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Chapitre II: Les Tziganes et le droit international des minorités

A. Le système de protection des droits des minorités

2. Les sources internationales protégeant les minorités en Suisse

2.6. La Convention européenne des droits de l’homme

344. Clef de voûte de l’acquis normatif du Conseil de l’Europe, source in-contournable en matière de droits de l’homme au niveau régional européen, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) a été ratifiée par la Suisse en date du 28 novembre 1974525. Si la Suisse a également adhéré à onze des quatorze Protocoles additionnels à la Convention, elle n’a toutefois pas ra-tifié trois protocoles qui étendent de façon significative son champ

520 VoirinfraSection 3.2.2., a.

521 Etat au 31 juillet 2006.

522 ALFREDSSON(2000), p. 296 ; EIDE(2006), § 5 ; HEINTZE(art. 1), p. 87 ; HEINTZE(art. 3), p. 111 ; H OF-MANNR. (2005B), p. 1015 ; WOLFRUM, p. 1116 ;contraKLEBES, p. 216, qui estime que les Etats sont

«entièrement libres de définir [eux-mêmes] ce [qu’ils] considèrent être une minorité nationale au sens de la Convention».

523 Voir ainsi l’Avis du Comité consultatif concernant l’Albanie relatif à l’exclusiona prioride la commu-nauté égyptienne, ACFC/INF/OP/I (2003) 004, §17-22, ainsi que l’Avis concernant le Danemark concernant l’exclusiona priorides Roms, ACFC/INF/OP/I(2001) 005, § 22.

524 ALFREDSSON(2000), p. 296 ; HEINTZ(art. 3), pp. 111-112.

525 RO 1974 2151.

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d’application matériel526. Consacrant les droits dits de la « première généra-tion »527, la CEDH est directement applicable en droit suisse528.

2.6.1. La CEDH en tant que source de protection limitée des minorités 345. La CEDH n’a pas pour vocation de protéger spécifiquement les mino-rités529. Contrairement à son pendant universel, le Pacte II, le texte de la CEDH ne contient aucune norme garantissant explicitement les droits des minorités.

En effet, la prise en compte des spécificités des minorités par le biais de l’article 14 uniquement, consacrant l’interdiction de la discrimination fondée notamment sur l’appartenance à une « minorité nationale »530, s’avère en soi insuffisante pour assurer une protection équivalente à celle du Pacte II531. 346. L’entrée en vigueur du Protocole n° 12 à la CEDH le 1er avril 2005 n’apporte pas de changement quant à la protection du groupe per se532,bien qu’on ne puisse nier que ses membres voient leur protection juridique renfor-cée533 par la consécration de l’autonomie de l’interdiction de la discrimina-tion534. En raison de ce silence, la CEDH a été considérée pendant très long-temps comme n’offrant qu’une protection minimale aux membres de groupes minoritaires, du fait qu’il n’existe aucune possibilité directe pour ces derniers de saisir la Cour européenne des droits de l’homme en faisant valoir des griefs tirés du droit des minorités535.

347. La Cour européenne des droits de l’homme ne nie pas la réalité de l’existence des minorités elles-mêmes. Affirmant que « la recherche d’une

526 La Suisse n’a pas ratifié le Protocole no 1, du 20 mars 1952 (garantie de la propriété, droit à l’instruction, droit à des élections libres et au bulletin secret), le Protocole no 4, du 16 septembre 1963 (liberté d’établissement, interdiction des expulsions collectives), ainsi que le Protocole n° 12, du 4 novembre 2000 (généralisation de l’interdiction de la discrimination).

527 La CEDH garantit le droit à la vie (art. 2), la liberté personnelle (art. 5), le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance (art. 8), la liberté religieuse (art. 9), la liber-té d’expression (art. 10), la liberliber-té de réunion et d’association (art. 11), mais également le droit à un procès équitable (art. 6), le droit à un recours effectif devant une instance nationale (art. 13) et le principe de non discrimination (art. 14).

528 AUER/MALINVERNI/HOTTELIER(II), N. 92-93.

529 BENOIT-ROHMER(2002), p. 564.

530 Sur cette notion et sa portée dans le système régional européen, voirinfraSection 3.2.2., a.

531 MALINVERNI(Cadre européen), p. 52.

532 Voir ainsi LARRALDE, p. 1251, qui juge qu’en mettant « fin au caractère inutilement limité de l’interdiction de la discrimination dans la Convention, » le Protocole n°12 ouvre un peu plus encore la CEDH vers la protection des groupes eux-mêmes.

