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Partout dans le monde, les femmes sont sujettes à tout type de discrimination et violence. De par le simple fait « d’être femme », elles connaissent une situation et des conditions de vie subalternes à celles des hommes, dans des sociétés qui ont gardé à travers l’espace et le temps un caractère machiste et patriarcal.

Au fil des années, les talibans ont réussi à bannir les femmes de la vie économique et publique.

Le code de l’honneur des Pachtounes précise que « les femmes, garantes de la survie du peuple pachtoune, sont inférieures aux hommes et placées sous leur autorité »21. « (…) plus de trois ans après la chute du régime des talibans, les Afghanes peuvent en théorie étudier, travailler ou se présenter à des élections, et ne sont plus obligées de se draper d'une burqa pour sortir. Mais, malgré ces quelques progrès, leur situation n'a guère évolué dans la majeure partie du pays. Dans certaines régions, tout comme au Pakistan voisin, la montée de l'intégrisme l'a même détériorée »22.

Au Pakistan, le ‘crime d’honneur’ reste une pratique courante.

« Le prétendu honneur familial se paie au prix de la vie des femmes »23.

Dans certains pays, le viol, par exemple, est un crime contre les mœurs, et parfois la victime est mise à mort car il s’agit également d’un ‘crime d’honneur’.

« A Multan (Centre), une figure du combat, Mukhtiar Mai, elle-même victime d'un viol, a mené un défilé de plusieurs centaines de femmes lundi, moins d'une semaine après l'acquittement controversé de ses agresseurs. ‘Je poursuivrai ma lutte pour les droits des femmes jusqu'à mon dernier souffle et je ne cèderai pas devant la tyrannie, l'exploitation, la tradition ou les coutumes’, a-t-elle dit à la foule. Cette femme de 30 ans fut violée durant une heure en 2002 par des hommes d'un clan rival voulant venger une relation qu'avait eue son frère avec une femme du clan »24.

21 Karola Schaaf, « Les femmes afghanes ont-elles le droit d’espérer ? », Le Monde Diplomatique, mai 2001.

22 AFP, « Le monde commémore la Journée des femmes », Le Monde, le 08/03/05.

23 Fariha Razak Haroon, « Asie – Le mot de la semaine Pakistan. Une coutume meurtrière pour les femmes », Courrier International, n°531, 04/01/2001.

24 « En Asie-Pacifique, protestations et colère pour la Journée des femmes », Le Monde, le 08/03/05.

En Inde, persiste la pratique de la dot, tradition criminelle pour la femme, puisqu’elle engendre des meurtres courants de femmes pour que le mari obtienne une seconde dot. Cette pratique est pourtant interdite par le Code Pénal.

Le Code Pénal établit que « lorsque la mort d’une femme est accusée par des brûlures ou des blessures corporelles, ou lorsqu’elle intervient dans des circonstances anormales au cours des 7 années suivant le mariage et qu’il est démontré que, peu avant la mort, la victime a été sujette à des actes de cruauté ou de harcèlement de la part de son mari ou de la famille de son mari, en relation avec une demande de dot », il s’agit d’un acte criminel25.

La discrimination envers les femmes s’exprime également à travers l’avortement sexiste, pratiqué notamment en Chine ou en Inde. Le recensement de 2001 en Inde montre une forte diminution des naissances de filles ; et rend compte d’un nombre plus important d’hommes.

« Ce déséquilibre traduit la progression des techniques médicales modernes, et notamment des échographies, qui permettent aux mères indiennes de sacrifier à la préférence culturelle pour les garçons en se faisant avorter quand le fœtus n’est pas du bon sexe »26. Ces techniques de détermination du sexe du fœtus sont interdites par la loi depuis plusieurs années, une loi toutefois non appliquée.

La mutilation génitale féminine, pratique fondée sur certaines croyances musulmanes, semble être la forme la plus dramatique de violence spécifique de genre. Cette pratique montre la subordination de la femme, l’homme maintenant ainsi un total contrôle sur la sexualité de la femme. Si cet acte rituel est limité géographiquement et culturellement, cette recherche de pouvoir masculin sur la sexualité féminine revêt un caractère universel. Ainsi, bien souvent, les femmes qui luttent pour leur émancipation se battent à la fois contre une culture qui les étouffe et un régime qui les opprime.

