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Chapitre II: Les Tziganes et le droit international des minorités

A. Le système de protection des droits des minorités

3. La notion de minorité

3.1. L’absence de définition unanime

364. Bien que largement employée en droit international, la notion de mi-norité demeure encore à ce jour indéterminée, ne semblant pas trouver de dé-finition qui rassemblerait l’unanimité. De ce fait, nul instrument conventionnel ne la consacre formellement568. Cette lacune n’a toutefois pas empêché la cons-titution de systèmes universels et régionaux de protection569.

365. En effet, l’indétermination juridique ne remet pas en cause la réalité de l’existence des minorités : très tôt, il a été affirmé que la question de l’existence d’une minorité est une question de fait et non de droit570. Toutefois, nous pourrons constater que l’applicabilité du système de protection des minorités aux Tziganes se heurte à l’existence de plusieurs controverses doctrinales en-tourant la notion de minorité. Dès lors, il est nécessaire d’exposer l’essentiel de la problématique entourant ce point.

366. Si les instruments universels et régionaux demeurent muets, la doc-trine et la pratique des organes de surveillance ont dégagé des éléments qui se recoupent, en raison de la conviction persistante qu’une protection efficace des minorités n’est possible que si le concept est clarifié571. Les différents éléments constitutifs de la notion de minorité varient en raison des difficultés liées au choix des termes572, de la diversité des situations minoritaires qui rendent très difficile la conception d’une définition unique573, mais également de la crainte des Etats face au mouvement minoritaire lui-même, qui incite certains à voir dans ce flou un signe de leur inexistence574.

3.1.1. Les principales propositions de définition

367. Au niveau universel, l’interprétation de l’article 27 Pacte II effectuée par le Rapporteur spécial Francesco CAPOTORTImérite d’être relevée, car sa formulation est, pour l’essentiel, la plus répandue parmi celles qui ont été dé-veloppées au sein des divers groupes de travail des Nations Unies au cours des ans575,576.

568 AURESCU, §9 ; MALINVERNI(Minorités), p. 235 ; PENTASSUGLIA(2002a), p. 55.

569 VALETTE, p. 340.

570 Voir l’Avis consultatif du 31 juillet 1930 de la Cour permanente de justice internationale, relatif à la question des « communautés » gréco-bulgares (Publications de la Cour, série B, n°17, p. 22),

«L’existence des communautés est une question de fait ; elle n’est pas une question de droit ».

571 PENTASSUGLIA(2002A), p. 57. Au sujet des effets négatifs pour une communauté de la négation du statut de minorité du fait qu’un Etat se réfère à une certaine définition de la notion qui ne permet pas de l’inclure, voir PARK, p. 69. Sur la réalité de ce genre de pratiques à l’égard des Tziganes, voir infraSection B, 1.

572 KOUBI, p. 415.

573 MARCHAND, p. 134 ; RAMU, p. 591 et références ; VALETTE, p. 334.

574 MARCHAND, p. 135 ; PACKER, p. 26 ; VALETTE, p. 334.

575 KETLEY, p. 333 ; MOORE, pp. 177-178 ; RAMU, pp. 591-592.

111 368. Selon cet auteur, une minorité est « un groupe numériquement infé-rieur au reste de la population d’un Etat, en position non dominante, dont les membres ressortissants de l’Etat possèdent du point de vue ethnique, religieux ou linguistique des caractéristiques qui diffèrent de celles du reste de la population et manifestent, même de façon implicite, un sentiment de solidarité, à l’effet de préserver leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue»577.

369. Bien que largement acceptée, cette définition n’est peut-être pas la plus appropriée, car elle ne prend pas en considération les groupes socialement mi-noritaires alors que leurs membres forment quantitativement la majorité de la population, telle que la population d’origine africaine en Afrique du Sud du-rant les années de l’Apartheid578.

370. Au niveau régional européen, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe va toutefois dans le même sens que le Rapporteur spécial C

APO-TORTI. Dans sa Résolution 1201 (1993), cet organe propose de définir la notion de « minorité nationale »579 comme étant «un groupe de personnes dans un Etat qui: a) résident sur le territoire de cet Etat et en sont citoyennes; b) entretiennent des liens anciens, solides et durables avec cet Etat; c) présentent des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques; d) sont suffisamment représentatives, tout en étant moins nombreuses que le reste de la population de cet Etat ou d'une région de cet Etat; e) sont animées de la volonté de préserver ensemble ce qui fait leur identité commune, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue».

