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Depuis leur création, les Nations Unies jouent « un rôle essentiel dans le dévoilement planétaire de la question féminine »45. « Abordant le rôle de la communauté internationale dans la lutte contre les discriminations, Mme Gaspard a indiqué que depuis sa création, la Commission de la Condition de la femme a joué un rôle fondamental dans la construction des normes internationales »46. La Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’égard des Femmes de1979 marque notamment une sorte d’apogée des efforts des Nations Unies dans ce domaine. Il existe actuellement de nombreuses conventions sur les droits des femmes. Mais la CEDAW est la convention signée la plus générale et la plus effective. Elle aborde tous les thèmes relatifs aux droits de la femme ; elle reconnaît ces droits comme des droits humains, obligatoires et fondamentaux ; elle donne une définition universelle de la discrimination de genre ; et elle appelle à l’action, à la responsabilité des Etats dans tous les domaines. Tout ceci fait de la Convention l’instrument principal des droits humains des femmes. De plus, c’est l’unique traité qui dénonce la culture, la tradition et la religion comme forces qui peuvent discriminer la femme. Il s’agit également de l’appui légal le plus fort concernant le droit à la santé reproductive, et au choix en matière de reproduction.

44 « sin los derechos de las mujeres, no hay derechos humanos » et « sin mujeres los derechos no son humanos ».

45 Sophie Bessis, « Genre et développement : théorie et mises en œuvre des concepts dans le développement.

L’approche genre et les organisations internationales, du discours à l’action », Colloque international ‘Genre, population et développement en Afrique’, UEPA, UAPS, INED, ENSEA, IFORD, Abidjan, 16-21 juillet 2001.

46 Commission de la Condition de la Femme, « La vulnérabilité des femmes face au cumul de discriminations multiples portée à l’attention de la Commission de la Condition de la Femme », FEM/1142, 13 mars 2001, 11ème séance, page 4.

Les Nations Unies ont également joué un rôle majeur, en organisant régulièrement des Conférences Mondiales, en particulier celles sur ‘Population et Développement’ (Bucarest 1974, Mexico 1984, Caire 1994) ; ainsi que celles intitulées ‘Conférence Mondiale sur la Femme’ (Mexico 1975, Copenhague 1980, Nairobi 1985 et Beijing 1995). Chaque conférence pose une problématique, telle que par exemple « la réduction de la fécondité favorisera-t-elle le développement ou le développement favorisera-t-il la réduction de la fécondité » (Bucarest, 1974). Celles-ci soulignent alors des fractures idéologiques, des différences de priorités, de nécessités entre les femmes : à Bucarest (1974), entre les pays du Sud et ceux du Nord, ces derniers estimant que sans la planification familiale et la baisse de fécondité, le développement est impossible ; à Mexico (1975), entre les femmes de l’est, plus intéressées par la question de la paix, celles de l’ouest, par l’égalité entre les sexes, et celles du Sud qui mettent l’accent sur le développement ; au Caire (1994), entre la conception laïque de la société et la conception théocratique, à propos du débat autour de la reproduction et de la sexualité des femmes

A Beijing, chaque région du monde marque ses préoccupations majeures et les principaux thèmes prioritaires. La région Asie et Pacifique affiche, comme principaux sujets de préoccupation, la féminisation de la pauvreté, la moindre participation des femmes à la vie économique, la sous-estimation du rôle des femmes dans la protection de l’environnement, et l’inégale participation des femmes au pouvoir. Les pays d’Asie occidentale centrent leur intérêt sur la protection du droit de la femme arabe à participer aux structures et mécanismes du pouvoir et des décisions (la réduction de la pauvreté étant une deuxième priorité). Les

« thèmes de la pauvreté des femmes, de leur insuffisante participation au pouvoir économique et politique, des droits de l’homme, de la paix et de la violence se retrouvent dans les préoccupations de la ‘région’ Amérique Latine et Caraïbes »47, région qui revendique également le partage égal des responsabilités familiales et la reconnaissance de la pluralité des cultures. L’Europe et l’Amérique du Nord sont sensibles « aux thèmes des droits des femmes, de la pauvreté, de la sous-évaluation de la contribution des femmes à l’économie dans le cadre du développement durable, de la faible participation des femmes à la vie publique »48, et mettent aussi l’accent sur « les carences des mesures propres à concilier responsabilités familiales et travail rémunéré, l’insuffisance des systèmes statistiques, des bases de données (…) »49. L’Afrique montre une certaine inquiétude quant à la pauvreté, les menaces contre la sécurité alimentaire et la marginalisation économique ; elle se préoccupe également « du sort des fillettes, menacées par l’épidémie du sida, d’autant plus menacées qu’elles sont en situation d’ignorance et de dépendance »50.

