• Aucun résultat trouvé

Complémentarités et interdépendances des ressources et des compétences

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 167-172)

Section II.1 Complémentarité et interdépendance des business models

Encadré 2. Les « Petits Princes » font le choix de l’entreprise

1.2 Complémentarités et interdépendances des ressources et des compétences

La convergence des enjeux stratégiques des ONG et des entreprises découle du rapport de complémentarité qui existe entre leurs ressources et leurs compétences respectives (Brugmann et Prahalad, 2007 ; Dahan et al., 2010). Dahan et al. (2010) insistent sur le caractère immatériel de ces ressources complémentaires. Ainsi, le POE peut être considéré comme une modalité d’acquisition de ressources immatérielles, ou bien d’actifs immatériels, pour les partenaires. Ce phénomène confère une dimension stratégique supplémentaire aux POE, dans la mesure où ces actifs immatériels interviennent de manière croissante dans la création de valeur des entreprises (Levy et Jouyet, 2006 ; Alcouffe et Louzzani, 2003 ; Matoussi et Zemzem, 2004 ; Banque de France, 1997). De plus, les actifs immatériels sont considérés comme des sources d’avantage compétitif durable (Villalonga, 2004 ; Hall, 1993).

1.2.1 Les ressources immatérielles : un enjeu clé des POE

Il n’existe pas de définition communément admise de la notion « d’immatériel ». Nous identifions une large variété de définitions qui ne retiennent pas forcément les mêmes critères.

Selon Pierrat et Martory (1996), la notion « d’immatériel » est assimilable à celle

« d’incorporel ». La notion « d’immatériel » renvoie donc à quelque chose qui n’a pas de corps, qui n’a pas de matière, et qui par conséquent n’est ni palpable, ni tangible. Pour Pierrat et Martory (1996), un actif immatériel peut être considéré comme « un élément de patrimoine

[au sens large] qui a vocation à devenir un actif au sens comptable du terme lorsque certaines conditions sont réunies et qui présente plusieurs des caractéristiques suivantes : absence de substance physique ; durée de vie indéterminée ; unicité, ou forte spécificité ; forte incertitude sur ses revenus futurs ; difficilement séparable des autres actifs ».

Il existe de nombreuses typologies différentes pour classer les actifs immatériels (Caspar et Afriat, 1988 ; Hall, 1992 ; OCDE, 1992 ; Pierrat et Martory, 1996 ; La Banque de France, 1997, 2001 ; Bounfour, 1999). Ces typologies reposant sur des critères très différents, il est périlleux d’en proposer une approche synthétique. Pierrat (1995) propose de classer les actifs immatériels selon les possibilités d’identification et d’évaluation de ces éléments (Alcouffe et Louzzani, 2003). Nous choisissons de développer cette approche car elle présente l’intérêt d’être « opérationalisable ». L’auteur distingue six catégories d’actifs immatériels : les droits et les quasi-droits, les actifs incorporels matérialisables, les actifs incorporels exploitables, les structures, les valeurs incorporelles résiduelles, les révélateurs d’actif incorporel.

Les droits et les quasi-droits constituent les actifs les plus « indiscutables » en ce sens qu’ils possèdent toutes les caractéristiques d’un actif. Il sont identifiables, protégés juridiquement, échangeables et valorisables par eux-mêmes : les droits de propriété, les droits réglementaires ou légaux, les droits contractuels et les quasi-droits (pas de protection juridique). Les actifs incorporels matérialisables ne sont a priori pas définis par un document ayant force juridique, mais peuvent être protégés et transmis dans le cadre d’une cession individualisée : programmes informatiques (logiciels ou progiciels), bases de données (acquises ou développées). Les actifs incorporels exploitables sont des éléments sur lesquels l’entreprise n’a pas d’emprise juridique, mais qui sont identifiables et dont l’exploitation permet de dégager des revenus. Ces actifs ne sont a priori pas cessibles puisqu’ils ne sont pas la propriété de celui qui les exploite, mais il existe une possible transmission de la faculté d’exploitation : fichiers-clients, listes d’abonnés, catalogues de produits et réseaux de distribution. Les structures sont des actifs « exploitables » mais pas identifiables en tant que tels. Elles ne sont pas non plus transférables : les structures organisationnelles, les systèmes d’information, les relations et les réseaux de relations, et la valeur de continuité. Les valeurs incorporelles résiduelles correspondent à ce que l’on a coutume de désigner sous le vocable de « goodwill ». Cette notion renvoie à l’existence d’une capacité bénéficiaire supérieure à la valeur de renouvellement des actifs identifiables. Cette capacité bénéficiaire fait apparaître une différence entre la valeur des revenus de l’entreprise et la valeur de ses actifs identifiables. Enfin, les révélateurs d’actif incorporel ne sont pas des actifs à proprement