576 Au sein des Nations Unies, la question fut traitée initialement par la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de la Commission des droits de l’homme de l’ONU : voir ainsi la définition élaborée lors de sa troisième session, en 1950, UN Doc.

E/CN.4/358 du 30 janvier 1950, reproduite in SCHODER, p. 38: «…from the standpoint of such mea-sures of protection of minorities as the United Nations may wish to take, and in the light of the ex-ceptions and complexities set out above : a) the term minority includes only those non-dominant groups in a population which possess and wish to preserve stable ethnic, religious or linguistic tradi-tions or characteristics markedly different from those of the rest of the population ; b) such minori-tes should properly include a number of persons sufficient by themselves to develop such characte-ristics ; and c) the members of such minorities must be loyal to the State in which they are natio-nals».

577 CAPOTORTI, p. 102. Comp. avec la définition du Rapporteur spécial Jules DESCHENES, publiée en 1985:

Une minorité est «a group of citizens of a State, constituing a numerical minority and in a non-dominant position in that State, endowed with ethnic, religious or linguistic characteristics which dif-fer from those of the majority of the population, having a sens of solidarity with one another, moti-vated, if only implicity, by a collective will to survive and whose aim is to achieve equality with the majority in fact and in law. »UN Doc. E/CN.4/Sub.2/1985/31, § 181.

578 MOORE, p. 178.

579 Au sujet de cette notion, voirinfraSection 3.2.2.

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3.1.2. Appréciation

371. Plusieurs points communs peuvent être dégagés des différentes propositions élaborées au cours des ans. Premièrement, on relèvera un élément qualitatif : cette définition se restreint aux minorités ethniques, religieuses et linguistiques, critères qui représentent chacun un élément exprimant une cer-taine visibilité du groupe par rapport au reste de la population et qui peuvent parfaitement se combiner580. Cette restriction a pour but de garantir une pro-tection juridique efficace tout en cherchant à éviter une inflation quantitative du nombre de minorités pouvant requérir le bénéfice d’un statut spécial581. 372. Deuxièmement, on trouve un élément de non domination: constitue une minorité la fraction de la population qui se trouve en position de faiblesse face à un groupe socialement majoritaire, qui ne doit pas nécessairement être plus important d’un point de vue quantitatif que la minorité en question582. Cet élément a évolué puisque la définition de CAPOTORTIimpose l’exigence de l’infériorité numérique pour qu’une communauté soit reconnue comme une minorité.

373. Un troisième élément est l’existence d’un sentiment de solidarité qui pousse à vouloir conserver les caractéristiques propres au groupe concerné et à préserver sa culture. La particularité des minorités par rapport aux autres groupes sociaux réside précisément dans la dimension collective des spécifici-tés les distinguant du reste de la société, mais également dans la conscience d’appartenir à un tel groupe, en d’autres termes, dans le sentiment d’appartenance à une certaine communauté583. Pour important qu’il soit, ce critère subjectif n’est pas en soi décisif ni absolu et cède devant le refus éven-tuel de l’Etat de reconnaître le groupe en question584.

374. Dans ce contexte, le choix personnel des individus concernés de se déclarer membres d’une minorité est libre, sans être cependant discrétionnaire, car il est encadré par les critères objectifs que nous avons exposés585. Cepen-dant, si une personne se déclare appartenir, par exemple, à une minorité eth-nique, le droit interne ne peut pas poser des critères si restrictifs qu’ils ont pour résultat qu’une personne ethniquement minoritaire peut se retrouver dans une situation où elle n’est pas considérée comme telle aux termes de la loi586.

580 EIDE(Minorities), §90ss ; NOWAK(art. 27), N. 23, p. 648 ; PENTASSUGLIA(2002a), p. 58 ; SCHODER, p.

40.

581 EIDE(Minorities), §25-26 ; MALINVERNI(Minorités), p. 236 ; RAMU, pp. 598-599.

582 GILBERT(1996), p. 162

583 RIGAUX, pp. 155-156.

584 HOFMANNR. (2005B), p. 1015 ; PENTASSUGLIA(2002A), p. 68 ; WOLFRUM, p. 1116.

585 HEINTZE(art. 3), pp. 118-119 ; MALINVERNI(Minorités), pp. 238-239.

586 Constatations du CDH, du 10 août 1988, relatives à la Communication, n° 197/1985,Ivan Kitok c.

Suède, §9.7. Le Comité consultatif de la CPMN se montre également très critique à l’égard de

légi-113 3.2. La controverse relative à l’exigence du lien de citoyenneté 375. Les définitions que nous avons exposées ci-dessus énoncent le critère de la citoyenneté en tant que condition nécessaire pour reconnaître l’existence d’une minorité. Or, ni l’article 27 Pacte II, ni la Déclaration des Nations Unies de 1992, ni la CPMN ne posent cette exigence, ce qui peut susciter des interro-gations sur sa pertinence587.

