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La didactique aujourd’hui

B- La compétence d’usage

La compétence linguistique telle que définie par N. Chomsky suppose un enfant capable de produire et de comprendre, en principe, toute phrase et toutes les phrases

grammaticales de sa langue. Or, comparée à la réalité des choses, ce type de compétence s'avère chimérique, voire inexistant.

En effet, comme l'a souligné D. Hymes (1984) « un enfant qui produirait absolument n'importe quelle phrase se ferait probablement enfermer si, non seulement ses phrases, mais aussi ses prises de paroles et ses silences intervenaient au hasard (en suivant l'inspiration du moment). D'ailleurs, un individu qui choisit les occasions de parler et les phrases de façon convenable, mais qui n'a la maîtrise que des paroles parfaitement grammaticales est, dans le meilleur cas, un peu bizarre. »

L'existence d'une compétence d'usage est donc inhérente à l'"appropriété" ou non des énoncés à un contexte: « il y a des règles d'utilisation sans lesquelles les règles grammaticales seraient inutiles. »

C'est pour ainsi dire, une compétence qui doit indiquer au sujet quand parler, quand se taire, avec qui, à quel moment, où, de quelle manière, etc. Autant de règles qui lui permettent de participer à divers échanges et de réaliser des répertoires d'actes de parole appropriés.

Cette compétence forgée par l'emploi et l'utilisation de la langue dans la vie quotidienne ne saurait être assimilée à une sorte de savoir fixe, acquis complètement en une seule fois. Sa constitution est progressive, au fur et à mesure des étapes de la socialisation.

L’objectif visé est donc de s’approprier une langue qui sert une action dans une situation de communication. Pour ce faire, l’apprenant doit savoir faire, doit se "débrouiller" dans des situations imprévisibles. Il doit être capable non seulement d’utiliser des formes linguistiques de la langue étrangère qu’il veut apprendre (compétence linguistique), mais aussi de s’approprier les règles sociales selon le contexte. Il doit en outre être capable

d’interagir, d’utiliser des énoncés adéquats à une situation donnée (compétence socio- pragmatique). Il est appelé par ailleurs à maîtriser les règles lui permettant d’enchaîner

des phrases, des paragraphes, des messages les uns aux autres en fonction du contexte et d’organiser ses idées (compétence discursive). Il doit en plus être capable de comprendre les éléments référentiels dans un échange pour lui donner sens (compétence référentielle) et d’employer enfin divers moyens pour maintenir la communication (compétence stratégique).

Les enfants n'acquièrent et ne développent une connaissance générale de la communication qu'à partir de leur expérience avec leur entourage et avec la société en général.

Etant donné que la compétence d'usage établie par D. Hymes est définie comme une aptitude mobilisatrice lors de l'utilisation effective de la langue, peut-on alors l'envisager comme un équivalent de la performance chomskyenne? D. Hymes lui-même, tout en signalant que la linguistique actuelle tend vers cette assimilation, la refuse pour plusieurs raisons:

ü la performance chomskyenne est dénuée de toute dimension socioculturelle, ü elle met l'accent uniquement sur l'acceptabilité grammaticale selon les

critères: "quelles phrases grammaticales sont les plus susceptibles d'être produites et facilement comprises?"

La performance chomskyenne est ambiguë, floue et non productive parce qu'elle entretient un point de vue erroné selon lequel l'utilisation de la langue n'est que la réalisation imparfaite d'un système plutôt que l'interaction complexe de plusieurs systèmes (Hymes 1984).

Dans leur critique du générativisme, C. Hagège (1976) et G. Lakoff (1973) ont relevé pas moins de trois sens distincts de performance:

ü elle est "ce que les gens font quand ils parlent". ü elle est "les mécanismes perceptifs".

ü elle est "les règles abstraites qui peuvent, au moins en partie, être spécifiées dans les grammaires des langues particulières".

