• Aucun résultat trouvé

L’obligation d’information précontractuelle

§2 Les obligations d’information et de conseil

A) L’obligation d’information précontractuelle

L’obligation d’information précontractuelle suppose de remettre cumulativement la notice d’information et les Conditions Générales. Cette condition est exigée par la jurisprudence (1) et par la loi (2). La sanction encourue n’est pas contraire au principe de proportionnalité et d’individualisation des peines (3). Toutefois, un tempérament a été apporté par la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation le 19 mai 2016. En effet, un abus de l’exercice tardif du droit de renonciation peut être sanctionné sur le fondement de la mauvaise foi (4).

1° L’arrêt de la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation du 7 mars 2006

85 - La Cour de cassation de cassation a rappelé à maintes reprises l’obligation pour l’assureur de remettre cumulativement la notice d’information et les Conditions Générales au titre de son obligation d’information.

Dans un arrêt du 7 mars 2006, la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation a fait valoir l’exercice du droit de renonciation d’un souscripteur d’un contrat d’assurance-vie à défaut de remise de la notice d’information363. En l’espèce, le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie

a exercé la faculté de renonciation, prévue par les articles L.132-5-1 alinéa 2 et R.132-5 du Code des assurances, plus d’un an après la souscription du contrat. L’assureur a refusé de

362 v. Civ. 2ème, 23 juin 2016, n°15-12113, 3ème attendu, « Mais attendu qu'ayant retenu que Mme X... étant

salariée en Suisse, cette garantie particulière relative à la perte d'emploi ne lui était pas applicable et que la banque, qui avait connaissance de cette difficulté, aurait dû conseiller explicitement sa cliente sur les possibilités de souscription individuelle, auprès de toute compagnie d’assurance de son choix, d'une assurance garantissant ce risque spécifique, ou s'assurer que son refus de souscrire une telle assurance était parfaitement éclairé et ne résultait pas d'un éventuel manque d’information, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ».

restituer les sommes versées. Les juges du fond ont condamné l’assureur à la restitution du capital investi. L’assureur forme alors un pourvoi en cassation. Ce dernier fait valoir l’incompatibilité de l’article L.132-5-1 du Code des assurances qui prévoit une prorogation du délai de renonciation à défaut de remise des documents d’information avec l’article 35 de la directive 2002 / 83 / CE imposant aux États membres l’obligation de fixer le délai de renonciation entre 14 et 30 jours à compter du moment où le preneur est informé que le contrat est conclu. En outre, selon le demandeur au pourvoi, le droit de renonciation ne peut pas être exercé si le contrat a déjà été exécuté à l’initiative du souscripteur, a fortiori si ce dernier était de mauvaise foi.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle considère que la prorogation du délai de renonciation prévue par l’article L.132-5-1 n’est pas contraire à la réglementation européenne qui tend à conférer à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif. Par ailleurs, selon elle, la faculté de renonciation est indépendante de l’exécution du contrat et de la mauvaise foi du souscripteur. Le délai de renonciation est prorogé jusqu’à l’accomplissement par l’assureur de ses obligations. Cette faculté entraîne la restitution par l’assureur de l’intégralité des sommes versées.

Par cet arrêt, la Cour de cassation conditionne la formation définitive du contrat à la remise de la notice d’information (a), sous peine de quoi l’intégralité des sommes versées par le souscripteur devra lui être reversée en cas de révocation par ce dernier sans prise en considération des circonstances de l’espèce (b).

a. Le caractère inconditionnel de la remise cumulative de la notice d’information et des Conditions Générales

86 - Dans cet arrêt, il est question de contrats d'assurance-vie en unités de compte. D’après l’article L.131-1 du Code des assurances, ces contrats sont constitués de valeurs mobilières ou d’actifs dont la valeur de référence peut, d’après les articles R. 131-1 et R. 332-2 du Code des assurances, être, par exemple, « les obligations et autres valeurs émises ou garanties par un

État membre de l’OCDE », « les obligations émises par une société commerciale, les obligations », « les titres de créances négociables d’un an au plus », « les parts de fonds communs de placement à risques, les parts de fonds communs de placement dans l’innovation ». Ces contrats comportent donc un risque.

