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Les interactions intra-BM

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Section II.1 La dynamique du business model

1.1 Les interactions de BM au niveau de l’entreprise focale

1.1.1 Les interactions intra-BM

L’étude des interactions au sein d’un même BM au niveau de l’entreprise focale suppose la mobilisation d’une approche multidimensionnelle du BM. Il s’agit d’étudier les interactions entre les différentes composantes qui constituent le BM. Par exemple, dans le cadre du modèle RCOV (Lecocq et al., 2006 ; Demil et Lecocq, 2010), il est question d’étudier les interactions entre les trois composantes principales identifiées par les auteurs, à savoir le système de ressources et de compétences, l’organisation et la proposition de valeur. Ceci permet d’apprécier la cohérence globale du BM et sa capacité à optimiser le rapport entre d’une part le volume et la structure des coûts et d’autre part le volume et la structure des revenus (équation de profit). Nous proposons de rendre compte des apports de la littérature sur la compréhension des interactions entre les différentes composantes d’un seul et même BM au niveau d’une entreprise focale.

Les interactions entre les différentes composantes d’un BM sont régulièrement évoquées dans la littérature (Moyon, 2011 : 116). Certains auteurs choisissent même de se focaliser sur les interactions au sein d’une seule et même composante, comme par exemple la proposition de valeur (Fay, 2004 ; Kasabov, 2010 ; Katona et Sarvary, 2008 ; Pauwels et Weiss, 2008). Nous allons nous concentrer sur les recherches qui portent sur les interactions entre les différentes composantes du BM. La figure 11 (p.74) représente le BM d’une entreprise quelconque composé de six (6) composantes (A, B, C, D, E et F). La perspective dynamique intra-BM au sein d’une entreprise focale consiste à appréhender les différentes interactions (1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7) entre les différentes composantes du BM.

Figure 11. Dynamique intra-BM au sein d’une entreprise focale

Casadesus-Masanell et Ricart (2007, 2010) et Seelos et Mair (2007) proposent une méthode d’analyse des interactions entre les différentes composantes d’un BM. Cette méthode se décline en trois étapes. La première étape consiste à identifier, sur la base d’observations empiriques, un ensemble de choix agrégés relatifs au BM d’une entreprise. La deuxième étape consiste à reconstituer les relations entre ces ensembles de choix selon une logique de « cause à effet ». Dans cette perspective, le BM est défini comme : « a set of choices and a set of consequences arising from those choices » (Casadesus-Masanell et Ricart, 2007 : 3). La troisième et dernière étape consiste à regrouper certains ensembles de choix et à les agréger lorsqu’ils correspondent à une même logique. Ces ensembles de relations entre choix agrégés font ressortir la logique globale du BM.

Casadesus-Masanell et Ricart (2010) proposent une représentation détaillée du BM de la compagnie aérienne Ryanair. Cette représentation a été construite grâce aux deux premières étapes de la méthode décrite précédemment. Les différents choix représentés sont issus d’une agrégation de choix liés et répondant à une logique similaire. Par exemple, l’élément

« nothing is free » correspond à l’idée qu’aucun service n’est offert au client, comme l’enregistrement des bagages ou encore les boissons à bord. Ensuite, les flèches correspondent à la mise en relation des différents choix. Les éléments soulignés sont les conséquences des choix non soulignés. Par exemple, l’élément « low quality service expected » implique la

tarification de l’ensemble des services additionnels et la non distribution de repas. La figure 12 (p.75) représente le BM de Rynair de manière détaillée.

Figure 12. Représentation du détaillée du BM de Ryanair (Casadesus-Masanell et Ricart, 2010 : 199)

Casadesus-Masanell et Ricart (2010) optent ensuite pour une représentation simplifiée du BM de Ryanair afin de faire apparaître les principales « logiques de création de valeur » de l’entreprise. La figure 13 (p.76) représente le BM de Rynair de manière simplifiée.

Figure 13. Représentation simplifiée du BM de Ryanair (Casadesus-Masanell et Ricart, 2010 : 201)

Nous observons dans le cadre de ces deux représentations des phénomènes de rétroactions entre différents choix formulés par l’entreprise : « prix bas => volumes élevés => fréquence élevée de rotation des avions => coûts fixes faibles => prix bas => etc. ». Cette boucle de rétroaction met en évidence un cercle vertueux (Brown, 2001 ; Seelos et Mair, 2007 ; Casadesus-Masanell et Ricart, 2007, 2010 ; Demil et Lecocq, 2010). La capacité de l’entreprise à obtenir des coûts fixes faibles grâce à la rotation élevée des avions, lui permet de maintenir des prix compétitifs et ainsi d’augmenter son volume d’affaires, lui permettant d’augmenter la rotation de ses avions, etc. Casadesus-Masanell et Ricart (2010) qualifient ce phénomène sous le vocable de « feedback loops ». Ceux-ci permettent à chaque itération de renforcer la logique de chaque élément du système : « feedback loops that strengthen some components of the model at every iteration » (Casadesus-Masanell et Ricart 2010 : 199).

La perspective dynamique intra-BM au niveau d’une entreprise focale nous livre quatre principaux enseignements. Tout d’abord, cette approche permet de faire ressortir la cohérence globale du BM, et notamment la cohérence entre ses principales composantes. Cette

cohérence est renforcée par l’analyse des relations entre ces différentes composantes et en particulier leur capacité à se nourrir mutuellement. Ensuite, cette approche met en lumière les principaux mécanismes par lesquels les différentes composantes se renforcent ou s’inhibent.

La représentation des interactions intra-BM fait apparaître la logique vertueuse ou vicieuse dans laquelle s’insèrent les composantes. Au-delà de l’interaction entre les composantes, la représentation dynamique intra-BM met en relation les différentes sources de coûts et de revenus ainsi que leurs éventuelles interdépendances. Dans le cas de Ryanair par exemple, nous observons que le renouvellement de la flotte induit par la rotation élevée des avions est en partie facilité par la réduction des coûts fixes liés à cette même rotation des avions. Nous comprenons donc que cette rotation est à la fois sources de coûts à long terme et source de revenus à court et moyen terme. Cette représentation permet de déterminer la relation entre le BM et la construction d’un avantage concurrentiel (Teece, 2007), dont la pérennisation dépendra de son caractère difficilement imitable pour les concurrents (Brown, 2001). Enfin, la représentation dynamique intra-BM permet aux praticiens de prendre des décisions pertinentes à un niveau intermédiaire entre la stratégie et l’opérationnel pour la redéfinition, le réajustement ou le renforcement de la logique de création de valeur. Cette prise de décision à un niveau méso offre une certaine flexibilité dans le processus décisionnel sans pour autant perdre de vue les grandes orientations stratégiques traduites dans la logique globale du BM.

Dans le cadre de notre projet de recherche, l’analyse intra-BM nous semble pertinente pour mettre en lumière l’évolution d’un BM. Au-delà des changements relatifs aux différentes composantes du BM sur une période donnée, la mise en lumière d’une nouvelle logique de création de valeur permet d’appréhender de manière plus fine le degré de changement du BM.

Si le nombre et la nature des composantes impactées par le changement sont des variables intéressantes pour apprécier le degré de changement de BM, nous considérons que l’identification d’une nouvelle logique de création de valeur peut compléter l’analyse.

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