parler. Ils symbolisent une source de valeur et ne sont qu’une conséquence du processus de création de valeur, comme par exemple les parts de marché.

Selon Pierrat et Martory (1996), les investissements immatériels renvoient aux dépenses consacrées à l’obtention de services immatériels non-financiers, à la constitution ou à l’acquisition d’actifs immatériels. Les auteurs identifient cinq domaines couverts par les dépenses « immatérielles » généralement retenus dans la littérature en Sciences de Gestion :

• Les dépenses de recherche et développement ;

• Les dépenses de formation et de développement des ressources humaines ;

• Les dépenses de promotion commerciale ;

• Les dépenses d’organisation et de gestion ;

• Les dépenses liées au processus de production.

Les dépenses de recherche et développement (R&D) sont constituées de toutes les dépenses qui financent les travaux entrepris pour accroître les connaissances scientifiques et techniques (recherche), et pour rendre ces connaissances exploitables par l’entreprise (développement).

Les dépenses de formation et de développement des ressources humaines correspondent aux dépenses engagées pour améliorer la compétence et la motivation des individus qui travaillent dans l’entreprise ou qui vont y être appelés. Les dépenses relatives à la promotion commerciale concernent les frais engagés dans le renforcement de la capacité des produits de l’entreprise à générer des revenus (quantités vendues supplémentaires et/ou prix de vente supérieur). Les dépenses d’organisation et de gestion, quant à elle, sont destinées à financer la conception des systèmes de gestion ainsi que les systèmes d’informations en vue de rationaliser et dynamiser les structures organisationnelles de l’entreprise. Enfin, les dépenses liées au processus de production correspondent à la mise en œuvre des procédés de production ainsi que d’organisation physique des processus logistiques. Chacune des catégories présente un caractère d’homogénéité relatif.

Sur la base de ces travaux, nous proposons une typologie simplifiée des actifs immatériels.

Nous distinguons les actifs relatifs au développement de l’innovation, des compétences, de l’image, et du réseau et des systèmes d’information. Cette typologie nous permet d’enrichir le contenu de la composante « ressources et compétences » de notre représentation de BM, le

« modèle RCOV-EPs ». Cette enrichissement particulier se justifie par la prégnance des enjeux immatériels dans les POE (Dahan et al., 2010). Les POE pourraient contribuer à la

valorisation du capital immatériel de l’entreprise à travers le renforcement de sa capacité d’innovation, le développement de ses ressources humaines, l’amélioration de son image, et l’enrichissement de son réseau. Dans une conception dynamique du changement de BM, ces apports seraient susceptibles de générer des évolutions au niveau des autres composantes du BM.

1.2.2 Les domaines de contribution des ONG

Oetzel et Doh (2009) identifient six domaines de contribution des ONG à destination des entreprises multinationales. Les ONG peuvent intervenir dans l’identification des besoins des communautés locales. Plus globalement, les ONG peuvent apporter des connaissances et des informations sur le contexte socio-économique local. Les entreprises peuvent également bénéficier de la légitimité et de la crédibilité des ONG dans le cadre d’implantations dans des zones peu connues. Les ONG peuvent accompagner les entreprises spécialisées dans la gestion de services publics dans leurs relations avec les collectivités territoriales ou les systèmes de représentation de la société civile locale. Les ONG peuvent aussi faire bénéficier de leur expertise dans des domaines qui ne relèvent pas du cœur de métier de l’entreprise, mais qui peuvent intéresser le déploiement efficace de leurs activités. Enfin, les ONG locales peuvent accompagner l’entreprise dans son processus de développement de ses activités à l’étranger lorsque celles-ci apportent un bénéfice aux populations : apporter des opportunités de développement international aux entreprises locales, apporter des capitaux bons marchés, transférer du savoir-faire, des compétences managériales, et lever des fonds financiers pour les entreprises locales.