« Les femmes sont, en raison de leur sexe biologique, plus particulièrement et spécifiquement vulnérables au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée »27. Sous l’apartheid, la femme noire était au dernier échelon de la société, laissée pour compte. L’apartheid a renforcé l’asservissement des femmes. Son droit était « celui de reproduire les nouvelles générations de main-d’œuvre africaine »28. La femme connaît donc des formes cumulatives de discrimination. Comme l’exprime Sarah Arnez, conseillère municipale d’El Alto en Bolivie, lors d’un entretien : « être femme, être indigène et être pauvre, réellement, pire que cela, il n’y a que l’enfer, non… »29. Les inégalités de genre sont la duplication d’autres inégalités qu’elles ne font qu’aggraver. Il est dangereux de considérer la femme sans prendre en compte les différentes perspectives telles que l’origine, la classe et autres caractéristiques sociales. Ces dernières subordonnent la femme tout autant que la dimension ‘genre’ ou ‘sexe’.

25 Roland Pierre Paringaux, « Femmes d’Asie en butte à la violence », Le Monde Diplomatique, mai 2001.

26 Bahli Anandpur, « Inde : où sont les femmes ? », Courrier International, 13-19 février 2003.

27 Propos de Françoise Gaspard, « La vulnérabilité des femmes face au cumul de discriminations multiples portée à l’attention de la Commission de la Condition de la Femme », Commission de la Condition de la Femme, FEM/1142, 13 mars 2001, 11ème séance, page 3.

28 Caroline Flepp, « Afrique du Sud. Les femmes parquées dans des réserves », in Elisabeth Paquot, Terre des femmes. Panorama de la situation des femmes dans le monde, La Découverte, Maspero, 1982, page 135.

29 « ser mujer, ser indígena y ser pobre, realmente, peor que eso, solo hay el infierno, no… », voir Annexe III:

Entretien avec Sarah Arnez.

Il existe également une corrélation entre le sort des femmes et la situation économique d’un pays, essentiellement dans les pays en voie de développement. « L’accès aux droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels est directement proportionnel aux conditions de vie et de pauvreté d’un pays. A majeure pauvreté, augmentent les possibilités qu’ils soient vulnérables (…). Même si interviennent d’autres facteurs d’ordre culturel, idéologique et politique, la redistribution équitative des ressources économiques offre de façon substantielle la possibilité de les exercer, en donnant aux droits humains un caractère d’interdépendance et d’unité »30.

« ‘Existe-t-il quelqu’un de plus sous-alimenté et de plus désespéré qu’un pauvre au bas de l’échelle sociale d’un pays sous développé ? oui, sa femme et le plus souvent ses enfants’ »31. Depuis le début des années 80, la pauvreté s’est féminisée dans le monde. « En somme, à niveau social égal, l’ajustement a davantage pénalisé les femmes que les hommes, dans la mesure où il a systématiquement accru la part invisible de leur travail au détriment de sa part rémunérée »32. La crise économique semble agir comme un stimulant de l’activité féminine.

Le travail des femmes (comme celui des immigrés) est souvent considéré comme une ‘armée de réserves’. Cependant, suite aux programmes d’ajustement structurel de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International, c’est essentiellement le secteur informel qui a été pris d’assaut par les femmes, secteur d’activité non reconnu, non protégé, et fortement discriminé.

« Domestiques, petites commerçantes, prostituées, des millions de femmes, des millions de familles réussissent à survivre grâce à leur travail acharné, ce ‘travail de femmes’ si peu considéré, si marginalisé, socialement et économiquement, presque désavoué, immergé quantitativement et qualitativement dans les abstractions du développement (…). Africaines, Sud-américaines ou Asiatiques, elles connaissent les mêmes conditions de travail, traversent les mêmes difficultés, se heurtent aux mêmes refus, malgré les différences de culture, de religion et de société (…). A travers les siècles, les femmes, soumises à ce dressage incessant et multiforme, n’ont pu qu’inférioriser ces modèles culturels qui, dans une large mesure, conditionnent leur vie (…). On doit se demander comment cette femme, volée à elle-même, infériorisée, moquée par tous pourra continuer d’exercer sa fonction essentielle d’éducatrice et de socialisatrice. Quelle image pourra-t-elle assumer, face à ses enfants, et quelle image de leur mère la société renvoie-t-elle à ces enfants ? (…). Captives de leur propre culture, ignorantes des autres, l’oppression dont elles sont l’objet peut ainsi s’exercer à tous les niveaux : leur travail – biologique et économique – est en même temps leur condamnation et leur rédemption. C’est ainsi que l’aliénation des travailleuses est sociologiquement et métaphysiquement différente de celle des hommes »33.

