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L’absence de renonciation au secret médical: la judiciarisation des relations entre assuré et assureur

§2 Le secret médical : un droit relatif pour le patient au profit de la bonne fo

B) L’absence de renonciation au secret médical: la judiciarisation des relations entre assuré et assureur

196 - Initialement, la jurisprudence admettait la levée du secret médical contre le gré de

l’assuré si ce dernier était de mauvaise foi766. L’accent était porté sur l’obligation de l’assuré

d’informer l’assureur « de manière complète et loyale » et sur la bonne foi qui doit présider à

758 Sabine ABRAVANEL – JOLLY, « Le secret médical en assurances de personnes », RGDA, n° 2005-04, 1er octobre 2005, p. 887.

759 Ibidem.

760 Civ. 1ère, 29 octobre 2002, n°99-17187. 761 Civ. 1ère, 15 juin 2004, n°01-02338 .

762 Sabine ABRAVANEL – JOLLY, op. cit., note 758, p. 124. 763 Civ. 2ème, 26 septembre 2006, n° 05-11906.

764 Civ. 1ère, 15 juin 2004, n°01-02338, obs. Jérôme KULLMANN, RGDA, n°2004-4, 1er octobre 2004, p.1020. 765 V. notamment Eric MILLAR, « Remarques sous la décision Société d’Editions et de Protection Route »,

RDP, n° 3, 01/05/2016, p. 875.

l’exécution du contrat d’assurances767. La loyauté impliquait que si l’assuré a volontairement

remis des documents médicaux au médecin conseil de l’assureur, il ne puisse s’opposer à leur communication à l’expert judiciaire nommé à la demande de ce dernier768. La production d’un

rapport médical établi à la demande de l’assureur lui-même a été acceptée par la première chambre civile de la Cour de cassation, même lorsque cela conduit à démontrer la mauvaise foi de l’assuré769770771.

197 - Dans l’arrêt de la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation du 15 juin 2004772 ,

la solution est tout autre puisque l’assureur ne peut produire un document couvert par le secret médical intéressant le litige qu’à la condition que l’assuré ait renoncé au bénéfice de ce secret et, en cas de difficulté, il appartient au juge d’apprécier, au besoin après une mesure d’instruction, si l’opposition de l’assuré tend à faire respecter un intérêt légitime. En l’absence de dispositions légales le permettant, le juge n’a pas le pouvoir d’ordonner cette communication. Le droit à la vérité pour l’assureur est donc difficile à faire valoir lorsqu’il est question de l’état de santé de l’assuré.

Dans cet arrêt, il était question d’un salarié ayant adhéré, peu avant son décès, à un contrat d’assurance-groupe couvrant les risques invalidité et décès. L’assureur a sollicité une mesure d’expertise.

Le juge des référés a désigné un médecin expert avec pour mission de rechercher les antécédents médicaux de l’assuré et de dire si l’affection ayant entraîné le décès était la suite ou la conséquence d’un syndrome pathologique existant antérieurement à l’adhésion. Sur requête de l’expert, la communication du dossier médical par le médecin du travail a été ordonnée sous astreinte.

Le médecin du travail a invoqué le secret médical.

La Cour d’appel a rejeté la requête au motif que l’assuré était tenu lors de la souscription de répondre avec exactitude, loyauté et sincérité au questionnaire médical, sous peine d’encourir l’annulation du contrat prévue par l’article L.113-8 du Code des assurances.

Ainsi, l’adhérent ou ses ayants droits ne peuvent se retrancher derrière le secret médical pour contester la remise de son dossier à un médecin expert commis par justice si cela tend à mettre

767 Ibidem.

768 Civ. 1ère, 3 janvier 1991, n° 89-13808. 769 Civ. 1ère, 9 juin 1993, n° 91-16067.

770 Bernard CERVEAU, op. cit., note 720, p. 118.

771 Sabine ABRAVANEL – JOLLY, op. cit., note 758, p. 124. 772 Civ. 1ère, 15 juin 2004, n°01-02338.

l’assureur dans l’impossibilité de se faire une opinion sur la sincérité des réponses aux questionnaires médicaux.

La Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la Cour d’appel au motif que, si le juge civil a le pouvoir d’ordonner à un tiers de communiquer à l’expert les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission, il ne peut, en l’absence de disposition législative spécifique, contraindre un médecin à lui transmettre des informations couvertes par le secret lorsque la personne concernée ou ses ayants droits s’y sont opposés. Il appartient au juge saisi sur le fond d’apprécier si cette opposition tend à faire respecter un intérêt légitime ou à faire écarter un élément de preuve et d’en tirer toute conséquence quant à l’exécution du contrat d’assurance.

198 – Cet arrêt a été depuis confirmé par la Cour de cassation773. L’assureur n’a pas le droit de

produire un document couvert par le secret médical si l’assuré s’y est opposé774. Toutefois,

dans l’hypothèse où le refus serait illégitime, le juge en tirera toute conséquence775. En

somme, le seul fait que l’assuré invoque le secret médical pour s’opposer à la communication des données de santé pourra être compris par le juge comme établissant la fausse déclaration et justifiant la sanction de la nullité du contrat d’assurance édictée par l’article L.113-8 du Code des assurances776.

199 - Cette solution judiciarise les relations entre l’assuré et l’assureur dans la mesure où ce dernier aura intérêt à recourir à un juge pour faire reconnaître le caractère illégitime du refus de l’assuré lui permettant de le déchoir de la garantie777. Le juge en tirera toute conséquence

quant à l’exécution du contrat d’assurance. Une personne ne peut donc être contrainte de divulguer des informations mais son refus peut être interprété contre ses intérêts.

L’assuré ne peut s’abriter de façon absolue derrière le secret médical pour refuser la divulgation d’informations sur sa santé mais l’obligation pour l’assureur de recourir systématiquement à la justice tend à favoriser la mauvaise foi, comme l’ont notamment souligné les Professeurs Kullmann et Groutel778. Certains auteurs, comme le Professeur

773 v. Civ. 2ème, 2 juin 2005, n°04-13509.

774 Bernard CERVEAU, op. cit., note 720, p. 118.

775 Domitille DUVAL - ARNOULD, « Le juge civil face au secret médical », D., 2004., p. 2682. 776 Hubert GROUTEL, Droit des assurances, D., 2005, p. 1317.

777 Jérôme KULLMANN, op. cit., note 764, p. 124. 778 Ibidem.

Kullmann, considèrent qu’il serait opportun de considérer que lorsqu’une personne souscrit volontairement une assurance, cela lève systématiquement le secret médical779.

Section 2. Les alternatives au procès offertes à l’assureur pour

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