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Texte littéraire et compétences de production

B- Jeux et enjeux de l’acte d’écrire

2- Ecrire, un exercice ludique

Les exercices ludiques, élément de la pédagogie de la lecture-écriture sont nombreux et variés. Riches, linguistiquement parlant, ils peuvent contribuer à une production écrite de bonne facture où seront mêlés tous les aspects du texte : de l’aspect formel (artistique) jusqu’à l’aspect sémantique en passant par les aspects discursif (cohérence) et textuel.

La production dont il est question ne sera mise au jour que ses conditions de réussite soient réunies :

• être menée d’une main de "maître" : le travail de langue y sera prépondérant, l’union lecture-écriture y trouvera toute sa signification et son importance afin de "faire" de l’apprenant non seulement un lecteur autonome, mais aussi un futur scripteur/écrivain autonome,

• s’inscrire dans un projet d’écriture répondant aux cinq leviers qui constituent

les phases étroitement liées et indissociables dans la réalisation pratique de l’écrit

Il faudrait alors pour atteindre cet objectif :

a- planifier :

Il s’agira de dégager un plan si besoin est. Il servira de fondement, de point de départ à la préparation de l’écrit, grâce à une disposition qui peut se résumer ainsi :

• rendre explicites l’objectif, l’enjeu de la communication ; identifier le plus précisément possible les destinataires ;

• se représenter les caractéristiques du texte à produire, à mettre en relation avec d’autres textes du même type déjà écrits ou déjà lus ; se remettre en mémoire les caractéristiques déjà explicitées ;

• se servir d’un outil connu (par exemple le schéma narratif) pour l’élaboration

d’une trame ; choisir un ordre de présentation des éléments ;

• mobiliser des idées en fonction du projet, sélectionner et organiser les informations utiles et pertinentes.

b- mettre en texte :

Cette activité est personnelle. Elle permet à l’apprenant de mettre en forme tous les éléments sélectionnés et répertoriés précédemment. Un conflit d’ordre cognitif s’engage ente l’apprenant et l’objectif fixé. La mise en texte prend en considération les paramètres suivants :

• sélectionner des indices pertinents à "peser" dans le texte pour qu’il soit cohérent et compréhensible ;

• rédiger un texte conforme aux caractéristiques du type de texte choisi ;

• choisir un mode d’"entrée" et de "sortie" dans le texte cohérent avec le type de texte ;

• enchaîner les phrases de manière cohésive (progression thématique, systèmes de reprise, articulateurs) ;

• prévoir et gérer les contradictions et les ambiguïtés possibles ; utiliser de façon adéquate les éléments grammaticaux ou lexicaux caractéristiques du type de texte à produire.

c- réviser :

C’est un moment important qui permet de prendre du recul afin de reprendre, de corriger et d’améliorer les différentes productions. La révision table sur le retour à l’apprentissage (la métacognition). Par révision, il fait entendre :

• relecture du produit et évaluation de l’adéquation du texte produit aux objectifs fixés préalablement ;

• suppression des contradictions et ambiguïtés ;

• introduction des éléments d’information nécessaires ;

• repérage des réussites et des insuffisances, en termes de cohérence textuelle,

construction et enchaînement des phrases, choix lexicaux et grammaticaux, correction orthographique et respect de la ponctuation.

d- réécrire :

C’est l’ultime opération avant de procéder à l’évaluation ; la mise au propre du texte prendra en charge les indicateurs suivants :

• prise en charge adéquate des nouvelles informations apportées ;

• choix des critères de réussite formulés lors de la révision ;

• relecture moment par moment;

• réécriture définitive du texte.

e- évaluer :

C’est un moment très important dans l’apprentissage : l’accent sera mis sur les dysfonctionnements produits par l’apprenant et là une stratégie de remédiation doit être installée pour redonner au texte sa véritable dimension au triple plan structuro sémantico artistique.

L’évaluation permet à l’apprenant d’apposer un exerçage régulant des outils relatifs au type de texte visé, une reformulation du texte sur la base de données nouvelles.

Elle lui permet enfin d’apprendre à prendre conscience de ce qu’il fallait faire et comment il peut le faire.

