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L A BIOSYNTHESE DE LA L SERINE DANS LE CERVEAU : LE PHOSPHORYLATED PATHWAY La L-sérine est un acide aminé non-essentiel, ce qui signifie qu’il peut être produit

4. L E METABOLISME DE LA L SERINE DANS LE CERVEAU

4.1. L A BIOSYNTHESE DE LA L SERINE DANS LE CERVEAU : LE PHOSPHORYLATED PATHWAY La L-sérine est un acide aminé non-essentiel, ce qui signifie qu’il peut être produit

de novo par les cellules et qu’un apport alimentaire n’est pas indispensable. En 1965 Bridgers démontre que la L-sérine peut être produite de novo dans le cerveau des mammifères via le phosphorylated pathway (PP), préalablement connu chez les bactéries

[187]. Cette synthèse in situ permettrait de compenser l’apport insuffisant de la circulation

sanguine, puisque la L-sérine ne passe que peu la BHE (barrière hémato-encéphalique)

[188].

4.1.1.L

E GLUCOSE COMME PRECURSEUR DU

PP

Le PP démarre à partir du 3PG, le 6ème intermédiaire de la glycolyse (Figure I.21). Il est dévié de la voie par la phosphoglycérate déshydrogénase (PHGDH) qui catalyse la première des trois réactions du PP. La Phgdh oxyde le 3PG en 3-phosphohydroxypyruvate (3PHP) à l’aide du co-facteur NAD+. Le 3PHP est ensuite pris en charge par la phosphoserine aminotransférase 1 (PSAT1) qui transfère le groupe amine du L-glutamate31 30 La supplémentation en L-sérine dans un milieu de culture permet d’accroître la croissance

cellulaire bien plus que n’importe quel autre acide aminé [319].

vers 3PHP pour produire la 3-phosphosérine (3PS). La dernière étape est catalysée par la phosphosérine phosphatase (PSPH) qui hydrolyse la 3PS en L-sérine et libère un phosphate inorganique (Pi).

Le 3PG peut provenir de deux sources, soit le glucose via la glycolyse, soit le phosphoénolpyruvate (PEP), via la néoglucogenèse, mais cette dernière est vraisemblablement minoritaire. L’utilisation de [U-13C]-Glucose32 en culture cellulaire a d’ailleurs montré que le glucose est le substrat principal pour la production de L-sérine dans les cellules cancéreuses [189]. La fraction de 3PG utilisée pour la synthèse de L-sérine n’est pas connue dans le cerveau (environ 10% dans certaines cellules cancéreuses).

Figure I.21 – Le phosphorylated pathway produit la L-sérine à partir de la glycolyse. Le PP

est une courte voie métabolique débutant à partir de la glycolyse. Le 3PG est dévié par la PHGDH pour produire du 3PHP en consommant une molécule de NAD+. 3PHP est métabolisé en 3PS par l’action de PSAT1 qui utilise le L-glutamate comme donneur du groupe amine. La dernière étape consiste en l’hydrolyse de la 3PS par PSPH pour produire de la L-sérine.

Il existe également d’autres voies permettant aux cellules de régénérer la L-sérine comme la conversion de la glycine en L-sérine ou la dégradation des protéines. L’inter- conversion L-sérine-glycine est couplée au cycle du folate dans le métabolisme du carbone

(voir section 4.2.2) et est catalysée par la s/gHMT [182]. Le recyclage des acides aminés à

partir de la dégradation des protéines permet une économie de substrats et son importance dans le cerveau est probable étant donné que l’extraction des acides aminés à partir du sang y est assez restreinte. Ces voies alternatives ne sont cependant pas les plus actives pour la production de L-sérine pour le cerveau. En effet, des souris Phgdh-KO (knock-out) ont été produites par délétion ciblée dans des cellules souches embryonnaires

[190]. Les embryons se développent alors anormalement et périssent à E13.5, mettant en

lumière une fois de plus l’importance de la L-sérine pour les cellules prolifératrices mais suggérant également que la majorité de la L-sérine nécessaire au développement provienne de sa synthèse de novo par le PP. L’utilisation de souris PhgdhFlox/Flox, décrite dans la section suivante, suggère que la L-sérine nécessaire à la physiologie du cerveau adulte est également majoritairement originaire du PP.

32 Le [U-13C]-Glucose est une molécule de glucose dont les six atomes carbones sont 13C, isotope non radioactif. Après administration, ce glucose est métabolisé par les cellules est les métabolites produits spécifiquement à partir de ce glucose 13C peuvent être isolés et identifiés par spectroscopie de résonnance magnétique nucléaire 13C.

