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L’intérêt des enquêtes COI et EAE dans le cadre de notre recherche

Plan du chapitre 3

POURSUITE USAGE Révision fonctions

3. Méthodologie quantitative

3.2. L’intérêt des enquêtes COI et EAE dans le cadre de notre recherche

Nous avons fait le choix d’utiliser et d’analyser des données dont nous n’étions pas les producteurs, ce que l’on nomme communément « une analyse secondaire de données » (Martin, 2012) car elles présentaient un réel intérêt pour notre recherche. Préalablement à ce choix, nous nous sommes toutefois interrogés très attentivement sur les conditions de leur production, les modalités d’échantillonnage et l’intérêt des questions posées pour notre objet de recherche. Pour cela, nous avons non seulement étudié avec attention toutes les documentations disponibles sur les enquêtes Changement Organisationnel et

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Informatisation (COI) et Enquêtes Annuelles des Entreprises (EAE), mais avons également participé aux journées COI des 31 mars et 1er avril 2011 à Paris. Cela nous a permis de rencontrer les chercheurs à l’initiative des enquêtes COI (notamment Nathalie Greenan) et de prendre connaissance des recherches réalisées à partir de ces données. Nous avons alors noté que ces données n’avaient encore jamais été utilisées par des gestionnaires. Pour les données EAE, plusieurs chercheurs au sein de notre laboratoire les utilisaient déjà. Nous en avions donc une bonne connaissance. A la suite de ces démarches, nous avons réalisé et adressé un dossier de demande d’accès à ces données officielles au comité du secret statistique fin mai 2011. Nous avons obtenu son accord le 9 juin 2011, et reçu concrètement les bases de données fin 2011. N’ayant pas participé au processus d’élaboration de ces données, une première étape a été de nous familiariser avec l’esprit, les forces et les limites de ces enquêtes.

Cette section est destinée à aborder chacun de ces différents points d’attention qui ont guidé notre démarche quantitative.

3.2.1. Présentation et intérêts des enquêtes COI, centrales pour notre travail

Nous présentons les enquêtes COI et détaillons ensuite leur intérêt pour notre recherche.

PRESENTATION DES ENQUETES COI62

La conception du dispositif d’enquêtes s’est appuyée sur une réflexion interdisciplinaire, qui a rassemblé pendant trois ans (1994-1996) des économistes, des gestionnaires et des sociologues au sein d’un groupe de travail s’intéressant aux effets de l’informatisation et des nouvelles formes d’organisations du travail sur la performance des entreprises. L’élaboration et la coordination du dispositif d’enquêtes ont ensuite été réalisées au Centre d’Etudes et de l’Emploi (CEE) sous la direction de Nathalie Greenan. La construction de COI a également bénéficié du savoir-faire des services statistiques ministériels tels que la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et de la Statistique), le SESSI (Service des Etudes et des Statistiques Industrielles), le SCEES

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Le lien internet http://www.enquetecoi.net permet d’accéder au descriptif du dispositif COI, au questionnaire COI et plus précisément à la méthodologie de l’enquête 2006 que nous mobilisons dans notre travail de recherche.

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(Service Central des Etudes et Enquêtes Statistiques – Ministère de l’agriculture) et l’INSEE (Institut National des Statistiques et Etudes Economiques).

Deux lignes de force se sont dégagées des réflexions menées pour la conception du dispositif COI : (1) l’étude des nouvelles formes organisationnelles ne doit pas être isolée de celle de l’adoption de technologies de l’information et de la communication (TIC) ; (2) les points de vue des représentants des entreprises devraient idéalement être combinés avec ceux des salariés. Ainsi est né le projet d’enquête couplée entreprises/salariés.

