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Les autres facteurs de réussite de l’implantation de la politique Internet

Section 1. Les politiques Internet

1.3. Les autres facteurs de réussite de l’implantation de la politique Internet

En plus de porter une attention particulière à la rédaction de sa politique Internet, l’entreprise doit prendre les moyens appropriés pour que celle-ci soit effectivement appliquée par les employés.

Pour y parvenir, elle doit d’abord s’attacher à obtenir l’adhésion du personnel aux valeurs que la politique véhicule. En effet, si certains employés comprennent parfaitement qu’il est normal que l’employeur limite ou interdise l’usage de l’Internet et du courrier électronique, tous n’en saisissent pas toujours les enjeux. Une partie d’entre eux interprètent ces restrictions comme résultant d’une mauvaise gestion des ressources humaines. Il faut dire qu’il existe parfois un décalage générationnel entre les dirigeants des entreprises, qui sont généralement peu familiarisés avec les NTIC, et une grosse majorité de salariés pour qui ces outils font partie de leur mode de vie. Les premiers sont généralement partisans d’un usage uniquement professionnel de ces outils, tandis que les seconds revendiquent le droit à un usage personnel. L’employeur a donc intérêt à instaurer un climat de confiance, par

552 Pour une illustration, Section locale 143 du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier c.

Goodyear Canada inc., D.T.E. 2008T-27 (C.A.), par.18, statuant qu’une « politique, qui prévoit des tests de dépistage

d'alcool et de drogues doit franchir le test de l'article 9.1 de la Charte, une disposition justificative dont l'application est soumise aux critères de l'objectif poursuivi et du moyen adopté (lien rationnel, atteinte minimale et effet de la mesure) »; Voir également K. DELWAIDE, préc., note 500, p. 51.

553 I. L

exemple, en associant les employés à l’élaboration de la politique Internet : ces derniers seront, en effet, plus enclins à appliquer une politique qu’ils ont contribué à créer554. De plus, celle-ci aura une force morale encore plus grande si sa mise en place résulte d’une concertation entre l’employeur et les employés ou leurs représentants555. Tous les corps de métiers, notamment les services juridique, informatique et de ressources humaines – qui sont en première ligne pour gérer les difficultés juridiques, techniques ou disciplinaires – devraient, autant que possible, y participer. L’entreprise peut également mettre en place, sur une base régulière, des actions pour informer les salariés et les responsables sur les risques liés à l’utilisation des outils électroniques et les former à une utilisation plus rationnelle des ces ressources556. L’employeur pourra désigner une personne chargée d’assurer la bonne application de la politique, de répondre aux interrogations des employés, de coordonner la formation continue et d’effectuer les éventuelles mises à jour. Pour un résultat optimal, l’employeur devrait s’adjoindre les services de professionnels avant la mise en place de sa politique Internet : ceux-ci seront en effet mieux outillés pour identifier toutes les contraintes et doter l’entreprise des règles et procédures appropriées557. Ainsi, pour ne mentionner que l’aspect juridique, les règles applicables sont souvent si peu lisibles et contradictoires que le recours à un juriste spécialisé est presqu’incontournable.

Toujours dans un souci d’efficacité, l’employeur doit veiller à ce que sa politique Internet soit adaptée aux particularités de l’entreprise, de son personnel, etc.558, et reflète ses

préoccupations (volonté d’éviter le « surf » ludique et improductif des salariés, de protéger l’entreprise contre les menaces extérieures, de prévenir les risques liés à une utilisation inappropriée de l’Internet, etc.). À cet effet, il dispose d’une large palette d’interdictions ou de limitations d’inégale importance : blocage systématique interdisant tout accès aux sites illicites; aménagement de plages horaires permettant une utilisation modérée à des fins

554 I.J.T

URNBULL, « Privacy Management Plan and Policies », préc., note 492, p. 243.

555 I. LAUZON et L. BERNIER, préc., note 363, p. 8. 556 F.C

ÔTÉ, préc., note 251; W. G. PORTER II, M. C. GRIFFATON, préc., note 354.