533 PENTASSUGLIA(2002), pp. 126-127.

534 Le Protocole n°12 garantit « la jouissance de tout droit prévu par la loi » sans discrimination, au contraire de l’art. 14 CEDH qui protège « la jouissance des droits et libertés prévus [dans la Conven-tion] ». Contrairement au Protocole n°12, l’art. 14 CEDH n’est ainsi pas indépendant, bien qu’il jouisse d’une portée autonome ; SUDRE(2005), pp. 256-257. Pour les Etats ayant ratifié le Protocole n°12, la portée de l’interdiction de la discrimination est désormais identique dans le système régio-nal européen à celle que l’art. 26 Pacte II consacre au niveau universel ; SUDRE(2005), p. 256.

535 GILBERT(2002), p. 737 ; HOFMANNR. (2005B), p. 1011 ; WOLFRUM, p. 1109.

105 identité ethnique ou l’affirmation d’une conscience minoritaire, sont (…) im-portantes pour le bon fonctionnement de la démocratie », la Cour souligne que

« le pluralisme repose aussi sur la reconnaissance et le respect véritables de la diversité et de la dynamique des traditions culturelles, des identités ethniques et culturelles, des convictions religieuses, et des idées et concepts artisti-ques »536. Les juges de Strasbourg estiment également que «bien qu’il faille su-bordonner les intérêts de l’individu à ceux d’un groupe, la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité ; elle com-mande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante»537.

348. Par ailleurs, du point de vue de la recevabilité des requêtes individuel-les, l’article 34 CEDH octroie aux minorités la faculté de déposer une requête individuelle à titre de « groupe de particuliers » au sens de cette disposition538, sous réserve que la minorité elle-même soit touchée dans ses droits de groupe.

En effet, selon une jurisprudence constante, le groupe ne peut faire valoir les droits de ses membres et n’a qualité pour agir que s’il peut lui-même se pré-tendre victime d’une ingérence539.

349. Dans ce contexte, tant l’ancienne Commission européenne des droits de l’homme, que la Cour européenne des droits de l’homme ont reconnu aux villages saamis la qualité pour agir, au titre d’« organisation non gouverne-mentale »540. Pour une partie de la doctrine, cette jurisprudence signifie que la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît à tout le moins le principe de l’existence de droits protégeant la minorité elle-même à l’égard de la majo-rité ou d’autres minomajo-rités541.

536 ACEDHGorzelik et al. c. Pologne,§ 92, CEDH 2004-I. La Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion à plusieurs reprises de rappeler le lien indissoluble entre démocratie et pluralisme, et sur le rôle central de garant joué par l’Etat : voir l’ACEDHParti communiste unifié de Turquiec.

Turquie, arrêt du 30 janvier 1998,Recueil des arrêts et de décisions1998-I, § 43 ; ACEDH Informa-tionsverein Lentia et autresc.Autriche, arrêt du 24 novembre 1993, série A n° 276, § 38.

537 ACEDHYoung, James et Websterc.Royaume-Uni, arrêt du 13 août 1981, série A n° 44, § 63.

538 Voir ainsi l’ACEDHGorzelik et al. c. Pologne, n° 44158/98, §34, 20 décembre 2001, où la Cour re-connaît la qualité de victime à une association composée de membres de la minorité silésienne de Pologne et faisant grief d’une violation de l’art. 11 CEDH du fait du refus des autorités polonaises d’enregistrer leur association sous le nom de « Union of People of Silesean Nationality », fondée dans le but de défendre les intérêts de leur minorité (§ 9 de l’arrêt).

539 ACEDHGrande Oriente D'Italia di Palazzo Giustiniani c. Italie, n° 35972/97, §14-16, CEDH 2001-VII;

ACEDHAssociation des amis de Saint-Raphaël et de Fréjus c. France, décision sur la recevabilité du 29 février 2000, n° 45053/98, §18 ; ACEDHNoack c. Allemagne, décision sur la recevabilité du 25 mai 2000, section « En droit », § 1, CEDH 2000-VI. WOLFRUM, pp. 1112-1113. Voir toutefois nos dé-veloppements concernant la jurisprudence de la Cour relative aux recours corporatifs,infra Titre Quatrième, Chapitre I, Section E, 2.4.

