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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Disciplines technologiques : Intégration et/ou spécialisation

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Academic year: 2021

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SÉMINAIRE DE DIDACTIQUE

DES DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

CACHAN — 1998-1999

Disciplines technologiques :

Intégration et/ou spécialisation

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SÉMINAIRE DE DIDACTIQUE

DES DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

CACHAN — 2001-2002

Disciplines technologiques :

Intégration et/ou spécialisation

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L

ES AUTEURS

Daniel ALBAN

Maître de conférences, IUT - Université René Descartes, Paris Nelly BOUSQUET

Ingénieur d’études, INRP Yves CARTONNET

Maître de conférences, ENS Cachan Jacques DÉSAUTEL

Professeur, Département d'études sur l'enseignement et l'apprentissage Université Laval, Québec, Canada

Alain CRINDAL

Professeur certifié, chargé d’études à l’INRP, doctorant au LIREST Colette GRANDGÉRARD

Ingénieur d’études, INRP Marie LAROCHELLE

Professeur, Département d'études sur l'enseignement et l'apprentissage Université Laval, Québec, Canada

Joël LEBEAUME

Professeur des Universités, ENS Cachan Jean-Louis MARTINAND

Professeur des Universités, ENS Cachan Directeur du LIREST

Pierre VÉRILLON

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S

OMMAIRE

DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

-INTEGRATION ET/OU SPECIALISATION – PRESENTATION... 5

Joël Lebeaume

❄—❄—❄—❄

MATRICES DISCIPLINAIRES ET MATRICES CURRICULAIRES :

LE CAS DE L'EDUCATION TECHNOLOGIQUE EN FRANCE... 9

Jean-Louis Martinand

INTEGRATION ET CONTRE-MODELE DE FORMATION :

LE CAS DES NOUVELLES FORMATIONS D’INGENIEURS... 23

Nelly Bousquet & Colette Grandgérard

L’EVOLUTION DES SCIENCES ET TECHNIQUES TERTIAIRES

QUESTIONNEE PAR LA RE-AGREGATION DU TRAVAIL ... 35

Daniel Alban & Alain Crindal

QUELLES RAISONS POUR SPECIALISER DES FORMATIONS

EN GENIE MECANIQUE EN FRANCE... 63

Yves Cartonnet

❄—❄—❄—❄

POINTS DE VUE DE CONSEILLERS ET DE CONSEILLERES

D’ORIENTATION ET DE SCIENTIFIQUES SUR LES SCIENCES... 73

Marie Larochelle & Jacques Désautels

❄—❄—❄—❄

NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

Cognition in the wild ... 108 de E. Hutchins

par Pierre Vérillon

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D

ISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

I

NTEGRATION ET

/

OU SPECIALISATION

PRESENTATION

Joël Lebeaume

L'évolution du milieu technique, des objets, des machines, des services... s'accompagne d'une différenciation des métiers et des emplois. Ces spécialisations se repèrent dans les certifications et les qualifications ainsi que dans les programmes et les contenus d'enseignement et de formation. Cette diversité demeure cependant associée à des mises en relation intégratives qui assurent la cohésion des spécialités tout en en limitant l'indépendance. La spécialisation des métiers de l'enseignement est en ce sens contrôlée par la définition des missions du professeur des lycées et collèges. Celui-ci contribue à la cohésion du groupe social et à la participation conjointe des spécialistes des enseignements disciplinaires au projet éducatif ou organisationnel des établissements scolaires. Dans le secteur de la production technique, la même exigence d'unité, de communication et de partage est également indispensable à la réalisation des projets.

La formation pour cette mise en synergie des acteurs suppose ainsi à la fois des contenus assurant leur spécialisation et des contenus qui contribuent à leur intégration. Le séminaire propose un travail de réflexion et de recherche sur les développements, les évolutions, les recompositions, les mouvements... des disciplines technologiques. En effet, au gré des modifications des pratiques industrielles, économiques et

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sociales, ainsi que des évolutions des recherches et des institutions de formation, elles tendent à un éclatement en une multitude de spécialités ou d'options (mécanique, génie mécanique, productique...) ou à la genèse par croisement de disciplines hybrides (génie industriel...). Les mouvements de différenciation qui induisent une segmentation des contenus et une compartimentation des formations risquent de limiter la communication des acteurs et le dialogue entre les filières ainsi que de masquer l'unité de la Technique. Les mouvements d'intégration souhaitent à l'inverse, déterminer les convergences possibles, les intersections communes et les transversalités nécessaires.

Les actes du séminaire rassemblent les participations sur ce problème d'organisation curriculaire : cohérence et éclatement au cours d'une formation, largeur et profondeur des domaines, branches et ramifications des spécialités... Le point de vue didactique des travaux n'occulte pas cependant la dimension sociologique associée à ces mouvements. À propos des disciplines académiques, Jean Piaget (1970) dans le chapitre « spécialisations et intégrations », signale les interférences sociologiques voire idéologiques qui font plus ou moins corps avec les tendances spontanées de la science mais qui peuvent aussi agir en tant que facteurs spéciaux, accélérateurs ou perturbateurs1.

Jean-Louis Martinand, à partir de la reconfiguration de la technologie, met en évidence les problèmes fondamentaux de construction curriculaire. Ceux-ci correspondent à la fois aux questions concernant la spécialisation d'une discipline scolaire et son intégration dans le système de disciplines du collège. Mais au sein même de cette discipline scolaire, se posent aussi les questions de l’unité parmi la diversité des activités. Nelly Bousquet et Colette Grandgérard apportent un éclairage sur la notion d'intégration en analysant la réforme de la formation des ingénieurs désignée par les « filières Decomps ». En effet, ces nouvelles filières de formation d'ingénieurs conçues non plus en termes de relation formation-emploi mais en termes d'emploi-formation, sont fondées sur l'intégration des niveaux et des contenus d'enseignement mais aussi sur l'intégration des instances et des lieux de formation. Dans le secteur tertiaire, Daniel Alban et Alain Crindal examinent les évolutions des modèles d'organisation du travail, marquées par la pluri-spécialisation et l'intégration des tâches ainsi que les modifications de l'offre de formation. Grâce à une analyse précise des évolutions des spécialités de cette filière, ils proposent des hypothèses interprétatives des mouvements de ces enseignements et mettent en évidence les principes intégrateurs

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susceptibles de les fonder. Yves Cartonnet décrit les formations en génie mécanique en France et tente d’expliquer les principes et les conditions qui président aux modifications des contenus. Les rapports entre École – Entreprise ainsi qu’entre conduite de projets et conduite de machines sont en ce sens les hypothèses proposées de ces mouvements d’intégration-spécialisation.

L'une des perspectives essentielles pour la recherche des travaux de ce séminaire est la mise en évidence de l'importance de l'étude de cette « intégration et/ou spécialisation » au sein des filières afin d'une part d'en saisir les mécanismes et les conditions et d'autre part d'identifier les principes intégrateurs et/ou différenciateurs potentiels, les conditions de leur mise en œuvre ainsi que les conséquences sur l'organisation interne des disciplines technologiques. La distinction entre voie et filière doit notamment permettre d'étudier les disciplines dans leur différenciation : différence de désignations et implications sur leur structure, différence des fonctions des disciplines dans les voies et les filières. Il s'agit finalement de clarifier les relations entre disciplines, voies et filières dans les organisations curriculaires d'ensemble. L'analyse comparée est alors susceptible de permettre la mise en évidence et la caractérisation des principes organisateurs contribuant à stabiliser la tension entre intégration et spécialisation.