Nous reprendrons ici la présentation du processus d’écriture de C. Oriol-Boyer. Ce processus est divisé en phases car "un texte est en effet le résultat d’un rapport oublié mais obligé entre les pratiques de lecture et d’écriture selon le schéma suivant qui met en évidence leur relation" :

ECRIRE (LA REDACTION)

6 Programme 2 0 d’écriture PRESCRIRE (listes, schémas) 7 SE RELIRE Ecrit 1 Ecrit 2 3 Programme de 4 relecture 1 (RE)LIRE 5 LA BIBLIOTHEQUE (souligner, recopier)

En effet, dans un article paru dans la Revue Le Français dans le monde, novembre/décembre 1990, intitulé "Pour une didactique du français langue et littérature étrangères", C. Oriol-Boyer montre que « la spirale désigne un enchaînement d’opérations effectué par l’écrivain lorsqu’il tente de produire un texte. Chaque cadran représente un type d’opération : il y a globalement, une succession obligée mais il n’y a pas linéarité des enchaînements car :

ü certaines phases peuvent être sautées, tandis que d’autres peuvent comporter,

en leur sein, en microséquence, telle ou telle autre (par exemple, au moment

même où l’on se relit, on peut, en quelques secondes se référer à un livre et changer un mot, tout en se maintenant principalement dans une activité de relecture).

ü toute phase peut avorter et ne pas amener la suivante (c’est l’échec, le découragement, l’acceptation d’un comportement velléitaire).

Segment (0-1) : parcours de lecture toujours déjà effectué qui permet l’émergence d’un projet d’écriture.

Segment (1-2) : constitution d’un programme d’écriture (il s’établit à la suite de plusieurs travaux scripturaux préparatoires : listes de mots, copies de citations, schémas de compositions, morceaux de phrases, etc.). Cette phase comprend des activités de planification. Segment (2-3) : travail de rédaction qui permet la venue d’un premier texte, ou travail de réécriture qui permet une nouvelle version.

Segment (3-4) : temps de relecture, établissement d’un diagnostic, élaboration de stratégies de remédiation et, en particulier, convocation d’autres textes dont la (re)lecture pourrait aider à poursuivre ou améliorer la première version.

L’écrit numéro 1, […], désormais, fera partie de la bibliothèque.

De versions en versions le parcours se reproduit jusqu’à ce que la différence entre deux versions soit tellement minime que l’on arrive à parcourir non plus une spirale mais un cercle.

Selon les phases de travail en cours, on sera plus proche de la copie ou du travail de rédaction (synonyme ici d’amélioration). Le procès de lecture-écriture fait basculer d’un sens à l’autre : le trajet s’accomplit depuis l’art du RAPT jusqu’à celui de la RATURE. »

En définitive, l’enjeu principal est non plus seulement d’écrire, mais de libérer une parole authentique, qu’il faudra savoir entendre et lire. La libération de la parole doit se faire dans des conditions propices, non artificielles, ou aussi peu artificielles que possible.

Il s’agit dans un premier temps d’essais d’écriture qui pourront, comme le dit L. Jenny, cité par O. Séoud (1979, p.183), « faire le silence, ou bien susciter le vacarme, l’interrogation… »

Il s’agit aussi et enfin, pour rejoindre C. Oriol-Boyer (1989, p.103), de « faire développer la pensée abstraite par l’écrit grâce au travail du paradigme et des relations de similarité. »

Il est désormais aussi nécessaire qu’indispensable d’encourager l’apprenant dans des activités simultanées de lecture-écriture, en essayant, du mieux que l’on peut, de le libérer des entraves purement scolaires de l’écriture. Il deviendra ainsi plus autonome et aura assurément cette envie enthousiaste à la création personnelle. Il lui sera difficile, du moins tout au début,

d’étancher sa soif créative, mais si on lui accorde notre confiance et notre attention soutenue, en l’orientant dans ses activités de production, il saura certainement relever le défi et devenir, ne serait-ce que l’espace d’une séance, un véritable lecteur-scripteur et un véritable scripteur-lecteur, en ayant quelque chose à raconter, des arguments à faire valoir et quelque chose à inventer.

Bref, encourageons-le (et ne nous lassons dans notre besogne) à se prendre en charge dans son entreprise, dans son projet de lecture-écriture. Tous les moyens sont bons à utiliser et exploiter, même le retour vers sa langue maternelle, qu’il faudrait toutefois user avec mesure.