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Comment dans le domaine tertiaire les offres de formation sont-elles structurées ?

Daniel Alban & Alain Crindal

3. S AISIR LES MODIFICATIONS DES DISCIPLINES TERTIAIRES

3.1. Comment dans le domaine tertiaire les offres de formation sont-elles structurées ?

3.1.1. La présentation des formations au sein de l'ONISEP

Il s’agit d’une classification hétérogène qui a l’avantage d’être lisible par le grand public (Fig. 8). Elle prend en compte des secteurs d’activités (santé, arts), mais elle regroupe, dans sa subdivision des professions dont l’homogénéité est discutée par D. Broussolle (1995). Les métiers du commerce font par exemple appel à des qualifications contrastées qui dépendent des types d’organisation du travail des secteurs concernés : tâches parcellisées de la grande distribution et polyvalence dans le petit commerce.

Par ailleurs, l’hétérogénéité de cette classification est liée d’une part au fait que des fonctions spécifiques comme le secrétariat et la comptabilité, visent des métiers répartis dans tous les secteurs productifs et d’autre part à la présence des moyens et des techniques informatiques qui renvoient autant à la réalisation de services qu’à des réalisations de biens

industriels. Figure 8 : les formations au sein de l’ONISEP

3.1.2. La scissiparité interne et progressive des contenus, l'exemple du bac STT

Les Baccalauréats Technologiques sont classés par « Domaines ». Le bac technologique « Sciences et Techniques Tertiaires » se subdivise aujourd’hui en quatre spécialités. D’une vision globale en classe de seconde (Sciences et techniques tertiaires), on passe à deux options en classe de première (gestion - action administrative et commerciale) qui, elles-mêmes, se subdivisent en quatre spécialités pour un unique

baccalauréat (comptabilité et gestion - informatique de gestion - action et communication administrative - action et communication commerciale). 3.2. Quels mouvements pour les diplômes ?

Toute création de diplôme est le fruit d’un compromis entre l’état et les partenaires sociaux. La carte des spécialités se construit à partir des demandes des professionnels et des offres de l’éducation nationale. Cette dernière peut se substituer aux professions insuffisamment structurées pour instruire un dossier de création de diplôme et promouvoir des projets en fonction de ce qu’elle pressent de la demande des familles ou des équilibres qu’elle juge nécessaires entre filières (voir, par exemple, le BTS Assistant PME/PMI).

3.2.1. Ce qui change entre 1969 et 1997 du niveau V au niveau III

Les travaux d’É. Kirsch (1998) nous renseignent sur les caractéristiques des changements pour cette période. L’augmentation du nombre de diplômes profite essentiellement aux services. Dans ce secteur, les CAP contribuent au rôle de professionnalisation qu’ils ont joué antérieurement dans l’industrie.

Les prestations concernées par l’augmentation sont :

- les services destinés aux particuliers (alimentation, hôtellerie, restauration aide à la personne) ;

- les services adressés aux collectivités (environnement, prévention des risques technologiques, sécurité publique, médiation sociale) ;

- les services adressés aux entreprises qui sont dépendants des nouvelles organisations du travail (transports).

Sur la même période, dans le tertiaire de bureau, on distingue trois modifications majeures :

- pour le commerce, les vingt-cinq spécialités sont maintenues ;

- dans l’administration et la gestion, dix-huit spécialités sont présentes, cinq ont disparu en quatorze ans (impact de l’informatique) ;

- dans l’informatique, on assiste à un glissement du niveau des formations qui se caractérise, d’une part dans l’abandon du niveau V, et, d’autre part, dans l’émergence de BTS et de DUT exigés par de nouvelles compétences, comme celle de l’administration des réseaux. 3.2.2. Quelles hypothèses formuler pour ces changements ?

La composition de l’offre reflète la diversité des dynamiques professionnelles, mais les changements ne sont ni linéaires, ni réguliers. Entre 1969 et 1997, sur ces trois niveaux de qualification et pour

l’ensemble des diplômes techniques, cinq domaines de formation perdent 91 spécialités et douze en créent 203 ! En 1997, le régime de croisière de ce double mouvement est de 40 créations pour 58 suppressions. Si le nombre de spécialités progresse dans les activités de service, il ne faut pas cacher que cela joue également dans les activités artisanales.

Ces créations sont une réponse à une demande sociale qui relève de trois sources :

- un désir d’identité professionnelle et la reconnaissance d’une technicité (par exemple onze diplômes du spectacle) ;

- dans les secteurs professionnels où le besoin de sélectivité des emplois est accru (normes européennes), les compétences doivent être certifiées (les créations dans le secteur paramédical en sont l’exemple type) ;

- la validation des acquis dus à l’expérience couvre parfois des secteurs peu professionnalisés (le CAP de la petite enfance répond à cette demande).

La composition de l’offre peut venir également d’une recherche de rationalisation de l’Éducation Nationale. Dans une période de fragilité de l’emploi, l’institution publique de formation pousse vers la construction de diplômes aux spécialités transversales en faisant l’hypothèse que cela permettra à leurs titulaires d’accroître ultérieurement leur adaptabilité au marché de l’emploi.

Ainsi, comme beaucoup d’autres filières, l’évolution de la filière rénovée du tertiaire administratif se caractérise par une diminution des qualifications de niveau V au profit de celles du niveau IV (Figure 9). Avant 1986, on trouvait quatre BEP :

- Agent de secrétariat dactylographe,

- Agent des services administratifs et informatiques, - Comptabilité,

- Commerce.