376. Poser cette condition particulière répond à un double objectif: premiè-rement, dans une perspective touchant à la préservation de la paix interne et internationale, elle cherche à garantir une certaine loyauté de la part des mem-bres des minorités588. Ensuite, elle permet aux Etats de ne pas s’engager en fa-veur de nouvelles minorités constituées en majorité par des étrangers, issues par exemple de l’immigration, et de restreindre leur politique en la matière aux communautés composées de ressortissants nationaux et donc présentant logiquement des liens historiquement stables avec l’Etat en question589.

377. Si cette approche classique est encore dominante, elle est aujourd’hui qualifiée de «conservatrice »590. Elle se trouve remise en cause tant au niveau universel que régional, aussi bien par une partie de la doctrine que par les or-ganes de surveillance du Pacte II et de la CPMN.

3.2.1. Au niveau universel

378. Au niveau universel, Asbjörn EIDE a été le premier, en 1993, à proposer une définition ne comportant pas la condition de la citoyenneté. Selon cet au-teur, une minorité est « tout groupe de personnes résidant au sein d’un Etat souverain, représentant moins de la moitié de la population de la société na-tionale, et dont les membres ont en commun des caractéristiques de nature ethnique, religieuse ou linguistique qui les distinguent du reste de la popula-tion»591. Il propose de remplacer le lien national par le critère de la stabilité de la présence du groupe sur le territoire étatique592.

slations nationales qui restreignent l’applicabilité de la convention à certaines zones de leur terri-toire, en excluant du champ d’application personnel les personnes qui n’y résident pas ; voir le 2ème Avis du Comité consultatif relatif au Danemark, du 9 décembre 2004, ACFC/INF/OP/II(2004)005, § 17.

587 Dans ce sens, EIDE(2006), § 2.

588 Comp. VALETTE, p. 343, qui estime que le lien de loyauté ne dépend pas de la qualité de ressortis-sant.

589 MALINVERNI(Minorités), pp. 237-238 ; PENTASSUGLIA(2002a), pp. 57-59.

590 AURESCU, § 14.

591 EIDE(Minorities), §29.

592 EIDE(Minorities), §42ss. Ce critère n’est toutefois pas synonyme d’ancrage géographique fixe sur une fraction délimitée du territoire, mais renvoie plutôt à la stabilité de la composition du groupe et de l’unité qui lie ses membres ; PRITCHARD, p. 182.

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379. En 1994, le Comité des droits de l’homme a suivi cette proposition. Se fondant sur une interprétation tant littérale que systématique de l’article 27 Pacte II, le Comité estime, en effet, que lue en combinaison avec l’article 2 § 1, cette disposition ne permet pas de réduire son champ d’application aux ressor-tissants d’un Etat et s’applique également aux groupes d’étrangers formant de nouvelles minorités593.

380. Ce faisant, le Comité a consacré l’intégration des droits des minorités dans le corpus des droits de l’homme, en soulignant qu’il ne s’agit pas de droits du citoyen594. Les auteurs qui suivent l’approche du Comité soulignent qu’elle prend en compte l’évolution de la société internationale, marquée par les transformations et l’augmentation des phénomènes migratoires, qui conduisent à des situations d’installation durable, sans désir de retour, ni de naturalisation595.

381. Bien que l’interprétation du Comité des droits de l’homme soit criti-quée par une partie de la doctrine596, elle a été suivie par d’autres organismes des Nations Unies et est saluée par d’autres commentateurs. En effet, en adop-tant formellement et sans réserve le 31 mars 2005 le commentaire explicatif de la Déclaration de 1992 sur les droits des minorités597, le Groupe de Travail sur les Minorités et la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, adhèrent à cette approche de la notion de minorité598. 382. Aborder la question sous l’angle de la présence historique et stable des communautés nous paraît particulièrement intéressant. Premièrement, ce cri-tère garantit que la grande majorité des bénéficiaires des mesures découlant du droit des minorités soient des nationaux599. Deuxièmement, il permet d’inclure les personnes qui, bien que non-ressortissantes d’un Etat, appartien-nent, d’un point de vue ethnique, religieux ou linguistique, à la communauté minoritaire composée des citoyens de cet Etat600.

