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Chapitre I: La dimension internationale de la protection juridique des Tziganes en

B. L’activité des organisations internationales

270. C’est avant tout à travers le travail et la pratique des organes en charge de la surveillance des différentes conventions en matière de protection des droits de l’homme que l’Organisation des Nations Unies développe son action dans ce domaine406. Toutefois, les démarches les plus poussées prennent natu-rellement place au niveau régional européen, avant tout dans le cadre du Conseil de l’Europe, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Eu-rope (OSCE) et, plus récemment, de l’Union européenne.

271. Selon le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, l’action de cette organisation internationale a un potentiel particulièrement important pour la protection des Tziganes à travers le continent européen407. En effet, la question de la situation des Tziganes en Europe fait coïncider trois thématiques qui sont au cœur des objectifs de cette organisation: la protection des minorités, la lutte contre le racisme et l’exclusion sociale. La précarité de la situation des Tziganes dans l’ensemble des Etats membres a atteint une telle importance qu’elle est considérée depuis 1993 comme présentant un risque pour la cohésion sociale des Etats membres408.

272. Dans ce contexte, aussi bien l’Assemblée parlementaire409, le Comité des Ministres410que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (CPLR)411du Conseil de l’Europe se sont saisis de la question. Par ailleurs, plusieurs institu-tions de cette organisation ainsi qu’un certain nombre d’organismes, aux objec-tifs thématiques plus spécifiques, voire spécialement institués pour analyser la situation de cette communauté dans les Etats membres, se sont également pro-noncés. Ainsi, la Commission européenne contre le racisme (ECRI)412, le

406 Dans l’ensemble de notre étude, nous aurons l’occasion de nous fonder sur les observations et les constatations de ces organes de surveillance des traités.

407 Rapport du Commissaire aux Droits de l’homme, mars 2005, §8.

408 Site de la Division « Roms et Voyageurs » du Conseil de l’Europe,http://www.coe.int[consulté le 31 octobre 2005].

409 Recommandation 1557 (2002) sur la Situation juridique des Roms en Europe; Recommandation 1203 (1993) relative aux Tsiganes en Europe; Recommandation 563 (1969) relative à la situation des Tziganes et autres nomades en Europe.

410 Recommandation (2005)4 relative à l'amélioration des conditions de logement des Roms et des Gens du voyage en Europe; Recommandation (2004)14 relative à la circulation et le stationnement des Gens du voyage en Europe; Recommandation (2001)17 sur l’amélioration de la situation éco-nomique et de l’emploi des Rom/Tsiganes et des voyageurs en Europe; Recommandation n° R (2000)4 sur l’éducation des enfants Roms/Tsiganes en Europe; Recommandation (1983)1 sur les Nomades apatrides ou de nationalité indéterminée; Résolution (1975)13 sur la situation sociale des populations nomades en Europe.

411 Résolution 44 (1997) sur « La contribution des Roms à la construction d'une Europe tolérante »;

Recommandation 11 (1995) sur « La contribution des Roms à la construction d'une Europe tolé-rante ».

412 Voir notamment « La lutte contre le racisme et l'intolérance envers les Roms/Tsiganes », ECRI (98) 29.

81 Groupe de Spécialistes sur les Roms, Tsiganes et Voyageurs (MG-S-ROM)413, ou encore le Coordonateur des activités concernant les Roms/Tsiganes414ont tous eu l’occasion de prendre position sur les différents aspects de la problé-matique. Nous aurons l’occasion d’examiner et de prendre en considération les propositions et recommandations de l’ensemble de ces organes et organismes dans le cadre de notre étude.

273. L’approche de l’OSCE est étroitement liée au maintien de la sécurité et de la paix sur le continent européen du fait du mandat de cette organisation.

Les 55 Etats membres de l’OSCE ont reconnu que les problèmes rencontrés par les membres de cette communauté constituent une thématique touchant au vo-let « Dimension humaine » de cette organisation, comme défini dans le Docu-ment de Copenhague de 1990415. L’article 40 du Document de Copenhague prévoit ainsi que les Etats condamnent toutes les formes de discrimination et de xénophobie et que « (d)ans ce contexte, ils reconnaissent en outre les pro-blèmes spécifiques des Roms (gitans) ».

274. La politique de prévention et d’analyse menée par l’OSCE relative aux Tziganes dans ses Etats membres est néanmoins principalement axée sur la si-tuation prévalant dans les pays d’Europe Centrale et de l’Est. Ainsi, tant les ac-tivités du Haut Commissaire sur les minorités nationales que celles du Bureau pour les institutions démocratiques et les droits de l’homme (BIDDH) se foca-lisent sur les problèmes spécifiques rencontrés par les Roms et Sinti résidant dans ces régions416.