Au-delà des différences de priorités et de conceptions, ces conférences fournissent

« l’occasion à ces mouvements [mouvements de femmes] de constituer des réseaux plus ou moins structurés d’informations et de solidarité. Elles ont, enfin, donné l’occasion aux féministes occidentales de constater qu’elles ne détiennent pas le monopole des luttes de femmes. Les organisations européennes et nord américaines ont pu voir que, sous des formes et avec des langages différents, le combat féminin pour la justice et l’égalité est réellement mondial et qu’elles n’ont pas forcément vocation à en assurer le leadership »51.

47 Jacques Véron, Le monde des femmes. Inégalités des sexes, inégalités des sociétés, Edition du Seuil, 1997, page 46.

48 Jacques Véron, op. cit., page 46.

49 Jacques Véron, op. cit., page 46.

50 Jacques Véron, op. cit., page 46.

51 Sophie Bessis, « Genre et développement : théorie et mises en œuvre des concepts dans le développement.

L’approche genre et les organisations internationales, du discours à l’action », Colloque international ‘Genre, population et développement en Afrique’, UEPA, UAPS, INED, ENSEA, IFORD, Abidjan, 16-21 juillet 2001.

D’autre part, ces conférences marquent d’importantes avancées quantitatives et qualitatives, à travers notamment l’adoption de déclarations ou de programmes d’action, qui reflètent le consensus international et une position de plus en plus progressiste sur les droits humains des femmes.

La Conférence du Caire (1994), appuyée un an plus tard par celle de Beijing (1995), marque un pas décisif pour l’avancée des droits des femmes. Les négociations se terminent par l’adoption d’un programme d’action sur la population et le développement (Programme d’Action CIPD’94) pour les 20 années suivantes. Ce dernier aborde de nombreux thèmes tels que le genre, l’égalité, l’équité et ‘l’empowerment’ des femmes52 ; la famille, ses rôles, ses droits, sa composition et sa structure ; la croissance et la structure de la population. Il tend à responsabiliser la parenté et le comportement reproductif et sexuel (des hommes, en particulier). Mais il souligne principalement les droits des hommes et des femmes à être informés et à avoir accès à des méthodes de planification familiale sûres, effectives, abordables et acceptables, ainsi que le droit à l’accès aux services de santé qui permettent aux femmes de mener leur grossesse jusqu’à la naissance de l’enfant de façon sûre. Soit, pour la première fois, les droits reproductifs et sexuels sont définis et reconnus explicitement comme des droits humains. Un des principaux objectifs du Programme d’Action est de garantir l’accès universel aux soins de santé en matière de reproduction et sexualité, dès que possible, et en 2015 au plus tard.

La 4ème Conférence Mondiale sur les Femmes, tenue à Beijing, Chine, du 4 au 15 septembre 1995, aboutit sur un accord de 189 délégations pour un plan de 5 ans qui favorise

‘l’empowerment’ politique, économique et social des femmes, améliore leur santé, leur éducation et promeut leurs droits reproductifs. Environ 100 pays ont annoncé de nouvelles initiatives pour le progrès des femmes comme un résultat de la Conférence sur les Femmes de Beijing.

A travers la promotion de droits légaux (les instruments internationaux), la mobilisation de l’opinion publique (les conférences), la recherche et l’information, les Nations Unies sont parvenues à se constituer en acteur central, qui détermine les orientations théoriques et pratiques pour la promotion des droits des femmes53.

Des études menées par les Nations Unies ont rendu évident que l’égalité des droits des femmes influe définitivement sur le bien-être de la société. « Le sort des femmes est un facteur de développement, notamment dans les pays en voie de développement »54. La dévalorisation de la femme a été identifiée comme cause et effet du sous-développement et liée aux problèmes de pauvreté, d’analphabétisme, de dénutrition et d’insalubrité. Si les femmes étaient appréhendées en fonction de leurs besoins en matière de développement, elles sont aujourd’hui considérées comme des acteurs du développement, une considération qui se

52 ‘L’empowerment’ des femmes est l’acquisition de pouvoir par les femmes, mais à partir de l’intérieur d’elles-mêmes.