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M

ATRICES DISCIPLINAIRES ET MATRICES CURRICULAIRES

 :

LE CAS DE L'EDUCATION TECHNOLOGIQUE EN FRANCE*

Jean-Louis Martinand

Le propos de la communication qui suit est de réfléchir aux formes disciplinaires et non-disciplinaires du curriculum scolaire. L'occasion en est la naissance assez récente, les transformations rapides, la reconfiguration actuelle de l'éducation technologique, particulièrement dans sa forme de discipline d'école moyenne (collège en France).

Du point de vue théorique, il s'agit de faire apparaître quelques déterminants, problèmes et décisions de la conception et de la reconception de curriculum : ni transposition didactique de savoirs savants, ni invention scolaire d'une vulgate et de ses exercices, cette reconception est envisagée ici comme « composition sous influences ». I. GENESES

Dans un pays comme la France, et même en se limitant au collège, l'histoire de l'éducation technologique est plus ancienne qu'on ne croit et surtout mêlée et tortueuse.

* Ce texte, paru dans Contenus d’enseignement dans un monde en mutation : permanences et ruptures

publié chez l’Harmattan (Actes du Colloque international organisé les 12, 13 et 14 janvier 2000 par le Centre universitaire de recherche en sciences de l’éducation et en psychologie (CURSEP), est publié dans le présent ouvrage avec l’aimable autorisation de Claude Carpentier.

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Avant la dernière guerre mondiale, les Écoles Primaires Supérieures dispensaient un cours de « technologie », vaste revue de procédés, de matériels et de produits ; après cette guerre, l'enseignement des collèges modernes comprenait un cours de « marchandises ».

Dans les collèges des années 60, à côté des travaux manuels, avec leur version féminine (cuisine et couture) et leur version masculine (fer et bois), un enseignement de « technologie » a été mis en place à l'instigation de J. Capelle pour les classes de 4e et 3e (13-15 ans) : c'était une « discipline fondamentale » dont le contenu principal était le dessin technique (dessin industriel simplifié), considéré comme un « langage fondamental et universel » ; à côté du dessin figuraient l'étude de quelques fonctions techniques mécaniques très simples et une initiation scientifique (électricité et chimie).

Au cours des années 70, deux évolutions, au début indépendantes mais progressivement liées, ont conduit vers la fin de la décennie au passage des Travaux Manuels Éducatifs (anciens travaux manuels) à l'Éducation Manuelle et Technique, et à partir d'essais d'initiation scientifique et technique, à l'instauration des Sciences Physiques et d'options de technologie industrielle et de technologie économique.

Au milieu des années 80, ces options et l'Éducation Manuelle et Technique donneront la « technologie » (1984), reconfigurée de 1995 à 1999. Les Sciences Physiques suivront parallèlement un parcours chaotique avec suppression de 11 à 13 ans (6e et 5e) puis réapparition à 12-13 ans (5e).

Les histoires ne sont pas moins intéressantes et embrouillées à l'école primaire, avec le développement et la mort des leçons de choses, comprenant ce que « nul ne peut ignorer » des techniques de la deuxième moitié du XIXe siècle, et les avatars incessants des travaux manuels. Enfin, l'histoire de l'enseignement de la technologie pour spécialistes dans les lycées technologiques et professionnels a subi une accélération révolutionnaire : disparition de l'enseignement du dessin industriel, multiplication des symbolismes graphiques de schématisation, dessin-conception-fabrication assistés par ordinateur, technique d'analyse fonctionnelle, modélisation explicite des objets et processus.

Dans ce contexte en bouleversement, l'éducation technologique dans l'éducation générale obligatoire, peut présenter des formes et des contenus inattendues : elle peut être la « scolarisation » d'un savoir « académique » ou « expert », mais elle peut être tout autre chose, comme la version simple et « culturelle » d'une discipline d'approche active et compréhensive du monde technique environnant…

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Il ne s'agit donc pas de fantasmer en inventant sa propre représentation : le territoire dans lequel s'élabore l'éducation technologique n'est pas réductible au petit paysage dans lequel évolue le spécialiste ou la personne « cultivée », et il faut se méfier des mots ; technologie au collège ne veut pas dire « discours sur la technique », ni même « science de la technique ». L'interrogation doit être plus informée, plus historique, et plus profonde.

II. RAISONS

Pour quelles raisons mettre en place un enseignement de technologie au collège aujourd'hui ? En France, la commission de réforme des collèges, présidée par Louis Legrand a joué un rôle décisif (1983). L'éducation technologique et les activités techniques projetées pour les élèves du collège n'y sont pas abordées de manière isolée, mais dans le cadre d'une conception d'ensemble des matières du collège. Cette conception globale se situe donc d'abord sur le plan politique, même si les débats sur le plan politique dépendent des pratiques et des conceptions sur le plan pédagogique.

Pour rester sur ce plan politique, je propose de présenter en termes de missions de l'éducation technologique les arguments et perspectives pour sa mise en place. D'un point de vue sociologique il y correspond, avec des écarts parfois considérables, des fonctions éducatives (formelles, réelles, cachées…), et du point de vue pédagogique des fins et des objectifs. Cependant la traduction, ou plus profondément la reproblématisation qui permet ces changements de point de vue, sinon de « monde », ne sont pas si faciles.

Aujourd'hui, quatre grandes missions pour une éducation technologique scolaire, peuvent être identifiées, même s'il n'y a pas forcément consensus sur l'ensemble :

Une mission d'appui aux procédures et aux démarches d'orientation scolaire et professionnelle, non pas dans ses composantes psychologiques (« éducation au choix », « éducation à l'orientation »), mais dans la contribution à la construction de représentations plus riches et plus objectives des contenus et des contextes techniques du travail et des métiers aujourd'hui. Alors qu'aucun adolescent ne peut réchapper au « système scolaire » avant 16 ans, l'orientation est cruciale : l'école ne peut délaisser cette fonction majeure pour elle du point de vue de son rôle dans la société, comme du point de vue de son propre fonctionnement.

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Une mission d'approche du monde technicisé, de ce milieu humain artificiel (matières, instruments, ressources, lieux et rythmes) que certains ont pu présenter comme un « règne machinal » qui se substitue aux règnes naturels (minéral, végétal, animal). La connaissance de ce monde comprend deux registres, celui de la familiarisation technique, et celui du savoir technologique. Alors que la technique des industries, des services, mais aussi de l'artisanat et même de certains loisirs et activités domestiques est de plus en plus cachée, la visée de constitution d'une base commune à tous de familiarité pratique avec les processus et les procédés est fondamentale. De l'autre côté la visée d'élaboration de connaissances technologiques est d'autant plus importante à préciser que des conceptions très différentes se succèdent ou se chevauchent depuis 50 ans. Quatre « paradigmes » au moins ont été proposés comme idées directrices d'une technologie pour tous : - Dans les années 60, enseigner le dessin industriel comme langage

universel de la technique. Rappelons qu'aujourd'hui ce « langage universel » n'est pratiquement plus enseigné dans les filières technologiques et professionnelles !

- Dans les années 70, développer une analyse technologique par fonctions et principes en s'appuyant sur le démontage et le remontage d'objets ou de systèmes.

- Dans les années 80, affronter les aléas et la complexité des techniques par la conception et la réalisation sur projet. C'est ce qui a été mis en œuvre dans la technologie au collège depuis 1985. Cela a pour conséquence de laisser de côté à ce niveau toute approche de l'existant technique par description, comme autrefois dans les écoles primaires supérieures, ou par investigation sur les objets ou les procédés.

- Dans les années 2000, prendre sérieusement en compte les perspectives d'usage raisonné où l'usager n'est pas forcément un producteur, ou de délibération rationnelle et de décision responsable pour tout citoyen dans des situations qui s'échelonnent de l'échelle familiale ou locale à l'échelle nationale ou mondiale.

La deuxième mission est donc moins simple qu'il n'y paraît au premier abord ; et encore n'ai-je pas évoqué ici les confusions entre points de vue scientifique et technologique à propos des objets et procédés artificiels.

