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La didactique aujourd’hui

I. L’APPROCHE COMMUNICATIVE

Les années 1980 sont marquées par l'apparition des approches dites "communicatives" et/ou "notionnelles fonctionnelles", et/ou "interactionnelles", et/ou "cognitives" (surtout aux USA).

Cette méthode (communicative), qui s'est développée depuis le début des années 1970, procède d'une demande institutionnelle et politique européennes. En effet, les échanges,

devenus nombreux avec la construction progressive de la communauté européenne (et aujourd'hui avec la globalisation) semblent selon les dires de P. Martinez (2000, p.69),

« rendre nécessaire un enseignement des langues à la hauteur des nouveaux besoins. »

L'approche interactionnelle se caractérise par le refus de certains « tabous », relevés par H. Besse (1985, p.46) des méthodes précédentes :

ü « on accepte la traduction en L1, […];

ü on réhabilite les explications grammaticales […] et la progression de l'enseignement est déterminée en fonction du public auquel on s'adresse. » L'analyse des besoins procède de l'hétérogénéité des publics et de l'évidence qu'il y allait avoir à construire des outils bâtis sur le contexte, les groupes linguistiques et socioculturels d'origines différentes. Il faudrait alors résoudre ce problème assez complexe d'ailleurs, de besoins multiples car l'évolution technologique (et autre) ne permet pas de prodiguer un enseignement unique, vertical ne répondant pas aux attentes des apprenants. Une nouvelle méthode, une nouvelle approche est née. Mais, pourquoi?

Cette approche est censée être celle du juste milieu, celle de l'éclectisme et non comme l'avaient fait les autres méthodologies, à savoir privilégier et prendre en charge un seul élément didactique (traduction, écrit, oral, etc.).

L'éclectisme est la solution non seulement la plus juste mais aussi la plus courageuse, la plus difficile à tenir et la plus formatrice, car la notion de compétence linguistique (seulement) ne suffit plus, le langage n'est plus considéré comme une entité absolue, désincarnée, mais comme une activité de communication liée aux conditions sociales de production du sujet parlant.

Il a fallu par conséquent "bouleverser" les éléments didactiques en vogue (le structuralisme, le fonctionnalisme) et tenter de trouver des éléments nouveaux (novateurs)

appelés à prendre en considération les analyses de la sociolinguistique, de la psycholinguistique et surtout les travaux des théories du niveau seuil.

En effet, l'originalité de cette approche nouvelle tient essentiellement aux contenus et aux inventaires (Martinez) dans lesquels ceux-ci ont été recensés : National syllabus (Wilkins, 1973), Niveau seuil (Coste et collègues, 1976), Waystage (Van Ek, Alexandre, 1977).

Mais quelle langue enseigner? On a pensé à un "niveau seuil".

Définir un niveau seuil, c’est, selon le Dictionnaire des Didactiques des Langues, DDL, (1976, p. 371) « d’abord, considérer un public particulier d’apprenants et déterminer quels seront les besoins de communication de ces apprenants dans la langue étrangère ;

ensuite, caractériser ce que devraient être en conséquence les comportements qu’on peut

attendre des apprenants. Ces comportements terminaux étant spécifiés comme la capacité à prendre part à tels types d’événements de parole, face à tels interlocuteurs, dans telle circonstance, pour réaliser tel ou tel acte de parole et exprimer ou comprendre diverses notions, générales ou spécifiques. »

Il constitue ainsi un ensemble d'énoncés en français permettant de réaliser tel acte de parole dans telle situation donnée, […] à partir duquel chacun (pourra) opérer ses choix en fonction de ses propres objectifs, des contraintes et du contexte spécifique.

L’objectif est de répondre aux finalités ébauchées par ce cadre. Il s’agit, dit J-P. Cuq et I. Gruca (2005, p.202) « d’assurer un niveau seuil de compétence de communication et qu’il importe de "donner à l’apprenant les moyens de se construire une personnalité de sujet parlant dans la langue qu’il apprend, faute de quoi elle lui resterait étrangère" (Martins-Baltar M.

A- Les concepts de "notion","fonction"et "acte de parole"

Tout va donc s'organiser à partir des concepts de "notion" et "fonction" pour la mise en œuvre d'un "acte de parole", matériau de la langue enseignée.

Qu'est-ce qu'on entend par ces concepts qui ont "révolutionné" la didactique des langues?

1- Le concept de "notion"

Une notion est, selon P. Martinez (2000, p.71), « une catégorie d'appréhension, de découpage du réel ». Elle peut être exprimée par des mots et expressions différentes dans une ou plusieurs langues. Ainsi, la localisation spatiale est une notion qui peut être exprimée en français par ici, là, où, dehors, dedans, etc.

La notion, se traduit donc à travers les langues différemment: classificateurs, genre, nombre, flexion du nombre, etc. Son intérêt est lié à la fois à sa signification et à son rôle dans l'énonciation, c’est-à-dire dans les conditions effectives de la communication.