La Cour de cassation rappelle la nécessité de fournir au souscripteur les deux documents distincts que sont la notice d’information et les conditions générales. Contrairement aux conditions générales, la notice d’information tend à rappeler les dispositions essentielles du contrat figurant aux articles L.112-4 et R.112-1 du Code des assurances préalablement à la souscription du contrat. Ce formalisme a pour but d’éclairer la personne désireuse de souscrire un contrat d’assurance-vie364. Exiger la remise de la notice d’information, en sus des

conditions générales, est critiquable dans la mesure où l’information est moindre que celle figurant dans le contrat365.

En outre, la fourniture de ces deux documents ne ressort pas directement de la lecture de l’ancien article 132 – 5 – 1 qui disposait que le droit de renonciation pouvait être exercé dans un délai de 30 jours à compter du premier versement. La Cour de cassation rappelle que le droit de renonciation, prorogé en cas de défaut de remise au souscripteur de la notice d’information, est discrétionnaire. La renonciation se définit comme une manifestation de volonté contraire par laquelle l’auteur d’un acte ou d’une manifestation unilatérale de volonté entend revenir sur sa volonté. Octroyer un droit de renonciation à un cocontractant revient donc à former le contrat par étape366.

87 -La Cour de cassation mentionne également que la bonne foi du souscripteur n’est pas requise pour l’exercice de ce droit de renonciation. Le caractère discrétionnaire d’un droit serait alors défini par référence à l’abus du droit alors que certains auteurs comme Jérôme Kullmann considèrent que le caractère discrétionnaire du droit de rétractation signifie seulement qu’il peut être exercé sans que son titulaire ait à fournir le moindre motif367. En

l’espèce, l’abus est bien caractérisé car la preuve de l’information et de la compréhension du contrat par le souscripteur découle de sa mise en œuvre, le souscripteur ayant procédé à plusieurs reprises aux arbitrages en unités de compte préalablement à l’exercice de ce droit de renonciation. La Cour de cassation semble donc indifférente à la mauvaise foi du souscripteur368369. La règle édictée par l’article 1134 alinéa 3 du Code civil (désormais

1104370) est mise à bas.

364 Civ. 2ème, 30 mars 2006, n°05-12338 et n° 05-10366, note Jérôme KULLMANN, RGDA, n° 2006-2, 1er avril 2006, p. 481.

365 Ibidem.

366 Luc GRYNBAUM, « Assurance – vie : la renonciation comme sanction automatique du défaut d’information par l’assureur », RDI, 2006, n°3, 15 mai 2006, p. 173 (obs. Civ. 2ème, 30 mars 2006, n°05-12338 et n° 05-10366). 367 Jérôme KULLMANN, op. cit. note 364, p. 56.

Aucune obligation de loyauté et a fortiori de coopération, n’est imposée au souscripteur d’un contrat d’assurance-vie371. Le souscripteur peut chercher à nuire à l’assureur ou adopter une

attitude qui rendrait plus difficile l’exécution des obligations de l’assureur sans être sanctionné. Autrement dit, l’introduction de la règle morale dans le droit positif, énoncée par Flour et Aubert au sujet de l’article 1134 alinéa 3 (désormais 1104), est écartée372.

b. La remise en cause de l’exigence de proportionnalité de la sanction

88 - La Cour de cassation considère que le législateur a entendu contraindre l’assureur à délivrer au souscripteur une information suffisante et a assorti cette obligation d’une sanction automatique, dont l’application n’est pas subordonnée aux circonstances de l’espèce. C’est ainsi que la faculté de renonciation entraîne la restitution de l’intégralité des sommes versées dans le délai maximal de 30 jours à compter de la LRAR373. Au-delà, les sommes non

restituées produiront de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant 2 mois, puis, à l’expiration de ce délai de 2 mois, au double du taux légal.