Une mission d'appropriation des techniques d'information, de communication et de contrôle, avec pour priorité l'apprentissage des usages banals de l'ordinateur, couplé à une première compréhension du fonctionnement et de l'impact de ces machines et systèmes de

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traitement et de transfert de l'information. Il ne s'agit donc pas seulement de compétences purement procédurales, et pas encore d'informatique, mais de premières approches des « techniques de l'information » et de la « technologie de l'information ».

Personne ne peut aujourd'hui dédaigner cette mission au collège : d'une part, la vie quotidienne de chacun est affectée ; d'autre part, les techniques de traitement de l'information pénètrent toutes les techniques spécifiques, conférant à la technologie de l'information une fonction de fondement à une technologie générale.

Une mission de promotion d'une pédagogie de l'action, par et pour la

réalisation collective, comme valeur en soi, dans une perspective de développement personnel d'abord, de développement économique et social ensuite, mais aussi comme moyen de compensation des tendances contemplatives et intellectualistes propres à l'enseignement secondaire général, voire comme tentative de remédiation aux situations d'échec générées par les autres disciplines.

Pour accomplir ces missions dans le cadre du curriculum général du collège, essentiellement structuré par les disciplines scolaires du secondaire, de multiples dispositifs sont envisageables. A l'évidence cependant, s'appuyer sur l'ancienne Éducation Manuelle et Technique, les sciences actuelles (physique-chimie, sciences de la vie et de la terre, géographie), ne permettrait pas de répondre sérieusement. C'est pourquoi, sans doute, dans la plupart des pays développés occidentaux, le pouvoir responsable a créé, maintenu, réformé et adapté un enseignement de technologie nettement séparé.

Cependant les oppositions à cette technologie sont tenaces, avec des conceptions qui réduisent « technologie » à « sciences + Internet » ou éducation technologique à « éducation scientifique + exercice d'habiletés manuelles ». On croirait entendre des idées de 1900 : ce n'est manifestement pas à la taille des enjeux de l'école et de la société d'aujourd'hui.

Finalement ce que signifie la technologie, et ce que permet sa mise en œuvre comme discipline, c'est avant tout d'affronter directement, sans détour préalable par les sciences, les techniques d'aujourd'hui, et de le faire en utilisant les compétences d'enseignants spécifiquement formés à cela. Au delà des formules à l'emporte-pièce assez ridicules qu'on entend parfois à ce sujet, y compris aux plus hauts niveaux de l'administration de l'éducation, c'est à cette question de la place des techniques à l'école, et des moyens qu'on se donne pour les maîtriser, qu'il faut se tenir : oui ou non, leur maîtrise pratique et intellectuelle par chacun est-elle une exigence que l'école doit prendre en charge ?

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III. MATRICES

Il s’agit maintenant, passant du plan des orientations politiques à celui de la construction curriculaire, d'examiner comment la technologie du collège a été conçue et structurée.

En 1985, à la suite du rapport préparé en 1984 par la Commission Permanente de Réflexion sur l'Enseignement de la Technologie, les trois éléments fondamentaux constitutifs de la transformation de l'Éducation Manuelle et Technique en Technologie étaient les suivants :

1. La sélection de domaines d'activité technique privilégiés : la fabrication mécanique, la construction électronique, l'étude du travail et l'utilisation de l'informatique.

2. Le choix de la réalisation sur projet comme démarche privilégiée, en double référence à la tradition de la pédagogie de projet, et au rôle du projet technique en sciences et techniques industrielles.

3. La définition d'objectifs de connaissances technologiques. 14 ans après, la discipline s'est installée, même si les horaires prévus sont loin d'être assurés et les conditions d'activités productives des élèves parfois très dégradées. Les enseignants actifs ont suivi un an de formation, les jeunes ont été préparés et recrutés, les équipements ont été installés et pour partie renouvelés, des développements pédagogiques ont accompagné la généralisation.

Trois points méritaient cependant une attention particulière :

• Des ambiguïtés, souvent présentées dès l'origine. Les confusions entre

projet technique, projet pédagogique, et pédagogie de projet, puis projet de l'élève, de la discipline, de l'établissement n'ont pas été levées, au contraire. Les domaines socio-techniques de réalisation ont été confondus avec les champs d'action des disciplines de lycée et d'université qui s'en occupent habituellement (génie mécanique, génie électrique, économie et gestion). C'est en effet en leur sein qu'ont été recrutés les formateurs d'enseignants. Les indications de progression des activités (extensions, approfondissement…) selon les deux cycles de deux années au cours du collège étaient à peu près inexistantes.

• Des dérives, de plus en plus préoccupantes parce qu'elles finissent par renverser le sens de la technologie au collège. Ainsi est-on passé de démarche de projet à modèle de démarche (pour le maître), à modélisation de la démarche de projet industriel (enseignée en formation des enseignants), enfin, à schéma dérivé de cette modélisation (enseigné comme objet d'étude aux élèves à la fin du collège puis au début en préalable à toute réalisation).

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• Des changements du contexte et des demandes : publics, techniques, travail, ressources, ont beaucoup changé en 15 ans. Par nature (missions), la technologie est une discipline d'évolution rapide pour cause d'obsolescence technique et de désadaptation sociale : ce ne sont pas les caractéristiques « éternelles » des humanités classiques, mais c'est ainsi ; et les enseignants de technologie intériorisent bien dans leur grande majorité ces spécificités.

Dans le cadre de la réforme générale des programmes du collège (1995-1999), une véritable reconfiguration de la technologie a été menée à bien, pour la mettre à jour, prévenir les dérives et clarifier les ambiguïtés, réassurer les fondements. Les nouveaux programmes ne sont pas en effet le résultat de compromis entre groupes, pour tel ou tel domaine ou telle démarche pédagogique, mais l'aboutissement d'une problématisation d'ensemble et d'une formulation négociées tout au long du processus.

IV. PROBLEMES

Au cours du travail de reconception de la technologie, de nombreux problèmes de construction curriculaire ont été rencontrés. Penser l'éducation technologique exige qu'on dispose de concepts ajustés pour poser des questions pertinentes souvent renouvelées. Abordons ici sept points importants :

1) Le problème des références. La technologie, telle qu'elle a été constituée, est incontestablement une technologie de la production industrielle, et pas une technologie des usages ou de l'action civique. C'est sans doute une nécessité vis-à-vis de la mission d'orientation. La même nécessité a incité à s'ouvrir aux productions de services, qui jouent un si grand rôle aujourd'hui du point de vue de l'emploi, des entreprises et de l'économie. Les discussions à ce sujet ont été dernièrement très vives : il y a des conceptions anti-services et pro-industries, qui redoublent les conceptions anti-immatériel et pro-matériel à propos de l'économie. La question du choix des références, pour que les activités scolaires permettent de construire des représentations des pratiques socio-techniques, est donc ouverte en permanence. Elle est primordiale par rapport à la question de la transposition des savoirs : désigner les sources des activités et les fins visées par celles-ci passe avant la construction des savoirs à transmettre.

2) Le problème du traitement de l'information. Trois questions, doivent trouver des réponses précises et pratiques :

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- Qui est responsable des apprentissages nécessaires dans chaque discipline du collège et dans la vie courante pour tout adolescent et particulièrement celui qui risque de quitter l'école à la fin du collège ? - Quels sont les usages à privilégier, avec leur cortège de compétences

attendues, voire exigibles ? Comment définir ces compétences ?

- Quelles représentations du traitement de la « matière d'œuvre information », peuvent et doivent être construites à ce premier ou second niveau ?