Il faut toutefois souligner que le terme même de notion semble, selon J-P. Cuq (2003, p.179) « avoir disparu au bénéfice d’actes, contexte, interprétation, concepts qui se sont en revanche largement imposés en sciences du langage. Il pourra toutefois retrouver un regain de vigueur dans les approches cognitives actuelles, centrées sur le langage en général et l’acquisition en particulier. Ce retour à la cognition privilégie en effet l’étude des mécanismes inférentiels qui permettent aux locuteurs d’interpréter des énoncés et de comprendre les actes qu’ils accomplissent en contexte. »

Les notions sont donc des concepts que l’apprenant peut avoir besoin de produire ou de comprendre à travers leurs réalisations linguistiques. La démarche retenue pour déterminer objectifs et contenus, est d’ordre onomasiologique (c’est-à-dire aller des concepts aux mots, de la pensée à la langue), et a donné lieu dans le cadre du Conseil de l’Europe à des propositions pour la mise en place des systèmes d’apprentissage des langues vivantes pour les adultes et les caractérisations d’un niveau seuil, abordé précédemment.

2- La notion de "fonction"

Une fonction est selon D. Coste et R. Galisson (1976), cités par P. Martinez (2000, p.71), « une opération que le langage accomplit et permet d'accomplir par sa mise en œuvre dans une praxis relationnelle à autrui et au monde. »

Cette notion ne concerne pas le rôle, la fonction que peut jouer un mot grammaticalement parlant, par rapport à un autre dans une phrase (sujet, complément..), mais plutôt ce qu'on cherche à "faire" en s'adressant à son interlocuteur.

Il s’agit en fait de revoir les objectifs assignés à l’enseignement apprentissage d’une langue étrangère. On n’insiste plus sur la grammaire et les formes linguistiques, ni d’ailleurs sur les situations d’usage, mais bien sur les fonctions de communication à maîtriser (féliciter, critiquer, demander, etc.), et sur les notions à exprimer (temps, conséquence, etc.).

Les éléments linguistiques servant à réaliser ces fonctions et ces notions dans une langue particulière ne sont sélectionnés qu’ensuite et à partir de ces premiers choix.

3- L’acte de parole

La notion d’acte de parole a été mise au jour dans les travaux d'Austin et de Searle ("How to do things with words", Oxford, UP, 1962, et "Speech Acts", Cambridge, UP, 1969). Ils partent de l’observation que certaines phrases, quand elles sont énoncées dans certaines conditions (statuts, rôles des interlocuteurs, circonstances, …), réalisent (perform, en anglais) ce qu’elles disent.

Ainsi, "Je te promets de venir ce soir" est en elle-même, quand elle est énoncée sincèrement, à un moment et dans un lieu adéquat, la "promesse" qu’elle énonce.

On peut donc faire (do, en anglais) des choses avec les mots, pour peu qu’on sache tenir compte des conditions concrètes dans lesquelles on les emploie.

Dès lors, la problématique se pose à tout acte de langage (utilisation du langage comme une action, et non plus comme un message) : dans un énoncé comme "Ferme la

fenêtre", on distinguera :

1- l’acte locutoire : prononcer cette phrase, 2- l’acte illocutoire : donner un ordre,

L’observation des actes de langage amène à considérer aussi des actes langagiers indirects, où la visée perlocutoire n’est pas assignable à une forme illocutoire codée en langue. Le social (présent dans l’illocutoire) est ici reporté au perlocutoire : "il fait froid dans

cette pièce", constituera un acte de langage indirect si la situation comporte un locuteur

susceptible de donner un ordre à l’interlocuteur, et d’être obéi.

Le langage est désormais perçu d'abord comme un moyen d'agir sur le réel, et les normes linguistiques ne prennent leur sens que dans des normes partagées.

L'acte de parole est conçu comme l'"action qu'accomplit la parole de par son insertion et son fonctionnement pragmatiques".

Dire, c'est toujours faire. Prenant la parole, j'asserte ou je promets, j'explique ou je demande, je félicite ou j'injurie.

Et ma parole a des effets: elle ennuie ou enthousiasme, fait faire ou empêche de faire, convainc ou irrite.

En conséquence, le découpage du contenu d’enseignement apprentissage ne se fait plus à partir d'unités lexicales ou grammaticales, mais à partir de "notions" et de "fonctions" langagières qui permettent au sujet de participer pleinement à des actes de communication dans la langue étrangère. C'est là l'une des premières implications du concept de compétence de communication dans le champ de la didactique des langues étrangères, et que l'approche communicative a fini par imposer au détriment de la compétence linguistique d'usage prônée jusque là par la méthode SGAV.

De là, l’approche dite fonctionnelle- notionnelle, apparue dans la décennie 1970-1980, contemporaine du niveau seuil, renvoie selon J-P. Cuq (2003, p.179) « à un principe d’organisation des programmes d’apprentissage des langues vivantes des adultes, où la priorité est donnée à la valeur communicative des éléments du langage plutôt qu’à leur valeur grammaticale et formelle. »