Cette enquête a été réalisée pour la première fois en 1997 et couvrait alors la période 1994-1997. Son champ d’investigation se limitait aux entreprises industrielles, de services et de commerce. Elle a ensuite été renouvelée en 2006 pour la période 2003-2006. Pour sa réédition, de nouvelles thématiques ou rubriques ont été incorporées au questionnaire « entreprises », telles que (1) les relations des entreprises à leurs clients, fournisseurs et éventuels partenaires ainsi que les outils sur lesquels ces relations prennent appui ; (2) la dimension internationale des entreprises ; (3) les restructurations ou changements dans les directions d’entreprises et (4) la révision et augmentation de la liste des outils et pratiques relatifs aux TIC. Son champ d’investigation a été étendu aux secteurs de l’énergie, de la construction, des transports, du commerce, de l’hôtellerie et de la restauration, des services aux entreprises, des services financiers et des médias. Le questionnaire est similaire pour tous les secteurs à l’exception des services financiers. De plus, une expérimentation a été menée dans la version 2006 dans la fonction publique à l’aide d’un questionnaire spécifique (administrations et établissements hospitaliers).

Notre démarche quantitative est basée sur le volet « entreprises » de l’enquête COI63. Ce volet concerne les entreprises de dix salariés ou plus à travers un échantillon de 17 125 entreprises. Le taux de réponses global a été de 84% sachant que l’enquête COI avait obtenu le caractère obligatoire. L’échantillon final comporte ainsi 14 508 entreprises représentatives.

Notre choix s’est porté sur le questionnaire « entreprises » car il comporte une interrogation détaillée sur les nouvelles pratiques d’organisation du travail de type Lean Management et les nouvelles TIC (innovation technologique de procédés) utilisées par les entreprises en 2006 comparativement à 2003. Il procure également des informations pertinentes sur un certain nombre de facteurs internes et externes susceptibles d’affecter l’adoption d’une innovation organisationnelle.

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Hors administrations, sociétés financières et établissements hospitaliers pour lesquels les questionnaires diffèrent.

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INTERET DES ENQUETES COI POUR NOTRE RECHERCHE

L’enquête COI présente plusieurs intérêts pour notre recherche.

Le premier est qu’elle permet d’exploiter des données issues d’un large échantillon représentatif d’entreprises (14508 entreprises) dont les caractéristiques en termes de taille, affiliation sectorielle, appartenance à un groupe et contexte environnemental diffèrent.

Le second réside dans le fait qu’elle peut nous permettre de dépasser les deux critiques majeures relatives à la construction de mesures relatives à l’innovation organisationnelle que nous avons soulignées dans notre revue de la littérature (Chapitre 1). Tout d’abord, les travaux de Armbruster et al. (2008) mettent en évidence que l’innovation organisationnelle est trop souvent traitée avec un trop haut niveau d’agrégation et repose sur des mesures génériques. Aussi, préconisent-ils de privilégier une innovation spécifique et établie pour laquelle un détail des pratiques théorisées qu’elle englobe est proposé. Cela évite notamment les biais d’interprétation des répondants. Le questionnaire du volet « entreprises » est basé sur une innovation organisationnelle spécifique et établie, le Lean Management, et liste sept pratiques qui lui sont communément rattachées dans la littérature : la certification ou accréditation portant sur le système qualité, la certification portant sur l’environnement, les méthodes formalisées de résolution de problèmes, les équipes de travail autonomes, le flux tendu et le Juste à Temps, les outils de traçabilité des produits et processus, et les outils d’optimisation de la chaîne logistique64 (Shah et Ward, 2003, 2007). Pour chacune d’elles, les entreprises doivent préciser si elle est en usage. Ensuite, l’enquête COI offre la possibilité de créer une variable dépendante « innovation organisationnelle », objective et stricte quant à sa notion de nouveauté (Aiken et Hage, 1971; Van de Ven, 1986). En effet, pour la majeure partie des questions du volet « entreprises », l’enquête COI propose une double référence temporelle : aujourd’hui (i.e. en 2006) et en 2003. Cela permet de dénombrer les nouvelles pratiques Lean Management adoptées par les entreprises en 2006 comparativement à celles en usage en 2003.

L’enquête COI présente un troisième intérêt : elle permet de dépasser une des limites des enquêtes Community Innovation Survey (CIS) plus traditionnellement utilisées dans les recherches empiriques sur l’innovation. En effet, CIS renseigne certaines variables

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Questions E23 et E24 du questionnaire COI volet « entreprises » (disponible sur http://www.enquetecoi.net).