Dahan et al. (2010) identifient quant à eux six domaines de contribution de l’ONG à l’activité de l’entreprise. Les ONG, compte tenu de leur connaissance des contextes locaux, peuvent accompagner les entreprises dans la réalisation d’études de marché. Grâce à leur expertise dans les domaines sociaux et environnementaux, les ONG peuvent également soutenir les entreprises dans la recherche et le développement de nouveaux biens et/ou services plus respectueux des enjeux du développement durable. Les ONG peuvent également apporter leur concours à l’amélioration de la chaine logistique et à l’optimisation du processus de production. Les entreprises peuvent s’appuyer sur le réseau des ONG locales pour développer ou cibler leurs réseaux de distribution. Les ONG peuvent intervenir dans la réalisation d’opérations marketing adaptées aux attentes des consommateurs. Les ONG peuvent enfin

participer au développement de nouveaux BM dans le cadre de projets communs, potentiellement bénéfiques pour les activités des entreprises.

Ball et Dunn (1995) recensent cinq types d’activités récurrentes dans ONG auxquelles sont rattachées un certain nombre de ressources et de compétences spécifiques, essentiellement immatérielles, que ne possèdent pas nécessairement les entreprises : la conception et la co-réalisation de services avec les parties prenantes externes ; la mobilisation de ressources très hétérogènes aux niveaux individuel et collectif ; la recherche et l’innovation orientée vers des solutions aux besoins sociétaux ; le développement de ressources humaines en interne et en externe (empowerment) ; l’intelligence économique et le lobbying. Il faut néanmoins préciser que le degré d’importance de ces activités dans l’activité globale des ONG, et donc de ressources et de compétences spécifiques associées, varient selon le positionnement des acteurs. Ce positionnement est situé sur un continuum entre deux dynamiques à la fois antagonistes et complémentaires, à savoir l’urgence et le développement. Nous constatons la prégnance des dimensions immatérielles à travers chaque activité.

Le tableau 29 ci-après recense les différents domaines de contribution des ONG aux activités de l’entreprise. Ces différents domaines sont classés en fonction du type d’actifs immatériels auxquelles ils font référence.

Tableau 29. Les synergies potentielles dans le cadre des POE ,*.#6&$%(+!

Pour l’entreprise, les synergies potentielles sont donc nombreuses, et concourent à la valorisation de son capital immatériel. Le POE constitue une ouverture sur la société civile dont elle peut tirer nombre d’avantages. Tout d’abord, ces pratiques témoignent d’une volonté apparente de l’entreprise de s’engager dans des pratiques socialement responsables ou respectueuses de l’environnement. Ceci est un gage d’amélioration de son image à l’externe pour accroître son capital client, et en interne pour renforcer le sentiment d’appartenance de ses collaborateurs. De plus, l’entreprise peut bénéficier de moyens humains et techniques supplémentaires pour réaliser un projet, et ainsi profiter des compétences spécifiques des ONG ou de ses connaissances du terrain. Elle peut ainsi améliorer certaines pratiques de management interne, former et sensibiliser les collaborateurs sur leur responsabilité sociétale.

Le POE revêt d’autres aspects stratégiques majeurs pour l’entreprise, notamment l’évitement ou le retrait d’une situation de crise, ou encore l’optimisation d’une implantation à l’étranger en accédant aux réseaux locaux de l’ONG. Enfin, le partenariat renferme un potentiel de stimulation de la créativité des entreprises, permettant le déploiement d’innovations techniques, organisationnelles ou managériales.

Section II.2 L’articulation des business models d’une ONG et d’une entreprise

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 167-172)