275. Adopté par décision du Conseil permanent de l’OSCE du 27 novembre 2003, l’Action Plan on Improving the Situation of Roma and Sinti within the OSCE

413 MG-S-ROM (2004) 14, Activités du Conseil de l'Europe dans le domaine des Roms, Tsiganes et Gens du voyage; MG-S-ROM (2002) 10 rev, La circulation des voyageurs dans les pays membres du Conseil de l’Europe; MG-S-ROM (2000) 13, Les Roms et les statistiques; MG-S-ROM (2000) 5, Pro-blèmes liés à la mobilité internationale des Roms en Europe et La récente émigration des Roms de la République tchèque et de la République slovaque; MG-S-ROM (2000) 3, Mémorandum préparé par le Secrétariat sur les problèmes auxquels sont confrontés les Roms/Tsiganes en matière de lo-gement; MG-S-ROM (99) 5 rev, Les problèmes dans les domaines économiques et de l'emploi aux-quels sont confrontés les Roms/Tsiganes en Europe; MG-S-ROM (99) 1, Logement, urbanisme et pauvreté : problèmes se posant aux communautés Roms/Tsiganes notamment en Europe centrale et orientale; MG-S-ROM (98) 15, Réunions des instances consultatives nationales entre Roms/Tsiganes et gouvernements.

414 Rapport d'activités du Coordonnateur pour les questions Roms et Gens du voyage, Strasbourg, 2004.

415 Depuis le Document de la Réunion de Copenhague sur la Conférence de la Dimension Humaine de la CSCE de juin 1990, la « Dimension humaine » constitue la troisième dimension des activités de l’OSCE, en sus de celles touchant à la sécurité politico-militaire et celles relatives aux questions éco-nomiques et environnementales. Les activités tombant dans le domaine de la « Dimension hu-maine » recouvrent un champ plus large que la protection des droits de l’hommestricto sensu, pour inclure l’Etat de droit et la démocratie, représentant ainsi l’environnement juridique et politique de ces garanties. Voir également le site internet du BIDDH consacré à la Dimension humaine, http://www.osce.org/odhir[site consulté le 11 août 2006].

416 Pour un aperçu de l’ensemble des activités de ces organismes, voir leReport on the situation of Roman and Sinti in the OSCE area, La Haye, 2000, réalisé par le Haut Commissaire pour les minori-tés nationales, notamment pp. 10-19.

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Area417met l’accent sur les principaux défis des communautés tziganes sur le continent européen : l’interdiction de la discrimination, la participation politi-que, l’accès à l’éducation des enfants, l’accès aux soins de santé, la situation particulièrement vulnérable des femmes tziganes, ou encore le problème du logement.

276. Si toutes ces questions concernent l’ensemble des Tziganes du conti-nent européen, les efforts consentis par le BIDDH, chargé par l’OSCE de concevoir et de coordonner les politiques en la matière418, se concentrent avant tout sur la situation dans les pays d’Europe Centrale et de l’Est419. Du fait de cet objectif, ces mesures et cette politique ne sont donc pas directement perti-nentes pour la Suisse. Dès lors, nous ne les examinerons pas plus en détail.

277. Enfin, la Commission européenne considère que « [l]a manière dont sont traités les Rom dans l’Union européenne et au-delà de ses frontières ac-tuelles est devenue un test déterminant d’une société humaine. Ce traitement des Rom (sic)compte aujourd’hui parmi les questions les plus pressantes des droits politiques, sociaux et humains (sic) auxquelles se trouve confrontée l’Europe»420. Pour l’Union européenne, l’importance de cette problématique s’est fortement accrue depuis que son élargissement à vingt-cinq Etats mem-bres en 2004 a fait de cette communauté la minorité ethnique421la plus impor-tante de l’Union422.

C. Appréciation

278. L’impact de l’action internationale et le rôle qu’elle est appelée à jouer pour la protection des droits fondamentaux des Tziganes sont incontestables, avant tout parce qu’elle attire l’attention des Etats sur le sort de leurs commu-nautés tziganes pour qu’ils procèdent aux modifications législati-ves nécessaires. En cela, le travail des organisations internationales ne peut pas être écarté. Toutefois, son principal avantage est également sa limite.

417 PC.DEC/566.

418 Voir notamment les § 20-25 de l’Action Plan on Improving the Situation of Roma and Sinti Within the OSCE Area.

419 La focalisation du BIDDH sur la situation des Tziganes en Europe Centrale et de l’Est transparaît ain-si explicitement dans le document préparé par cette institution présentant ses activités concernant cette communauté :The ODHIR contact point for Sinti and Roma – An overview, Varsovie, 2001, notamment p. 7.

420 Rapport de la Division « Emploi et affaires sociales » de la Commission européenne, « La situation des Rom dans une Union européenne élargie », 2004, p. 12, n° 14.

421 Au sujet de cette notion et de son applicabilité aux Tziganes en Europe, voirinfraChapitre II, Sec-tion B, 2.2.

422 Rapport de la Division « Emploi et affaires sociales » de la Commission européenne, « La situation des Rom dans une Union européenne élargie », 2004, p. 1, n° 1.

83 279. En effet, si la problématique du respect des droits des Tziganes incite à développer des solutions internationales, elle oblige aussi et avant tout à trou-ver des réponses locales, sensibles aux circonstances et aux différences, et qui dépassent également le cadre purement juridique423. La mise en œuvre et l’adaptation des mesures appellent à une sensibilisation politique, juridique et humaine des acteurs locaux, ainsi qu’à la création de structures de dialogue et de collaboration entre les communautés. Ecarter cet aspect du problème condamne à l’échec de l’application du droit international.

423 FERRERLLORET, pp. 168-169.

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Chapitre II: Les Tziganes et le droit international