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La L-sérine est une brique élémentaire de la synthèse de nombreuses molécules (acides aminés, lipides, nucléotides, SAM, …). C’est la raison pour laquelle sa voie de biosynthèse, le PP, ainsi que les mécanismes de sa régulation sont beaucoup étudiés dans le domaine de l’oncologie. A l’heure actuelle très peu d’informations sont disponibles concernant le cerveau. Dans le cadre de notre projet, nous avons caractérisé le PP dans le cerveau en conditions physiologiques et dans le contexte de la maladie d’Alzheimer.

1.1.L

A

L-

SERINE EST PRODUITE PAR LES CELLULES GLIALES

La L-sérine est synthétisée de novo à partir du 3PG, un intermédiaire glycolytique, via le PP. Le groupe de Shigeki Furuya au Japon a été le premier à étudier cette voie dans le cerveau. A partir d’hybridation in situ et de marquages immunohistologiques (après avoir développé leur propre anticorps polyclonal), ils ont montré que la PHGDH est préférentiellement exprimée par les cellules souches neuro-épithéliales durant le développement. Après la neurogenèse, les neurones perdent la capacité d’exprimer la PHGDH et celle-ci n’est conservée que par les cellules gliales dans le cerveau des souris

[192]. En générant des souris déficientes pour la PHGDH, ils ont également montré que le

PP est essentiel pour le développement embryonnaire, et particulièrement pour la morphogenèse du cerveau [190]. Hormis ces travaux, et les récentes bases de données transcriptomiques [16], [18], la caractérisation du PP dans le SNC, et en particulier chez l’humain, n’a pas été réalisée plus en profondeur.

Notre étude confirme et prolonge les résultats de l’équipe de Furuya. Nous avons mis en évidence l’expression préférentiellement astrocytaire de Phgdh, Psat1 et Psph in vitro par RT-qPCR chez la souris. La mise en co-culture des astrocytes avec les neurones n’influe pas sur la transcription des gènes du PP. Ces résultats suggèrent que les neurones ne libèrent pas de facteurs influant sur la production astrocytaire de L-sérine.

Nous avons également mis en évidence, par immunohistochimie, l’expression préférentielle de PHGDH68 et PSAT1 dans les astrocytes de l’hippocampe chez la souris, le primate non-humain et l’humain. Le fait que les astrocytes soient responsables de la production de L-sérine est cohérent avec le fait qu’ils soient capables de réguler leur flux glycolytique.

En accord avec les bases de données transcriptomiques, PSAT1 est également exprimé par les oligodendrocytes, suggérant que le PP puisse également y être actif, notamment pour la synthèse de myéline. Le fait que notre anticorps ne révèle pas la PHGDH dans les oligodendrocytes pourrait être expliqué par un niveau d’expression oligodendrocytaire faible de PHGDH. Nous n’avons pas été capable de révéler la PSPH dans le cerveau avec les différents anticorps que nous avons utilisés. A ce jour, seulement une publication a mis en évidence PSPH par immunohistochimie dans le cerveau de souris, où elle est exprimée par les progéniteurs neuronaux périventriculaires et les cellules souches neurales (cellules prolifératrices) [269]. L’étude du PP dans les oligodendrocytes n’a pas été abordée dans ce projet, mais il serait intéressant de relever leur contribution à la biodisponibilité en L-sérine.

Nos résultats mettent en avant la conservation de l’expression gliale et non neuronale des enzymes du PP à travers différentes espèces, dont l’être humain. Ceci suggère que les données obtenues chez la souris sont en partie extrapolables à l’être humain et valide donc l’utilisation de notre modèle. De plus, l’expression gliale et non neuronale est également conservée in vitro, rendant les cultures primaires de cellules murines adéquate à l’étude du PP.

Le caractère exclusivement glial du PP suggère une coopération métabolique supplémentaire entre neurones et cellules gliales. Notre étude sous-entend l’existence d’une navette L-sérine entre astrocytes et neurones afin de répondre aux besoins de ces derniers. Les systèmes de transport ASCT1 (astrocytes) et Asc1 (neurones) semblent être les plus propices à de tels échanges [63]–[65].

1.2.L

A PRODUCTION DE

L-

SERINE EST IMPACTEE PAR LA MALADIE D

’A

LZHEIMER

Le métabolisme du glucose dans le cerveau est altéré de façon précoce dans la maladie d’Alzheimer, via notamment une diminution de la consommation de glucose dans certaines régions corticales et l’hippocampe jusqu’à 20 avant l’apparition des symptômes

[113], [152], [270]. Récemment, une étude s’est intéressée aux changements de

concentration de métabolites dans le LCR de patients atteints de la maladie d’Alzheimer

[271]. Parmi 122 métabolites analysés, seuls 5 sont significativement diminués dans le LCR

des patients. Ces 5 métabolites sont tous des intermédiaires glycolytiques et incluent le 3PG, précurseur de la L-sérine. Encore plus récemment, la plus grande analyse protéomique du cerveau et du LCR de patients atteints de la maladie d’Alzheimer a été conduite [272]. Les auteurs ont mis en évidence une relation étroite entre l’augmentation précoce (durant la phase asymptomatique) dans le LCR de protéines associées au métabolisme astrocytaire du glucose et à la réponse anti-inflammatoire microgliale avec le risque de développer la maladie d’Alzheimer. La plupart de ces protéines est impliquée dans la glycolyse (PKM, LDH, GAPDH). Ensemble, ces études suggèrent un rôle prépondérant du métabolisme du glucose astrocytaire (principalement glycolytique) dans la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer.