Aujourd’hui, deux BEP subsistent et un glissement s’est effectué vers les « Bac Pro ».

La dynamique des branches intervient dans ces mouvements. Selon chaque branche, l’émergence de nouvelles formations est une histoire singulière :

- dans l’hôtellerie, la tradition artisanale a longtemps rechigné à prendre en compte les besoins des chaînes et des collectivités ;

- dans les transports, le niveau III était absent en 1969 car la branche et les patrons n’avaient pas besoin de personnels trop qualifiés ;

- dans des techniques émergentes, le niveau V est présent (CAP et B.P. de logistique nucléaire, d’agent de prévention et de sécurité…) car la qualification est un argument de qualité pour la prestation.

Des résistances à l’évolution concernant les diplômes sont le fait de fortes traditions culturelles. Le nouvel élan donné par le Bac Pro ne l’emporte pas sur le souci qu’ont certaines branches professionnelles de préserver leur identité en maintenant leurs propres certifications. C’est le cas dans le tourisme, ou les arts appliqués, pour lesquels le B.T. (brevet de technicien) est encore très présent. Sans doute les conditions d’accueil d’un stagiaire sur seize semaines (norme du Bac Pro) ne sont pas en rapport avec la capacité d’encadrement des petites entreprises qui constituent majoritairement ces branches.

Les impératifs de gestion et de lisibilité du système de formation vont dans le sens d’une diminution et d’un toilettage des formations, mais la

diversité des professions et les besoins qu’elles expriment tendent à conduire le système dans un mouvement inverse d’entropie.

3.2.3. Retrouver ces hypothèses dans l'exemple de quelques BTS

• L'exemple du référentiel d'économie-droit : un « socle commun » à tous les BTS

Pour le nouveau référentiel de 1995, F. Berho, IGEN, (1996) précise que les objectifs annoncés concernent l’actualisation avec les nouveaux programmes du lycée et la mise en place d’une logique de formation post- baccalauréat. La justification d’un enseignement intégrateur par rapport à un enseignement de spécialité vient de la volonté d’installer un socle commun sur lequel l’enseignant pourra trouver matière à exemple à partir des sujets correspondant aux spécialités de chaque filière. La finalité poursuivie est celle d’une formation plus en profondeur sur un champ limité plutôt que celle d’un survol extensif. C’est pourquoi on constate dans le curriculum une réduction des contenus et un désir de faire émerger des concepts-clés. Par ailleurs, il s’agit d’éviter le sentiment de répétition entre le bac techno STT et les BTS, ce qui renvoie à l’usage de démarches plus analytiques et au choix de mise en perspective des connaissances dans les travaux par thèmes.

• L'exemple du BTS des professions immobilières : un assistant compétent pour éviter les restructurations excessives

A. Giletta, IGEN, (1996) précise que le contexte économique intervient puissamment pour demander la validation par un diplôme d’une profession émergente. Un grand nombre d’entreprises sont de type familial. Pour s’associer entre agences ou cabinets et éviter les restructurations excessives (concentration), la profession cherche à élever le niveau de compétences. Pour résister aux marchés nouveaux de l’immobilier de vacances, de l’immobilier international locatif, de nouvelles compétences juridiques sont nécessaires. Le rôle d’un collaborateur assistant le responsable de l’agence réclame un champ très élargi de compétences : droit général, droit immobilier, action commerciale, comptabilité, informatique, organisation et méthodes administratives, techniques de communication, techniques du bâtiment. • L'exemple du BTS informatique de gestion

B. Chauvois, IGEN, (1996) dessine la lignée de ce BTS. Très axé sur la programmation d’applications, il débute vers 1980 avec trois options (gestion des centres informatiques, petits systèmes, commercialisation). En 1987, il est recentré sur le métier d’analyste-programmeur et perd ses

options, tandis qu’aujourd’hui, il se subdivise en deux options : administrateur de réseaux locaux d’entreprise ou développeur d’applications. Si le besoin de création d’applications perdure, il perd cependant de sa force alors que la gestion des réseaux réclame des compétences nouvelles. Subissant, par ailleurs, l’influence des autres BTS tertiaires, le programme vise l’acquisition de capacités générales et de compétences comportementales allant au-delà des seules compétences techniques. Dans ce nouvel esprit pour le champ disciplinaire de l’informatique, une plage horaire conséquente est réservée aux actions professionnelles en liaison avec les entreprises.

Ces trois exemples soulignent trois types de mouvements :

- Un mouvement intégrateur (concepts-clefs, capacités générales) visé plus particulièrement par l’éducation nationale, il remédie à un fractionnement trop prononcé des contenus. Il touche l’ensemble des BTS.

- Un mouvement de diversification des compétences qui serait plus guidé par le contexte des professions concernées (exemplifier pour répondre à la variabilité des entreprises, élargir le champ des compétences pour protéger l’organisation du travail d’un secteur, fournir des compétences comportementales et techniques pour répondre à la déspécialisation que les organisations de service exigent).

- Quand les progrès techniques mettent en obsolescence la diversité des options de formation proposées un mouvement de concentration de l’offre s’effectue. Il rend compte du toilettage permanent qui est mis en place.

3.3. L'analyse des pratiques et ses conséquences sur l'évolution