• Aucun résultat trouvé

Contexte français des partenariats ONG-entreprise

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 118-123)

Nous allons tenter de comprendre le contexte d’émergence des partenariats associant les entreprises et les ONG, et leur évolution au sein de l’économie nationale française dans laquelle est domicilié le siège de Suez-Environnement. Au sens de la comptabilité nationale, l’économie nationale française regroupe l’ensemble des unités économiques résidant depuis au moins un an sur le territoire national français, c’est à dire la métropole et les départements d’outre mer (DOM) (Piriou, 2006). L’étude de ce contexte se décline en deux axes : une étude historique (1.1) et un diagnostic quantitatif des POE (1.2). L’étude historique, limitée au territoire national français, est consacrée à l’évolution des formes de POE. Les principaux objectifs de ce travail sont d’identifier le contexte d’émergence et les grandes étapes d’évolution des POE. Plus généralement, cette approche historique permet d’appréhender la complexité des relations ONG-entreprises dans la spécificité du contexte français. L’étude quantitative des POE, circonscrite au territoire national français, est dédiée à l’analyse de données chiffrées statiques et dynamiques. Cette approche a pour double objectif d’apprécier l’ampleur actuelle du phénomène des POE et son potentiel d’évolution.

1.1 Historique des POE

Les relations entre les entreprises et les ONG se sont métamorphosées au cours des dernières décennies : « The business-society interface has changed over the last decades of the twenty-first century as disparate interests within civil society have coalesced around an increasingly vocal – and powerful – nongovernmental or « third sector ». » (Yaziji et Doh, 2009 : 3). Les partenariats29 associant une entreprise et une ONG se sont développés progressivement depuis les années 1980, et de façon plus prononcée à partir du début des années 2000. Dans le contexte français, nous pouvons distinguer trois grandes phases marquant un renforcement progressif de la coopération entre ONG et entreprises, tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

Dans le courant des années 80, la plupart des entreprises considère que le soutien aux associations relève des prérogatives de l’Etat (La Vie Associative, 2010). Les entreprises apportent rarement leur soutien financier aux associations si l’on excepte le sponsoring d’associations sportives à visée publicitaire. Les rares actions de mécénat se font

29Ici, le terme de « partenariat » est à concevoir dans son acception large, puisqu’il regroupe

essentiellement à l’initiative des Présidents Directeurs Généraux qui privilégient le secteur culturel, perpétuant ainsi une tradition historique : « le rapport à la culture apparaît socialement particulièrement classant et s’inscrit de façon privilégiée dans les stratégies de distinction des dirigeants d’entreprise, qu’elles soient destinées à cultiver leur capital social et symbolique personnel, ou à promouvoir l’image de leur entreprise. » (Bory, 2008).

Les années 90 marquent un nouveau tournant avec la réémergence de la critique à l’égard des entreprises dans un contexte économique et social dégradé, et l’avènement de la notion de RSE : « Le chômage occupe le devant de la scène et les associations en appellent au secteur privé pour qu’il joue un rôle. Les entreprises sont jugées fautives et les enjeux en terme d’image sont très importants (…). Parallèlement, émerge l’idée de la responsabilité sociale des entreprises, portée autant par des politiques de gauche ou de droite » (Bory, 2008). Les premières fondations d’entreprises se créent avec pour objectif officiel de soutenir des actions d’intérêt général. Des partenariats se nouent avec les premières entreprises d’insertion et certaines associations selon des pratiques homogènes essentiellement initiées par les grandes entreprises du CAC 40. La plupart des opérations de mécénat sont par ailleurs portées par les directions de la communication. Le mécénat est affiché comme un levier de communication externe ce qui provoque un sentiment de défiance du système associatif qui dénonce l’instrumentalisation de leur image « sociale ».

Il faut attendre les années 2000 pour qu’une nouvelle impulsion soit donnée aux relations de coopération entre ONG et entreprises. S’il reste, pour certains, un outil de communication, le mécénat devient un dispositif de mobilisation des collaborateurs en interne. Les pratiques de bénévolat d’entreprise se développent sous la forme du mécénat de compétences, c’est à dire la mise à disposition de salariés de l’entreprise dans des organismes d’intérêt général. Ces pratiques se diffusent avec la création des associations d’entreprises telles que Aquassistance chez Suez-Environnement ou bien Veoliaforce chez Veolia-Environnement. La loi Aillagon de 200330 étend d’ailleurs le bénéfice des déductions fiscales au mécénat de compétences. En 2008, la loi de modernisation de l’économie crée des fonds de dotation qui sont des outils juridiques visant à faciliter le financement privé d’intérêt général : « Le fonds de dotation est

30 Contenu de la loi Aillagon 2003 :

- Pour les dons des particuliers : Relèvement du taux (de 50 % à 60 %) et des plafonds de la réduction d'impôt applicable aux sommes versées par les particuliers et les entreprises en faveur des organismes d'intérêt général et des fondations.

