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La L-sérine est un précurseur obligatoire des sphingolipides et de la phosphatidylsérine. La synthèse des phospholipides est dépendante du métabolisme du glucose, puisqu’elle nécessite le dihydroxyacétone phosphate, un intermédiaire glycolytique, comme substrat [287]. Ces lipides se retrouvent notamment dans la composition des membranes plasmiques, c’est pourquoi nous avons voulu vérifier si la diminution de la biodisponibilité en L-sérine et/ou glucose avait un impact sur la morphologie des cellules. Zhu et al. ont montré en 2015 une diminution des phospholipides dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Celle-ci est accentuée chez les porteurs d’APOE%4 [288]. D’autres évidences in vitro montrent également une altération du métabolisme des phospholipides dans la maladie d’Alzheimer

[289], et l’inhibition de la synaptojanine73 s’est révélée bénéfique dans différents modèles

murins de la maladie d’Alzheimer [290], [291].

2.2.1.L

ES ASTROCYTES

Nous avons mis en évidence une diminution de presque la moitié du volume couvert par les astrocytes de la région CA1 de l’hippocampe des souris 3xTg-AD, comparé aux contrôles. Les valeurs de convex hull que nous avons obtenues pour le volume couvert par les astrocytes des animaux contrôles est en accord avec les valeurs de la littérature (volume compris entre 50 000 et 120 000 µm3) [292]. Peu d’études se sont intéressées à la taille des astrocytes dans l’hippocampe de ce modèle. Olabarria et al. ont montré une diminution de la taille du cytosquelette des astrocytes à partir du marquage GFAP [170]. La diminution la plus flagrante concerne le hilus, région que nous n’avons pas étudiée dans ce projet. Dans la région CA1, la différence de taille n’est significative qu’à partir de 18 mois et d’un ordre de grandeur inférieur à ce que nous avons mesuré (33%). Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces différences. Nous avons conduit une étude en 3D, alors que les analyses morphométriques basées sur le marquage GFAP sont restreintes à une analyse 2D. Le remplissage de cytoplasme par une protéine fluorescente permet de visualiser l’astrocyte jusqu’à la limite de diffraction du microscope, alors que la GFAP ne révèle que le cytosquelette principal. Ces différences expérimentales peuvent expliquer pourquoi nous décelons des différences significatives dans CA1 plus tôt (dès 6 mois) que Olabarria et collègues. Leur étude montre également qu’il n’y a pas de différence en terme de densité d’astrocytes GFAP+ entre souris 3xTg-AD et contrôles dans l’hippocampe.

Le régime enrichi en L-sérine permet de restaurer la taille des astrocytes des souris 3xTg-AD au niveau de celle des souris contrôles. Chez les souris contrôles, l’augmentation de la biodisponibilité en L-sérine n’influe pas sur la taille de leurs astrocytes. Ces résultats suggèrent que la diminution initiale du volume serait due au manque de biodisponibilité en L-sérine. Il serait intéressant d’analyser la composition lipidique de la membrane des astrocytes. En effet, il a été rapporté in vitro que la privation de L-sérine entraîne l’apparition d’un phospholipide inhabituel, la phosphatidyl-L-thréonine [293].

73 La synaptojanine est une enzyme responsable de la dégradation du phosphatidylinositol

2.2.2.L

ES SYNAPSES ET LEUR COUVERTURE ASTROCYTAIRE

Nous avons évalué la densité des éléments composants les synapses (boutons synaptiques et épines dendritiques) par microscopie confocale et celle des synapses par microscopie électronique dans notre modèle murin 3xTg-AD. Aucune différence n’a été mise en évidence entre les animaux contrôles et 3xTg-AD concernant les boutons et épines dendritiques. Les différents types d’épines dendritiques existent sur un continuum de morphologies (Figure IV.1) et sont très dynamiques. Ainsi, une quantification des différents types d’épines réalisée à un seul temps, à partir d’images issues d’un microscope confocal ne permet pas d’établir de conclusion définitive.

Figure IV.1 – Les épines dendritiques existent sur un continuum de morphologies allant

des structures filopodiales au épines larges et matures, adaptée de [294]. A - Diagramme montrant le continuum de morphologies. Les épines dendritiques peuvent être groupées en trois catégories : structures filipodiales, épines immatures et épines matures. B - Dynamisme des catégories d’épines. C - Prévalence pour chaque type d’épines. A l’âge adulte, la majorité des épines (80%) est mature et forme une synapse.

