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L’ONG comme partie prenante du système de régulation économique

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Section I.2 La diversité des partenariats ONG-entreprise

2.1 Les ONG : une réalité plurielle

2.1.1 L’ONG comme partie prenante du système de régulation économique

Une première approche nous permet de situer l’ONG au sein du système de régulation économique : « les ONG sont des constructions identitaires, des organisations économiques médiations de l’aide et qui par nature relève d’un mécanisme de coordination distinct du marché ou de l’État » (Piveteau, 2004). La prolifération et la montée en puissance des ONG (Yaziji et Doh, 2009 : 3), devenues l’un des principaux systèmes d’acteurs représentant la société civile, les font émerger comme des parties prenantes incontournables de la « triple régulation » (cf. figure 24, p.114). La « triple régulation » peut se définir comme un système de régulation articulant trois principales catégories d’acteurs jouant des rôles complémentaires dans la vie économique. On peut distinguer trois représentations types d’économie (Hugon, 2004 dans Piveteau, 2004) : le secteur privé marchand, l’Etat et la société civile, dont les ONG font partie.

L’économie marchande se fonde sur les principes de l’échange, de l’intérêt privé, de la recherche de la rentabilité et de la compétitivité (Hugon, 2004). L’économie marchande relève de l’action du secteur privé marchand, c’est à dire de l’ensemble des sociétés qui produisent et/ou commercialisent des biens et/ou des services marchands financiers et/ou non financiers (Piriou, 2006). L’économie publique se fonde sur la prestation / redistribution, la contrainte, la recherche de l’intérêt général et l’autorité (Hugon, 2004). Celle-ci relève de l’action des administrations publiques, centrales et périphériques, c’est à dire de l’ensemble

des unités économiques qui produisent des services non marchands à destination des ménages et qui assurent une certaine redistribution des revenus générés au sein d’un territoire économique donné (Piriou, 2006). L’économie « solidaire » se fonde sur la réciprocité ou la coopération, la recherche de l’intérêt ou de bien commun et la solidarité (Hugon, 2004). Cette représentation de l’économie relève de l’action de la société civile et notamment de celle du secteur privé non marchand, c’est à dire de l’ensemble des organisations ou des institutions qui produisent des biens et/ou services non marchands financiers et/ou non financiers (Piriou, 2006). Les ONG, ensemble flou et hétérogène d’acteurs, structurant un modèle de solidarité spécifique33 à l’intérieur duquel un nombre croissant d’organisations se reconnaissent, fait partie intégrante de ce secteur, aussi appelé « tiers-secteur ».

Figure 24. Représentation de la « triple-régulation » (d’après Hugon, 2004 dans Piveteau, 2004)

Ces trois représentations de l’économie, bien qu’elles correspondent à des cadres socio-culturels et cognitifs partiellement différents, et bien que leur poids respectif diffère d’une société à une autre, sont complémentaires et inter reliées. Le triptyque « Etat-secteur privé-société civile » doit être affiné en raison des « chevauchements de frontières entre ces trois

33 L’expansion formidable de ce modèle de solidarité élève aujourd’hui les ONG au statut de représentant symbolique de la société civile. Cette montée en puissance incite de nombreux individus à amalgamer les notions d’ONG et de société civile. Ce phénomène a provoqué l’impression de cette

formes, des différences d’échelle auxquelles elles se réfèrent, de leurs significations variées selon les contextes et de leur caractère évolutif » (Hugon, 2004). Il existe notamment des formes d’hybridation qui s’expriment à travers la mutualisation des ressources publiques, privées et communautaires, et à travers des relations de coopération entre les trois catégories d’acteurs. Nous distinguons, d’après la figure ci-dessus, trois types de relations de coopération : les partenariats public-privé (PPP), les partenariats ONG-entreprises (POE), et les partenariats d’aide publique au développement (PAPD).