Enfin, ce qui distingue réellement la compétence d'usage de la performance, ce sont les perspectives de leur mise à jour, de leur utilisation effective: alors que la première a été établie dans une perspective d'apprentissage, la deuxième a été établie dans une perspective abstraite, idéalisante, fondée sur l'étude de facteurs cognitifs et ignorant tout le champ de l'organisation culturelle de l'action sociale.

En mettant en relief cette compétence d'usage et tous les facteurs socioculturels qui rentrent dans sa description, D. Hymes marque par là une rupture avec la conception de la langue considérée comme une entité à deux faces: l'une tournée vers le sens référentiel, l'autre vers les sons, et dont l'organisation serait ce simple jeu de règles reliant ces deux faces.

Il propose alors un nouveau découpage de la langue comportant une troisième face tournée vers la conduite de la communication et la vie sociale.

Il affirme dans ce sens, que la participation et l'engagement de la langue dans la vie sociale présentent un plus productif : « Les règles syntaxiques seraient, dit-il, inutiles parfois, si elles n'étaient pas secondées par des règles d'usage socio culturellement inscrites. »

Ceci nous permettrait de dire que désormais il ne suffit plus de posséder uniquement une compétence linguistique, il ne suffit plus de connaître des règles syntaxiques et les combiner pour former des phrases grammaticales. Il faudrait dorénavant se faire des répertoires d'actes de parole adaptés aux différentes situations de communication de la vie quotidienne.

Cela revient à dire que, comme l'a affirmé Hymes, « une communauté linguistique est avant tout affaire de façons de parler ». Ce qui dépasse largement les concepts de performance et compétence de Chomsky, où l'on fait correspondre deux jugements : celui de grammaticalité (compétence) et celui d'acceptabilité (performance).

Ces deux aspects sont toutefois insuffisants pour une analyse globale de la communication comme un phénomène social global.

La compétence communicative, tel que proposée par Hymes, est à considérer comme la capacité d’un locuteur de produire et interpréter des énoncés de façon appropriée, d’adapter son discours à la situation de communication en prenant en compte les facteurs externes qui la conditionnent : le cadre spatio-temporel, l’identité des participants, leurs relations et leurs rôles, les actes qu’ils accomplissent, leur adéquation aux normes sociales, etc.

En conclusion, nous pouvons affirmer que chaque méthode a contribué (chacune à sa façon et selon les moyens dont elle disposait au moment de son application) à édifier l'enseignement apprentissage du FLE.

Au crédit des méthodes traditionnelles nous pouvons reconnaître:

ü l'apprentissage de la langue par le biais de la culture de la civilisation, de la littérature ;

ü les objectifs de formation sont d'ordre esthétique, intellectuel ; ü la composition littéraire est le couronnement des études. Au crédit de la SGAV, nous pensons reconnaître:

ü la précision dans la progression, la clarté dans les objectifs ;

ü l'inventaire dans les difficultés et le dosage de l'effort d'apprentissage et de mémorisation ;

ü la reconnaissance du rôle de la répétition, du modèle (réflexe) dans l'enseignement.

Nous pouvons raisonnablement dire qu'avec la méthode SGAV (qui continue d'être reconnue - même inconsciemment - comme méthode), on apprend bien.

Malheureusement, on apprend souvent à la fois tout et rien: une langue artificielle, des situations figées, des personnages mécaniques. Et si l'on apprend beaucoup, on s'ennuie autant. C'est sûrement un enseignement indolore et sans saveur. Nous le constatons chez les enfants qui, une fois le seuil de la classe franchi, oublient ipso facto tout ce qui est censé être maîtrisé en classe, car enseigné/appris d'une manière "mécanique", manquant visiblement d'authenticité et étant loin de leurs besoins et attentes.

Les approches communicatives ont, bien à propos, il faut le reconnaître, bousculé cet ordre linguistique étouffant. "Qu'ont-elles mené?", diriez-vous. Assurément "la vie", la réalité, celle de la langue comme des situations.

