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Or, ainsi que l’a souligné le Professeur Lavigne : « La notion juridique

B La finalité de l’inamovibilité

20. Or, ainsi que l’a souligné le Professeur Lavigne : « La notion juridique

traditionnelle d’inamovibilité trouve son fondement en droit positif français dans des textes…qui utilisent l’adjectif « inamovible » pour l’appliquer à des personnes dont

il faut remarquer dès l’abord qu’il ne s’agit que de magistrats »112. En effet, toutes

les dispositions constitutionnelles et législatives qui mentionnent expressément cet adjectif, l’associent invariablement à celui de « magistrat ». Il en va ainsi pour les magistrats du siège de l’ordre judiciaire. L’article 64 alinéa 4 de la Constitution, et l’article 4 alinéa 1er de l’ordonnance organique du 22 décembre 1958, prévoient dans les mêmes termes que : « Les magistrats du siège sont inamovibles ». Il en va de même pour les membres de la Cour des comptes, et des chambres régionales des comptes. L’article L. 120-1 du code des juridictions financières, dispose que les premiers : « ont la qualité de magistrats. Ils sont et demeurent inamovibles ». Quant au second, il ressort de l’article L. 212-8 du même code, que : « Les magistrats des

chambres régionales des comptes sont inamovibles ». Au-delà, il convient de relever

que dans les rares occasions où l’adjectif « inamovible » à été étendu par les textes, à de nouvelles catégories d’agents publics, seuls étaient concernés des magistrats. La création du corps des chambres régionales des comptes, concomitante à celle des juridictions du même nom, en constitue une parfaite illustration. Il a ainsi été prévu au dernier alinéa de l’article 84 de la loi du 2 mars 1982, relative à la décentralisation, que : « Les membres de la chambre régionale des comptes sont des

magistrats. Ils sont et demeurent inamovibles ».

21. Mais qu’est-ce qu’un magistrat ? Dans un sens restreint, ce terme désigne : « toute personne appartenant au corps judiciaire et investie, à titre

111 Par exemple, le polyptyque du « jugement dernier » réalisé par Rogier van der Weyden

entre 1445 et 1449, le triptyque sur « Le jugement dernier » réalisé par Hans Memling entre 1467 et 1471, ou encore la fresque du « jugement dernier » peinte par Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine, entre 1537 et 1541.

professionnel, du pouvoir de rendre la justice ou de la requérir »113. Sont ici

concernés, les magistrats du siège et du parquet relevant de l’Autorité judiciaire, et visés par les articles 64 et 65 de la Constitution. Suivant une acception élargie, dépassant le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, cette notion intègre également les membres de certains corps de fonctionnaires exerçant des fonctions analogues, au sein des juridictions administratives. Le plus souvent, cette qualification résulte des textes. Il en va ainsi des membres de la Cour des comptes, des magistrats des chambres régionales des comptes et, en vertu de l’article L. 222-2 du code de justice administrative, des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Mais cette liste pourrait apparaître insuffisante, à défaut de citer aussi les membres du Conseil d’Etat114.

Enfin, il existe une conception de ce mot, émancipée de toute idée de carrière dans la fonction publique. Celle-ci a notamment été suggérée par le Professeur Renoux : « …le magistrat est « l’officier civil qui rend (ou qui requiert) la justice ». Cette

conception, fondée sur l’activité juridictionnelle de l’agent public, est la plus

communément répandue aujourd’hui »115. En conséquence, il est possible de

compléter la liste précitée, en mentionnant les différentes catégories de juges non professionnels, dont les juges consulaires, les conseillers prud’homaux, et les assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux.

Cependant, en assimilant la qualité de magistrat à l’exercice de la fonction juridictionnelle, cette vision nie une réalité historique et étymologique. Sous l’Ancienne Monarchie, le terme employé pour désigner « l’état, la condition, la

profession de juge…(et) par extension de tous ceux qui servent à l’administration de

la justice », n’était pas celui de magistrat, mais celui de « judicature »116. En

conséquence, certains juges se voyaient refuser l’appellation de « magistrat », comme les « officiers de certaines juridictions particulières, et…(les) juges seigneuriaux117. En effet, ce terme trouve son origine dans les mots latins

« magister » et « magnus ». Le premier signifie : « celui qui commande, dirige,

conduit », ou encore : « le maître qui enseigne ». Le second exprime l’idée de

grandeur, de noblesse, d’importance118. Sous l’Antiquité, Aristote concevait le

113 G. Cornu, Magistrat, op. cit., 7e éd., 2005, p. 565.

114 G. Cornu, op. cit., 7e éd., 2005, p. 565 ; P. Lavigne, op. cit., p. 159.

115 T. S. Renoux, Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire…, op. cit., p. 150.

116 Dictionnaire de l’Académie française, 1ère éd, 1694 ; 4e éd., 1762 ; 4e éd., 1798 ; 6e éd.,

1832-5 ; et 8e éd., 1932-5.

117 J-F Féraud, Dictionnaire critique de la langue française, Mossy, Marseille, 1787-1788. 118 F. Gafiot, op. cit., pp. 938-939.

magistrat comme celui qui assume des « fonctions auxquelles a été donné le pouvoir

de délibérer en certaines matières, d’y décider et d’y donner des ordres, et surtout ce dernier pouvoir ». Au XVIe siècle encore, Jean Bodin l’envisageait comme :

« l’officier qui a puissance en république de commander »119. Dans sa conception

originelle, le magistrat n’était donc pas assimilé à l’exercice de la justice, mais plutôt à l’idée d’une haute fonction politique ou administrative, nonobstant sa nature. Avant d’être un magistrat, il était d’abord le titulaire d’une « magistrature ». En raison de l’autorité attachée à cette fonction, il bénéficiait logiquement d’une certaine indépendance. Même si elle semble désormais revêtir un caractère désuet, cette conception n’en a pas pour autant disparu. La conciliant avec la vision actuelle, le Professeur Cornu en a par exemple déduit la définition suivante : il s’agit de « toute

personne relevant de l’ordre administratif ou judiciaire (ou les deux), et investie d’une charge publique (d’une magistrature) comportant soit un pouvoir juridictionnel soit le pouvoir de prendre ou de requérir des mesures en vue de

l’application des lois ou de l’ordre public »120. Parmi les magistrats de l’ordre

administratif, non titulaires d’un pouvoir juridictionnel, il cite en conséquence le Président de la République, les ministres, les préfets et les sous-préfets. Et il complète cette liste en mentionnant des magistrats appartenant aux deux ordres, tels que les maires, leurs adjoints et les commissaires de police.

22. Si cette acception initiale du terme « magistrat » tend à en préciser le

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