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L’intégration verticale dans le paradigme de la théorie des contrats incomplets

APPORTS ET DES LIMITES DES THÉORIES DE LA FIRME

1. Section 1 Les théories des contrats : une lecture par la coordination d’échange

1.3. La Théorie des contrats incomplets

1.3.3. L’intégration verticale dans le paradigme de la théorie des contrats incomplets

La théorie des contrats incomplets est une théorie de l'intégration verticale avant d'être d’une théorie des relations interfirmes (Sautel, 2006). Les partisans de la théorie des contrats incomplets, et en particulier Grossman-Hart (1986) et Hart et Moore (1990), formulent l’idée que l’intégration verticale engendre des coûts et des bénéfices et que la décision d’intégrer va dépendre de l’effet des actifs développés par chaque firme sur le surplus global. Cette approche distingue les actifs physiques des actifs humains : les premiers incluent tous les actifs non-humains, y compris les actifs immatériels comme les listes des clients et les brevets (Chemla, 1997).

Pour expliquer le recours vers l’intégration verticale, Grossman-Hart (1986) et Hart- Moore (1990) supposent que l’économie se réduit à deux managers (un acheteur (A) et un vendeur (V)) et un actif physique K=(K et 1 K ). Le vendeur (V), en utilisant éventuellement 2 l’actif K, produit une unité d’un bien intermédiaire qu’il peut vendre soit à l’acheteur (A) soit sur le marché. L’acheteur (A) peut acheter ce même bien intermédiaire soit auprès du vendeur (V) soit sur le marché. Il utilise ce bien, éventuellement avec l’actif K, pour produire un bien final. De plus, les deux parties mettent en place des investissements en capital humain afin d’améliorer le bien intermédiaire. Ces investissements sont qualifiés, selon Farès (2008), comme spécifiques car ils sont utiles uniquement dans le cadre de la relation entre les deux managers, et difficilement non redéployables en dehors de cette relation.

Les auteurs avancent que la relation contractuelle entre un acheteur (A) et un vendeur (V) se déroule sur trois périodes (dates 0, 1, 2):

 A la date 0, les parties décident de la répartition d’un ensemble d’actifs physiques (aliénables). Les managers ne peuvent signer qu’un contrat vide qui n’est pas un contrat d’échange au sens standard mais il porte sur l’allocation des droits de propriété des actifs physiques entre les parties (Chaserant, 2007). On distingue ainsi deux structures de propriété des actifs : l’absence d’intégration (KA {k } et 1 K = {V k }) où chaque partie détient un 2 actif physique, et l’intégration (KAKouKVK) où l’une des parties détient l’ensemble

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des actifs physiques. Concernant l’intégration, deux types d’allocations sont possibles. Soit l’acheteur (A) détient l’actif K et dans ce cas, le vendeur (V) devient son employé : on dit alors que l’acheteur (A) intègre le vendeur (V). soit le vendeur déteint l’actif K et dans ce cas l’acheteur (A) devient son employé : on dit alors que le vendeur (V) intègre l’acheteur (A).  A la date 1, l’acheteur et le vendeur développent des investissements humains (inaliénables) non-contractualisables, β et δ respectivement. Ils choisissent simultanément leur niveau de cet investissement.

 A la date 2, les parties négocient pour réaliser l’échange puisque nous avons supposé qu’à la date 0 qu’aucun contrat définissant l’usage des actifs, le niveau des investissements ou les termes de l’échange ne peut être signé. Si au cours de cette négociation les parties se mettent d’accord pour échanger, le surplus de la relation est S (β, σ).

Figure 3: Les relations d’échange selon l’approche des contrats incomplets (Chaserant, 2007, p. 232)

Date 0 Date 1 Date 2

Signature Choix des investissements Décision de production du contrat spécifiques Echangée

Négociation possible

Si les deux parties ne coopèrent pas, l’acheteur (A) reçoit son utilité de réservation )

/

( KA

s  et le vendeur son utilité de réservation s( /KV)et les deux parties n’ont bien évidement pas accès au capital humain de leur partenaire. Par contre, s’ils coopèrent pour échanger ensemble, ils ont accès à la fois à l’actif physique et au capital humain du partenaire. Ainsi on aura (Farès et Saussier, 2002) :

V A

s

s

S

Le partage du surplus assure à chacune des parties de recevoir au moins son option extérieure. La solution de Nash du jeu de négociation assure les gains suivants, notés W :

2[ ( , ) ( / ) ( / )] 1 ) / ( ) , / , ( A V A A A A V V A K K s K S s K s K W          

146 2[ ( , ) ( / ) ( / )] 1 ) / ( ) , / , ( A V V V A A V V V K K s K S s K s K W            Soit : ( / ) 2 1 ) / ( 2 1 ) , ( 2 1 V V A A A S s K s K W       (1) ( / ) 2 1 ) / ( 2 1 ) , ( 2 1 V V A A V S s K s K W        (2)