Puisque la glycolyse est une source de carbone pour la synthèse de la L-sérine, il est probable qu’une réduction du flux glycolytique et des concentrations en intermédiaires glycolytiques puissent altérer sa synthèse. Cependant, l’altération éventuelle des concentrations de L- et D-sérine dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer est largement débattue. Les analyses biochimiques présentent des résultats contradictoires et ne permettent pas de conclure sur l’évolution des niveaux de L- et D-sérine ni sur leur potentialité à devenir des biomarqueurs de la maladie. Par exemple, Madeira et al. ont montré en 2015 une augmentation de la concentration en D-sérine extracellulaire dans l’hippocampe et le LCR de patients ainsi que dans l’hippocampe de modèles rongeurs [273]. Les auteurs suggèrent que cette augmentation de D-sérine puisse être utilisée comme biomarqueur précoce de la maladie d’Alzheimer. Au contraire, Biemans et al. n’ont montré aucune différence de concentration en D-sérine dans le LCR issu de patients atteints de la maladie d’Alzheimer et contrôles [274]. Plusieurs facteurs peuvent justifier ces résultats non conclusifs, comme les méthodes d’analyse utilisées, l’hétérogénéité des stades de sévérité, la petite taille des échantillons ou l’obtention du LCR par ponction lombaire (loin des régions affectées). Une modification des

concentrations en L- et D-sérine pouvant altérer la plasticité du cerveau, il est primordial de clarifier si et quand les concentrations en L- et D-sérine sont altérées dans la maladie d’Alzheimer.

Récemment, une étude s’est intéressée aux ARN extracellulaires circulants (exRNA)69 comme potentiels biomarqueurs de maladie d’Alzheimer [275]. Les auteurs n’ont trouvé qu’un seul gène dont la concentration en exRNA varie dans le contexte de la maladie d’Alzheimer. Il s’agit de PHGDH, dont la concentration augmente de façon précoce (durant la phase asymptomatique) dans le plasma de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. A noter que dans la maladie d’Alzheimer, l’intégrité de la BHE est compromise

[276], [277], ce qui peut influer sur les concentrations d’exRNA présents dans le plasma.

Ces résultats suggèrent que la quantification des exRNA de PHGDH peut être prometteuse pour le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer.

A l’heure actuelle, le métabolisme de la L-sérine dans le contexte de la maladie d’Alzheimer n’a que très peu été étudié70. Pour cette raison, nous avons caractérisé, comme première approche, l’expression de PHGDH et PSAT1 dans le cerveau de patients atteints de formes modérée et sévère de la maladie d’Alzheimer. Nous avons observé une diminution de l’expression de PHGDH qui s’accroît avec la sévérité de la pathologie ainsi qu’une augmentation de l’expression de PSAT1, indépendante de la sévérité. Le niveau d’expression de l’actine est identique, signifiant que les altérations mises en avant ne sont pas dues à l’intégrité des échantillons. Le protéome de l’hippocampe de patients atteints de la maladie d’Alzheimer a été publié par Hondius et al. en 2016 [155]. Ils mettent en avant une augmentation de l’expression de PHGDH au stade VI et de PSAT1 à partir du stade III de Braak. Ces différences pourraient s’expliquer du fait que nous n’avons pas utilisé exactement les mêmes régions du cerveau pour notre étude (voir chapitre II section 4.1). Il est envisageable que la diminution de l’expression de PHGDH que nous avons relevée dans l’hippocampe des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, soit due à une fuite des ARN messagers de PHGDH, que l’on retrouve comme exRNA dans le plasma des patients.

L’altération de l’expression des enzymes du PP suggère que la synthèse de L-sérine pourrait être impliquée dans la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer, mais ces données préliminaires nécessitent des validations à plus larges échelles.

69 Découverts en 2002 [322], les exRNA sont des ARN (messagers, de transfert, … seuls les ARN

ribosomaux semblent ne pas être concernés [323], [324]) chargés dans des exosomes ou transportés par des complexes lipoprotéiques ou ribonucléoprotéiques dans le système circulatoire. Dans le cerveau, ils rejoignent le flux sanguin via le système lymphatique ou la BHE. Leurs fonctions biologiques sont encore peu connues mais ils semblent être une forme de communication et régulation intercellulaire [324], [325].

70 Seulement 4 résultats PubMed pour la recherche « (((alzheimer’s disease [All Fields]) AND ((phgdh