Affecter à la technologie et à ses enseignants la responsabilité de ces apprentissages, qui vont alors être structurés en une « technologie de l'information » est une décision majeure en elle-même et par son impact sur l'identité de la discipline et des professeurs. Donner cette responsabilité au professeur de mathématiques, ou les répartir sur toutes les disciplines auraient conduit à des reconfigurations très différentes. Les débats ont été ici aussi assez vifs. L'observation de nombreux inspecteurs est qu'en tout cas cela a contribué à changer l'image que les enseignants de technologie ont d'eux-mêmes : face aux autres ils ne sont plus les « manuels » prestataires de services.

3) Le problème de l'unité de la discipline. Dans le cycle central du collège, entre 12 et 14 ans, les activités se présentent sous deux formes chaque année : d'un côté (à peu près 60 % du temps) deux des réalisations sur « scénario de projet » ; d'un autre coté deux unités de « technologie de l'information » visant l'acquisition de compétences : opposition totale donc dans les modes de définition, de guidage, et l'évaluation.

Ajoutons qu'avant la reconfiguration, les domaines socio-techniques (mécanique/électricité/gestion) étaient porteurs de « cultures » très différentes.

Les nouveaux programmes proposent :

- une même définition type pour 6 « scénarios de réalisation sur projet », y compris une production de service ; la matrice comporte les références (entreprises), les ressources (matériels, matières, documents), et les activités (principales tâches)

- une même définition type pour 4 unités de technologie de l'information (activités/notions/compétences attendues) dans une présentation qui est d'ailleurs la même que pour les programmes correspondants de physique-chimie et sciences de la vie et de la terre ; cela se justifie puisque dans ce cas la conception didactique est semblable.

- pas de transfert « horizontaux » (la même année) entre scénarios et unités ou réciproquement pour des raisons d'évitement des contraintes matérielles (salles, machines, horaires) et pédagogiques, mais réinvestissements ultérieurs systématiques.

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Ajoutons qu'en dernière année de collège, où il existe deux « options » avec pour la technologie soit 2 heures hebdomadaires soit 5 heures, la définition des activités est identique, assurant qu'il s'agit bien de la même discipline, et pas d'un tronc commun et d'un module optionnel. C'est évidemment essentiel, quels que soient les usages sociaux plus ou moins ségrégatifs qui seront faits de cette bifurcation pour trier bons et mauvais élèves.

Au total, l'unité de la discipline est construite sur cet ensemble de relations, contrastes synchroniques et de dépendances diachroniques croisées. Elle apparaît fortement, mais à condition de prendre l'ensemble du curriculum de 4 années au collège.

4) Le problème de la progressivité des activités et des visées. Trois cycles (1 an, 2 ans, 1 an) scandent la progression au long du cursus ; le programme de technologie traduit les partis pris suivants :

- 11-12 ans. Dans un cycle de « consolidation » des acquis, la définition de la discipline doit rester la même que la partie des « sciences et technologie » en fin d'école primaire, qui s'occupe de « découverte » de la technique. Avec des professeurs spécialistes, des salles et des matériels spécialisés, il s'agit, au cours de 4 unités, sans projet de démarche de réalisation, de généraliser, structurer et consolider les acquis de l'école primaire.

- 12-14 ans. 2 scénarios de réalisation sur projet - 2 unités de technologie de l'information chaque année.

- 14-15 ans. Réalisations sur projet (1 ou 2 selon l'option), unités (1 ou 2) d'ouverture sur le monde technique (histoire des solutions à un problème technique, analyse de produit, découverte des professions), éventuellement réalisations assistées par ordinateur.

Dès lors, les principes de progressivité portent sur l'extension des compétences et sur leur disponibilité dans le cadre des unités, la complexification du projet (et des représentations anticipatrices) et l'initiative dans son élaboration et sa mise en œuvre dans le cadre des réalisations sur projet. Pédagogiquement, il y a donc induction progressive, de la familiarisation concrète à l'intellectualisation, de la rencontre de tâches pratiques aux compétences pour les remplir.

5 ) Le problème de la f l e x i b i l i t é . Il ne s'agit pas tant ici de l'individualisation pédagogique, que de la possibilité structurelle, didactique, d'adapter les activités aux contextes (milieu économique et ressources scolaires) et aux publics variés d'élèves. Possibilité structurelle en tant qu'elle est incluse dans la matrice de la discipline et non imposée

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de l'extérieur au risque de l'infléchir, de la dénaturer, ou même de la briser.

En ce qui concerne les scénarios, il y a un choix à faire : 2 sur 3 chaque année, pour attirer l'attention sur le fait que ce n'est pas leur accumulation qui est éducative mais l'implication dans quelques uns pour vivre une expérience personnelle et collective forte. L'ampleur du projet est aussi largement « modulable ».

En ce qui concerne les compétences exigibles en fin de cycle, les limitations sont très sévères afin de permettre d'exiger vraiment qu'elles deviennent disponibles. Elles ne doivent pas cependant être pensées comme un « noyau » auquel on pourrait à l'extrême réduire les ambitions des activités, car ce n'est que l'aspect compétence des visées et missions de la technologie prises en charge à travers ces réalisations sur projet. Enfin les jeux sur la répartition des tâches, dans le temps et pour chacun, sont extrêmement ouverts. Tel peut commencer par imiter, tel autre par résoudre un problème. Les aides réciproques entre élèves sont cohérentes avec les principes de la réalisation sur projet.

6) Le problème de l'évaluabilité. La technologie est la seule discipline du collège dont les programmes présentent systématiquement un paragraphe dédié à l'évaluation. C'est que si les unités de technologie de l'information sont construites d'une manière assez « classique » (par objectifs), les réalisations sur projet relèvent d'une autre norme : si leur évaluation n'est pas cohérente avec leur définition, par exemple en ne s'intéressant qu'à des compétences à acquérir, il y aura antagonisme entre projet et évaluation, et à terme plus de projet.

C'est en effet, la réalisation collective guidée par un projet, et en référence à des entreprises réelles, qui est considérée comme éducative. Dès lors l'évaluation doit porter d'abord sur l'implication de chacun dans les activités collectives, sur les progrès individuels accomplis en cours de réalisation selon les « compétences en jeux », sur quelques compétences exigibles en fin de cycle, (donc suffisamment après leur rencontre pour qu'elles puissent être disponibles).

Par ailleurs, les compétences elles-mêmes ont dû être travaillées, pour distinguer compétences « en jeu »/compétences attendues/compétences exigibles, les sélectionner et pour définir les compétences « instrumentales » (usage d'instruments), et les compétences « notionnelles » (idées ou schémas de pensée qui permettent d'ouvrir un questionnement, d'orienter l'observation, d'argumenter les choix d'action…).

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7) Le problème de l'identité. Finalement c'est à une identité nouvelle et renforcée de la discipline qu'aboutit la reconfiguration. Pour chaque discipline dans un ensemble d'autres disciplines, l'identité est une condition de « survie ». Plusieurs aspects sont concernés :

- La spécificité des missions, des activités et des contenus. Ici les réalisations sur projet et la technologie de l'information marquent un espace propre.

- Les relations avec toutes les autres disciplines du français à l'histoire ou les sciences. Relation complexe de complémentarité : services réciproques, convergences ou divergences, mais aussi autonomie voire indépendance.

- La structuration disciplinaire. A partir du moment où il y a une « matière identifiée », un corps enseignant unifié et distinct, et avec tout ce travail effectué pour renforcer l'unité, c'est une discipline qui a été constituée, une discipline de collège. Il est donc vain de parler d'interdisciplinarité interne ou externe, puisqu'au contraire, si l'on compare au « champ disciplinaire » sciences et technologie de l'école primaire, il y a différenciation disciplinaire. Les relations interdisciplinaires sont sans doute pour plus tard au lycée. Par contre la question de la contribution de la technologie aux éducations non-disciplinaires que sont les éducations à la sécurité, à l'environnement ou à la citoyenneté doit être examinée en même temps que celle de la différenciation génératrice de la discipline.