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uniquement pour les entreprises qui ont innové en produits ou procédés technologiques65, créant ainsi un biais de sélection dans les études qui portent alors sur cet échantillon réduit et non sur la population totale (Evangelista et Vezzani, 2010). Au sein de l’enquête COI, les informations sont disponibles pour toutes les entreprises qu’elles soient innovantes ou non.

Le quatrième intérêt de cette enquête est de pouvoir opérationnaliser l’innovation technologique de procédés à travers une forme concrète largement acceptée dans la littérature, à savoir les TIC (Bocquet et al., 2007; Hollenstein, 2004; OCDE, 2005; Uchupalanan, 2000; Walker et al., 2009). Comme pour le Lean Management, les outils, méthodes et pratiques rattachés aux TIC sont détaillés pour les deux années de référence : 2003 et 2006. Le concept d’innovation technologique de procédés peut donc également être mesuré de manière non agrégée et objective quant à la notion de nouveauté. Cela est central pour répondre à notre objet de recherche concernant la nature des liens qui unissent ces deux types d’innovations de procédés, organisationnels et technologiques.

Enfin, cette enquête procure également des informations pertinentes sur un certain nombre de facteurs internes et externes correspondant aux antécédents que nous avons identifiés pour construire notre modèle conceptuel : (1) les structures organisationnelles internes des entreprises : la ligne hiérarchique, la distribution des sphères de responsabilité entre les différents intervenants de l’entreprise et la formalisation des procédures et activités ; (2) les orientations stratégiques des entreprises à travers l’importance stratégique de la modernisation technologique, de la qualité, de la réduction des coûts ou des délais ; (3) les caractéristiques du marché telles que le niveau de compétition et d’incertitude, l’évolution technologique ; (4) les relations de l’entreprise avec ses clients, fournisseurs et autres partenaires ; (5) les informations nécessaires à une opérationnalisation de la capacité d’absorption (ACAP) respectueuse de sa multi-dimensionnalité (Cohen et Levinthal, 1989, 1990; Lane et al., 2006).

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Les questions concernant les activités et dépenses d’innovation, les sources d’information et de coopération, les effets de l’innovation et les facteurs freinant les activités d’innovation sont directement liées à celles relatives au fait que les entreprises aient introduit des innovations technologiques (produits et procédés) au cours des trois ans. Les questions sur l’introduction d’innovations organisationnelles n’interviennent qu’ensuite.

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3.2.2. Présentation et intérêts des enquêtes EAE

Les bases de données issues des enquêtes EAE - Enquêtes Annuelles d’Entreprises – ont représenté un complément d’information intéressant dans le cadre d’une partie de nos démarches quantitatives.

Les EAE ont été réalisées par l’INSEE chaque année de 1990 à 2007 auprès d’un échantillon représentatif d’entreprises françaises pour les secteurs de l’industrie, de la construction, des industries agricoles et alimentaires, des services, des transports, et une fois tous les deux ans pour le secteur du commerce. Le champ de l’enquête est limité aux entreprises de vingt salariés ou plus. Elles fournissent des informations comptables et financières relatives aux livres de comptes des entreprises.

Les bases de données EAE 2006 et 2007 ont été appariées à celle de l’enquête COI en utilisant les numéros de SIREN comme clé d’appariement (ou identifiant commun aux différents fichiers de données). L’objectif de cet appariement pour notre travail était d’enrichir les informations disponibles dans COI relatives aux caractéristiques des entreprises, telles que l’effectif moyen et leur statut exportateur.

L’appariement des données des enquêtes COI et EAE 2006 et 2007 a entraîné une réduction significative de l’échantillon de départ, en raison du caractère non-exhaustif des EAE dans certains secteurs (e.g. commerce) et de la présence de valeurs manquantes pour certaines variables considérées. Ainsi, en considérant les variables clés issues des EAE, nous sommes parvenus à un échantillon apparié de 7 821 entreprises.