance ces tâches. S’il est impossible et hors de propos ici de procéder à l’identification et à l’analyse de toutes ces nouvelles activités, cette brève évocation suffit pour affirmer que l’on ne saurait apprendre de la même façon avec ou sans ces technologies qui exercent le potentiel de transformation au cœur même des activités d’apprentissage. Là encore, les modifications induites peuvent aussi bien se révéler utiles que néfastes. Nous l’avons déjà signalé dans le chapitre introductif de ce document : l’usage des technologies numériques pour les apprentissages fait l’objet d’évaluations positives, neutres ou même négatives en termes d’efficacité selon les contextes, les objectifs mais aussi la place et le rôle qui leur sont attribuées. C’est donc bien à une ingénierie des médias pour l’éducation en plein essor qu’il faut confier le soin d’améliorer les performances de l’instrumentation des activités d’apprentissage avec les technologies numériques. Le travail qui reste à accomplir, on le sait, est considérable et, comme nous l’avons montré, les jeunes sont très sensibles à cette question, capables le plus souvent de discerner les instrumentations potentiellement efficaces des activités d’apprentissage d’autres, plus cosmétiques.
Il n’est pas toujours indispensable de comprendre pour faire ni pour réussir ce que l’on entreprend. Il en est ainsi de l’usage des technologies numériques. Certains équipements ou services peuvent être mis en œuvre aussi bien par des novices que par des experts. Cette apparente facilité d’accès masque des usages en fait très différents. Le cas de la recherche d’information en ligne est prototypique. Les compétences minimales requises sont très réduites alors que les usages experts sont d’une rare complexité. Dans ces conditions, l’utilisation prend des formes bien différentes et engendre des résultats très contrastés, plus ou moins pertinents, plus ou moins satisfaisants. Pourtant les adolescents réclament peu d’aide, en particulier sous la forme d’un enseignement sur les technologies numériques. Les discours qu’ils tiennent sur leurs pratiques et les traces qu’ils laissent de leurs activités, notamment mais pas uniquement sur les plateformes de réseaux sociaux, accréditent l’hypothèse d’un déficit de compétences susceptible de leur être préjudiciable. Par ailleurs, à les entendre, les compétences dont ils disposent, quelle qu’en soit l’ampleur, dépendent très peu des apprentissages scolaires, ce qui est parfaitement compatible avec l’organisation des programmes et pratiques scolaires relatives aux technologies numériques. L’équipe de recherche à laquelle j’appartiens procède depuis 2008 à un suivi longitudinal du déploiement du dispositif B2i dans l’Académie de Poitiers (Cerisier, Rizza, Devauchelle, & Nguyen, 2008). Rappelons que le B2i concerne tous les ordres d’enseignement, de l’école primaire à l’université et qu’il vise essentiellement la certification de compétences sans comporter d’enseignements ou d’activités d’apprentissage spécifiques. S’agissant des niveaux collège et lycée, nous avons pu identifier trois lacunes ou dysfonctionnements de ce dispositif. D’une part, en l’absence de toute formation dédiée, le dispositif favorise ceux qui vivent dans un environnement socioculturel favorable sans pouvoir compenser les différences. En second lieu, le dispositif de certification n’exigeant pas que toutes les compétences soient validées pour délivrer le brevet, certaines compétences, plus difficiles que d’autres à construire ne sont pas maîtrisées dans des proportions notables. Il s’agit en particulier des compétences liées au traitement des données numériques et à la compréhension du concept de simulation (notion de modélisation de la réalité représentée). Pourtant ces compétences sont mises en jeu de façon récurrente dans la vie quotidienne des jeunes, à commencer par les usages qu’ils font des jeux (32% des jeunes déclarent jouer aux jeux vidéo contre 8% des filles)78. Par ailleurs, certaines compétences dont on ne peut douter qu’elles soient liées aux technologies numériques ni qu’elles s’avèrent très importantes dans la vie de chacun, sont absentes des référentiels. Il en est par exemple ainsi de la gestion du temps et des formes « multitâches » qu’il prend alors même que les jeunes utilisent abondamment les technologies comme autant d’instruments qui permettent de jouer avec les contraintes temporelles. Si le B2i a montré ses limites, il n’en constitue pas moins une initiative essentielle du début des années 2000 quant au rôle que l’École doit
78 Source : Enquête TNS‐SOFRES 2010, http://www.tns‐sofres.com/_assets/files/2010.11.18‐jeuxvideosados.pdf (document consulté le 13 juin 2011)
endosser pour contribuer à l’acculturation numérique des jeunes. Malgré les discours les plus récents du Gouvernement visant à restituer à l’École un rôle déterminant pour l’équité sociale, des initiatives comme le socle commun de connaissances et de compétences, qui peinent à s’opérationnaliser ne s’étendent peu ou pas à la culture numérique.
4.1.2 Médiation sensorimotrice (cellule A2)
La médiation opérée par les technologies numériques dans notre rapport aux autres et au monde se traduit par des modifications aussi bien sensorielles que motrices, modifications susceptibles d’altérer comme d’enrichir les processus de construction de la culture individuelle des jeunes et leur produit.
Des changements de gestuelle
Le visage caché derrière l’écran d’un ordinateur qui se refuse au contact visuel ; le regard subreptice qui se détourne vers l’écran du Smartphone alors que l’on est pourtant engagé dans un échange en face à face ; l’impossibilité de quitter des yeux l’action qui se déroule à l’écran de l’ordinateur tout en engageant une conversation ; le pouce qui s’agite fébrilement … Quel adulte, parent et/ou enseignant n’a pas vécu mille fois ces scènes ? Peut‐être en aura été lui même l’acteur principal tellement cette évolution des comportements est pour tous corrélée aux caractéristiques techniques des artefacts que nous instrumentons, soit au cadre qu’ils imposent à l’élaboration de nos schèmes d’utilisation.
Il existe manifestement une gestuelle propre à la culture numérique, comme il existe une gestuelle de la culture de l’écrit. La culture de l’individu se construit partiellement devant des écrans et, le plus souvent, de claviers. Olivier Donnat souligne cette prégnance des écrans dans son rapport sur les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique (Donnat, 2009). Les interfaces par lesquelles les jeunes construisent leur culture valorisent ou dévalorisent les différents registres sensoriels. Priorité est donnée aux images, incluant mais de façon minoritaire les images d’écrit (les textes) et valorisant de plus en plus l’image animée et sonore à l’image fixe. L’information s’affiche à l’écran sous forme d’images et, de plus en plus c’est aussi l’image qui fait office de support pour la saisie des informations par les utilisateurs (interfaces graphiques, hypermédias, claviers virtuels … ). Les autres sens restent peu ou pas sollicités (sens kinesthésique, odorat, goût). L’évolution des performances des technologies permet un enrichissement progressif des canalités de la communication. Les échanges audiovisuels synchrones ont succédé aux messageries textuelles asynchrones. Les interfaces haptiques et l’affichage de l’image en trois dimensions rapprochent encore plus les conditions de la téléprésence de celles de la coprésence. Jean‐ Louis Weissberg (2000) définit cette évolution comme une augmentation du « coefficient charnel » dans la communication médiatisée. Il estime que « l’enjeu n’est plus seulement communicationnel mais relationnel. Il ne s’agit plus de transmettre des informations mais de