- La culture technique dans la culture générale. S'il y a une technologie identifiée au collège, c'est qu'elle contribue à la culture générale. Mais est-il si évident pour tous que la culture technique ainsi promue est une composante de la culture générale ? La question même est apparue il y a à peu près une génération ; et elle ne peut être posée que si la définition de la culture générale est révisée, non seulement pour accueillir la culture scientifique, mais aussi pour faire sa place à la culture technique, en tant que telle. Seule une définition de la culture qui insiste sur ses fondements de technicité partagée et valorisée permet d'envisager l'accueil de la culture technique comme composante à part entière, sans dévaloriser les autres. Affaire à suivre !

V. PARADOXES

Comme on le voit, c'est à une élaboration théorique importante qu'a donné lieu la reconstruction de la matrice disciplinaire de la technologie. En vérité il vaudrait mieux parler maintenant de matrice curriculaire. D'abord, cette matrice est évolutive, marquée de ruptures et de continuités

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partielles et explicites de l'école élémentaire au lycée, où certaines options ou filières trouvent leurs précurseurs dans certaines composantes de la technologie au collège. La matrice n'est donc pas une structure correspondant à une « essence » de discipline, mais une forme beaucoup plus complexe, variable selon les niveaux : elle est curriculaire en ce premier sens de caractérisation d'un cursus d'études.

Ensuite, tous les grands enjeux ont été envisagés sans faire du cadre et de la forme disciplinaires une donnée a priori : les formulations des « missions » et des « problèmes », ne préjugent pas de la forme disciplinaire ; certes la pression due à l'existence d'un corps enseignant est forte, mais il importait justement de s'en abstraire pour envisager tous les possibles dans leurs implications et leurs conséquences ; dans tous les cas envisageables, il y a des aspects inchangés et des aspects à modifier, demandant plus ou moins d'efforts. Par contre, toute activité scolaire, disciplinaire ou non disciplinaire doit s'inscrire dans une forme curriculaire en ce second sens : la définition des composantes n'est pas fermée au départ sur une discipline, ne s'est pas effectuée en restant à l'intérieur d'une vision disciplinaire. Cela se marque aussi pour les relations avec les différentes disciplines du collège.

Il vaut d'ailleurs la peine de dévoiler quelques « figures » possibles, quelques formes curriculaires différentes d'une éducation technologique au collège :

- Éducation technologique par les disciplines existantes (français, mathématiques, géographie….) dont les missions et les finalités seraient réorientées. En particulier on pourrait mettre l'accent sur les applications des sciences, leurs techniques associées ou dérivées, les techno-sciences. On voit immédiatement des possibilités, non exploitables pour la technologie actuelle, mais aussi les impossibilités et carences (par exemple pour la mission d'appui à l'orientation des élèves) que ferait apparaître un tel choix.

- Éducation technologique incarnée par des sciences appliquées, non au sens de la recherche appliquée, mais comme approche privilégiant l'étude d'objets et de procédés techniques, selon les méthodes habituelles de l'éducation scientifique, privilégiant aussi les techno-sciences (chimie, électronique, informatique…).

- Éducation technologique hors disciplines, par exemple par des ateliers de réalisations, des clubs techniques, des actions éducatrices sur projet, arrimés par des enseignants ou des personnes, associations extérieures compétentes.

- Éducation technologique coordonnée avec l'éducation scientifique (dans le premier cas ci-dessus il y a subordination), dans un ensemble

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intégré, équilibré, construit sur un ensemble de complémentarités entre caractéristiques des objets, des démarches, des savoirs, des rôles. Il n'est pas sûr que cela conduise à une solution stable, mais on peut l'imaginer.

Il se trouve qu'en fin de compte, il s'agissait de réécrire les programmes de la technologie comme discipline parmi d'autres disciplines. La reconfiguration a donc été « bouclée » par une mise en cohérence qui assure une identité et une unité fortes. Ne pas le faire aurait affaibli l'identité de la discipline, et donc son image et son rôle dans le collège : cela a été fait avec détermination. Dans d'autres conditions, selon d'autres contraintes, d'autres figures auraient été édifiées, avec tout autant de détermination.

Tout ce travail s'est accompagné de réélaborations conceptuelles, dont je voudrais dire l'intérêt pour les sciences de l'éducation. Il y a en effet au principe de ces élaborations de nombreux paradoxes : pas seulement vis-à-vis des conceptions traditionnelles, mais aussi vis-vis-à-vis de la « vulgate » des sciences de l'éducation. Bornons nous à en signaler quelques uns :

- On rencontre très rarement de réels problèmes d'interdisciplinarité au collège. Par contre ce qui est difficile est de penser la différenciation et la spécification disciplinaire progressive (premier sens de matrice curriculaire) et surtout de penser des formes scolaires adisciplinaires dans leurs particularités à côté des formes disciplinaires (second sens de matrice curriculaire).

- La technologie collège, n'est pas construite par transposition d'un savoir à partir de savoirs savants ou même de savoirs « experts ». C'est la question des références qui est ici fondatrice. Et ceux qui ont dû expliciter sinon inventer les savoirs qui pourraient correspondre à une familiarisation pratique, par exemple en technologie de l'information, ont bien éprouvé toute la difficulté de la construction d'un savoir en référence à une pratique, à la différence d'un savoir qui serait à la recherche d'une incarnation concrète.

- La notion de contrat joue un rôle important dans la régulation des activités. Il ne s'agit ni de contrat d'objectifs, ni de contrat didactique, mais de contrat de réalisation qui porte sur les engagements réciproques pour la mise en œuvre d'un projet de réalisation. Au sens de certains didacticiens, les activités seraient adidactiques. Mais cela a-t-il encore un sens si c'est la réalisation sur projet en elle-même qui est considérée comme éducative ?

- La notion de résolution de problème comme fondement de l'apprentissage est sans doute tout autant malmenée. Le projet

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comprend un ensemble de tâches. Pour qu'un projet complexe soit mis en œuvre en gardant la vision d'ensemble, il ne faut pas transformer chaque tâche en problème. C'est bien sûr possible, mais au prix d'une disparition du projet global.

- L'idée de pilotage par objectifs, même des objectifs de compétences, est tout aussi contradictoire avec l'idée de projet. Il y a incompatibilité de normes : norme de produits (objectifs de compétences), ou normes de processus (scénario de projet), il faut choisir, pour la régulation des activités, et donc pour l'évaluation.

- Il en résulte que toute activité n'est pas en soi une activité d'apprentissage. Une distinction entre compétences en jeu (impliquées) et compétences attendues, voire exigées est alors nécessaire. Une expérience vécue, déjà éducative par elle-même peut avoir pour conséquences la formation de compétences intéressantes (en jeu) ; elles n'en sont pas pour autant exigibles ou même attendues.

Comme on le voit, la manière de penser le curriculum ne peut s'appuyer sur la plupart des idées actuellement répandues dans les didactiques et les sciences de l'éducation. Peut être y a-t-il des mises à jour théoriques à opérer. Un chantier est ouvert ; il ne concerne pas que l'éducation technologique.

REFERENCES

LEBEAUME, J. (2000). L'éducation technologique - Histoires et méthodes. Paris : E . S. F.

LEBEAUME, J. & MARTINAND, J.-L. (coord) (1998). Enseigner la technologie au collège. Paris : Hachette.

LEGRAND, L. (coord) (1983). Pour un collège démocratique. Paris : La Documentation Française.

MARTINAND, J.-L. (coord) (1995). Découverte de la matière et de la technique. Paris : Hachette.

RAK, I., MÉRIEUX, C. (1997-1999). Enseigner et évaluer les élèves en technologie. Paris : Delagrave, 3 volumes.