540 ACEDHMuonio Saami Village c. Suède(règlement amiable), n° 28222/95, § 12, 9 janvier 2001 ; Décision de la Commission européenne des droits de l’homme du 25 novembre 1996,Könkama et 38 autres villages sames c. Suède, Recueil des décisions et rapports de la Commission européenne des droits de l’homme, 87 B, D.R., p. 78.

541 GILBERT(2002), pp. 738-739 ; WOLFRUM, pp. 1113 et 1122.

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350. Si la protection des groupes eux-mêmes en reste à un stade embryon-naire, la Cour européenne des droits de l’homme laisse transparaître un chan-gement de pratique en matière de prise en compte de l’appartenance des quérants à une minorité. Certes, la Cour continue à exprimer une certaine re-tenue envers les revendications fondées sur les particularités minoritaires, en reconnaissant aux Etats une importante marge d’appréciation542. En outre, d’une manière générale, l’existence de la CPMN ne pousse pas la Cour à conclure à la présence d’un consensus européen suffisamment concret pour qu’elle puisse restreindre cette marge à l’égard des Etats contractants543. 351. Toutefois, la jurisprudence récente révèle une évolution traduisant la promotion des droits individuels à dimension collective, dont la finalité est une protection indirecte du groupe minoritaire544. Comme nous allons le cons-tater ci-après, cette transformation s’est réalisée essentiellement sur le front pa-rallèle des articles 8 et 14 CEDH.

2.6.2. L’évolution récente de la jurisprudence européenne en matière de droits des minorités

352. Le rattachement à un courant religieux, linguistique ou politique minoritaire a depuis longtemps été pris en considération par la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, la jurisprudence européenne relative à la liberté de conscience et de religion (article 9)545, à la liberté d’expression (article 10)546, et à la liberté de d’association (article 11)547 ont démontré qu’il s’agissait de garanties particulièrement importantes pour la préservation des identités minoritaires. Toutefois, ces libertés pouvant être soumises à des restrictions légitimes de la part de l’Etat, ce dernier est autorisé à interdire, par exemple, les associations qui mettraient en danger la sécurité publique ou nationale, y compris celles défendant les intérêts des minorités548. 353. Ce n’est que récemment que l’appartenance à une minorité ethnique ou à un groupe menant un mode de vie distinct de celui de la population ma-joritaire a été pris en compte à titre de facteur pertinent, marquant ainsi

réel-542 ACEDHChapman c. Royaume-Uni [GC], n° 27238/95, § 93-94, CEDH 2001-I. Comp. l’opinion dissi-dente des juges Pastor Ridruejo, Bonello, Tulkens, Straznicka, Lorenzen, Fischbach et Casadevall,

§3. Voir également HOFMANNR. (2005B), pp. 1025-1026.

543 ACEDHChapman c. Royaume-Uni [GC], n° 27238/95, § 93-94, CEDH 2001-I. Comp. l’opinion dissi-dente des juges Pastor Ridruejo, Bonello, Tulkens, Straznicka, Lorenzen, Fischbach et Casadevall,

§3.

544 Dans ce sens, SUDRE(2005B), pp. 99-100.

545 A titre d’exemple : ACEDHCha’are Shalom ve Tsedek c. France [GC],n° 27417/95, CEDH 2000-VII.

546 A titre d’exemple : ACEDHOkçuoglu c. Turquie [GC], n°24246/94, 8 juillet 1999.

547 A titre d’exemple : ACEDHGorzelik et al. c. Pologne [GC],n° 44158/98, § 96 et 100, CEDH 2004-I.

548 ACEDHGorzelik et al. c. Pologne [GC],n° 44158/98, § 96 et 100, CEDH 2004-I.

107 lement l’ouverture de la Convention à la problématique des droits des minori-tés549.

354. Cette évolution s’est réalisée parallèlement, à l’occasion de requêtes déposées, d’une part, par des Tziganes anglais souhaitant pouvoir exercer leur mode de vie nomade, sous l’angle de l’article 8 CEDH, et, d’autre part, par des Tziganes rroms dénonçant la discrimination raciale dont ils estimaient faire l’objet dans leurs Etats, en faisant valoir une violation de l’article 14 CEDH en combinaison avec les articles 2 et 13 CEDH.