593 Observation générale n° 23 du CDH, du 8 avril 1994, §5.1 et 5.2. Dans ce sens, voir notamment HEINTZE(art. 1), p. 84 ; RAMU, p. 594 ; SHAW, p. 960 ; VALETTE, p. 344.

594 Dans ce sens, NOWAK(art. 27), N. 17-18, pp. 645-646.

595 NOWAK(art. 27), N. 21, p. 647 ; VALETTE, pp. 333-334. Voir également PARK, pp. 85-88.

596 Voir notamment MALINVERNI(Minorités), p. 237 ; PENTASSUGLIA(2002A), pp. 60-61.

597 UN Doc. E/CN.4/Sub.2/AC.5/2005/2. Ce commentaire fait désormais partie du « Guide des Nations Unies relatif aux droits des minorités ».

598 GROUPE DE TRAVAIL DESNATIONSUNIES, § 9.

599 Dans ce sens également, ALFREDSSON(2006), § 14.

600 EIDE(2006), § 10 ; Groupe de travail des Nations Unies, §9 ; NOWAK(art. 27), N. 21, pp. 647-648 ; PENTASSUGLIA(2002A), p. 71. Pour une illustration de cette solution intermédiaire, mettant l’accent sur les liens historiques devant exister entre les groupes minoritaires reconnus à titre de minorité nationale, mais permettant néanmoins à des non-ressortissants de bénéficier des programmes de promotion s’ils partagent les caractéristiques de ces communautés, voir la solution développée par la Norvège dans le cadre de la CPMN : Rapport initial norvégien, ACFC/SR (2001) 1, 2001, §3.1 ; HEINTZE(art. 3), pp. 125-126.

115 383. Cette démarche ne consacre pas la protection des « nouvelles » minori-tés, issues de l’immigration récente, mais conduit à l’accroissement numérique de communautés déjà existantes et reconnues, composées de citoyens. Cette conception reste donc compatible avec le souhait des Etats d’exclure de la pro-tection du système des minorités les groupes formés par les travailleurs mi-grants. Elle répond à l’exigence de nuance imposée par la transformation des fondements de l’immigration contemporaine, qui n’offre plus à l’étranger une alternative exclusive entre, d’une part, le retour dans sa patrie d’origine, et d’autre part, l’assimilation complète dans l’Etat d’accueil601.

384. On relèvera, toutefois, que ni le Comité des droits de l’homme, ni le Groupe de travail des Nations Unies ne s’oppose à une inclusion des

« nouvelles » minorités et expriment des réserves à l’égard de leur exclusiona prioridu système de protection602. Ainsi, les personnes appartenant à de nou-velles minorités doivent également pouvoir pratiquer en groupe, avec d’autres membres de leur communauté, leur langue ou religion minoritaire603. Cepen-dant, les groupes minoritaires historiquement ancrés dans un Etat peuvent avoir plus de droits que ceux arrivés récemment. L’Etat peut notamment se ré-server la possibilité d’adopter des mesures spéciales destinées à soutenir une minorité aux communautés historiquement implantées sur son territoire604. 385. A cet égard, EIDEpropose d’appliquer la méthode employée de façon générale dans le domaine des droits de l’homme en distinguant entre les trois degrés d’obligations à charge des Etats : l’obligation de respecter, l’obligation de protéger et l’obligation de mettre en œuvre les droits605. Pour cet auteur, il importe peu qu’un particulier soit ressortissant ou non de l’Etat pour pouvoir exiger de ce dernier qu’il respecte et protège l’expression de son identité mino-ritaire. Par contre, on pourra se montrer plus restrictif en matière de mesures destinées à mettre en œuvre ces droits, en distinguant entre les communautés nouvellement constituées et celles ancrées historiquement dans un Etat606. 3.2.2. Au niveau européen

386. Nous avons pu constater que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe considère que les critères de la citoyenneté des membres et l’existence de liens historiques durables sont nécessaires pour pouvoir qualifier une communauté de « minorité nationale ».

601 VALETTE, pp. 335 et 341.

602 GROUPE DE TRAVAIL DESNATIONSUNIES, § 10-11 ; Observation générale n° 23 du CDH, § 5.2. Voir éga-lement ALFREDSSON(2006), § 16.