Programmes de Technologie : 6e BO déc 1995, 5e, 4e BO 13-12-97, 3e BO 15-10-98

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I

NTEGRATION ET CONTRE

-

MODELE DE FORMATION

 :

L

E CAS DES NOUVELLES FORMATIONS D

INGENIEURS

Nelly Bousquet & Colette Grandgérard

Nous vous proposons de réfléchir sur d’autres facettes de la notion d’intégration à partir des résultats de recherches que nous avons réalisées sur la professionnalisation des enseignements supérieurs. Plus précisément, nous allons nous appuyer sur l’analyse d’une réforme dont certains d’entre vous ont peut-être entendu parler : la création, en 1989, des Nouvelles Filières de formation d’Ingénieurs — les NFI — dites aussi « filières Decomps ».

Comme nous allons le voir, cette réforme est tout entière marquée du sceau de l’intégration :

- intégration des niveaux et des contenus d’enseignement,

- mais aussi intégration des instances, des lieux de formation puisque ces nouvelles filières fonctionnent obligatoirement selon le principe de l’enracinement de la formation dans la réalité professionnelle : formation en alternance pour les filières de formation continue destinées à la promotion de techniciens en activité, formation par la voie de l’apprentissage pour la majeure partie des filières de formation initiale.

Plus largement, nous avons pu montrer que la notion d’intégration est un des outils qui permettent de saisir la réforme des NFI dans sa globalité, c’est-à-dire comme un processus d'innovation dans le champ de la formation fortement articulé aux mutations des systèmes de travail.

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Je me propose de développer particulièrement ce qui signe les nouvelles filières d’ingénieurs, l’intégration formation-production, d’en interroger les fondements et d’en montrer les enjeux, non seulement sur le système de la formation des ingénieurs, mais plus largement sur les nouvelles modalités de professionnalisation des enseignements supérieurs.

1. ÉLEMENTS DE CONTEXTE

1.1. Les objectifs quantitatifs et qualitatifs des NFI

Former des ingénieurs nouveaux — les ingénieurs d’application — les former différemment et les former en plus grand nombre, c’est en ces termes qu’est posé, en 1989, avec la réforme des NFI, le thème de la professionnalité de l’ingénieur et de la nécessaire évolution du système de formation.

On peut brièvement résumer les analyses des experts de la commission Decomps, consacrée à l’évolution des formations et des fonctions d’ingénieurs, de la manière qui suit :

- La France souffre d’une pénurie en ingénieurs diplômés. Cette pénurie a forcément des effets négatifs sur la productivité et la compétitivité des entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles qui n’attirent pas les ingénieurs et ne peuvent, de toute façon, s’aligner en matière de salaire sur ce que proposent les groupes ou entreprises attractifs. Les PME/PMI compensent ce manque en promouvant des techniciens supérieurs, sans formation spécifique. - La pénurie, manifeste si on compare la production annuelle

d’ingénieurs diplômés en France — 14 000 par an — à celle des autres pays, notamment européens, risque de s’aggraver encore dans les années à venir si des mesures volontaristes et totalement novatrices ne sont pas prises à temps.

À ce premier constat, d’ordre quantitatif, s’en ajoute un second, d’ordre qualitatif. Il concerne le profil de l’ingénieur produit par le système majoritaire de formation : les écoles d’ingénieurs.

- Le système des écoles d’ingénieurs produit des individus dotés d’une culture scientifique étendue, gage d'une grande aptitude à la conceptualisation et à une bonne adaptabilité, mais qui, en revanche, ne possèdent pas une aussi solide culture technique que leurs homologues étrangers.

- Si les écoles forment de bons concepteurs aptes aux activités de recherche et développement, la prééminence scientifique des diplômes n'a pas que des avantages : beaucoup d'ingénieurs diplômés

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n'exercent que peu de temps — et parfois pas du tout — de véritables fonctions d'ingénieur.

- Cette fuite aggrave la pénurie d'ingénieurs, notamment en aval de la recherche et développement où un nombre trop important de positions d'ingénieur est occupé par des autodidactes. Ceux-ci ne possèdent pas toutes les bases nécessaires pour maîtriser l'évolution des technologies, dominer l'intégration rapide des fonctions et faire face aux dimensions communication et négociation de leur activité.

Les NFI sont conçues pour répondre à ce double besoin. Elles visent deux objectifs :

- doubler d’ici l’an 2005 environ le nombre d’ingénieurs diplômés, passer de 14 à 28/30000 ingénieurs par an et ce en consacrant essentiellement les NFI à la formation continue ;

- produire des ingénieurs nouveaux, des ingénieurs de terrain, capables de diriger efficacement des ateliers de production, capables de concevoir et mettre en œuvre des ensembles industriels modernes, capables de maîtriser l’intégration des fonctions, de prendre en charge des situations de travail dans toute leur complexité. Ces ingénieurs nouveaux devront posséder, grâce à la formation, une culture générale intégrant les dimensions économique, sociologique, philosophique et historique de la réalité industrielle.

1-2. L’ingénieur d’application : un profil inédit de spécialiste « à spectre large »

La question de la professionnalité de l’ingénieur est ainsi au cœur même des Nouvelles Filières de Formation. L’ingénieur nouveau est dénommé « ingénieur d’application ». Il est qualifié de « spécialiste selon une acception large », entendue comme « la maîtrise d’un champ technologique et une ouverture à d’autres champs disciplinaires ». Cet ingénieur sera notamment aussi un spécialiste de la communication, mieux informé que les ingénieurs classiques des réalités de l’entreprise et présentera un penchant pour les activités de production et la conduite des hommes.

1.21. Réflexions d'un groupe d'ingénieurs sur leur métier, son évolution et les profils de leur fonction

Au cours de notre travail de recherche, nous avons soumis les orientations du rapport Decomps à la réflexion d'ingénieurs appartenant à des secteurs d'activité divers, dans le cadre d'un groupe de travail. Ce groupe s’est réuni pendant un an, autour des interrogations suivantes : en quoi

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l'activité a-t-elle changé ? Les compétences traditionnelles de l'ingénieur sont-elles toujours d'actualité ? En quoi les évolutions engagées ont déjà et vont, dans les années à venir, modifier les fonctions d'ingénieur, leurs connaissances, compétences et comportements ? Quelles sont les frontières entre les tâches de l'ingénieur et celles du technicien supérieur ? Les mutations des systèmes de travail requièrent-elles des évolutions profondes dans le champ des formations ?

Les principales conclusions de ce groupe de travail se résument dans les points qui suivent :

- Le travail évolue dans le sens d’une intégration des fonctions et des niveaux hiérarchiques

- Les compétences de l’ingénieur évoluent vers une exigence croissante d’intégration des compétences techniques et non techniques

- Le statut ambigu de l’ingénieur d’application Intégration des fonctions et des niveaux hiérarchiques

Je dirai brièvement qu’une majorité pense que le taylorisme n'est pas mort mais en recul relatif sous l'effet de l'exigence croissante de la qualité des produits et services, de l'informatisation et du développement de la robotique, dans un contexte de compétition internationale accrue.

Ces différents facteurs et leurs évolutions conduisent à développer de nouvelles organisations et des processus du travail qui valorisent la gestion des flux et la qualité. Ceci implique une adaptation du travail concret des ingénieurs ainsi qu'un accroissement de leurs effectifs. L'adaptabilité, la capacité à faire évoluer des situations et/ou à prendre en charge des situations nouvelles, revêt alors une importance déterminante. L'ingénieur ne peut ignorer ni l'introduction rapide de nouvelles connaissances et de nouvelles techniques ni les changements importants survenus dans les relations de travail.

