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L’adoption d’une innovation organisationnelle : vers un modèle conceptuel intégrateur des types d’innovations et de leurs

Proposition d’un modèle conceptuel

2. L’adoption d’une innovation organisationnelle : vers un modèle conceptuel intégrateur des types d’innovations et de leurs

antécédents

L’adoption d’une innovation organisationnelle peut être entendue comme une décision d’adopter en un temps t, ou comme un processus traditionnellement divisé en trois phases : décision, mise en usage et poursuite de l’usage (Damanpour, 1991). Dans ce travail doctoral, nous souhaitons apporter des explications à ce phénomène sous ces deux différentes conceptions.

Le terme « antécédents » englobe aussi bien la notion de déterminants que de barrières. Notre revue de littérature suggère plusieurs tendances dans les recherches empiriques. Du point de vue des déterminants, nous relevons trois tendances : (1) la plupart des recherches se focalisent sur la première phase du processus d’adoption; (2) parmi les trois catégories d’antécédents identifiés dans la littérature, les caractéristiques structurelles des entreprises et des membres de l’entreprise, notamment des leaders, sont beaucoup plus fréquemment examinés que les antécédents environnementaux (externes) ; (3) les études ont tendance à se focaliser sur un type d’antécédent et à ne pas tenir compte des interactions entre antécédents de la même catégorie ou entre différents types d’antécédents.

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Du point de vue des barrières, nous faisons trois principaux constats : (1) les recherches empiriques se focalisent, à deux exceptions près (Madrid-Guijarro et al., 2009 ; Wagner et al.,

2011), sur les seules innovations technologiques ; (2) parmi les deux catégories de barrières traditionnellement distinguées (internes et externes), ce sont les manques de ressources financières et de qualifications qui représentent les barrières les plus couramment citées ; (3) ce courant de littérature, plus marginal que celui orienté sur les déterminants (Galia et Legros, 2004), a enrichi le champ des antécédents à l’innovation en portant, par exemple, un regard sur les barrières liées aux ressources humaines, largement délaissées (Mohnen et al., 2008) et en examinant les complémentarités entre barrières (Baldwin et Lin, 2002 ; Galia et Legros, 2004).

Dans ce travail de recherche, nous faisons le choix de combiner ces deux postures de recherche, l’une plus orientée sur les facteurs qui favorisent l’innovation, et l’autre plus orientée sur les facteurs qui freinent ou stoppent prématurément les processus d’innovation.

Par ailleurs, nous avons vu au chapitre 2 que la littérature sur l’innovation reste marquée par la vision linéaire et distinctive de l’innovation.

Une vision alternative de l’innovation, dite intégrative des types d’innovations et d’antécédents, a été mise en lumière par Damanpour (2010). Cette vision intégrative repose sur une manière de penser synthétique et systémique qui incite, dans le cadre du phénomène d’adoption d’une innovation organisationnelle, à prendre en compte les interdépendances entre antécédents et types d’innovations. Deux hypothèses majeures sont à son origine : (1) la similarité des effets des antécédents sur différents types d’innovations justifie de devoir les étudier de manière non isolée; (2) des innovations de différents types sont elles-mêmes complémentaires.

Pour construire notre modèle conceptuel d’adoption d’une innovation organisationnelle autour de ces deux hypothèses, nous avons mobilisé des théories cohérentes avec son caractère systémique.

2.1 Les antécédents de l’adoption d’une innovation organisationnelle et leurs effets d’interaction

La théorie des systèmes sociotechniques et son principe d’optimisation jointe (Emery et Trist, 1969) a permis d’identifier des antécédents internes et leurs potentielles interactions. Suivant les travaux de Leavitt (1965) et par une approche multiniveaux de l’organisation comme système sociotechnique, Lyytinen et Newman (2008) identifient quatre sous-systèmes (la structure, les acteurs, les tâches et les technologies). Suivant cette décomposition et les contenus associés à chacun de ces sous-systèmes, nous avons identifié un ensemble d’antécédents à l’adoption d’une innovation organisationnelle, qui doivent idéalement être alignés les uns avec les autres (Geels, 2002) (cf. figure 9).

134 Structure Niveaux de centralisation, formalisation, différenciation fonctionnelle et spécialisation Acteurs Niveau d’éducation, d’expertise, attitude face au

changement Technologies R&D, innovations technologiques de procédés (TIC) Tâches Objectifs, orientations stratégiques

Figure 9 – Les antécédents internes à la lumière de la théorie des systèmes sociotechniques et leurs interactions

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La vision basée sur les ressources (RBV) et son principe de combinaison de ressources (Barney, 1991; Penrose, 1959; Wernerfelt, 1984) offre la possibilité d’élargir le champ des antécédents internes à des ressources plus spécifiques détenues par les entreprises et que la théorie des systèmes sociotechniques, dans sa configuration proposée par Lyytinen et Newman (2008), ne permet pas clairement d’identifier : les ressources humaines et organisationnelles, et les ressources financières. La figure 10 ne reprend que les ressources32 issues de la RBV et non préalablement identifiées par la théorie des systèmes sociotechniques.

Birkinshaw et al. (2008) suggèrent que l’innovation organisationnelle émergent in vitro (p.840), à travers un processus d’interaction entre les acteurs internes et externes de l’entreprise. Par conséquent, l’explication de l’adoption d’une innovation organisationnelle ne peut se suffire des seuls antécédents internes. Bien sûr, les théories sociotechniques et approches RBV, bien que plus axées sur les systèmes et ressources internes qui composent les organisations ou sont détenues par elles, pourraient permettre de dépasser les frontières de la firme. En effet, des développements ont succédé aux visions traditionnelles de ces approches pour considérer que les systèmes sociotechniques peuvent également être envisagés « ouverts » et que des ressources externes peuvent être combinées aux ressources internes dans le cadre de la RBV (Emery et Trist, 1969; Teece, 1986, 1996). Toutefois, nous avons préféré mobiliser un modèle spécifiquement développé pour l’innovation afin d’identifier les antécédents externes de l’adoption d’une innovation organisationnelle : le modèle étendu de l’innovation ouverte (Chiaroni et al., 2010; Lichtenthaler et Lichtenthaler, 2009). Celui-ci inclut aussi bien les sources

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D’autres catégories de ressources sont bien sûr distinguées dans un cadre RBV : ressources physiques, technologiques, réputation…(Penrose, 1959 ; Wernerfelt, 1989 ; Barney, 1991, Grant, 1991).

Système de mobilisation des ressources humaines : formation, récompenses, communication,

participation

•Mécanisme de coordination (caractéristiques structurelles de l'entreprise)

•Systèmes d'information et de communication (TIC)

Ressources humaines et organisationnelles

Ressources financières disponibles

Temps imparti

Ressources matérielles & financières

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