- Pour les dons des entreprises : Relèvement de 15 000 euros à 30 000 euros de l'abattement au titre de

une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d'une œuvre ou d'une mission d'intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l'accomplissement de ses œuvres et de ses missions d'intérêt général. » (cf. article 140 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, Journal Officiel du 5 août 2008). Les fonds de dotation appartiennent à la catégorie des personnes morales de droit privé, comme le sont les associations, les fondations, les syndicats professionnels, les sociétés civiles et commerciales, les groupements d’intérêt économique (GIE), etc. Ils constituent des personnes morales à but non lucratif. Leur gestion doit donc être désintéressée c’est à dire que le fonds est constitué dans un but autre que de partager les bénéfices. Les membres du conseil d’administration doivent être bénévoles et les membres ou fondateurs ne peuvent être attributaires d’une part de l’actif. Ils jouissent d’une grande capacité juridique puisqu’ils peuvent recevoir et gérer des biens et droits de toute nature qui leur sont apportés à titre gratuit et irrévocable. Leur rôle est de soutenir financièrement et/ou de réaliser des œuvres et des missions d’intérêt général. Ces dispositifs sans but lucratif bénéficient des mêmes avantages fiscaux que les dons, mais ne présente pas les lourdeurs administratives des fondations. D’autres modalités relationnelles voient également le jour comme les partenariats institutionnels au niveau des sièges d’entreprise portant, par exemple, sur des thématiques relatives à l’éthique, ou encore des partenariats opérationnels au niveau des filiales portant sur des projets concrets.

1.2 Etats des lieux des POE

Les POE sont aujourd’hui une pratique courante qui se développe de manière croissante dans le contexte français. Des études rendent régulièrement compte de l’ampleur du phénomène dans l’économie nationale (Admical, 2010 ; Le Rameau, 2009 ; ARPEA-Entreprises, COMISIS, 2008 ; Manifeste et WWO, 2007 ; Novethic et WWO, 2006). Non seulement les POE se développent de manière croissante, mais ils sont perçus par nombre de citoyens français (ARPEA-Citoyens, OpinionWay, 2008) et de grandes entreprises françaises (ARPEA-Entreprises, COMISIS, 2008) comme « l’un des moyens de construire un modèle de société au XXIe siècle plus solidaire et durable ».

Les POE sont un phénomène largement répandu dans la vie économique française. En 2008, 2,5 milliards d'euros ont été consacrés au mécénat financier (Admical31 dans « Les relations entre associations et entreprises », La Vie Associative, 2010). En 2006, nous comptions près de 340 partenariats établis en France (Novethic et WWO, 2006). Ce phénomène demeure néanmoins très concentré puisqu’il reste le principal fait de quelques grandes entreprises multinationales et de quelques ONG internationales. Du côté des entreprises, ce sont les entreprises de plus de 1000 salariés, quelque soit le secteur d’activité, qui entretiennent la majorité des relations avec les ONG. Elles représentent 69% des entreprises concernées (Le Rameau, 2009). En 2008, 60% des entreprises françaises de plus de 200 millions de chiffre d’affaires ont mis en place des partenariats avec des associations32 (Le Rameau, 2009). Parmi les 40% restants, 6% des entreprises déclarent souhaiter s’associer à court terme tandis que 34% déclarent être réticentes à ce type d’engagement compte tenu de leur méconnaissance du secteur associatif et de leur perception du risque associé. En 2008, 63% du budget consacré au mécénat provient des entreprises de 200 salariés et plus, même si 73% des mécènes sont des entreprises de moins de 100 salariés (Admical, 2010). En 2007, ces partenariats représentaient 17,2% de l’indice SBF 250, dont 53,49% sont des entreprises françaises du CAC 40 (Manisfeste et WWO, 2007). Du côté des ONG, les partenariats sont essentiellement noués avec des ONG de grande notoriété, mais concernent également des associations plus petites qui répondent à des enjeux de proximité et des enjeux sectoriels bien spécifiques (Le Rameau, 2009). En 2006, la totalité des partenariats n’impliquaient que 14,26% des ONG, dont 75%

sont de renommée internationale. Parmi ces partenariats, un tiers impliquait seulement 2,49%

des ONG (Novethic-WWO, 2006). Notons que ces chiffres n’intègrent pas les processus de concertation formels initiés par certains grands groupes français avec la société civile, dont les ONG représentent une partie significative du panel.

Il n’existe pas à notre connaissance de chiffres précis retraçant l’évolution récente du nombre de ces partenariats. Nous pouvons néanmoins identifier deux grandes tendances, à savoir une

31Depuis sa création en 1979, Admical a pour objet de promouvoir le mécénat d’entreprise en France dans les domaines de la culture, de la solidarité, l’environnement, de la recherche et du sport. Les principales missions de l’association consistent à : conseiller les entreprises mécènes et les représenter auprès des pouvoirs publics et des relais d’opinion ; informer tous ceux que le mécénat d’entreprise intéresse de ses motivations, pratiques et enjeux ; former les entreprises et les porteurs de projet au mécénat.

