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Magnifique discutent de la question de l’intégration

I.2 L’intégration à l’épreuve de la pauvreté

Il faut dire que le roman d’Azouz Begag est hanté par le désir d’avoir une vie aisée. L’argent devient donc une quête importante chez notre protagoniste. Parce que vivant dans un espace de démunis, le héros n’a d’autres choix que de chercher à améliorer ses conditions de vie :

Je sais bien que j'habite dans un bidonville de baraques en planches et en tôles ondulées; et que ce sont les pauvres qui vivent de cette manière. Je suis allé

276 Ibid., p. 216. 277 Ibid., p. 216.

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plusieurs fois chez Alain, dont les parents habitent au milieu de l'avenue Monin, dans une maison. J'ai compris que c'était beaucoup plus beau que dans nos huttes, Et l'espace ! Sa maison à lui, elle est aussi grande que notre Chaâba tout entier. Il a une chambre pour lui tout seul, un bureau avec des livres, une armoire pour son linge.278

Azouz essaie de justifier, d’une part, la raison pour laquelle les enfants du Chaâba ne prennent pas part aux discussions du maître. Comment parler de morale alors que les chaâbis vivent dans des conditions déplorables ? D’autre part, en rappelant les conditions précaires dans lesquelles ils vivent au Chaâba tout en étant, malgré cela, bien conformes à la morale du maître, le jeune Azouz montre à quel point il est exceptionnel. Un autre paramètre s’impose également, le principe de « l’égalité ». Pourquoi le maître traite-t-il tout le monde de la même manière ? La pauvreté structure donc le récit de Begag au point où le jeune personnage parait hanté par cette condition gênante :

Il ne répond pas puis change soudainement de conversation : - T’as regardé la télé hier ?

- Non. Chez moi, on n’a pas encore la télé. Jean marc semble ébahi. Il réitère :

- vous n’avez pas la télé ?

- non. Et même qu’on n’a pas d’électricité dans notre maison.279

Les conditions de vie du petit Azouz sont tellement différentes de celles des Français de sa classe, qu’il cherche absolument à s’en défaire, car il pense bien que c’est à cause de la misère ou du manque de moyens que les gens du Chaâba restent derniers de la classe :

J’ai honte de mon ignorance. Depuis quelques mois, j’ai décidé de changer de peau. Je n’aime pas être avec les pauvres, les faibles de la classe. Je veux être dans les premières places du classement, comme les Français.280

Le narrateur associe intimement l’échec à la pauvreté. Le petit Azouz prend bien conscience que sa condition de fils du pauvre constitue une vraie

278 Ibid., p. 57.

279 Ibid., p. 81. 280 Ibid., p. 58.

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entrave quant à sa promotion sociale. En même temps, le narrateur revendique sa reconnaissance en tant que Français qui s’intègre par le biais de l’école. Il cherche, à travers un bon classement, sa promotion sociale. Ainsi, déclare-t-il : « À la fin de la matinée, au son de cloche, je sors de la classe, pensif, à demi assommé. Je veux prouver que je suis capable d’être comme eux. Mieux qu’eux. Même si j’habite au Chaâba ».281

La pauvreté représente, certes, un obstacle important quant à la réussite du petit Azouz à l’école, mais sa réussite scolaire n’est pas seulement un pas vers l’intégration, elle constitue un moyen de se reformuler et de sortir de cette misère qui, pour lui, n’est pas du tout conforme à la vie des Français de sa classe. Ainsi, le savoir est-il le seul espoir pour Azouz pour qu’il puisse un jour devenir un Français ni riche, ni pauvre, mais un Français moyen qui suit le mouvement social. Un autre élément fait éruption dans le récit de Begag, l’argent. Il est tout à fait logique que l’argent soit aussi un thème inhérent au récit d’Azouz Begag, puisque la pauvreté est un thème structurant le récit et implique automatiquement la volonté du héros à vouloir s’en débarrasser. Le thème de l’argent structure donc, à son tour, le récit et prend part à divers événements comme lorsque l’élève Moussaoui insulte le maître d’école et que ce dernier, pour le calmer, le menace de lui ôter les allocations familiales que touchent ses parents : « Continuez ! Quand vos parents ne toucheront plus les allocations familiales, vous serez content ! »282 A ces termes, l’élève choisit de se calmer, ce qui montre que toute sa famille est dans le besoin au même titre que tous les autres chaâbis de sa classe. L’argent apaise également les enfants du Chaâba, spécialement ceux qui pourchassent les quelques prostituées qui viennent exercer leur métier prés du Chaâba :

La pute lève les bras :

- Non, attendez, j’ai quelques choses à vous proposer, dit-elle en s’adressant aux ainés. C’est vous les caïds, je suppose. […] La pute ouvre alors son sac à main. Nous faisons tous quelques pas en arrière, mais elle nous rassure : - N’ayez pas peur. Attendez un moment…

Elle saisit son porte-monnaie, l’ouvre sous nos yeux, en retire un billet de 5 francs et le tend à Rabeh.

- Tiens, prends ça ! Maintenant, vous me laissez travailler ! D’accord ?

281 Ibid., p. 58. 282 Ibid., p. 98.

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Sans demander son reste, Rabah ordonne de rebrousser chemin, promettant à la pute compréhension et protection.283

L’insurrection des enfants du Chaâba contre la prostitution peut

s’expliquer d’un point de vue religieux. La prostitution ou la luxure demeurent, dans la religion arabo-musulmane, interdites. Celui qui s’adonne à cet acte est puni et châtié dans la religion musulmane, et c’est ce que ces enfants,

consciemment ou non, feraient subir à ces débauchées. Mais ce qui est frappant dans ce passage, c’est que ces défenseurs de la morale renoncent à leur combat contre de la monnaie offerte par la femme en question.

I.3 Le facteur culturel est-il un obstacle à l’intégration ?