Anticipant ces gains de la date 2, l’acheteur et le vendeur prennent leur décision d’investissement à la date1. Les incitations des deux parties à investir sont alors données par les conditions du premier ordre :

12S/12sA/ 0 (3)

12S/12sV/0 (4) Ceci détermine un équilibre de Nash du jeu d’investissement(,). De plus, comme on a :

   / / 2 1 / 2 1 S s S A (5) Et    /  / 2 1 / 2 1 S s S A (6) On a :

(,)(

*

,

*

)

(7) L’observation des conditions du premier ordre permet de tirer les trois enseignements suivants (Sautel, 2006 ; Farès, 2008) :

 Un résultat de sous-investissement (« hold-up ») : quelle que soit la forme de propriété de l’actif (intégration par l’acheteur A ou le vendeur V), il y a sous-investissement global par rapport à une situation d’information parfaite et de coopération non-stratégique ;

 Un principe d’arbitrage : donner le contrôle de l’actif à un manger permet d’augmenter ses incitations à investir car il a moins à craindre la défection de son partenaire. Par contre, les incitations de son partenaire et donc son niveau d’investissement sont moindres ;

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 Une règle de l’allocation de la propriété : il faut allouer l’actif au manager dont l’investissement augmente le plus le surplus social ex ante.

Grossman et Hart (1986) différencient alors trois cas :

 Absence d’intégration : personne ne possède le droit de contrôle résiduel quant à l’usage des actifs de l’autre firme;

 L’intégration par l’acheteur : l’acheteur possède le contrôle d'actifs plus que le vendeur. Ceci augmente son option de surpluss , et par conséquent, accroit ses incitations à investir ; A  L’intégration par le vendeur : le vendeur possède le contrôle d'actifs plus que l’acheteur. Ceci augmente son option de surpluss , et par conséquent, accroit ses incitations à investir V

L’allocation des droits de propriété, et par conséquent la détention d’un droit de contrôle résiduel, constitue l’instrument nécessaire et suffisant pour coordonner de manière efficace les incitations en situation de complémentaire des agents et d’investissement spécifique. La théorie des contrats incomplets définit le droit de contrôle résiduel comme le droit de prendre toute décision concernant l’utilisation de l’actif qui n’est pas explicitement exclue par la loi ou spécifie dans le cadre de rapports contractuels (Coriat et Weinstein, 1995, p. 87). C’est la possession de ces droits de propriété qui élimine les craintes de hold-up36 et maximise ainsi les incitations (Sautel, 2006). C’est pour cette raison que les économistes considèrent que les droits de contrôle résiduel constituent le cœur de la théorie des contrats incomplets (Barreiro, 2006). Plus précisément, la théorie des contrats incomplets insiste sur le fait que la seule variable endogène affectant le choix d’investissement de second-best est l’allocation des actifs, du fait de son impact sur les options extérieures. L’allocation des actifs par l’acheteur augmente son option extérieures , ce qui accroît les incitations à investir de A l’acheteur et diminue en même temps l’incitation pour le vendeur. Dans une telle situation, le contrat incomplet d’intégration devient une solution au problème du hold up. Le choix d’intégration va dépendre alors de l’effet des actifs développés dans l’incitation à l’investissement du point de vue des gains de l’échange par chaque firme sur le surplus

36 Hold-up : est une situation dans laquelle les deux firmes, parties au contrat, s’entendent, ex ante, pour mettre

en ouvre des investissements spécifiques à la transaction qui leur permettront de réaliser un surplus ex-post, qu’elles se partageront au terme de la transaction. L’apparition d’événement non prévus conduira forcement à une renégociation du contrat initial et du partage du surplus selon les rapports de force en vigueur. Le hold-up constitue alors un coût de transaction (Mazaud, 2007)

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globale qui dépend de l’allocation des actifs, en général les actifs physiques. Dés lors, l’intégration est souhaitée lorsque l’investissement d’une partie est prépondérant dans la formation du surplus, cette partie devant alors être le propriétaire de l’entité intégrée. En revanche, si les investissements de chaque entreprise ont une importance relative modérée dans la formation du surplus, la non-intégration reste la meilleure solution.

D’une manière générale, en introduisant les notions de contrat incomplet et de droit résiduel de contrôle, les théoriciens de l’approche des contrats incomplets apportent donc une réponse à la question des frontières de la firme. Ils fournissent une explication à l’intérêt de l’intégration verticale fondée sur le lien entre propriété des actifs et droits résiduels de contrôle sur l’actif physique, qui est au cœur de la transaction.

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