32Selon l’étude ARPEA-Entreprises menée par la société d’études COMISIS, en partenariat Le RAMEAU, le MEDEF et l’IMS-Entreprendre pour la Cité, en décembre 2008, auprès d’un échantillon de dirigeants et de personnes mandatées par leur dirigeant, représentatif des entreprises françaises de

forte croissance du nombre de ces relations entre le début des années 2000 et 2005, et un ralentissement de cette croissance entre 2005 et 2010 (La Vie Associative, 2010). L’essor de ces partenariats au début des années 2000 correspond à la création des fondations d’entreprises ayant pour objectif de financer les programmes des ONG par le bais du mécénat financier. La Loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations vient en soutien de cette dynamique en améliorant le régime fiscal du mécénat et le statut des fondations. Le ralentissement peut s’expliquer notamment par le développement croissant de partenariats opérationnels, s’inscrivant dans le plus long terme, et impliquant, toute chose égale par ailleurs, une baisse relative mais non absolue de la part des opérations de mécénat.

Cette tendance peut s’expliquer par la diffusion d’une critique de la société civile à l’égard du mécénat financier. Celle-ci dénonce le risque d’instrumentalisation de l’ONG à des fins purement communicationnelles (Bory, 2008). Le partenariat opérationnel quant à lui permet d’associer les deux organisations au sein d’un projet commun, orienté vers des objectifs partagés, et combinant des ressources et des compétences complémentaires à chacune des deux entités.

Il convient toutefois de préciser davantage les pratiques les plus couramment développées par les entreprises dans ce domaine et leur mode d’intervention auprès des associations. La grande majorité (94%) des entreprises françaises de plus de 200 millions de chiffre d’affaires pratique le mécénat financier (ARPEA Entreprises, COMISIS, 2008). Les trois-quarts (77%) effectuent des dons matériels ou bien des prestations en nature (produits et/ou services), et 64% réalisent des opérations de sensibilisation auprès des parties prenantes de l’entreprise.

Cette dernière pratique peut s’apparenter à du dialogue formel ou bien à de la concertation.

Une petite moitiée (45%) des entreprises pratique le mécénat de compétences par la mise à disposition de salariés ou bien par le biais d’une association interne à l’entreprise qui peut faire intervenir des anciens salariés retraités de l’entreprise. Un tiers (31%) de cet échantillon d’entreprises assure un accompagnement de l’association par un tiers, via du conseil ou de la formation.

Deux principales informations ressortent de cette étude des pratiques. Le premier constat est que les entreprises investies dans des relations de coopération avec les ONG ont des pratiques relativement diversifiées et des modes d’intervention divers auprès des associations. Elles sont susceptibles de combiner du mécénat financier, du mécénat de compétences et de la sensibilisation auprès des parties prenantes par exemple. Le deuxième constat est que les formes les plus privilégiées sont celles qui représentent un engagement relativement faible des

ressources et des compétences de l’entreprise. Le mécénat financier, les dons matériels et prestations en nature, ainsi que les opérations de sensibilisation représentent une partie significative des pratiques. Les budgets consacrés aux associations sont relativement faibles en pourcentage du chiffre d’affaires. L’accompagnement, qui représente 31% des entreprises, est sans doute la forme relationnelle la plus proche du partenariat opérationnel. Il s’agit de la pratique la plus rare. Cependant, « l’accompagnement des associations semble devenir une nouvelle tendance avec une entreprise sur trois qui déclare en faire bénéficier son partenaire associatif » (Le Rameau, 2009). D’une manière générale, les entreprises choisissent de s’associer avec une ONG sur des thématiques qui ont un lien avec leur cœur de métier ou leurs activités. Une entreprise spécialisée dans la gestion des services d’eau et d’assainissement est concernée par les problématiques d’accès à l’eau pour les populations vivant dans leurs zones d’implantation, y compris les plus défavorisées (Botton, 2007). En effet, la non prise en compte de ces populations peut avoir des conséquences sur le déploiement efficace du métier de l’entreprise, notamment par le biais de l’existence non maîtrisée d’un marché informel, de phénomènes de vandalismes sur les réseaux de distribution, etc. Les POE sont donc une pratique relativement courante, qui se développe de manière croissante et selon diverses modalités.

Depuis le début des années 2000, les POE sont une pratique largement répandue dans la vie économique française (Admical, 2010 ; Le Rameau, 2009 ; ARPEA-Entreprises, COMISIS, 2008 ; Manifeste et WWO, 2007 ; Novethic et WWO, 2006). Comme nous l’avons vu, le développement des POE dans l’économie nationale française se caractérise par une diversification des modalités partenariales (ARPEA-Entreprises, COMISIS, 2008). Une étude de la contribution des POE à l’évolution du BM de la grande entreprise ne peut donc se faire sans la prise en compte de cette diversité.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 118-123)