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Chapitre II: Le statut des Tziganes en Suisse, des origines au XXème siècle

C. Le statu quo de la situation socio-économique

1. L’offre de places de stationnement et le mode de vie nomade

221. Le manque de places de stationnement sur le territoire helvétique et les difficultés rencontrées pour en créer de nouvelles constituent, sans conteste, les points de friction les plus importants entre la communauté tzi-gane suisse et les autorités fédérales, cantonales et communales. En effet, pour sauvegarder leur mode de vie traditionnel, les Tziganes nomades suisses ont besoin d’un espace vital suffisant qui n’est pas, à l’heure actuelle, pris en compte dans l’aménagement du territoire. Il existe un lien intrinsèque entre les déplacements des Tziganes nomades et leurs activités économiques : exerçant des métiers ambulants336, ils dépendent donc de l’existence d’un réseau d’aires de stationnement pour pouvoir maintenir et développer leurs professions337. Ceci correspond à lafonction économiquedu voyage, qui complète safonction so-ciale, en ce qu’il permet aux familles, amis et connaissances de se retrouver, de préserver l’identité du groupe et de consolider les liens familiaux, sociaux et culturels au sein de la communauté tzigane338.

222. Deux sortes de places de stationnement sont nécessaires : les emcements fixes et les emplaemcements de transit. Les emplaemcements fixes, ou pla-ces de stationnement permanent, sont des aires d’arrêt que les Tziganes noma-des louent à l’année. Ils sont nécessaires durant les mois d’hiver, entre novem-bre et février, voire durant douze mois, lorsque les enfants sont en âge de sco-larité, et correspondent généralement au lieu de domicile légal. Quant aux

335 InfraTitre Quatrième.

336 InfraSection 2.1.

337 DFJP p. 20; LIEGEOIS, p. 79; Rapport d’expertise 2001, p. 14 ; THODE-STUDER, p. 99 ; ZÜRCHER -BERTHER, p. 32.

338 LIEGEOIS, pp. 77-78.

65 emplacements de transit, ou places de stationnement temporaire, ils sont utili-sés lorsque les Tziganes traversent la Suisse en petits groupes pour accéder à leur clientèle. La durée du séjour varie entre une dizaine de jours et un mois.

Lorsqu’aucune aire aménagée n’existe à l’endroit souhaité, il arrive que les fa-milles stationnent chez des particuliers ; nous verrons que la possibilité d’utiliser ce mode de stationnement, connu sous le nom « d’arrêts spontanés », est à la fois nécessaire et problématique339.

223. Mandaté en 1999 par la fondation « Assurer l’avenir des gens du voyage suisses » pour élaborer une étude sur les Tziganes nomades suisses et leurs besoins en matière de places de stationnement, le Bureau d’aménagement du territoire EIGENMANNREYRIETMANN, à Saint-Gall, est sans équivoque dans son premier rapport rendu en 2001340, et complété en 2005341: en Suisse, le problème causé par le manque de places de stationnement est ai-gu.

224. En 2001, l’offre se limitait à onze aires permanentes et à 48 emplace-ments de transit, qui offrent respectivement 205 et 530 places, et qui corres-pondaient aux exigences de 65% de l’ensemble des personnes concernées342. En 2005, l’offre en aires permanentes s’est légèrement améliorée, puisque dé-sormais douze aires sont disponibles. Par contre, neuf aires de transit ont été fermées dans l’intervalle, tandis que seulement deux nouvelles ont été créées.

Le total des aires de transit à disposition s’élève désormais à 44, du fait que les experts incluent dans l’offre trois aires exploitées depuis des années, mais qui ne sont pas reconnues officiellement par les autorités343. On constate ainsi une dégradation de la situation générale, puisque les experts considèrent au-jourd’hui que seuls 60% des Tziganes ont accès à des aires de transit, contre 65% en 2001344.

225. Selon le Bureau d’aménagement de Saint-Gall, les besoins s’élèvent en réalité à environ 40 places fixes et 80 places temporaires. La majorité des aires existantes nécessitent des améliorations quant à la qualité des conditions de vie qui y sont offertes, tant par rapport au développement des infrastructures, qu’aux prix de location, ou encore aux périodes d’ouverture345.