89 - Si la Cour de cassation justifie cette solution par le principe de l’efficacité de la sanction374, il n’en demeure pas moins qu’elle apparaît particulièrement sévère lorsque le

souscripteur connaissait les dispositions essentielles du contrat375. Le préjudice né d’un défaut

d’information s’analyse comme une perte de chance376, qui consiste en la disparition d’une

espérance future dont il est impossible de savoir si elle se serait réalisée en l’absence du fait dommageable377. En cas de perte de chance, la réparation doit être mesurée à la chance perdue

et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée378379. La

mauvaise foi du souscripteur d’un contrat multi-support est donc oubliée par la Cour de

369 Ibid.

370 Ord. portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 10 février 2016, n° 2016-131.

371 Civ. 1ère, 26 novembre 1996, n° 94-13468.

372 Stéphanie PORCHY-SIMON, Les obligations, Dalloz, 5ème édition, p.164 et suiv. 373 Jérôme KULLMANN, op. cit. note 364, p. 56.

374 Judith ROCHFELD, « La « communautarisation » du droit contractuel interne : de l'influence des notions forgées par le droit communautaire en général, et de celle de sanction en particulier », RDC, n°2, 1er avril 2007, p. 223 (obs. Civ. 2ème, 7 mars 2006, n° 05-10366 et 5 octobre 2006, n° 05-16329).

375 Jérôme KULLMANN, op. cit. note 364, p. 56. 376 Com., 20 octobre 2009, n°08-20274.

377 Crim., 9 octobre 1975, n°74-93471.

378 Stéphanie PORCHY-SIMON, Les obligations, Dalloz, 5ème édition, p.387. 379 Civ. 1ère, 16 juillet 1998, n° 96-15380.

cassation et la réparation du préjudice diffère du droit commun. La sanction infligée aux assureurs qui n’auraient pas remis la notice d’information aux souscripteurs de contrats multi - supports est ainsi indépendante de la gravité du manquement à leurs obligations.

Le principe d’égalité dans la connaissance du produit est détourné afin de ne pas faire supporter à un souscripteur de mauvaise foi les conséquences d’un risque qu’il ne pouvait ignorer.

2° La loi du 15 décembre 2005

90 - La question jugée par la Cour de cassation a été étudiée par le législateur qui a clarifié

l’article L.132-5-1 du Code des assurances, par la loi du 15 décembre 2005 applicable à compter du 1er mars 2006 aux contrats conclus à partir de cette date, en obligeant l’assureur à

remettre de façon distincte ces deux documents et en fixant pour point de départ du droit de renonciation l’information du souscripteur380. La nouvelle loi introduit également une limite

de temps. En vertu de l’article L.132-5-1 du Code des assurances, l’exercice du droit de renonciation ne pourra pas être exercé après les huit années qui suivent la conclusion du contrat. Ladite loi favorise ainsi la sécurité juridique puisqu’une certaine stabilité des relations contractuelles est affirmée. Notons que ce principe est protégé par le Conseil constitutionnel de façon indirecte à travers la garantie du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère et de l’entrée en vigueur de la loi pénale plus douce, du respect par le législateur de l’autorité de la chose jugée et du principe de liberté contractuelle qui suppose l’intangibilité des situations contractuelles381382.

380 Hubert GROUTEL, Droit des assurances terrestres janvier 2006 - juin 2007, D., 2008, p. 120.

381 Jean-Pierre CAMBY, « La sécurité juridique : une exigence juridictionnelle », RDP, n°5, 1er septembre 2006, p.1169 (obs. aff. Société KPMG et autres, CE, 24 mars 2006, n° 288460).

382 Pierre BRUNET, « La consécration du principe de sécurité juridique », RDC, n°3, 1er juillet 2006, p.856 (obs. aff. Société KPMG et autres, CE, 24 mars 2006, n° 288460).