Et avec la vie, elles ont entraîné plus de motivation parce que plus d'efficacité immédiate et plus de plaisir à enseigner et à apprendre.

Apprendre dans une approche communicative, c'est, comme l'a indiqué P. Martinez (2000, pp.75-76) rechercher « l'authenticité », déterminer les « besoins langagiers » en définissant une « progression notionnelle- fonctionnelle », mettre l'apprenant en situation « d'être l'acteur autonome de son apprentissage » et instaurer une « dynamique de groupe » qui favoriserait le bon « fonctionnement des réseaux de communication. »

L'envers du décor, c'est aussi le foisonnement et parfois la désagrégation, si l'on n'apporte pas un minimum de structuration, de projet. Et après la motivation initiale, le danger de découragement est grand si l'apprenant découvre qu'il communique, mais toujours au même niveau, que finalement il n'assimile pas grand-chose ou même rien: la compétence de communication ne s'enseigne ni ne s'apprend.

Certaines approches trop exclusivement communicatives ont pu décevoir enseignants et élèves, surtout les vrais débutants:

ü parce que professeurs et apprenants s'y sont sentis essoufflés à courir "dix lièvres communicatifs à la fois";

ü parce que les matériaux proposés ne tenaient pas compte (et ne tiennent toujours pas compte) des conditions réelles d'enseignement (horaire, nombre d'élèves, possibilités de formation et de préparation pour les enseignants, milieux sociaux des uns et des autres, etc.);

ü parce que la conception communicative oubliait (et oublie toujours) d'autres motivations de l'apprenant: l'envie et le besoin de comprendre et d'apprendre.

Alors, si nous voulons allier et joindre l'utile à l'agréable, l'art et la manière, faisons-le avec intelligence, doigté et dextérité: marions (un mariage de raison mais aussi d'amour pédagogique) la motivation et la progression, le naturel et le rationnel, le savoir et le savoir-faire, le sacré et le profane. Mettons à la disposition des acteurs de l'enseignement apprentissage ce dont ils ont besoin; "désentravons-les" du "joug" des programmes trop rigides, des méthodes trop exigeantes, etc. Offrons-leur, pour ainsi dire, l'occasion de se sentir en sécurité, d'avoir l'esprit éclectique dans la manière de faire pour pouvoir enseigner et apprendre en toute quiétude et surtout avec plaisir, dans un cadre ludique agréable. Bref, pour apprendre, bien apprendre, mieux apprendre la langue, rien ne vaut un support qui allie jeu et travail.

C'est ce que voulons réaliser avec nos enfants en leur introduisant le texte littéraire (il est à considérer comme un support qui permette toutes les expériences) afin de l'exploiter rationnellement pour une appropriation de la langue dans toutes ses composantes : linguistique, artistique, culturelle, etc.

La place du texte littéraire dans nos programmes, surtout en 1ère Année Moyenne, fera

l'objet d'une analyse le moment opportun. Dans l'immédiat, nous allons nous pencher sur sa (le texte littéraire) place dans les méthodes audio-orale et audiovisuelle appliquées chez nous assidûment même jusqu'à aujourd'hui, par certains enseignants.

II. LA PLACE DU TEXTE LITTERAIRE DANS LES METHODES AUDIO- ORALE ET AUDIOVISUELLE

Pour aborder ce chapitre relatif à la place du texte comme document authentique ou comme texte littéraire dans les différentes méthodes et manuels d'enseignement apprentissage du FLE, et de l'importance que lui accordent les concepteurs des programmes, il est utile et en même temps intéressant, de nous pencher d'abord sur les méthodes communicatives dans "Archipel" et "Sans Frontières", les plus récents.

Ensuite, nous analyserons les méthodes dans les manuels de français de 1ère Année Moyenne:

sous forme d'Unités Didactiques dans les anciens programmes, et en Projets Didactiques dans les programmes actuels.