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Le concept de A-forme tend à rendre compte des modes d'organisation du travail et de structuration

Daniel Alban & Alain Crindal

3 Le concept de A-forme tend à rendre compte des modes d'organisation du travail et de structuration

Encadré 1

Dès le XVIIIe siècle, les chantiers navals vénitiens ont inventé le « travail à la chaîne ». Les galères en cours de fabrication défilaient le long d’un canal… Vauban a défini les premières règles de mesure du temps de travail.

La thèse d’Adam Smith – « La division du travail transforme le monde en un vaste

atelier dans lequel chacun a ses compétences, sa spécialisation » - est fondée sur

l’étude des sociétés tribales primitives, est que la richesse dépend du travail, à travers sa nature, son organisation et la division qu’il en est faite.

« Un ouvrier isolé, aussi habile soit-il, n’arrivera guère à produire plus de quelques

épingles dans sa journée. Plusieurs ouvriers, dont le travail est organisé dans une manufacture, ont une productivité bien supérieure. 10 ouvriers peuvent produire 48000 épingles par jour. Le capital permet ainsi d’augmenter la productivité du travail » Chevalier, J.-M. (1987).

Encadré 2

Structure fonctionnelle

découpage « classique »

Direction (prévoir, organiser,

commander, coordonner, contrôler)

Financement (collecter, employer, gérer

les capitaux)

Socialisation (GRH, recrutement,

rémunération, formation)

Approvisionnement (achat, gestion des

stock)

Conception et fabrication (fonctions

techniques)

Commercialisation (études de marché,

ventes, actions commercialesk)

Figure 2 : Le « Fayolisme : la spécialisation fonctionnelle, l’entreprise de type U-forme.

Fayol (1841-1925), ingénieur français,

instaure la spécialisation fonctionnelle comme manière de gouverner l’entreprise (voir fig. 2 la structure fonctionnelle de l’entreprise de type U-Forme*).

« Henri Fayol, autant que Taylor, est au

fondement de l’art managérial américain. Si son apport spécifique a consisté à se concentrer sur l’une des fonctions traditionnelles, celle de la Direction générale, son héritage pratique essentiel — le fameux organigramme — se traduit par la matérialisation d’un ordre hiérarchique d’entreprise, dans lequel le modèle de la pyramide et la stricte séparation fonctionnelle constituent les points fixes. Pour l’essentiel cohérent avec les recommandations tayloriennes de division du travail en atelier, un modèle de firme en résulte : autorité de la direction générale, séparation stricte des fonctions, parcellisation des tâches. ».

*Le concept de U-forme, initialement chez Williamson

(op. cit.), renvoie à l’entreprise Unitaire, c’est-à-dire à l’entreprise fonctionnelle classique.

2.1.1 Le courant classique (encadré 1)

En Europe, à partir de la fin du XVIIIe siècle, on assiste au passage de l’artisanat à la grande manufacture, à la naissance de l’industrie, au début du capitalisme et à une augmentation nouvelle et significative de la population. Adam Smith (1776, Éd. fr : 1976) a été le premier à mettre en lumière les possibilités offertes par la division du travail (cf. l’exemple de la manufacture d’épingles dans laquelle a été instituée une spécialisation du travail poussée).

Pour A. Smith, trois raisons sont à l’origine d’une telle augmentation : - la répartition des tâches permet d’accroître l’habileté de chaque

individu,

- la suppression du temps de passage d’une opération à une autre permet un gain de temps,

une telle organisation augmente la capacité d’innovation des hommes. 2.1.2 Le Taylorisme (encadré 2)

Frederick W. Taylor (1913, Éd fr : 1971) a défini les règles de l’Organisation Scientifique du Travail (OST). Les principes tayloriens reposent sur une double division du travail, verticale et horizontale.

La division verticale du travail érige le principe de la séparation entre la conception des tâches et leur exécution : « C’est aux bureaux qu’il appartient de penser, et aux ateliers de fabriquer ».

La division horizontale du travail pose le principe de la parcellisation des tâches : le travail industriel est décomposé en ses tâches les plus simples et les plus élémentaires. Par rapport à Smith, Taylor ajoute un élément : un ouvrier, et un seul, se verra confier chacune des opérations élémentaires que l’on sera parvenu à isoler puisque « Le travail parcellisé et de simple exécution paraît incontestablement plus productif ».

