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Le dossier disciplinaire du salarié, le niveau de gravité de son

Section 1. La finalité de la surveillance

1.1. La nature de l’intérêt protégé

1.1.3. L’impact des facteurs aggravants ou atténuants

1.1.3.2. Le dossier disciplinaire du salarié, le niveau de gravité de son

L’examen du dossier disciplinaire du salarié et de son comportement après la découverte des faits pourra être décisif lors de la détermination de la mesure disciplinaire applicable. Il faudra également prendre en compte le niveau de gravité de ses gestes ainsi que les circonstances entourant les faits.

681 Voir notamment Addy c. Commission scolaire Eastern Township, préc., note 679, qui confirme le congédiement d’un

aspirant enseignant pour avoir, à des nombreuses reprises, consulté des sites pornographiques sur un ordinateur de l’école secondaire où il effectuait son stage de fin d’études universitaires. L’établissement accueille des élèves âgés de 11 à 17 ans et dispose d’une politique d’utilisation des ordinateurs interdisant spécifiquement la consultation de sites pornographiques.

682 Voir Ordre des infirmières et infirmiers du Québec c. Léveillé, préc., note 678, par. 32, où les gestes obscènes de

Ainsi, dans Ordre des infirmières et infirmiers du Québec c. Léveillé683, le facteur aggravant résultait, notamment, de la nature des actes reprochés au salarié et des circonstances entourant les faits. Lors d’une modification de son système informatique, l’employeur, un centre d’hébergement pour personnes âgées et malades, avait découvert qu'un ordinateur abritait une importante activité vers des sites Internet pornographiques. Grâce à une surveillance vidéo, il avait rapidement découvert qu’un employé consultait des sites pornographiques pendant son quart de travail en se livrant à des actes de grossière indécence devant l’écran de l’ordinateur. Ces agissements ont valu à leur auteur une radiation temporaire du Tableau de l’Ordre des infirmières et infirmiers en raison de l’extrême gravité des faits reprochés. En effet, ces activités avaient lieu alors que l’employé avait un poste de nuit auprès d’une population âgée et vulnérable. Ensuite, les gestes reprochés s’étaient étalés sur une longue période (environ deux ans) et avaient lieu à chaque quart de travail. De plus, ces activités se déroulaient pendant les heures de travail de l’employé, ce qui constituait un vol de temps. Le tout avait lieu dans une aire ouverte et passante, où l’employé aurait facilement pu être surpris par un collègue, un patient ou encore un membre de la famille d’un patient. Sans compter que pendant ce temps, le bien- être de ses patients était compromis, puisque les faits reprochés avaient lieu pendant la pause et l’heure de repas de l’infirmière auxiliaire qui travaillait avec lui. De plus, l’employé avait précédemment fait l’objet d’une enquête à la suite d’allégations de certains employés relativement à son utilisation de l’Internet, mais aucune procédure ne s’en était suivie, faute de preuve suffisante. En outre, l’employé avait nié les faits et n’avait reconnu sa responsabilité qu’après avoir été confronté avec les preuves vidéo. Il avait également tenté de minimiser les conséquences de ses activités en soutenant qu’elles n’avaient causé aucun préjudice aux patients sous sa responsabilité. Enfin, l’employé n’avait jamais suivi de thérapie, ni même consulté un professionnel du comportement, alors ses actes répétitifs appelaient peut-être un suivi spécialisé. Finalement, comme le salarié n’exerçait plus la fonction d’infirmier lors du jugement (il occupait alors un poste sans lien avec ses

occupations précédentes dans une institution financière), il a reçu une sanction suspendue qui ne deviendrait exécutoire que lorsqu’il se réinscrirait au Tableau de l’Ordre de cette profession.

L’aggravation des sanctions pourra aussi résulter de certains comportements particuliers, comme le fait, pour le salarié, de dissimuler les traces de ses activités ou d’effacer son historique de navigation684 ou encore de refuser de reconnaître les faits685. Il en ira de même lorsque l’employé persiste dans son comportement, malgré les remarques ou réprimandes de l’employeur686.

Au contraire, la qualité de son dossier disciplinaire ou son ignorance de l’interdiction des activités reprochées peuvent jouer en faveur du salarié, et doivent donc être prises en compte lors de l’évaluation de la sanction. Ainsi, dans Gilles et Ciba Spécialités chimiques Canada Inc.687, la Commission des relations du travail a annulé le congédiement d’un salarié après avoir relevé plusieurs circonstances atténuantes en sa faveur. L’employeur reprochait au salarié d’avoir mis en péril la sécurité du système informatique, utilisé par ses 19 000 employés à travers le monde, en téléchargeant et sauvegardant des images et des vidéos à caractère pornographique, contrairement aux directives claires en vigueur dans l’entreprise. L’employeur considérait que la faute de l’employé était d’autant plus grave qu’il disposait d’une grande liberté d’action et sa fonction de directeur de comptes responsable d’une région incluant plusieurs villes exigeait un plus grand niveau de confiance. L’employé, de son côté, tout en admettant avoir commis une faute sérieuse, soutenait que la sanction imposée était trop sévère compte tenu, notamment, de la qualité de

684 Syndicat du personnel de soutien de la Seigneurie des Mille-Îles (CSN) et Commission scolaire de la Seigneurie des

Mille-Îles, D.T.E. 2008T-149 (T.A.).

