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L E POTENTIEL THERAPEUTIQUE DE LA L SERINE DANS LA MALADIE D ’A LZHEIMER

3.1.L

A SUPPLEMENTATION EN

L-

SERINE EST BENEFIQUE POUR LES SOURIS

3

X

T

G

-AD

Notre étude a mis en évidence une diminution de la biodisponibilité en L-sérine dans l’hippocampe des souris 3xTg-AD. Cette altération du métabolisme de la sérine se traduit par l’apparition de déficits cognitifs chez la souris 3xTg-AD. Le régime enrichi en L-sérine permet de restaurer à la fois les capacités de mémoire spatiale de ces animaux, les troubles électrophysiologiques [175] ainsi que la diminution du volume des astrocytes. Notre équipe a également montré que l’inhibition de la PHGDH par stratégie Cre/Lox dans le cerveau de souris

PhgdhFlox/Flox génère les mêmes déficits cognitifs que ceux des souris 3xTg-AD, déficits restaurés par la L-sérine [175]. Tout ceci suggère que la synthèse de L-sérine est importante pour la formation de la mémoire.

3.2.I

NTERACTIONS ENTRE

A!,T

AU ET LA BIOSYNTHESE DE SERINE

Nos résultats suggèrent que la synthèse de L-sérine est nécessaire pour la formation de la mémoire à long-terme et que sa supplémentation à travers la nourriture est capable de restaurer les capacités mnésiques des souris 3xTg-AD. Cet effet bénéfique semble être en partie dû à l’augmentation de la concentration extracellulaire en D-sérine et possiblement à la restauration de la taille des astrocytes de l’hippocampe. Nous ne savons pas si l’altération du métabolisme de la sérine et si les effets bénéfiques de sa supplémentation sont spécifiques de la maladie d’Alzheimer. En effet, l’hypométabolisme du glucose est un caractère commun aux maladies neurodégénératives [304], [305]. Afin de déterminer si la biosynthèse de la L-sérine est spécifiquement impliquée dans la maladie d’Alzheimer, il est nécessaire de déterminer si Aβ, Tau et le PP interagissent.

Il a été montré que la diminution de la concentration en D-sérine chez des souris invalidées pour le gène codant pour la SR atténue la toxicité induite par les fragments Aβ [306]. Inversement, l’application d’Aβ sur des cultures de neurones hippocampiques entraîne une augmentation de la concentration en D-sérine [273]. Sur des cultures d’astrocytes, elle impacte les niveaux de NADH [307] et la signalisation calcique [308]. Ces résultats suggèrent que l’Aβ pourrait altérer la production et/ou le transport de la sérine. Il serait intéressant d’évaluer l’activité du PP lors de l’application d’Aβ in vitro pour déterminer à la fois l’impact sur la biosynthèse de L-sérine et les mécanismes sous-jacents. L’utilisation d’inhibiteurs du métabolisme énergétique ou de PHGDH [231], [309], combinée à des milieux de culture avec ou sans sérine serait intéressante pour étudier les éventuelles interactions entre la biosynthèse de L-sérine et l’accumulation de l’Aβ ou de Tau.

Nous n’avons pas encore évalué l’effet de la supplémentation en L-sérine sur les caractéristiques anatomopathologiques de la maladie d’Alzheimer. Pour ce faire, des souris 3xTg-AD âgées de 4 mois suivent actuellement le régime enrichi en L-sérine pendant plusieurs mois. Nous prévoyons de réaliser des marquages immunohistologiques ciblant les plaques séniles afin de mesurer leur nombre et leur surface. Selon le décours de la maladie dans ce modèle murin, la même expérience devrait être répétée à un stade plus avancé et ciblant la protéine Tau afin d’évaluer l’effet de la L-sérine sur la pathologie Tau. Ces résultats apporteront

une première information quant au potentiel effet de la L-sérine sur la régulation de l’accumulation de l’Aβ et de Tau.

3.3.L

A PRISE DE

L-

SERINE POUR LES PATIENTS

&

LA NECESSITE DE DEVELOPPER DE NOUVELLES METHODES DE MESURE DE LA

L-

ET

D-

SERINE

La supplémentation en L-sérine dans les pathologies génétiques et neurodégénératives a été largement détaillée au chapitre I section 4.3.

L’utilisation de L- ou D-sérine comme traitement de la maladie d’Alzheimer peut être perçue comme contre-intuitive. En effet, la sur-activation des récepteurs NMDA ainsi que l’excitotoxicité et la mort neuronale consécutives sont des hypothèses suivies depuis longtemps dans le contexte de la maladie d’Alzheimer [310] ; elle a ainsi motivé l’utilisation de la Mémantine comme traitement. Cependant, dans la maladie d’Alzheimer, des altérations fonctionnelles débutent des années avant l’apparition des déficits cognitifs et la mort neuronale. Nos résultats ont été obtenus chez des animaux 3xTg-AD jeunes, dans les premiers stades de la maladie d’Alzheimer. Il est envisageable que les déficits en L-sérine soient caractéristiques des premiers stades de la maladie, alors que l’excitotoxicité surviendrait lorsque la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer est déjà avancée. Pour étayer cette hypothèse, il est essentiel de développer des méthodes précises de mesure des concentrations en L- et D-sérine extracellulaires dans le cerveau de patients à différents stades de la maladie. Durant les stades précoces de la maladie, les concentrations de D-sérine sont habituellement mesurées dans le LCR, ce qui apporte une vision globale et non locale des concentrations de ces acides aminés dans le cerveau [273], [274]. Ces limitations expérimentales sont également responsables des résultats contradictoires concernant la potentialité de la D-sérine comme biomarqueur de la maladie (voir section 1.2). Le développement futur de techniques non- invasives de mesure des concentrations en L- et D-sérine dans le cerveau serait un atout majeur pour les études longitudinales et translationnelles. L’équipe de Jean Théberge tente, par exemple, de mettre au point la quantification de la sérine par spectroscopie par résonance magnétique [311].