557 I.J.TURNBULL, « Privacy Management Plan and Policies », préc., note 492, p. 242. 558 C. D

personnelles en dehors des heures de bureau ou selon un système de « quota » d’heures allouées aux salariés sur une base hebdomadaire ou mensuelle pour la navigation sur des sites non professionnels; système de déblocage permettant à l’utilisateur d’accéder à un site non professionnel sur autorisation d’un supérieur559. Il pourrait, cependant, être opportun que la politique ne comporte pas que des interdictions et que l’employeur prenne en compte les préoccupations et intérêts des employés. Ainsi, l’entreprise pourrait autoriser un usage raisonnable du courrier électronique pour les salariés distants (télétravailleurs ou salariés situés sur des sites éloignés géographiquement) afin de maintenir un lien social avec les autres employés de l’entreprise560. Elle pourrait également permettre une utilisation de l’Internet à des fins personnelles en dehors des heures de travail, à condition que celle-ci soit modérée et conforme aux lois et aux valeurs de l’entreprise561. Certains employeurs aménagent même des espaces dédiés aux salariés et disposant d’ordinateurs reliés à un réseau indépendant, où les salariés peuvent, en dehors de leurs heures de travail, utiliser l’Internet et le courrier électronique pour leurs propres besoins562. Toutefois, cette stratégie, qui repose en fait sur le bon jugement des employés, peut se révéler dangereuse pour l’employeur; aussi certaines entreprises sont-elles tentées d’interdire toute utilisation à des fins personnelles des moyens de communication. Cependant, un tel radicalisme convient mal au contexte actuel de banalisation des NTIC : l'ordinateur et l'Internet font désormais partie du quotidien d’une grande majorité d’individus, si bien que certains militent plutôt pour un usage personnel « raisonnable » des ces outils au bureau563. Par ailleurs, il est fréquent que les employés effectuent des appels personnels pendant les heures de travail (par exemple, pour prévenir le service de garde que l’on sera en retard pour récupérer les

559 W. G. P

ORTER II, M. C. GRIFFATON, préc., note 354.

560 I. DE BENALCÁZAR, préc., note 28, p. 69. 561 I. L

AUZON et L. BERNIER, préc., note 363, p. 103; J. B. LEWIS, préc., note 504.

562 Martel c. Fédération des caisses Desjardins du Québec, préc., note 542. 563 Charles M

ORGAN, « Monitoring Employee, Electronic Mail and Internet Use: Balancing Competing Rights », dans

Vincent GAUTRAIS (dir.), Droit du commerce électronique, Montréal, Éditions Thémis, 2002, p. 171, n° 94 à la page 209; COMMISSION NATIONALE DE L’INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS, 22ème Rapport d’activité 2001, 2002, p. 58, en ligne :

<http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/024000377/0000.pdf> (site consulté le 26 juillet 2010); S. LEFEBVRE, « Naviguer sur Internet au travail: et si on nageait en eaux troubles? », préc., note 254, p. 53.

enfants), si bien que, même en présence d’une politique, l’employeur devrait s’attendre à ce que les moyens de communication électroniques soient utilisés pour les mêmes fins564. Il a même été jugé, dans l’affaire Bell Canada, qu’une interdiction absolue de l’usage personnel de ces outils n’était pas raisonnable en milieu de travail565. Aussi de nombreux auteurs conseillent-ils aux entreprises non pas d’interdire toute utilisation personnelle mais plutôt d’aviser les employés qu’un tel usage devrait rester raisonnable et ne pas avoir d’impact négatif dans l’accomplissement de leur travail566. En France, par exemple, la CNIL a également indiqué qu’« une interdiction générale et absolue de toute utilisation d'Internet à des fins autres que professionnelles ne paraît pas réaliste dans une société de l'information et de la communication »567. Il faut souligner que les tribunaux français ont tendance à interpréter restrictivement toute restriction des libertés et, en cas de litige, le juge sera enclin à appliquer le principe de proportionnalité indépendamment du contenu de la politique Internet568.