226. Interpellés successivement en 1987, 2000 et 2005 par la Confédération, les cantons et les communes adoptent une attitude qui varie sensiblement face

339 Rapport d’expertise 2001, p. 6. Voir également le Rapport du Conseil fédéral, Partie II, p. 7.

340 Bureau d’aménagement du territoire EIGENMANNREYRIETMANN,Les Gens du voyage et l’aménagement du territoire – Rapport d’expertise, Saint-Gall 2001.

341 Bureau d’aménagement du territoire EIGENMANNREYRIETMANN,Les Gens du voyage et l’aménagement du territoire – La situation en 2005 – rapport complémentaire, Saint-Gall 2006.

342 Rapport d’expertise 2001, pp. 21-26.

343 Mise à jour du rapport d’expertise 2006, pp. 12-18.

344 Mise à jour du rapport d’expertise 2006, p. 18.

345 Rapport d’expertise 2001, pp. 21-26.

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à cette problématique. Les résultats de l’enquête effectuée en 1987 auprès des 3058 communes suisses montrent que sur 2828 réponses reçues, 2100 commu-nes n’ont exprimé aucune opinion car elles n’avaient pas eu de contacts récents avec des Tziganes nomades ; 78 se disaient prêtes à faire des démarches en fa-veur de ces derniers, tandis que 650 se déclaraient contre l’aménagement du territoire dans ce sens346.

227. En 2000, la consultation des cantons à l’occasion de la publication du rapport sur l’Œuvre des enfants de la grand route347a montré que les cantons sont en grande majorité sensibles à la problématique. Cependant, les réponses sont souvent vagues quant à la situation concrète dans les communes, les auto-rités cantonales faisant preuve d’une grande retenue lorsqu’il s’agit d’intervenir dans les affaires communales sur ce point. Ainsi, douze cantons ont déclaré que des places officielles existaient sur leur territoire, sans toujours pouvoir donner de détails. Neuf d’entre eux ont affirmé qu’aucune place n’était à disposition, tandis que quatre disaient savoir que des arrangements ponctuels, souvent conclus avec des particuliers, étaient courants. Un seul can-ton ne s’est pas exprimé sur la question.

228. En 2005, la consultation des cantons a porté sur l’avant-projet de rap-port du Conseil fédéral relatif à la situation des Tziganes en Suisse, incluant la question de l’opportunité de ratifier la Convention n° 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux348et celle relative à la création d’aires de séjour et de transit349. Sur cette seconde question, quatorze cantons ont considéré que l’analyse des besoins qui y était effectuée – reprenant le rapport d’expertise saint-gallois - était pertinente, quatre ont jugé qu’elle ne l’était que partielle-ment, tandis que quatre autres ont estimé qu’elle ne l’était pas du tout, du fait qu’ils ne rencontraient eux-mêmes aucune demande en la matière350.

229. Ces différentes consultations ont rappelé un problème déjà connu351: la majorité des réticences rencontrées auprès des autorités cantonales et com-munales, lorsqu’il s’agit de créer des places de stationnement, est due aux mauvaises expériences vécues au moment du passage des Tziganes nomades étrangers, notamment en raison du fait que ces derniers voyagent en grand nombre, et qu’ils sont moins soucieux que les Tziganes nomades suisses de la remise en état des places au moment de leur départ. Ainsi, ces derniers

doi-346 ZÜRCHER-BERTHER, pp. 23-24.

347 Résultats de la procédure de consultation des cantons au sujet de l’Œuvre des enfants de la grand route, Berne 2000.

348 Avant-projet de rapport du Conseil fédéral du 22 juin 2005, Partie I. A ce sujet, voirinfraTitre Deuxième, Chapitre IV, Section B, 2.

349 Avant-projet de rapport du Conseil fédéral du 22 juin 2005, Partie II.

350 Résultats de la consultation relative à l’avant-projet de rapport du Conseil fédéral du 22 juin 2005, Partie II, pp. 1-3, disponibles surhttp://www.bak.admin.ch[site consulté le 2 janvier 2007].

351 ZÜRCHER-BERTHER, pp. 26-27 ; Rapport de la commission de la sécurité sociale, FF 1991 IV 499, 452.

Rapport du Conseil fédéral, Partie I, p. 7 ; Partie II, pp. 9-10.

67 vent également faire face aux difficultés et aux refus nés de l’attitude des Tzi-ganes étrangers. L’impact des préjugés et de la méfiance est également souli-gné par l’écrasante majorité des parties consultées352.