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L’obligation d’exclusivité et de fidélité

Section 2. L’obligation de loyauté et de discrétion

2.2. L’obligation d’exclusivité et de fidélité

La loyauté implique tout d’abord l’exclusivité par rapport à l’entreprise : le salarié s’engage personnellement vis-à-vis de son employeur et ne peut se livrer à une activité

220 COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA, Les risques associés aux métadonnées. Fiche

d’information, préc., note 219.

221 Id.; D. PINNINGTON, préc., note 219. 222 R. c. Martineau, REJB 2003-48758 (C.Q.).

professionnelle pour son propre compte ou celui d’un tiers pendant son temps de travail. Il s’agit là d’une obligation propre au contrat de travail, ce qui confère aux clauses d’exclusivité un caractère informatif, puisque leur objet est généralement de rappeler une obligation inhérente au contrat de travail lui-même223. L’exclusivité concerne également le matériel fourni par l’employeur et que le salarié doit utiliser de façon appropriée et à des fins professionnelles. En clair, le salarié ne doit pas utiliser ses outils de travail pour son propre compte ou celui d’un tiers. Or, ce principe n’est pas toujours respecté, que ce soit au bureau où l’employé pourra, par exemple, utiliser son ordinateur pour mettre à jour son curriculum vitae ou à la maison, où l’ordinateur portable pourra servir à réaliser de menus travaux informatiques personnels. Le problème de l’exclusivité se pose avec encore plus d’acuité dans l’hypothèse du télétravail, notamment lorsque le télétravailleur est à temps partiel. En effet, lorsque le travailleur œuvre depuis son domicile, il lui est souvent difficile de résister à la tentation d’utiliser le matériel fourni par l’employeur à des fins privées ou même pour le compte d’un autre employeur. Aussi est-il conseillé, dans une telle hypothèse, d’insérer dans le contrat de travail une clause qui rappellera au salarié que le matériel appartient à l’employeur et doit donc être réservé (tout comme l’utilisation de « sa force de travail » d’ailleurs) aux activités accomplies pour le compte de ce dernier224. Cependant, si le salarié est employé à temps partiel, l’employeur ne pourra pas lui reprocher d’offrir ses services à un autre sans courir le risque de se voir accuser de le priver de moyens de subsistance. Aussi l’employeur serait avisé d’insérer une clause de non- concurrence afin de se protéger contre les éventuels agissements déloyaux de son employé impliquant, notamment, l’utilisation du matériel ou des données lui appartenant225.

L’obligation d’exclusivité n’implique nullement qu’on exige du salarié qu’il adhère sans réserve aux « valeurs de l’entreprise », car ce serait porter atteinte à sa liberté

223 Antoine M

AZEAUD, Droit du travail, 5e éd., Paris, Montchrestien, 2006, p. 320.

224 I. DE BENALCÁZAR, préc., note 28, p. 69. 225 Id.

individuelle226. En réalité, ce que l’on attend de lui c’est surtout qu’il évite de se placer dans une situation où il pourrait avoir à choisir entre ses propres intérêts ou ceux d’un tiers et ceux de l'employeur227.

On se trouvera en situation de conflit d'intérêts lorsque le salarié effectue, par exemple, des travaux pour le compte d’un tiers, depuis son lieu habituel de travail et avec les outils fournis par son employeur. Peu importe que ces activités soient ou non rémunérées. Ainsi, dans Syndicat des spécialistes et professionnels d'Hydro-Québec, (SCFP-FTQ, section locale 4250) c. Hydro-Québec228, l’employeur avait congédié un employé pour avoir utilisé, à de nombreuses reprises, et en violation du Code de conduite de l’entreprise, le matériel informatique et le courrier électronique de l’entreprise pour effectuer des travaux pour le compte de l’association à but non lucratif dirigée par sa mère. Le salarié effectuait en effet du soutien technique, pendant ses heures de travail, au profit de cet organisme. De plus, il avait installé, sans autorisation, un logiciel qui lui permettait, notamment, d’accéder directement, depuis son poste de travail, au site Internet de cette association et d’y effectuer des travaux. L’un des arguments invoqués par l’employé était le fait que ces activités, bien qu’exercées à titre personnel, n’étaient pas rémunérées. Toutefois, l’arbitre conclut que cet élément était sans importance et qu’il y avait perte de confiance, l’employé ayant agi en violation du Code de conduite de l’entreprise.

Il y aura également conflit d’intérêts lorsque l’employé utilise l’équipement de l’employeur au bénéfice de sa propre entreprise. Ainsi, dans l’affaire Syndicat des spécialistes et professionnels d’Hydro-Québec c. Hydro-Québec229, l’arbitre maintient le congédiement d’un analyste support informatique qui avait utilisé son adresse électronique professionnelle, ainsi que son numéro de pagette, à des fins de publicité pour sa propre entreprise d’agent immobilier. En plus d’utiliser les outils de communication de

226 A. MAZEAUD, préc., note 223, p. 320. 227 N.-A. B

ÉLIVEAU,K. BOUTIN et N. ST-PIERRE, préc., note 177, p. 17.

228 Préc., note 193.

l’employeur pour solliciter la clientèle, le salarié avait, à plusieurs reprises, consulté et diffusé des contenus à caractère sexuel et pornographique, le tout en violation du Code de conduite de l’entreprise.

L’affaire Collège Ahuntsic et Syndicat du personnel de soutien du Collège Ahuntsic230 constitue aussi un autre bel exemple de conflit d’intérêts. Elle concerne un technicien en informatique qui utilisait son temps de travail au profit de sa propre entreprise et d’un organisme dont il gérait les activités à titre de bénévole. L’employeur lui a infligé une suspension de trois mois, en raison non seulement de ce vol de temps, mais également parce qu’il déclarait des heures supplémentaires les jours où il vaquait à ses occupations privées. De plus, le salarié utilisait le téléphone et l’ordinateur de l’employeur dans le cadre de ses activités personnelles et les cartes de visite de son entreprise personnelle comportaient l’adresse de courriel de l’employeur. Toutefois, l’arbitre a jugé que la durée de la suspension était disproportionnée. En effet, le vol de temps en l’espèce n’était pas considérable et la réputation de l’employeur n’avait pas été entachée par ces activités. De plus, avant la sanction contestée, l’employeur n’avait effectué aucune mise au point avec l’employé quant à ses activités personnelles au travail. L’arbitre a donc conclu qu’une suspension de trois semaines était plus raisonnable au vu des circonstances.