30 “El acceso a los derechos civiles, políticos, económicos, sociales y culturales es directamente proporcional a las condiciones de vida y pobreza de un país. A mayor pobreza aumentan las posibilidades de que estos sean vulnerados (…). Aunque también intervienen otros factores de orden cultural, ideologico y político, la redistribución equitativa de los recursos economicos potencia sustancialmente la posibilidad de ejercerlos, dándole a los derechos humanos un caracter de interdependencia y unidad” (Coordinadora de la Mujer, Documento de trabajo, Estado de situación actual de los derechos humanos de las mujeres en Bolivia, septiembre de 2003, page 9).

31 Propos de Susan George, Comment meurt l’autre moitié du monde, R. Laffont, 1978, in Jeanne Bisilliat, Michèle Fieloux, Femmes du tiers monde. Travail et quotidien, l’Harmattan, 1992, page 11.

32 Sophie Bessis, « Genre et développement : théorie et mises en œuvre des concepts dans le développement.

L’approche genre et les organisations internationales, du discours à l’action », Colloque international ‘Genre, population et développement en Afrique’, UEPA, UAPS, INED, ENSEA, IFORD, Abidjan, 16-21 juillet 2001.

33 Jeanne Bisilliat, Michèle Fieloux, op. cit., pages 66, 85, et 93.

Les femmes restent les premières victimes des politiques économiques, des crises économiques, mais également des catastrophes naturelles, telles que le tsunami en décembre 2004.

« ‘Le tsunami a eu des répercussions spécifiquement reliées aux sexes, allant de femmes accouchant dans des mauvaises conditions sanitaires à l'augmentation de cas de viols et d'abus’, a déclaré Cholpon Akmatova, du Forum sur les femmes, la justice et le développement en Asie Pacifique »34.

Les femmes constituent la moitié de la population du monde. « Elles fournissent les 2/3 des heures de travail de l’humanité, ne reçoivent qu’un 10ème des revenus mondiaux et possèdent moins d’un 100ème des biens matériels »35. Il s’agit là également d’une caractéristique des régions développées où les femmes continuent de gagner moins que les hommes, qui ont de plus des emplois mieux considérés ; où le travail non rémunéré et non reconnu est principalement accompli par les femmes.

Les femmes, dans le monde entier, sont donc les premières victimes des pratiques culturelles discriminantes, de l’exploitation sexuelle, de la discrimination scolaire, salariale, des crises économiques, des conflits armés… Elles constituent de façon générale la population la plus illettrée et analphabète, la plus pauvre, la plus exposée aux problèmes sanitaires et de santé, la plus absente du monde publique et politique.

En 2000, seuls 7 femmes étaient chef d’Etat ; 3 chefs du gouvernement ; 9%

des ministres étaient des femmes ; et il y avait des femmes dans 145 gouvernements36.

Or, Olympes de Gouges déclarait déjà à l’époque révolutionnaire que « la femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune »37.

« Une société qui marginalise les femmes se prive de la moitié de son potentiel et par là - même, d’un développement durable » (Plate-Forme d’action de Beijing, 1995). Habib Bourguiba, homme politique tunisien, déclarait à cet égard que sans le préalable de l’évolution féminine, rien n’était possible pour développer un pays. Françoise Héritier explique, lors de la Conférence ‘Genre et développement’, organisée par la Banque Mondiale en 2005, que l’émancipation des femmes est un facteur décisif de changement. Selon l’anthropologue, le sous-développement résulte et est entretenu par la subordination des femmes (et non l’inverse, comme cela fut souvent présenté). « La Commission Economique pour l’Afrique fait valoir que si l'égalité des sexes avait été réalisée, si les femmes avaient été en mesure de participer dûment à l'économie, avaient véritablement leur mot à dire dans les

34 AFP, « L’effet du Tsunami », Le Monde, le 08/03/05.

35 Jeanne Bisilliat, Michèle Fieloux, Femmes du tiers monde. Travail et quotidien, l’Harmattan, 1992, page 7.

36 Selon Sue Williams, « Combler le Fossé entre les sexes », Source n°125, Juillet-Août 2000.

37 Claire Poinsignon, « Féminisme et luttes de femmes », in Elisabeth Paquot, Terre des Femmes. Panorama de la situation des femmes dans le monde, la Découverte, Maspero, 1982, page 82.

affaires de guerre et de paix et avaient le pouvoir d'exiger des rapports sexuels sans risque, ces fléaux seraient aujourd'hui en partie enrayés »38.