2.1.3 Le Fordisme (encadré 3)

Les principes fordiens sont essentiellement le travail à la chaîne et le five dollars day.

Le travail à la chaîne repose sur un triple procès :

- parcellisation du travail (accentuation de la division horizontale du travail, déqualification du travail et, pour l’ouvrier, répétition sans fin du même geste parcellaire) ;

- mécanisation (Ford fait de plus en plus appel à la machine, il substitue le capital au travail) ;

- circulation des pièces assurant une production en continue (principe du travail à la chaîne, le produit circule sur une ligne de montage ; c’est dans l’industrie alimentaire, et plus particulièrement la conserverie, que naît le principe du convoyeur).

-

Encadré 3

Le travail à la chaîne dépossède totalement l’ouvrier du contrôle de son rythme de travail : désormais la chaîne dicte à l’ouvrier spécialisé sa cadence en faisant simplement venir le travail à lui.

Le five dollars day montre que Ford accorde une place primordiale au salaire (ie pour que ses ouvriers puissent notamment acheter ses produits). La rationalisation du travail opérée par l’instauration de la chaîne pose de nouveaux problèmes de gestion de la main d’œuvre : absentéisme, rotation du personnel… Le doublement des salaires à 5 dollars visait à résoudre ce problème mais également à assurer de nouveaux débouchés en touchant de nouvelles couches sociales.

« Alfred Sloan, à la Général Motors, dans les années 1920, inventa un système de

gestion répondant aux besoins du système de fabrication si efficace, imaginé par Ford. De même que Ford avait appliqué à la production le principe de la division du travail, Sloan l’appliqua à la gestion. Aux ingénieurs vinrent s’ajouter les spécialistes du marketing et les cadres financiers. Le patron de GM institua solidement une division du travail intellectuel parallèle à celle du travail manuel déjà intervenue au niveau de l’atelier », Coriat, B. (1991).

Le « Sloanisme » fait, en revanche, appel à la spécialisation divisionnelle (ou par divisons de produits), il représente l’entreprise de type Multidivisionnelle ou M-forme4 (Fig. 3).

2.1.4 Le développement du Taylorisme et du Fordisme en France

La première guerre mondiale marque le véritable point de départ de la diffusion du taylorisme en France : enregistrement précis de la productivité, standardisation des produits et parcellisation des tâches sont appliqués dans la plupart des usines d’armement. Les conséquences de la guerre vont permettre au taylorisme de se diffuser très rapidement dans l’industrie française, notamment dans les secteurs des biens d’équipement.

Après la crise de 1929 qui sanctionne un mode de croissance trop tourné vers la production, le Fordisme va connaître un certain succès, d’une part à travers la diffusion du travail à la chaîne qui est mis en œuvre notamment dans le secteur des biens de consommation durable (automobile, électroménager) et, d’autre part, dans la transposition du principe du five dollars day au niveau macro-économique.

Une fois relaxée la contrainte des débouchés, le Taylorisme va connaître un nouvel essor. Si l’OST a perdu du terrain dans certains secteurs industriels « fordisés » comme l’automobile, elle en pénètre d’autres comme le bâtiment ou l’ameublement, mais aussi et surtout, elle trouve son essor dans les bureaux et dans le secteur des services.

« On assiste à une véritable explosion des cols blancs : 9,9 % en 1901, 15,1 % en 1946, 29,2 % en 1968 (le développement du travail de bureau est une conséquence directe de l’application à grande échelle du principe taylorien de division verticale du travail — ie séparation entre la conception et l’exécution) », Coriat, B. (1991).

Le développement parallèle du Taylorisme et du Fordisme en France a permis la réalisation d’importants gains de productivité (+2,1 % en moyenne annuelle de 1896 à 1965), mais il a largement contribué à l’éclatement de la crise des années 1980.

La parcellisation des tâches imposée à une main d’œuvre de plus en plus qualifiée a en effet provoqué une véritable « crise du travail ». Ce qui se joue donc, dans les années 1980, c’est le dépassement du taylorisme et l’instauration d’un nouvel « ordre productif » qui remet en cause le