4.1.2.L

A BIOSYNTHESE DE LA

L-

SERINE

,

UNE AFFAIRE D

ASTROCYTES

Le fait que la production de L-sérine dérive de la glycolyse suggère qu’elle se produise majoritairement dans les cellules gliales. Les premières études cherchant à localiser l’expression cellulaire de la PHGDH dans le cerveau ont été réalisées par immunohistochimie et hybridation in situ chez la souris. Elles ont montré que les cellules souches neurales expriment la PHGDH, mais que cette expression est perdue une fois la différentiation neuronale établie [191], [192]. Dans le cerveau adulte des souris, la PHGDH est alors retrouvée dans les astrocytes de nombreuses régions du cerveau.

Les études transcriptomiques sur cellules triées murines (du cortex à P7) et humaines (cellules du cortex du lobe temporal obtenues dans le cadre de chirurgies), réalisées par l’équipe de Ben Barres, ont permis d’établir une base de données dans laquelle il est possible de rechercher quel type de cellule est enrichi en tel ou tel transcrit

[16], [17], [193]. Les données murines et humaines dans le contexte du PP sont assez

similaires et montrent un enrichissement des transcrits dans les astrocytes et les oligodendrocytes (Figure I.22-A). Une autre base de données obtenue à partir d’études transciptomiques single-cell sur cellules du cerveau adulte de souris permet de chercher quel type cellulaire exprime une combinaison de transcrits [18], [194]. La combinaison des trois transcrits du PP est retrouvée dans les astrocytes, les oligodendrocytes et les cellules gliales satellites et entériques (cellules prolifératrices) (Figure I.22-B). Par la suite, notre équipe a confirmé ces résultats par immunohistochimie sur tissus murins, primates non- humains (Macaca fascicularis) et humains [175] ainsi que par biochimie sur des protéines extraites de cultures cellulaires primaires de souris (voir chapitre III section 1).

De plus, le groupe de Shigeki Furuya a développé un modèle murin possédant le gène de la Phgdh floxé, permettant ainsi une étude des effets de la délétion de ce gène par stratégie Cre/Lox. La délétion du gène spécifiquement dans les astrocytes de l’hippocampe entraîne une diminution de 80% de la concentration en L-sérine dans le tissu

[175], [195]. Cette délétion diminue également les niveaux de D-sérine et de glycine et

impacte largement la cognition des animaux [175]. Ensemble, ces résultats confirment la production astrocytaire de L-sérine à partir du métabolisme du glucose, qui elle-même est critique pour maintenir des niveaux de glycine et D-sérine physiologiques. La production oligodendrocytaire de L-sérine, si elle est confirmée, ne semblerait pas jouer un rôle important dans la biodisponibilité en L-sérine. Cela s’expliquerait par une production à la demande, id est immédiatement utilisée après synthèse pour la production des lipides constituant la myéline (voir section 4.2.3), comme en sont capables les oligodendrocytes

[12]. Le fait que la production de L-sérine soit restreinte aux cellules gliales suggère l’existence d’une navette pour répondre aux besoins des neurones. Les transporteurs impliqués ne seront pas discutés ici, mais plus d’informations peuvent être trouvées dans la revue de Furuya et Watanabe, publiée en 2003 [196] et sont évoqués en section 2.1.1.

Enfin, comme évoqué précédemment, la plupart des connaissances actuelles sur le métabolisme de la L-sérine a été obtenue dans le domaine de l’oncologie. Le fait que les astrocytes partagent certaines similitudes avec les cellules cancéreuses (prolifération, effet Warburg et réactions anaplérotiques, capacités angiogéniques, …) [79] permet d’extrapoler, avec toutes les précautions nécessaires, ces découvertes aux astrocytes. Ainsi, les découvertes concernant la L-sérine dans les cancers permettent d’émettre des hypothèses quant au métabolisme de la L-sérine dans le cerveau.

Figure I.22 – Les transcrits du phosphorylated pathway sont exprimés dans les astrocytes et les oligodendrocytes, adaptée de [193], [194]. A - Enrichissement des transcrits du PP dans les oligodendrocytes et les astrocytes chez la souris et l’humain. OPC, précurseurs d’oligodendrocytes. B - La combinaison des trois enzymes du PP est retrouvée dans les oligodendrocytes et les astrocytes chez la souris.