603 GROUPE DE TRAVAIL DESNATIONSUNIES, § 10-11 ; Observation générale n° 23 du CDH, § 5.2.

604 GROUPE DE TRAVAIL DESNATIONSUNIES, § 10. Au sujet de la nature et de l’objectif de ce type de mesu-res, voirinfraTitre Troisième, Chapitre I, Section C, 2.1.2.

605 Voir par ailleurs nos développements à ce sujetsupraSection A, 2.1.1.

606 EIDE(2006), § 8-10.

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387. Bien que cette définition soit importante pour comprendre l’orientation que souhaite prendre le Conseil de l’Europe sur cette question, il est nécessaire de la placer en perspective avec la pratique du Comité consulta-tif en charge de la surveillance de la CPMN. En effet, si les résolutions de l’Assemblée parlementaire donnent une ligne directrice politique forte, la CPMN, telle qu’interprétée par le Comité consultatif, possède un poids juridi-que juridi-que les résolutions n’ont pas.

388. Avant d’analyser la position du Comité consultatif à l’égard de l’exigence de la citoyenneté(b), il sied toutefois d’apporter quelques précisions quant à la notion de « minorité nationale »(a).

a) La notion de « minorité nationale »

389. Absente de l’article 27 Pacte II, énoncée par la Déclaration sur la pro-tection des minorités de 1992 et au cœur du dispositif normatif européen dans le domaine, la notion de « minorité nationale » est ambiguë et n’a pas,a priori, le même poids au niveau universel et au niveau régional européen. Dans le contexte de la Déclaration sur la protection des minorités de 1992, l’expression

« minorité nationale » ne crée pasper sede nouvelle catégorie de minorité. En effet, on considère qu’il n’existe pas de minorité nationale qui ne soit pas en même temps une minorité ethnique, religieuse ou linguistique607.

390. Au niveau régional européen, toutefois, le concept de minorité natio-nale prend un autre poids du fait de son emploi répété aussi bien dans la CPMN que dans la Résolution 1201 de l’Assemblé parlementaire608. Or, dans le contexte européen, la notion peut être abordée sous deux perspectives, tour à tour utilisées par les Etats et alimentant une certaine confusion.

391. Selon une première approche, dite germanique609, cette expression qualifie un groupe se trouvant sur le territoire d’un Etat, qui possède des liens étroits avec un autre Etat, dénommé « Etat-parent ». Dans cette hypothèse, les membres du groupe présentent les caractéristiques d’une minorité ethnique et ont également la conviction qu’ils pourraient faire partie d’une nation ou être rattachés à cet Etat parent. Bien qu’ils possèdent la nationalité de leur Etat de résidence, ils appartiennent à ce que l’on appelle la « communauté nationale » de leur Etat-parent610.

607 GROUPE DE TRAVAIL DESNATIONSUNIES§6 ; PRITCHARD, p. 38.

608 PRITCHARD, p. 39.

609 HEINTZE(art. 1), p. 83.

610 A ce sujet, voir le Rapport de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commis-sion de Venise) sur le traitement préférentiel des minorités nationales par leur Etat parent, CDL-INF (2001) 19, Venise, 19-20 octobre 2001. Ce rapport souligne ainsi l’intégration de dispositions concernant la protection de ces communautés par leur Etat-parent dans de nombreuses

constitu-117 392. On constate que dans la vision germanique, la dimension politique est ainsi déterminante pour distinguer entre une « simple » minorité ethnique et une minorité nationale611. Dans ce cadre, le cercle des personnes appartenant à une minorité nationale est plus restreint que dans le contexte d’une minorité ethnique612.

393. Cette vision est donc restrictive, car elle pose la condition supplémen-taire de l’existence d’un Etat-parent613. En excluant les groupes ne possédant aucune assise territoriale – ce qui regroupe certaines minorités linguistiques ou religieuses, voire des minorités ethniques comme les Frisons en Allemagne – cette conception semble incompatible avec l’objectif de la CPMN. Le Comité consultatif se montre ainsi critique face à un Etat qui qualifie une communauté de minorité linguistique exclusivement, en refusant de la considérer comme

393. Cette vision est donc restrictive, car elle pose la condition supplémen-taire de l’existence d’un Etat-parent613. En excluant les groupes ne possédant aucune assise territoriale – ce qui regroupe certaines minorités linguistiques ou religieuses, voire des minorités ethniques comme les Frisons en Allemagne – cette conception semble incompatible avec l’objectif de la CPMN. Le Comité consultatif se montre ainsi critique face à un Etat qui qualifie une communauté de minorité linguistique exclusivement, en refusant de la considérer comme