685 Di Vito v. MacDonald Dettwiler and Associates, 1996 CanLII 3165 (BC S.C.) : la Cour suprême de Colombie-

Britannique confirme le congédiement de deux employés accusés de harcèlement et de distribution de matériel à caractère sexuel et qui, malgré les preuves, nient les faits de façon répétée; Voir également Syndicat des spécialistes et

professionnels d'Hydro-Québec c. Hydro-Québec, préc., note 229.

686 Voir, par exemple, Backman c. Maritime Paper Products Limited, corps constitué, préc., note 546, qui confirme le

congédiement d’un employé pour consultations répétées de sites pornographiques, en violation de la politique de l’entreprise relative à l’utilisation du système informatique dont il avait pris connaissance lors de son embauche, et malgré deux avertissements sanctionnant formellement son inconduite répétée. La dernière sanction l’avisait d’ailleurs qu’il encourait le congédiement en cas de récidive.

son dossier disciplinaire et de son ancienneté dans l’entreprise. Le Tribunal a accueilli sa demande, principalement en raison du non-respect par l’employeur du principe de la gradation des sanctions, ainsi que des dispositions du règlement d’entreprise relatives aux procédures disciplinaires. Ces règles prévoyaient notamment le droit pour l’employé de s’expliquer sur sa conduite et la prise en compte de son dossier disciplinaire. Or, l’employeur s’était simplement contenté de convoquer l’employé à une entrevue et l’avait congédié sur-le-champ, après l’avoir sommé de rendre les équipements appartenant à l’entreprise. En rompant la relation de travail de façon aussi sommaire, sans donner à l’employé la possibilité de s’expliquer, l’employeur avait méconnu ses propres obligations. De plus, l’examen des faits révélait que l’employé travaillait souvent de chez lui, sur un équipement que l’entreprise l’autorisait, sauf certaines exceptions, à utiliser à des fins personnelles. Et il avait accumulé les fichiers litigieux pendant 9 ans, les transférant d’ordinateur à ordinateur à chaque changement de poste. Ces actes étaient commis en dehors des heures de travail et n’avaient fait l’objet d’aucune remarque de l’employeur pendant cette longue période, si bien que l’employé en avait déduit qu’il y avait une tolérance de l’employeur à l’égard de son utilisation personnelle. De plus, l’employé avait un dossier disciplinaire vierge et aurait pu facilement cesser les activités reprochées si on lui en avait fourni l’occasion. En outre, malgré leur gravité, ces actes n’avaient pas eu de conséquences directes sur les clients ou sur les autres employés. Par ailleurs, bien que l’employeur ait fait référence à un salarié qui avait été congédié pour des faits similaires, aucune précision n’était donnée quant au pays ou la province où ces événements se seraient déroulés. Finalement, même si le Tribunal conclut à l’absence de tolérance de l’employeur et constate l’existence d’un facteur aggravant lié à la durée des activités reprochées, il juge que le congédiement constituait une sanction trop sévère au vu de la faute et des circonstances, et le remplace donc par une suspension de 3 mois sans solde.

En définitive, l’affaire Gilles et Ciba Spécialités chimiques Canada Inc.688 présente un intérêt particulier dans la mesure où elle énumère quelques facteurs déterminants à prendre

en compte lors de l’évaluation du comportement de l’employé dans le cadre d’une procédure disciplinaire. Ces facteurs atténuants ou aggravants sont les suivants :

• le niveau de gravité de l’inconduite de l’employé; • son dossier disciplinaire;

• sa capacité à corriger la situation;

• l’existence de mesures prises pour des cas similaires touchant d’autres employés; • les conséquences pour les clients (et, plus généralement, les partenaires d’affaires de

l’entreprise et les tiers);

• l’impact sur les autres employés; • les circonstances entourant l’incident.

Bien entendu, d’autres facteurs, mis en évidence dans l’annexe II, pourront, selon les cas, être pris en compte, tels :

• la nature des fonctions, ainsi que le degré d’autonomie et le niveau de confiance accordés par l’employeur;

• la nature des activités de l’employeur; • la durée des manquements;

• le caractère isolé des faits reprochés ou leur répétition; • l’existence ou non d’un risque de récidive;

• la responsabilité de l’employeur (liée, notamment, à sa tolérance face aux manquements ou à l’absence de directives claires);

• l’attitude de l’employé après la découverte des faits (refus d’admettre sa responsabilité ou ses aveux et remords sincères, etc.);

• l’existence ou non d’un profit, pour le salarié, lié à ses actes,

• les éléments liés à la situation personnelle de l’employé (dont l’âge, l’ancienneté et la situation familiale).