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L’ HYPO METABOLISME DU GLUCOSE , UN SIGNE PRECOCE DE LA MALADIE D ’A LZHEIMER

3. L A MALADIE D ’A LZHEIMER

3.2. L’ HYPO METABOLISME DU GLUCOSE , UN SIGNE PRECOCE DE LA MALADIE D ’A LZHEIMER

Les études longitudinales réalisées sur des cohortes de personnes porteuses des mutations responsables des formes familiales de la maladie d’Alzheimer ont permis d’identifier certains facteurs pré-symptomatiques, bien avant l’apparition des premiers troubles cognitifs (Figure I.15). Les patients présentent ainsi une atrophie de l’hippocampe, des perturbations au niveau du métabolisme et de l’activité cérébrale lors de tâches mémorielles (mesurées par la méthode CDR-SOB, clinical dementia rating-sum of boxes) et des dépôts amyloïdes. Les premiers changements ont lieu une vingtaine d’années avant l’apparition des symptômes. Il s’agit d’abord de l’apparition des premiers dépôts amyloïdes coïncidant avec la diminution des niveaux d’Aβ4224 dans le liquide céphalo-rachidien (LCR), suivi de la diminution du métabolisme du glucose et de l’augmentation de la concentration en protéine Tau dans le LCR [151].

Figure I.15 – Comparaison des changements cliniques, cognitifs, structuraux,

métaboliques et

biochimiques en fonction du

temps estimé avant

l’apparition des premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer, [151]. Les courbes représentent la différence normalisée entre porteurs et non porteurs des mutations. L’ordre suggéré des changements est 1. Diminution de l’Aβ42 dans le LCR (CSF A!42), 2. Dépôts amyloïdes (A! deposition), 3. Augmentation de Tau dans le LCR (CSF tau), 4. Atrophie de l’hippocampe (hippocampal volume), 5. Hypo-métabolisme du glucose (glucose metabolism), 6. Apparition des premiers troubles cognitifs et cliniques (mesurés par la méthode CDR-SOB).

Ces résultats ont été confirmés par Gordon et al. en 2018 [152]. En combinant différentes techniques d’imagerie du cerveau (TEP, tomographie par émission de positons, avec différents isotopes radioactifs et IRM), ils ont suivi durant 7 ans les changements survenant dans le cerveau de porteurs des mutations engendrant une forme familiale de la maladie d’Alzheimer. Ils ont montré que les dépôts amyloïdes surviennent 18 ans avant la date estimée d’apparition des symptômes, suivi 4 à 6 ans après par l’altération du métabolisme du glucose.

L’activité synaptique requiert une quantité importante d’énergie (section 1.2). La diminution du métabolisme du glucose, avant l’apparition des symptômes, dans la maladie d’Alzheimer, suggère qu’elle puisse prendre une part prépondérante dans sa genèse, en participant à la perturbation de la communication neuronale. En effet, le métabolisme du glucose est largement diminué chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer (-20 à -25%), comparé à des sujets sains de même âge [153], [154]. Une région particulièrement touchée est l’hippocampe, essentielle pour la formation de la mémoire et une des premières à être touchée par la pathologie Tau (voirsection 3.1.1). Bien que l’hippocampe soit touché par une atrophie (voir section 3.1.1) rendant particulièrement compliquée la quantification de la diminution du métabolisme du glucose, l’imagerie TEP a permis de mettre en avant ces déficits, par diminution de l’accumulation du 18[F]-fluoro-désoxy- glucose (FDG)25 (Figure I.16). Cet hypo-métabolisme du glucose a été confirmé par analyse protéomique, montrant une diminution de l’expression des enzymes de la glycolyse chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, à différents stades [155].

25 Le FDG correspond au 2-DG portant un isotope radioactif du Fluor. Il pénètre dans les cellules de

la même façon que le 2-DG. Son isotope radioactif restant lié, sa présence est détectable par imagerie TEP.

Figure I.16 – Hypo-métabolisme du glucose dans l’hippocampe [113]. En

haut, coupe frontale. En bas, coupe transversale. A gauche, patient sain. Au

milieu, patient atteint de déficience cognitive légère. A droite, patient atteint de la maladie d’Alzheimer. Les flèches blanches pointent l’hippocampe gauche. La coloration étalonnée de bleu à blanc

signifie une consommation de glucose de faible à forte. L’hypo-métabolisme du glucose est plus présent chez les deux patients de droite.

Les mécanismes à l’origine de cette diminution du métabolisme du glucose ne sont pas connus. Les études in vitro de co-culture de neurones et d’astrocytes, dérivés de cellules souches humaines ont néanmoins permis de pointer le rôle de l’Aβ. L’ajout d’oligomères d’Aβ dans le milieu de culture perturbe fortement le métabolisme du glucose dans les deux types cellulaires. En effet, cela engendre une diminution de la consommation de glucose, l’accumulation intra-cytoplasmique de glucose, glucose-6-phosphate et glycogène, une augmentation de la production de pyruvate, accompagnée d’une diminution de la production de lactate, de glutamate, d’ATP et de NADH,H+[156]. Cette observation semble cependant faire partie d’un cercle vicieux [157]. En effet, in vitro, la perturbation du métabolisme astrocytaire du glucose par inhibition de PFKFB3, entraîne une accumulation de l’Aβ plus importante à laquelle les astrocytes deviennent particulièrement sensibles26[158].

L’hypo-métabolisme du glucose est donc un signe pré-clinique de la maladie d’Alzheimer. Les mesures métaboliques par imagerie TEP sont d’ailleurs toujours utilisées de nos jours pour accroître la fiabilité et la spécificité de son diagnostic. L’établissement précoce de cet hypo-métabolisme dans l’hippocampe suggère un rôle potentiel de ce- dernier dans la pathogenèse de la maladie. Les astrocytes étant des cellules fortement glycolytiques, d’aucuns pourraient les percevoir comme des acteurs clefs de la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer. D’autant plus que l’exposition des astrocytes aux peptides Aβ, qui, rappelons-le, se dépose avant l’apparition de l’hypo-métabolisme, résulte en une signalisation calcique aberrante in vitro [159], in vivo [160] et ex vivo [161]. Ces perturbations calciques pourraient être responsables de déficiences du trafic vésiculaire, donc de la gliotransmission et ainsi de l’activité synaptique [162].

Néanmoins le rôle des astrocytes quant à l’hypo-métabolisme reste flou : seraient- ils responsables de celui-ci ou celui-ci les rendrait-il si vulnérables à la pathologie amyloïde qu’ils participeraient dans un second temps au phénotype hypo-métabolique et de la maladie d’Alzheimer [163] ? Comme évoqué précédemment, la maladie d’Alzheimer affecte les astrocytes en les rendant réactifs (voir section 3.1.1). Grâce à l’utilisation de traceurs spécifiques des astrocytes réactifs en imagerie TEP, des études suggèrent que les 26 Les auteurs suggèrent ici que l’hypo-métabolisme du glucose participe à rendre les astrocytes

astrocytes deviendraient réactifs à des stades très précoces de la maladie, voire même avant l’apparition des symptômes [164], [165]. Quelle est la contribution des astrocytes à l’hypo-métabolisme glucidique dans les phases précoces de la maladie d’Alzheimer ? Pour répondre à cette question, notre équipe a fait le choix de travailler sur le modèle murin 3xTg-AD depuis plusieurs années.