« Ce n’est pas un crime d’être en retard en matière de progrès matériel et technologique. Mais c’est assurément un crime et un péché que d’être intellectuellement rétrograde. C’est cela la véritable arriération »39.

« Certains ‘progrès’ ont bien été enregistrés au cours de ces 5 dernières années. Des codes pénaux ont été réformés pour réprimer plus durement les violences commises par les conjoints, le proxénétisme, le trafic des femmes.

Des campagnes internationales et nationales de sensibilisation contre les mutilations génitales ont été lancées. Les textes et la jurisprudence en matière de droits humains ont évolué. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et celui pour le Rwanda40 ont émis des actes d’accusation fondés sur la désignation du viol comme une torture et un élément constitutif d’une politique de génocide. Grâce au travail soutenu du Gender Caucus, le statut de la Cour pénale internationale, adopté à Rome en juillet 1998, a intégré les violences sexuelles et en premier lieu le viol dans la définition de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité »41.

Cependant, le caractère et la magnitude des violations des droits internationaux de la femme continuent « d’être cruels et répandus »42. Dans de nombreux pays, ces violations restent sans solution juridique et sans être considérées comme discriminatoires ou comme ‘affectant’ la dignité humaine. Lors de la Conférence baptisée ‘Beijing + 5’, les représentants des Organisations Non Gouvernementales ainsi que les délégués officiels ont exprimé leur exaspération devant le fait que les gouvernements parlent d’égalité des sexes sans traduire leurs paroles en actes.

Selon M. Darcos, Ministre français, la lutte de l’égalité s’inscrit dans la lutte des droits humains. H. Charlesworth, dans un chapitre intitulé « Que sont les ‘droits humains internationaux de la femme’ ? »43, soutient que le développement des droits humains internationaux de la femme a le potentiel de transformer les droits humains en général. Mais celui-ci a été partial, ‘androcentrique’ et a privilégié une vision du monde masculine. Les femmes sont en position inférieure (pas de pouvoir réel dans le monde public ni dans le monde privé) et le droit international des droits humains comme beaucoup de constructions juridiques, économiques, sociales et culturelles, renforce ce manque de pouvoir. Est-il

38 Nations Unies, Afrique Relance, « Des progrès mitigés pour les Africaines », volume 14, n°2.

39 Hafizur Rahman, DAWN, « Pitié pour les femmes ! », Courrier International « Pakistan : Vers l’implosion ? », n°576, 15/11/2001.

40 Au Rwanda, d’avril 1994 à avril 1995, l’estimation du nombre de femmes et de filles violées atteint 15700 à 250000 (Women at a Glance, mai 1997).

41 Agnès Callamard, « Les femmes à l’assaut du ciel », Le Monde Diplomatique, juin 2000, page 17.

42 Rebecca J. Cook, Derechos Humanos de la mujer. Perspectivas nacionales e internacionales, PROFAMILIA, 1997.

43 H. Charlesworth, « Qué son los ‘derechos humanos internacionales de la mujer’ ? », in Rebecca J. Cook, Derechos Humanos de la mujer. Perspectivas nacionales e internacionales, PROFAMILIA, 1997.

possible de parler d’une manière significative de l’ensemble des voix des femmes dans un seul cadre international ? On a souvent accusé les féministes occidentales de supposer que leurs inquiétudes pouvaient être généralisées au niveau mondial. Cependant, le patriarcat et la dénégation de la femme, même s’ils se manifestent de façon distincte dans des sociétés distinctes, sont pratiquement universels. L’origine, la classe, la culture et la géographie sont des facteurs de division. Mais toutes connaissent des conflits dans leurs multiples rôles : l’exploitation par l’homme de la sexualité féminine ; la lutte généralisée pour la survie et la dignité ; la vulnérabilité à la violence, qu’elles soient riches ou pauvres ; l’exclusion des prises de décision à tous les niveaux. Or, comme le revendiquent de nombreuses ONG d’Amérique Latine, « sans les droits des femmes, il n’y a pas de droits humains », « sans les femmes, les droits ne sont pas humains »44, et les droits humains sont revendiqués et reconnus comme universels, indivisibles et interdépendants.