53 Les Nations Unies sont à cet égard critiquées par certains auteurs, tels que Jules Falquet qui écrit :

« Ironiquement, la légitimité de ces politiques internationales repose en grande partie sur l’image que l’ONU a réussi à se donner, notamment comme protectrice de ‘la femme’ et de ‘la nature’ totalement mythifiées, et sur la participation de la ‘société civile’, en particulier des femmes, à ce processus. Devant l’accablant résultat de ce système international, n’est-il pas temps, comme femmes et plus encore peut-être comme féministes, de lui retirer une fois pour toutes notre appui et de l’affronter comme un de nos principaux ennemis » (Jules Falquet,

« Femmes, Féministes et ‘Développement’ : une analyse critique des politiques des institutions internationales », page 18).

54 M. C. Tesson Millet, Conférence ‘Genre et Développement’, Banque Mondiale, 2005.

reflète dans les actions qui promeuvent le pouvoir et le droit des femmes à participer pleinement à toutes les activités humaines.

En 1993, lors de la Conférence de Vienne sur les Droits de l’Homme, on affirme que « Les droits humains de la femme et de la fille font partie de façon inaliénable, intégrante et indivisible des droits humains universels. La pleine participation, en condition d’égalité, de la femme dans la vie politique, civile, économique, sociale et culturelle, dans les plans nationaux, régionaux et internationaux et l’éradication de toutes les formes de discrimination basées sur le sexe sont les objectifs prioritaires de la communauté internationale » (Extrait de la Déclaration et Programme d’Action de Vienne, de la Conférence mondiale des Droits Humains des Nations Unies, approuvée le 25 juin 1993). Cette reconnaissance « a transformé la conscience des femmes, mais aussi la perception qu’on en avait de l’extérieur : elles apparaissent désormais comme les porteuses d’une revendication universelle d’équité, comme des sujets de droit, et non plus avant tout comme des quémandeuses et des nécessiteuses. Il a ainsi été possible, d’une part, de faire apparaître l’injustice et le statut de victime, mais aussi de dépasser le rôle de victime en transformant la femme en sujet politique et juridique »55.

« Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, signala que 10 ans après la convocation de Pékin, les femmes ‘non seulement étaient plus conscientes de leurs droits, mais elles étaient également plus aptes pour les exercer’ »56.

Selon M. Ehrenpreis de la Banque Mondiale, l’amélioration générale de la condition et des droits des femmes dans le monde est en partie due à l’action concertée de la Communauté Internationale57. Mais la discrimination de genre et la marginalisation des femmes restent des phénomènes sociaux, politiques et économiques d’actualité.

« Dix ans après la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin, les participants à la réunion de New York célébrant la semaine dernière cet anniversaire n'ont pu que réaffirmer la validité du programme d'action pour la promotion de l'égalité des sexes adopté en 1995. Le programme de Pékin proclamait notamment que les droits des femmes étaient un droit fondamental de l'humanité à part entière. Les gouvernements s'y engageaient entre autres à éradiquer toutes les lois discriminatoires à l'égard des femmes. Dix ans après, beaucoup ne l'ont toujours pas fait »58

« Les conférences internationales de la décennie auraient-elles été inutiles ? La Conférence mondiale de Nairobi, en 1985, qui envisageait une stratégie pour une plus grande égalité entre hommes et femmes, celle de Vienne sur les droits de l’Homme qui a réuni 171 Etats en 1993, celle du Caire de 1994 sur la population et le développement ou la 4ème Conférence

55 Christa Wichterich, La femme mondialisée, Actes Sud, 1999, page 238.

56 “El secretario general de la ONU, Kofi Annan, señaló que 10 años después de la convocatoria de Pekín, las mujeres ‘no sólo son más conscientes de sus derechos, sino que están más capacitadas para ejercerlos’ ” (Nueva York, DPA, “La equidad será el tema principal”, La Razon, le O8/03/05).

57 Conférence ‘Genre et Développement’, Banque Mondiale, mars 2005.

58 AFP, « Le monde commémore la Journée des femmes », Le Monde, 08/03/2005.

mondiale sur les femmes en 1995, qui vit affluer 30 000 femmes à Pékin, n’auraient-elles eu aucun impact ? La question mérite d’être formulée face à la lenteur des progrès et aux régressions trop souvent constatées », écrit Jack Lang dans l’avant propos de Enquête sur la situation des femmes dans le monde en 199859.