Les PPP associent la sphère étatique à la sphère privée marchande. Dans sa définition la plus large, ce terme couvre « toutes les formes d’association du secteur public et du secteur privé destinées à mettre en œuvre tout ou partie d’un service public. » (Marty et al., 2006). Il s’agit

« d’un accord entre l’État et un ou plusieurs partenaires privés – opérateurs et/ou financiers – en vertu duquel les partenaires privés fournissent un service selon des modalités qui permettent de concilier les buts de prestation poursuivis par l’État et les objectifs de bénéfice des partenaires privés, l’efficacité de conciliation dépendant d’un transfert suffisant du risque aux partenaires privés » (OCDE, 2008). Ces partenariats comportent deux caractéristiques importantes. D’une part, la prestation de services et l’investissement sont assurés par le secteur privé, et d’autre part, une part significative du risque est transférée de l’État au secteur privé (OCDE, 2008). On observe des PPP dans une large gamme d’infrastructures économiques et sociales, telles que la construction, la rénovation ou le fonctionnement des hôpitaux, des écoles, des prisons, des ponts et des tunnels, des réseaux de voies ferrées, des systèmes de contrôle du trafic aérien et des usines de traitement des eaux et d’assainissement.

Suez-Environnement développe la plupart de ses activités à travers des PPP.

Les POE associent la sphère privée marchande à la sphère privée non marchande, représentée par les ONG. Ces partenariats résultent de la convergence de deux systèmes d’intérêts ago-antagonistes, l’un se fondant prioritairement mais pas exclusivement sur la recherche de valeur sociétale, l’autre se fondant prioritairement mais pas exclusivement sur la recherche de valeur économique. Notons que ces partenariats peuvent s’inscrire dans le cadre de partenariats plus larges, par exemple des partenariats public-privé.

Les PAPD associent la sphère étatique à la société civile, dont les ONG. L'aide publique au développement (APD) comprend, selon la définition du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, les dons et les prêts préférentiels prévus au budget et transférés des pays développés vers les pays en voie de développement. Plus généralement, l’aide publique au

développement constitue l'ensemble des aides financières, prévues au budget de l'Etat, et transférées aux pays en voie de développement. Ce transfert peut se faire via le financement de tout ou partie de projets initiés par certains acteurs de la société civile lorsqu’ils participent au rééquilibrage des niveaux de développement respectifs des pays. Ces flux financiers sont donc orientés vers la mise en place de projets concrets et durables, infrastructures essentielles, actions de lutte contre la faim, santé, éducation, etc. L'APD a pu être qualifiée

« d’investissement pour l'avenir » pour les pays riches, permettant d'ouvrir de nouveaux marchés en réduisant la pauvreté et en promouvant le développement durable.

Ces trois formes d’hybridation sont elles-mêmes complémentaires et inter-reliées. Certains projets de développement peuvent combiner les trois approches. Un partenariat opérationnel multipartite dans le domaine de l’accès à l’eau par exemple peut prendre la forme d’un PPP

« participatif », associant des acteurs ONG pour la conception et la mise en œuvre du projet, ainsi que des bailleurs de fonds institutionnels pour son co-financement. Nous verrons que Suez-Environnement développe ce type d’approches qui induisent un renouveau des logiques partenariales pour l’entreprise, et du rôle des ONG dans la conception et le déploiement de ses activités.

Le développement de l’économie « solidaire » au niveau international, la globalisation de l’économie de marché et la régionalisation de l’économie publique ont engendré une reconfiguration et une complexification de l’économie qui modifient significativement les liens entre les trois représentations. La reconfiguration porte tout d’abord sur l’ajout d’une composante au sein du système de régulation, la société civile, sous l’impulsion des ONG.

Ainsi nous sommes passés d’une double régulation « marché-État » à une triple régulation

« marché-État-société civile ». Le poids de chacune des composantes varie en fonction des contextes. La reconfiguration porte ensuite sur le caractère dynamique de ces composantes, qui tendent à évoluer plus rapidement dans leurs formes, leurs frontières, leurs contenus et leurs mandats. Enfin, le processus d’internationalisation relatifs aux trois composantes nous amène à les concevoir à l’échelle internationale voire transnationale. La complexification porte d’abord sur l’augmentation qualitative et quantitative des relations entre les différentes sphères du système de régulation. Elle porte ensuite sur l’insertion d’un nouvel antagonisme complémentaire avec l’émergence de l’économie « solidaire » en tant que composante à part entière. Ce nouvel antagonisme tend à accroître l’incertitude dans les relations entre chacune des composantes ce qui contribue à leur dynamisation. Enfin, la complexification porte sur les liens entre court et long terme, global et local.

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