355. Premièrement, en 2001, dans le cadre de l’affaireChapman c. Royaume-Uni550, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que l’article 8 CEDH conférait aux membres d’une minorité le droit à ce que les autorités prennent en considération leurs besoins spécifiques en raison de leur vulnéra-bilité en tant que membres d’une minorité551. En l’occurrence, la Cour recon-naît à la requérante Madame Chapman, Tzigane nomade anglaise, le droit d’exercer son mode de vie traditionnel552, tout en y apposant immédiatement des limites553.

356. Sur le front de l’article 14 CEDH, toutefois, la prise en compte de l’appartenance à un groupe minoritaire demeure faible voire inexistante puis-que la puis-question d’une éventuelle discrimination indirecte en raison du mode de vie nomade est écartée au profit d’une application stricte de l’égalité de trai-tement en faveur des personnes sédentaires554.

357. En 2004 et 2005, cependant, deux arrêts mettant en cause des violences policières ayant entraîné la mort de particuliers tziganes, les arrêtsNatchova et al. c. Bulgarie555 etMoldovan c. Roumanie556, ont pour la première fois constaté une violation de l’interdiction de la discrimination raciale, autrement dit une

549 BENOIT-ROHMER(2001), p. 999; HENRARD(2004), p. 189 ; SUDRE(2005B), p. 99.

550 ACEDHChapman c. Royaume-Uni [GC], n° 27238/95, CEDH 2001-I.

551 ACEDHChapman c. Royaume-Uni [GC], n° 27238/95, § 93 et 96, CEDH 2001-I. BENOIT-ROHMER (2001), pp. 1005-1007; HENRARD(2004), p. 190.

552 ACEDHChapman c. Royaume-Uni [GC], n° 27238/95, § 96, CEDH 2001-I, confirmé en 2004 par l’ACEDHConnors c. Royaume-Uni,n°66746/01, §84, 27 mai 2004. HENRARD(2004), p. 189 ; H OF-MANNR. (2005B), pp. 1017-1018 ; SUDRE(2005B), p. 100. En ce sens, la Cour a suivi la position de la Commission européenne des droits de l’homme, dans sa décision du 3 octobre 1983,G. et E. c.

Norvège, D.R. 35, p. 38.

553 Voir nos développements au sujet de ce raisonnement,infraTitre Troisième, Chapitre III, Section C, 2.3.2.

554 ACEDHChapman c. Royaume-Uni [GC], n° 27238/95, § 95 et 113, CEDH 2001-I. Voir nos dévelop-pements et notre critique à ce sujet,infraTitre Troisième, Chapitre II, Section B, 3.2.

555 ACEDHNatchova et al. c. Bulgarie[GC], n° 43577/98 et 43578/98, CEDH 2005-….

556 ACEDHMoldovan et al. c. Roumanie (n°2), n° 41138/98 et 64320/01, CEDH 2005-….

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discrimination fondée sur l’appartenance des particuliers à un groupe ethni-que spécifiethni-que557.

358. L’importance de ces arrêts pour la protection des minorités est souli-gnée par la doctrine qui considère que jusqu’à l’arrêtNatchova et al., la Conven-tion n’offrait qu’une protecConven-tion minimale aux membres de groupes minoritai-res558. Pour les auteurs, cette jurisprudence illustre l’importance qu’a prise la Convention pour les minorités en général et pour la communauté tzigane en particulier559. L’évolution actuelle, qui a été lente, est donc notable bien qu’elle demeure encore inachevée et perfectible560. A cet égard, la jurisprudence concernant les Tziganes fait précisément ressortir les limites du recours au juge européen en matière de droit des minorités561.

359. Certes, les affairesNatchova et al.etMaldovandémontrent que ce der-nier n’est plus réticent à constater une violation de l’interdiction de la discri-mination raciale en lien avec une garantie individuelle aussi fondamentale que le droit à la vie. Toutefois, l’affaire Chapman, à la suite de l’arrêt Buckley c.

Royaume-Uni,illustre les hésitations de la Cour de Strasbourg à conclure à un constat de discrimination indirecte562 lorsque sont en jeu des particularités identitaires minoritaires.