Dans nombre d'entreprises, les tendances sont à l'intégration, à la fois latérale entre fonctions de conception, de production, de gestion, et verticale entre niveaux hiérarchiques (opérateurs, techniciens et agents de maîtrise, ingénieurs et cadres). L’intégration des fonctions modifie non pas l'importance, mais les données de la communication. On passe de relations hiérarchiques descendantes, avec des interlocuteurs relativement standardisés, à une pluralité, une diversité d'interlocuteurs, dans des organisations du travail structurées selon le principe de la qualité et de la gestion des flux.

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Exigence croissante d’intégration du technique et du non technique • Intégration compétence technique et compétence financière

L'évolution des processus de production et de décision demande, pour être menée à bien, un élargissement des compétences de l'ingénieur. En effet, la dimension financière devient de plus en plus partie intégrante de l'activité de l'ingénieur. Le soin de juger de la rentabilité ou non d'un investissement n'est plus systématiquement confié au contrôleur financier ou au responsable de la comptabilité ; un ingénieur doit pouvoir démontrer, en s’appuyant sur un exercice comptable, qu'une automatisation est rentable ou non.

• Intégration compétence financière et compétence relationnelle

Cette compétence financière se double d'une compétence relationnelle, c'est-à-dire l'aptitude à la communication et à la compréhension des autres.

Cette capacité a toujours été essentielle, mais elle a longtemps été considérée comme "allant de soi", comme relevant de l'exercice de l'autorité. On se rend compte aujourd'hui de l’importance de la communication interne et externe pour l'acte productif. L'ingénieur, qui est un peu le dépositaire de la technique industrielle, a toujours eu et aura toujours une fonction de communication très importante dans la collectivité. Mais il faut reconnaître que, par le passé, des générations d'ingénieurs ont fui devant les rapports humains (aussi bien dans la formation que dans la pratique du métier) pour se réfugier dans la technique. Il est et il sera de plus en plus difficile de nier que la communication entre les hommes est une nécessité aussi impérieuse que la technique elle-même.

Reste cependant la question fondamentale de la spécificité d’un ingénieur d’application par rapport à un technicien supérieur.

• La question de la spécificité du technicien par rapport à l'ingénieur Celle-ci est complexe dans le contexte français. En effet, à la différence des pays voisins, il n'y a de continuum entre catégories ni dans les formations initiales ni dans les références sociales, y compris les conventions collectives.

Au niveau du discours, une ligne de partage relativement claire sépare les techniciens supérieurs des ingénieurs, les uns étant dits spécialistes et les autres généralistes. Dans la réalité industrielle, comme les autres cadres, l'ingénieur est dans un bain de concret.

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Toutefois, deux dimensions essentielles semblent discriminer entre compétences de l'ingénieur et compétences du technicien supérieur :

- La capacité à certains moments, de démêler, parmi les faits quotidiens, les événements anecdotiques, secondaires de ceux qui ont un caractère général. L’ingénieur est confronté à l'élaboration de faits représentatifs, à une reformulation de l'expérience. Ce travail d'abstraction, en partant de phénomènes concrets, est une des caractéristiques importantes de l'activité de l'ingénieur et signe la distinction entre les fonctions qu'il exerce et celles du technicien. - Le degré de responsabilité imparti à l'ingénieur. Parce qu'il domine la

technique, l'ingénieur est responsable de la réussite ou de l'échec du secteur qu'il a en charge. C'est la définition même de la fonction de cadre : être investi, par l'employeur, d'une certaine délégation de responsabilité afin de mettre en œuvre une fraction plus ou moins étendue de la politique de l'entreprise.

On voit ainsi que les appréciations formulées par un groupe d’ingénieurs tout venant tendent à conforter les analyses qui fondèrent les préconisations du rapport Decomps. La réalité industrielle semble constituer un contexte porteur pour des formations ayant pour objet de préparer une nouvelle figure de l’ingénieur.

Nous allons voir maintenant que la notion d’intégration, centrale pour comprendre les mutations du travail et les nouvelles compétences attendues dans les situations contemporaines de production, est une dimension emblématique des Nouvelles Formations d’Ingénieur.

2. LES NOUVELLES FORMATIONS D’INGENIEUR : UN CONTRE-MODELE DE FORMATION

En cohérence avec les objectifs quantitatifs et qualitatifs poursuivis, les NFI ont été conçues de manière à rompre avec le modèle des écoles d’ingénieurs, modèle majoritaire non seulement pour les formations premières, mais aussi pour la plupart des voies promotionnelles conduisant au titre d’ingénieur diplômé. En suivant le fil de l’intégration, nous allons voir que cette volonté de rupture est manifeste à toutes les étapes : de la conception/création d’une filière à l’organisation de la formation, sa mise en œuvre et son évaluation.

2.1. L’intégration au cœur d’un système recomposé de formation J’insisterai d’abord sur les éléments les plus directement significatifs de cette recomposition :

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- les NFI sont conçues pour réaliser l’intégration de niveaux d'enseignement traditionnellement séparés ;

- les NFI sont conçues pour réaliser l’intégration des instances et des lieux de formation

NFI et intégration de niveaux d'enseignement traditionnellement séparés L’emboîtement des niveaux technicien/ingénieur est d’abord rendu possible par les procédures d’accès aux nouvelles filières. Il est ensuite favorisé par l’organisation même de la formation, et la prééminence de la pédagogie inductive.

• Les procédures d’accès aux NFI

La sélection repose sur des critères différents de ceux des classes préparatoires aux grandes écoles dont on sait qu’elles privilégient l’abstraction, le raisonnement déductif et la précocité. De manière générale, le recrutement dans les filières est fondé sur des connaissances académiques de niveau BAC + 2, sur des aptitudes, sur la motivation, des épreuves comportementales.

Pour les stagiaires de formation continue, l’accès aux NFI a été facilité par la procédure dite de validation des acquis professionnels. L’expérience professionnelle est intégrée dans le cursus universitaire. Ainsi tous les entrants en NFI, titulaires d’un BAC + 2 et d’une expérience professionnelle de 5 ans sont-ils reconnus comme satisfaisant aux normes imposées par la Commission du titre d’ingénieur, c’est-à-dire que leur formation première, articulée à leurs années d’activité et à la formation NFI (qui, elle, peut être modulée sur une ou plusieurs années) équivaudra en durée au cursus de 5 années, obligatoire en France pour obtenir le titre d’ingénieur diplômé.

Quant à l’organisation de la formation, on peut avancer qu’a priori elle a été tout entière conçue pour favoriser l’intégration des niveaux techniciens/ingénieurs.

La formation en effet repose essentiellement sur des méthodes inductives et enracine la connaissance dans la réalité industrielle. Il s’agit d’arriver à l’abstraction, en partant de phénomènes concrets, de situations de travail allant progressivement de missions de techniciens à des missions d’ingénieurs. L'enracinement professionnel de la formation et du diplôme est un élément central de la formation.

La conjugaison de deux modes complémentaires d'acquisition des savoirs, dépassant la juxtaposition de périodes de formation dans l'institution d'enseignement et dans l'entreprise, est le moyen retenu pour

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promouvoir une formation radicalement novatrice. Qu’il s’agisse des filières de formation initiale ou des NFI formation continue, la formation en entreprise est d'une durée quasi équivalente à la formation dans un établissement. L'évaluation et la sanction prennent en compte la formation en entreprise à part entière.

• NFI et intégration des instances et des lieux de formation

Cette intégration dépasse largement ce qu’on appelle couramment l’alternance. Grâce à l’obligation de partenariat entre acteurs économiques et acteurs de la formation, les nouvelles filières réalisent une intégration entre instances et lieux de formation qui s’applique à tout le processus de production de nouveaux d’ingénieurs.

Le terme de « partenariat », souvent galvaudé et quelque peu vide de sens, prend en effet, dans les NFI, une acception tout à fait spécifique. Il est obligatoirement formalisé sur le plan juridique dans des structures diverses, associations Loi 1901, groupements d’intérêt économique ou scientifique. Ce sont ces entités juridiques, matérialisant l’engagement contractualisé de partenaires économiques et de partenaires de la formation, qui créent les nouvelles filières, en définissent les objectifs et les organisations, les règles de fonctionnement, devant l’autorité suprême qui régit les formations d’ingénieurs : la Commission du titre.

