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L ES N OUVELLES FORMATIONS D ’ INGENIEUR : UN CONTRE MODELE DE FORMATION

Nelly Bousquet & Colette Grandgérard

2.  L ES N OUVELLES FORMATIONS D ’ INGENIEUR : UN CONTRE MODELE DE FORMATION

En cohérence avec les objectifs quantitatifs et qualitatifs poursuivis, les NFI ont été conçues de manière à rompre avec le modèle des écoles d’ingénieurs, modèle majoritaire non seulement pour les formations premières, mais aussi pour la plupart des voies promotionnelles conduisant au titre d’ingénieur diplômé. En suivant le fil de l’intégration, nous allons voir que cette volonté de rupture est manifeste à toutes les étapes : de la conception/création d’une filière à l’organisation de la formation, sa mise en œuvre et son évaluation.

2.1. L’intégration au cœur d’un système recomposé de formation J’insisterai d’abord sur les éléments les plus directement significatifs de cette recomposition :

- les NFI sont conçues pour réaliser l’intégration de niveaux d'enseignement traditionnellement séparés ;

- les NFI sont conçues pour réaliser l’intégration des instances et des lieux de formation

NFI et intégration de niveaux d'enseignement traditionnellement séparés L’emboîtement des niveaux technicien/ingénieur est d’abord rendu possible par les procédures d’accès aux nouvelles filières. Il est ensuite favorisé par l’organisation même de la formation, et la prééminence de la pédagogie inductive.

• Les procédures d’accès aux NFI

La sélection repose sur des critères différents de ceux des classes préparatoires aux grandes écoles dont on sait qu’elles privilégient l’abstraction, le raisonnement déductif et la précocité. De manière générale, le recrutement dans les filières est fondé sur des connaissances académiques de niveau BAC + 2, sur des aptitudes, sur la motivation, des épreuves comportementales.

Pour les stagiaires de formation continue, l’accès aux NFI a été facilité par la procédure dite de validation des acquis professionnels. L’expérience professionnelle est intégrée dans le cursus universitaire. Ainsi tous les entrants en NFI, titulaires d’un BAC + 2 et d’une expérience professionnelle de 5 ans sont-ils reconnus comme satisfaisant aux normes imposées par la Commission du titre d’ingénieur, c’est-à-dire que leur formation première, articulée à leurs années d’activité et à la formation NFI (qui, elle, peut être modulée sur une ou plusieurs années) équivaudra en durée au cursus de 5 années, obligatoire en France pour obtenir le titre d’ingénieur diplômé.

Quant à l’organisation de la formation, on peut avancer qu’a priori elle a été tout entière conçue pour favoriser l’intégration des niveaux techniciens/ingénieurs.

La formation en effet repose essentiellement sur des méthodes inductives et enracine la connaissance dans la réalité industrielle. Il s’agit d’arriver à l’abstraction, en partant de phénomènes concrets, de situations de travail allant progressivement de missions de techniciens à des missions d’ingénieurs. L'enracinement professionnel de la formation et du diplôme est un élément central de la formation.

La conjugaison de deux modes complémentaires d'acquisition des savoirs, dépassant la juxtaposition de périodes de formation dans l'institution d'enseignement et dans l'entreprise, est le moyen retenu pour

promouvoir une formation radicalement novatrice. Qu’il s’agisse des filières de formation initiale ou des NFI formation continue, la formation en entreprise est d'une durée quasi équivalente à la formation dans un établissement. L'évaluation et la sanction prennent en compte la formation en entreprise à part entière.

• NFI et intégration des instances et des lieux de formation

Cette intégration dépasse largement ce qu’on appelle couramment l’alternance. Grâce à l’obligation de partenariat entre acteurs économiques et acteurs de la formation, les nouvelles filières réalisent une intégration entre instances et lieux de formation qui s’applique à tout le processus de production de nouveaux d’ingénieurs.

Le terme de « partenariat », souvent galvaudé et quelque peu vide de sens, prend en effet, dans les NFI, une acception tout à fait spécifique. Il est obligatoirement formalisé sur le plan juridique dans des structures diverses, associations Loi 1901, groupements d’intérêt économique ou scientifique. Ce sont ces entités juridiques, matérialisant l’engagement contractualisé de partenaires économiques et de partenaires de la formation, qui créent les nouvelles filières, en définissent les objectifs et les organisations, les règles de fonctionnement, devant l’autorité suprême qui régit les formations d’ingénieurs : la Commission du titre.

Ainsi, statutairement, les professionnels sont-ils impérativement associés à chaque phase du dispositif : définition des besoins, des profils et création des formations, gestion des établissements, financement, enseignement, évaluation…

2.2. Le véritable enjeu de l’intégration formation-production : un contre-modèle de formation

L’intégration formation-production, du fait de l’obligation de partenariat pour toutes les étapes du processus de formation, ne peut pas être analysée comme un simple processus pédagogique, une alternance « réussie », une alternance intégrative selon un terme fréquemment employé. L’intégration formation-production est au cœur d’un système recomposé de rapports entre instances de formation et instances économiques ; elle est au cœur d’un contre-modèle de formation.

Pourquoi un contre-modèle ? Et d’abord, qu’est-ce qu’un contre-modèle ? Un contre-modèle est une organisation qui, par rapport à un modèle dominant, construit de nouvelles cohérences entre objectifs, principes et pratiques de formation.

Si on peut parler, avec les NFI, de contre-modèle par rapport au modèle classique de formation des ingénieurs, c’est que le partenariat, dans l'acception très spécifique qui vient d’être précisée, permet de donner toute son extension à la notion d’intégration formation-production, qui s’applique, on l’a vu, à l’ensemble du processus de formation, de la conception à l’évaluation. Le partenariat construit de fait une nouvelle répartition des pouvoirs entre système éducatif et système productif.

En effet :

Alors que dans le modèle traditionnel de formation d’ingénieurs, les écoles améliorent leur efficacité tout en gardant néanmoins le quasi monopole de ce que l’on peut considérer comme les grandes macrofonctions éducatives : la prescription quantitative et qualitative de formation ; la production de formation ; l’évaluation et la sanction. C’est un modèle qui est piloté par la demande.

Avec les NFI, ces grandes macrofonctions éducatives sont coassurées par l’instance éducative et par l’instance productive. Nous dénommons cette nouvelle répartition des pouvoirs « pilotage par la commande ».

C’est la forme partenariale qui, institutionnellement, permet d’organiser une nouvelle répartition des pouvoirs dans la réalisation de ces macrofonctions.

Le partenariat autorise en effet :

- une gestion des flux en relation stricte avec la demande de l'aval, les NFI n’étant ouvertes que si elles correspondent à des besoins ; « si le besoin disparaît, on ferme » ;

- la prise en compte des besoins du client dès la conception du « produit » et tout au long du processus de production avec l'implication forte des entreprises dans le choix des candidats, dans la définition des contenus d'enseignement et l'organisation des formations ;

- une intervention active des professionnels dans les formations elles- mêmes de façon à garantir la conformité et la fiabilité du produit à la qualité attendue.

Le partenariat, articulé au principe d'alternance, est ainsi la clé de voûte d'un modèle où l'ajustement Éducation/Économie est conçu non plus en termes de relation formation-emploi mais en termes d'emploi-formation. C'est donc un mécanisme d'ajustement quantitatif et qualitatif au plus près des besoins, qui intervient de manière totalement inédite à un tel niveau de formation.