A notre connaissance, une seule étude s’est intéressée à la densité des éléments synaptiques dans la région CA1 du modèle murin 3xTg-AD [295]. Cette analyse montre une diminution de la densité totale des épines, qui est due à la diminution des épines de type mushroom. Néanmoins, la densité mesurée sur les animaux contrôles (4 épines.µm-2) est bien supérieure à la nôtre (1.6 épines.µm-2) et à celles d’autres modèles murins de la maladie d’Alzheimer (voir Table IV.1). Ceci peut s’expliquer par leur technique de remplissage individuel des neurones à l’aide du Lucifer Yellow, cumulée à l’application d’un faible courant électrique pour permettre le remplissage complet de l’arborisation dendritique.

L’analyse des épines dendritiques dans différents modèles murins de la maladie d’Alzheimer tend à montrer une diminution des épines de type mushroom, les plus stables et propices à former une synapse (voir Table IV.1). La diminution de ce type d’épines pourrait rendre compte de l’apparition des déficits cognitifs. Néanmoins, il faut noter les variabilités observées entre les différents modèles murins. De façon à s’affranchir de ces

limites expérimentales, nous avons décidé d’évaluer la densité synaptique par microscopie électronique.

A 6 mois, nous n’avons pas mis en évidence de différences de densité synaptique (excitatrice et inhibitrice) dans l’hippocampe des souris 3xTg-AD par rapport aux souris contrôles. Ce résultat est cohérent avec le fait qu’il n’y a pas de mort neuronale [173] ni de diminution du volume de l’hippocampe à cet âge [175]. Compte tenu de la diminution du volume des astrocytes, nous avons également cherché à évaluer la couverture astrocytaire de ces synapses. Pour ce faire, les synapses ont été classées en 3 catégories, en fonction de leur(s) contact(s) avec un astrocyte, comme cela a déjà pu être fait [296], [297]. La répartition des différentes classes de synapses dans l’hippocampe que nous avons obtenue est cohérente avec celle rapportée dans les articles précédemment mentionnés. Nous nous attendions à voir une augmentation de la proportion de synapses de classe 1 (sans contact astrocytaire) chez les souris 3xTg-AD, ce qui n’a pas été le cas. En effet, nous pensions que la diminution du territoire couvert par les astrocytes des souris 3xTg-AD aurait des répercussions sur la couverture astrocytaire. La possibilité que la diminution du volume astrocytaire soit compensée par une augmentation du nombre d’astrocytes est à considérer. Enfin, il est envisageable que notre technique de marquage des astrocytes (injection d’un AAV-GFP dans le système sanguin) ne cible pas les mêmes populations astrocytaires entre les animaux contrôles et 3xTg-AD. En effet, l’intégrité de la BHE dans le modèle 3xTg-AD est compromise [298], [299]. Cumulé au petit nombre d’astrocytes reconstruits par animaux, il se pourrait que nos reconstructions ne soient pas représentatives de la population astrocytaire de l’hippocampe.

Index Étude Modèle animal Structure Sous-structure

Densité de référence (nbr.µm-2)

Évolution de la densité dans le modèle de la maladie d’Alzheimer

Totale Thin Stubby Mushroom

[295] Chakroborty 2019 3xTg-AD Hippocampe CA1 4 ↓ --- ---

[300] Spires 2005 Tg2576 APP Cortex Plaques séniles 0.4 ↓ --- --- ---

[301] Perez-Cruz 2011

Tg2576 APP

Hippocampe

CA1 Basal proximal

1.25

↓ N/A N/A ↓

CA1 Basal distal --- N/A N/A ---

CA1 Apical proximal --- N/A N/A ---

CA1 Apical distal --- N/A N/A ---

APP/Lo

CA1 Basal proximal ↓ N/A N/A

CA1 Basal distal ↓ N/A N/A

CA1 Apical proximal --- N/A N/A ---

CA1 Apical distal --- N/A N/A ---

[302] Wu 2010 Tg2576 APP Culture primaire de neurones corticaux 0.5 ↓ N/A N/A N/A

[303] Zhang 2015 APPKI 3 mois Hippocampe CA1 1.6 --- ↑ --- ↓ APPKI 6 mois 1.2 ↑ ↑ ↑ ↓

Table IV.1 – Tableau comparatif de la littérature de la densité des épines dendritiques dans des modèles murins de la maladie d’Alzheimer. La