• Aucun résultat trouvé

L’appréciation extensive des concepts de renonciation et d’aléa

§1 Les divergences de traitement des victimes (illustrations)

A) L’appréciation extensive des concepts de renonciation et d’aléa

La Cour de cassation s’est obstinée à considérer le sinistre comme garanti malgré le refus réitéré de prise en charge par l’assureur (1) et l’antériorité de la maladie à la souscription du contrat (2)

1 ° L’appréciation extensive de la volonté de l’assureur de renoncer à se prévaloir du défaut de garantie

120 - Les garanties prévoyance proposées par les assurances ont pour finalité de compléter les

prestations servies par les régimes obligatoires de Sécurité sociale. Ces garanties permettent notamment de garantir à l’assuré un niveau de revenu suffisant en cas d’invalidité, d’incapacité ou de décès426. C’est pourquoi, en l’espèce, la veuve du salarié adhérent au

contrat prévoyance souscrit par la société Latour invoquait le bénéfice d’un capital. La mise en place de ces garanties peut résulter d’une souscription par l’employeur pour le compte de ses salariés comme c’est le cas en l’espèce. En principe, l’opération d’assurance collective obéit au mécanisme de la stipulation pour autrui427428. Toutefois, cette mécanique a été écartée par

l’article L.141 - 6 du Code des assurances qui considère l’entreprise comme mandataire de la société d’assurance, incompatible avec la stipulation pour autrui429. L’entreprise, mandataire

de l’assureur, s’éclipse donc de la relation contractuelle pour laisser en présence deux parties ; d’une part l’assureur qu’elle représente ; d’autre part, l’adhérent, l’assuré ou le bénéficiaire430431.

121 - Dans cet arrêt, la Cour de cassation refuse de faire droit à la demande de l’assureur qui réclame le remboursement des sommes versées en raison des irrégularités commises lors des déclarations par l’employeur. Le paiement sans réserve de l’assureur caractériserait sa volonté non équivoque à se prévaloir des irrégularités commises432. S’il est vrai qu’il aurait été sévère

pour un assuré de le faire pâtir des négligences de son employeur, cette solution apparaît

426 Jérôme BONNARD, op. cit., note 424, p. 71. 427 Idem, p. 58.

428 Civ. 1ère, 7 juin 1989, n°87-14648.

429 Jérôme BONNARD, op. cit., note 424, p. 71.

430 Jérôme KULLMANN (dir.), Lamy Assurances, Lamy, 2016, n°3960 (version électronique). 431 Grégoire SARGOS, « Prévoyance complémentaire », RGDA, n° 2010-02, 1er avril 2010, p. 269.

néanmoins contraire au régime de répétition de l’indu prévu aux anciens articles 1376 et suivants du Code civil (désormais 1302-1) qui permet d’obtenir le remboursement de ce qui a été payé sans cause433. Cet arrêt apprécie également de façon très extensive la volonté de

renoncer à la garantie accordée. En effet, l’assureur a réitéré à maintes reprises son refus de prendre en charge le sinistre. Les assureurs sont donc appelés à faire preuve d’une plus grande vigilance dans le règlement des sinistres, ce qui peut à terme se retourner contre l’assuré, les délais de règlement étant susceptibles de s’allonger.

2 ° L’appréciation extensive de l’aléa

122 - Dans cet arrêt, la Cour de cassation, rappelle que la Cour d’appel a, par une appréciation souveraine, retenu que lors de la souscription du contrat, le risque de décès du salarié était encore aléatoire. Étymologiquement, l’aléa est le jeu de dés dont le jet est suivi d’un résultat incertain. Juridiquement, l’aléa est l’essence même du contrat d’assurance et est désigné par le Code civil comme un évènement incertain434. Selon une jurisprudence constante, un risque

sera aléatoire si, à la date où il est couvert par l’assureur, non seulement il n’est pas réalisé, mais encore il n’était alors ni certain dans sa réalisation, ni déterminable dans son étendue435.

Le risque sera non aléatoire si, au moment de la souscription du contrat, l’assuré sait que le risque s’est déjà réalisé. Pour apprécier l’aléa, le juge doit se situer au moment de l’accord des volontés436car le contrat d’assurance est de nature consensuelle437. En outre, comme le

rappelle la Cour de cassation, l’appréciation du caractère aléatoire du risque est du ressort des juges du fond. En l’espèce, le décès du salarié était bien aléatoire au moment de l’adhésion. En effet, les conséquences d’une incapacité ou d’une invalidité n’étaient pas prévisibles pour l’assureur438439.

123 - Un autre arrêt va plus loin que l’arrêt étudié en admettant que puisse être garanti un sinistre dont tous les éléments (arrêt de travail et décès) s’étaient produits avant la mise en

433 Stéphanie. PORCHY-SIMON, Les obligations, Dalloz, 5ème édition, p.419. 434 Jérôme BONNARD, Droit des assurances, Litec, 2ème éd., p.2.

435 v. Civ. 1ère, 30 janvier 1996, n° 93-15168. 436 v. Civ. 1ère, 28 octobre 1991, n° 90-13022.

437 Jérôme BONNARD, Droit des assurances, Litec, 2ème éd., p.62.

438 Jérôme KULLMANN, RGDA, 01 octobre 1998, n° 1998-4, p. 748 (obs. Civ. 1ère, 7 juillet 1998, n° 96-13843). 439 Laetitia FONLLADOSA, RGDA, n° 2001-2, 1er avril 2001, p. 373 (obs. Civ. 1ère, 13 février 2001, n°98- 12478).

place du contrat-groupe auquel le salarié avait adhéré440. Néanmoins, la portée de cette

décision est à relativiser car le contrat succédait à un autre et, pour éviter tout trou de garantie, il stipulait une prise d’effet rétroactive au jour de la résiliation du précédent contrat qui se trouvait antérieure au décès du salarié.

La garantie dont se prévaut l’assuré est donc prise en considération pour déterminer le caractère aléatoire du sinistre. Il s’agit d’une appréciation relativement rigoureuse de l’aléa dans la mesure où la situation de l’individu au moment de la souscription du contrat n’est pas prise en considération. Or, dans certains cas, comme cela l’était probablement en l’espèce, l’état de santé d’un individu est parfois annonciateur d’une mort prochaine. Refuser de prendre en considération les circonstances du sinistre semble dénaturer le principe de l’aléa mais se justifie, bien évidemment, par la volonté de mieux indemniser les assurés. Dans quatre arrêts du 4 juillet 2007, la Cour de cassation a laissé entrevoir un possible assouplissement de la solution étudiée441. En effet, il a été jugé que la souscription d’un contrat d’assurance-vie à un

âge relativement avancé est susceptible de priver le contrat de cause.

Outline

Documents relatifs