360. Or, analyser l’éventuelle présence d’une discrimination à l’égard d’une minorité exige de définir les contours d’un certain groupe – et donc de placer l’individu dans une dimension collective – de déterminer les effets d’une

me-557 ROSENBERG(2005), p. 171 ; PLESE, pp. 109-118 ; THÜRER/DOLD, p. 2. Nous analyserons ces arrêts dans le cadre de notre examen portant sur la portée de l’interdiction de la discrimination pour les Tziganes,infraTitre Troisième, Chapitre II, Section B, 3.1.1.

558 HENRARD(2004), p. 187 ; HOFMANNR. (2005B), p. 1011 ; ROSENBERG(2005), pp. 172-174 ; WOLFRUM, p. 1109. Ainsi, la Commission européenne avait affirmé très tôt que la CEDH ne reconnaît pas de droits à une minorité en tant que telle et que la protection des membres de cette minorité se limite à ne pas faire l’objet d’une discrimination, en raison de leur appartenance à une minorité selon l’art.

14 CEDH ; DécisionX. c. Autriche, n° 8142/78, du 10 octobre 1979, D.R. 18, p. 98. Voir également l’Affaire linguistique belge(au principal), arrêt du 23 juillet 1968, série A n°6, § 7 : la Cour de Stras-bourg a jugé qu’une législation visant à dispenser dans les écoles publiques un enseignement dans la langue majoritaire de la région n’est pas arbitraire et ne constitue pas une discrimination à l’égard des locuteurs de la minorité francophone : la mesure n’est pas constitutive d’une violation de l’art.

14 CEDH à l’égard de cette minorité. Comp., en outre, la décision sur recevabilitéGorzelik et al. c.

Pologne, n° 44158/98, § 93, 96 et 100, 20 décembre 2001 : la Cour souligne dans cet arrêt l’importance de la liberté d’association, au sens de l’art. 11 CEDH, pour les minorités. Toutefois, elle renvoie dans un second temps à la marge d’appréciation usuelle dont bénéficie l’Etat pour légitimer l’interdiction de certaines organisations pour des raisons de sécurité nationale, sans que le facteur minoritaire ne joue de rôle.

559 HENRARD(2004), p. 201.

560 BENOIT-ROHMER(2001), p. 999 ; ROSENBERG(2001), p. 1018; SUDRE(2001), p. 905.

561 Sur l’importance de l’ACEDHChapman c. Royaume-Uni [GC], n° 27238/95, CEDH 2001-I pour la protection des minorités de manière générale dans le cadre de la CEDH, voir BENOIT-ROHMER(2001), pp. 999 et 1003-1004. Sur les limites de la CEDH pour la protection des minorités, voir GILBERT (2002), p. 780.

562 Pour une définition de cette notion et une analyse approfondie de son importance dans le cadre la protection des droits des Tziganes, voirinfraTitre Troisième, Chapitre II, Section A, 2.2.2. et Sec-tion B.

109 sure étatique affectant un individu sur le groupe lui-même, et considérer que la caractéristique problématique en cause découle de l’identité propre de la personne. Dans ces deux arrêts, la Cour européenne des droits de l’homme a refusé d’effectuer cette démarche, en réduisant la question à un choix de vie résultant de préférences individuelles563.

361. Ces réticences ne sont pas surprenantes puisque, précisément, elles mettent en lumière les difficultés que connaît le système individuel des droits de l’homme à intégrer juridiquement le facteur minoritaire, et ce même par le biais de la garantie de l’interdiction de la discrimination. Une sensibilisation accrue aux situations de non-discrimination indirecte devrait permettre à la Cour de progresser sur cette question564. Toutefois, nous avons déjà démontré que la raison d’être du droit des minorités réside dans le fait qu’il arrive que le respect du principe de non-discrimination soit insuffisant pour prendre en considération les besoins spécifiques des minorités565.

362. Le système individuel de protection des droits de l’homme présente ainsi des limites que seul le droit des minorités peut dépasser566. Cependant, pour que celui-ci puisse être appliqué aux besoins d’une communauté, cette dernière doit être qualifiable de « minorité » au sens où l’entend ce système de protection. Nous allons donc à présent discuter de la notion de minorité afin de déterminer, dans une étape ultérieure, si et de quelle manière elle s’applique aux Tziganes567.