3° La question prioritaire de constitutionnalité relative à l’incompatibilité de l’article L.132-5-1 du Code des assurances

91 - Une question prioritaire de constitutionnalité a soulevé l’incompatibilité de l’article L.132 - 5 - 1 du Code des assurances avec le principe de proportionnalité et d’individualisation des peines383. La Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a refusé de renvoyer cette

question au Conseil constitutionnel au motif que la restitution par l’assureur de l’intégralité des sommes versées par le souscripteur ayant usé de son droit de renonciation présente un caractère effectif, proportionné et dissuasif, sans porter atteinte aux dispositions constitutionnelles invoquées384385.

92 - L’arrêt étudié et le rejet de la de la Cour de cassation de transmettre cette question au Conseil constitutionnel semble davantage motivés par des considérations sociales et économiques que par le droit. En effet, de nombreuses affaires portées devant les tribunaux sont relatives à la problématique tranchée en l’espèce en raison d’un repli des marchés boursiers et alors que l’assurance-vie est le produit d’épargne préféré des Français. Rejeter la demande des souscripteurs revient à pénaliser les épargnants. Pourtant, en condamnant l’assureur à restituer l’intégralité des sommes versées en cas de mécontentement de l’évolution du capital, le droit des assurances apparaît plus consumériste que le droit de la consommation lui-même386. Or, si le rapport de force entre l’assureur et l’assuré est effectivement inégal, il

tend à s’estomper en raison de l’émergence de l’assurance de protection juridique et de la judiciarisation de la société. L’efficacité d’une sanction repose sur son caractère dissuasif. Toutefois, la justice ne doit pas être oubliée et la règle doit pouvoir évoluer en fonction des circonstances. La détermination de la peine adéquate repose sur la prise en compte de ces deux éléments. Rappelons que du droit à un procès équitable, consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales à l’article 6 § 1, découle le principe de proportionnalité et d’individualisation des peines387. Ce principe a

lui-même été constitutionnalisé par une décision du Conseil constitutionnel du 22 juillet

383 Civ. 2ème, QPC du 13 janvier 2011, n° 10-16184.

384 Jérôme KULLMANN, « La Question Prioritaire de Constitutionnalité : un nouveau contentieux pour l'assurance ? », RGDA, n° 2011-01, 01/01/2011, p. 11.

385 Michel LEROY, « Constitutionnalité de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances », LEDA, n°3, 5 mars 2011, p. 7 (obs. Civ. 2ème, 13 janv. 2011, n°10-16184).

386 Jérôme KULLMANN, op. cit. note 364, p. 56.

387 Jean de SALVE de BRUNETON, « Le procès, facteur de conflits d’intérêts pour l’assureur », RGDA, n° 2010 - 03, 1er juillet 2010, p. 887.

2005388. Il découle de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et

libertés fondamentales, le principe de proportionnalité et d’individualisation des peines. En vertu du principe de proportionnalité, la sanction doit être graduée en fonction de la gravité du manquement à la règle et en vertu du principe d’individualisation, la sanction doit s’adresser à une personne déterminée dans une situation donnée. Le caractère dissuasif renvoie, lui à l’exigence d’un effet préventif : la sanction doit dissuader d’éventuels contrevenants d’agir.

4° Le revirement du 19 mai 2016

93 -Dans un arrêt du 19 mai 2016, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation opère un

revirement de jurisprudence389. Elle admet que l’exercice du droit de renonciation puisse

constituer un abus, sanctionnable au titre de la mauvaise foi du souscripteur390.

La bonne foi est requise pour l’averti ou le profane sous peine d’abus391. Il convient de

rechercher la finalité de l’exercice du droit de renonciation et s’il ne résulte pas de l’existence d’un abus de droit au regard de la situation concrète du souscripteur, de sa qualité d’averti ou de profane et des informations dont ils disposent réellement392.

B) L’obligation d’information renforcée pour les contrats d’assurance sur la vie en

Outline

Documents relatifs