Ainsi, statutairement, les professionnels sont-ils impérativement associés à chaque phase du dispositif : définition des besoins, des profils et création des formations, gestion des établissements, financement, enseignement, évaluation…

2.2. Le véritable enjeu de l’intégration formation-production : un contre-modèle de formation

L’intégration formation-production, du fait de l’obligation de partenariat pour toutes les étapes du processus de formation, ne peut pas être analysée comme un simple processus pédagogique, une alternance « réussie », une alternance intégrative selon un terme fréquemment employé. L’intégration formation-production est au cœur d’un système recomposé de rapports entre instances de formation et instances économiques ; elle est au cœur d’un contre-modèle de formation.

Pourquoi un contre-modèle ? Et d’abord, qu’est-ce qu’un contre-modèle ? Un contre-modèle est une organisation qui, par rapport à un modèle dominant, construit de nouvelles cohérences entre objectifs, principes et pratiques de formation.

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Si on peut parler, avec les NFI, de contre-modèle par rapport au modèle classique de formation des ingénieurs, c’est que le partenariat, dans l'acception très spécifique qui vient d’être précisée, permet de donner toute son extension à la notion d’intégration formation-production, qui s’applique, on l’a vu, à l’ensemble du processus de formation, de la conception à l’évaluation. Le partenariat construit de fait une nouvelle répartition des pouvoirs entre système éducatif et système productif.

En effet :

Alors que dans le modèle traditionnel de formation d’ingénieurs, les écoles améliorent leur efficacité tout en gardant néanmoins le quasi monopole de ce que l’on peut considérer comme les grandes macrofonctions éducatives : la prescription quantitative et qualitative de formation ; la production de formation ; l’évaluation et la sanction. C’est un modèle qui est piloté par la demande.

Avec les NFI, ces grandes macrofonctions éducatives sont coassurées par l’instance éducative et par l’instance productive. Nous dénommons cette nouvelle répartition des pouvoirs « pilotage par la commande ».

C’est la forme partenariale qui, institutionnellement, permet d’organiser une nouvelle répartition des pouvoirs dans la réalisation de ces macrofonctions.

Le partenariat autorise en effet :

- une gestion des flux en relation stricte avec la demande de l'aval, les NFI n’étant ouvertes que si elles correspondent à des besoins ; « si le besoin disparaît, on ferme » ;

- la prise en compte des besoins du client dès la conception du « produit » et tout au long du processus de production avec l'implication forte des entreprises dans le choix des candidats, dans la définition des contenus d'enseignement et l'organisation des formations ;

- une intervention active des professionnels dans les formations elles-mêmes de façon à garantir la conformité et la fiabilité du produit à la qualité attendue.

Le partenariat, articulé au principe d'alternance, est ainsi la clé de voûte d'un modèle où l'ajustement Éducation/Économie est conçu non plus en termes de relation formation-emploi mais en termes d'emploi-formation. C'est donc un mécanisme d'ajustement quantitatif et qualitatif au plus près des besoins, qui intervient de manière totalement inédite à un tel niveau de formation.

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3. LE PARTENARIAT EN SITUATION :

QUELS EFFETS SUR LA PROFESSIONNALITE DE L’INGENIEUR ?

Observé tant dans la voie de la formation initiale que dans la voie de la formation continue, le contre-modèle apparaît traversé de tensions, de contradictions, de conflits : il fait même l'objet d'enjeux, il est lui-même porteur d'une pluralité d'avenirs.

Pour produire une nouvelle professionnalité de l'ingénieur, à travers des règles du jeu qui renouvellent l'approche de la formation par rapport aux écoles classiques, le pilotage par la commande donne lieu à des schémas de flexibilité marqués certes par des éléments de convergence — notamment la référence partagée à la composante gestionnaire de l'activité d'ingénieur — mais tout aussi fondamentalement par des éléments de divergence : ils produisent de l'hétérogène sur des dimensions essentielles, notamment la professionnalité de l'ingénieur, la recomposition des rapports entre instance productive et instance éducative, la crédibilité sociale de la formation.

3.1. La question de la professionnalité

L'objectif visé par la réforme était de produire un ingénieur d'application, spécialisé dès le début, doté cependant d'une certaine polytechnicité. Or, la logique d'ensemble autorise, de manière paradoxale, des réponses marquées par le débat qui a de tout temps traversé la formation des ingénieurs français : la question de l'ingénieur spécialiste ou généraliste. Mais, aujourd'hui, ce débat prend des formes nouvelles car les termes, généraliste ou spécialiste, appliqués à une figure inédite d'ingénieur de terrain, d'application, traduisent des visions contrastées du rôle et de la place de ces ingénieurs dans les situations contemporaines de production et, in fine, des visions contrastées de l'avenir des mutations industrielles. Le profil recherché à travers la notion de généraliste renvoie à une vision extensive de la production. Avec la figure du généraliste, il s'agit de préparer des ingénieurs ayant pour mission d'optimiser le domaine technologique et humain, de faire face à des situations existantes ou prévisibles, mais tout aussi fondamentalement d'innover, dans le cadre de systèmes de travail structurellement instables. Cette mission d'innovation a pour champ premier d'application les systèmes de production, mais elle s'étend aussi à l'exercice de la responsabilité de l'ingénieur dans les domaines du management et de l'organisation.

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Si les deux figures inédites de l'ingénieur — spécialiste de terrain/ généraliste de terrain — participent à l'évidence de la revalorisation de la fonction productive, il paraît clair que la figure du généraliste est, plus que l'autre, de nature à peser sur l'émergence de nouvelles configurations productives.

3.2. La question des rapports entre instance éducative et instance productive

Le pilotage par la commande est au cœur d'une recomposition entre logique éducative et logique productive. Avec le transfert à la formation des méthodologies industrielles de changement, plusieurs possibles ici encore dessinent l'avenir :

- Une logique de recomposition entre instances, qui combinerait intériorité de l'entreprise et autonomie de l'instance éducative. Cette logique est exprimée, dans les terrains observés, dans des partenariats égalitaires autorisant la gestion négociée des aléas, des partenariats de type coopératif autour d'objectifs communs où l'innovation dans la formation s'articule à l'innovation dans le travail ; cette logique préserve la qualité de la formation et sa crédibilité sociale.

- Une logique selon laquelle le pilotage par la commande donnerait lieu à des relations clients fournisseur de type prescriptif et normatif, allant même, comme cela a pu être observé dans une filière de formation continue, jusqu'à instaurer une division du travail strictement prédéterminée, selon une conception taylorienne du partage des rôles entre prescripteurs/commanditaires et fournisseurs/exécutants de la formation. Selon cette logique, l'engagement du partenaire industriel dans la formation est totalement flexible et peut se limiter à une fonction de gestion des flux, du financement, de prescription et de contrôle. Le partenaire industriel combine ainsi, à son bénéfice, principe d'intériorité et principe d'extériorité.

À un moment où s'exprime un discours fort sur la volonté des partenaires économiques de s'engager dans la formation, où de nouveaux dispositifs sont impulsés de manière quasi consensuelle pour redistribuer les rôles entre instances, la réforme des Nouvelles Filières d’Ingénieurs n'est-elle pas emblématique des virtualités positives et des risques inhérents aux nouveaux modes de régulation de la formation en émergence ?

Figure

Figure 1 : Les quatre familles de système d’emploi
Figure 3 : le « Sloanisme : l’entreprise de type M-Forme
Figure 4 : la J-Forme
Figure 5 : Le Ohnisme – transformations dans l’entreprise
+3

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