• Aucun résultat trouvé

L’influence de la formation des maitres sur la représentation sociale de

CHAPITRE 3 – LA REPRÉSENTATION SOCIALE DE L’ÉDUCATION

3.2 L’influence de la formation des maitres sur la représentation sociale de

Le premier questionnement évoqué dans le cadre méthodologique, outre la description des différentes sphères de la représentation, consiste à s’interroger sur le lien entre la représentation sociale et la formation initiale en pédagogie.

Au regard du tableau 3.3, on constate tout d’abord que les huit informateurs n’ayant pas reçu de formation en pédagogie optent majoritairement (cinq cas) pour une conception humaniste de l’éducation. Également, la totalité de ceux ayant une vision néolibérale (soit deux informateurs) n’ont pas suivi de formation initiale en pédagogie. À l’opposé, parmi les neuf ayant reçu une formation en pédagogie, quatre s’identifient à la vision progressiste. En outre, la totalité (soit trois cas) des informateurs associés à la conception utilitariste a reçu une formation initiale en pédagogie. En somme, une forte majorité (sept sur neuf) des informateurs ayant reçu une formation en pédagogique adhèrent aux visions utilitariste ou progressiste alors que la quasi-totalité (sept sur huit) de ceux n’ayant pas reçu ce type de formation s’identifie aux conceptions humaniste ou néolibérale, comme l’illustre le tableau 3.3 :

Tableau 3.3 : Répartition des informateurs selon leur type de conception de l’éducation et leur formation pédagogique

Informateurs Humaniste Néolibérale Utilitariste Progressiste Formation pédagogique 1 X Non 2 X Certificat 3 X DESS 4 X Non 5 X Microprogramme 6 X Non 7 X Certificat 8 X DESS 9 X Baccalauréat 10 X Non

11 X DESS (en cours)

12 X DESS 13 X Non 14 X Non 15 X Non 16 X DESS 17 x Non Total avec 2 0 3 4 9 Total sans 5 2 0 1 8 Total avec 2 7 9 Total sans 7 1 8

Au vu de ces résultats, des questions se posent. De prime abord, les conceptions néolibérale et utilitariste auraient pu s’opposer aux conceptions humaniste et progressiste, du moins lorsqu’on les analyse sur la base des paramètres explorés précédemment (soit l’importance accordée au public ou au privé et l’objectif de développement de la personne, voir figure 3.4). Pourtant, c’est un troisième paramètre qui divise ici les informateurs, creusant un fossé, bien plus profond celui-là, entre les conceptions humaniste et néolibérale, d’une part, et les conceptions progressiste et utilitariste de l’autre. Voyons quels rapprochements peuvent être faits entre les conceptions des deux groupes.

Les conceptions humaniste et néolibérale, bien qu’elles s'opposent sur le plan des valeurs quant à la primauté du bien commun ou du bien individuel, sont comparables dans leurs objectifs de développement multidimensionnel de la personne (transmission de valeurs sociétales communes, perpétuation d’un certain héritage cultuel et développement d’un être cultivé, instruit, libre et rationnel). En outre, elles ont en commun une certaine valorisation de la réflexion intellectuelle que l’on retrouve moins dans la conception utilitariste, mais également un peu moins dans la conception progressiste.

Par ailleurs, les conceptions progressiste et utilitariste sont toutes deux semblables quant à l’importance qu'elles accordent à la capacité d’agir, d’entrer en action. C’est peut-être plus sur la base de ce paramètre opposant la doctrine philosophique de l’utilitarisme (pragmatisme) à celle de l’idéalisme (intellectualisme), que se cristallise la dimension affective de la représentation sociale en termes d’identité et de valeurs chez les enseignants. Ce paramètre, bien qu’il ne soit pas apparu formellement dans le discours des informateurs ni dans la typologie de Savard, parait causer un véritable schisme idéologique entre ces deux groupes. Il divise pourtant clairement les informateurs ayant reçu une formation initiale en pédagogie de ceux n’en ayant pas reçu, les premiers s’identifiant à une conception de l’éducation en rapport aux pratiques et, les second, en rapport à la réflexion, les uns en termes de capacité à agir, les autres en termes de capacité à penser.

Ce clivage pourrait expliquer une certaine animosité, relevée précédemment dans les commentaires des informateurs, par les tenants de la conception humaniste et néolibérale particulièrement sur la conception utilitariste, mais également sur celle progressiste, qu’ils associent à de l’anti-intellectualisme ou à un matérialisme inapproprié. À titre d’exemple, l’informateur 13 (M, N, SH) affirme :

Moi, je me dis qu’au Québec, tu sais, c’est comme une vieille tradition un peu anti intellectuelle… Les gens vont mettre de l’argent, et vont être tellement contents, ceux qui ont les moyens, pour acheter un char à leur enfant pour le cégep. Heille, me semble que ce serait tellement mieux de mettre cet argent- là pour dire, tiens, tu vas avoir l’université gratos, mon gars, ma fille. C’est quelque chose qui se fait beaucoup au Canada anglais et aux États-Unis également, tu sais, une espèce de valorisation des études, pis ça je trouve que c’est une carence de la société québécoise, tu sais, le fait de ne pas accorder d’importance aux études. (Informateur 13 : M, N, SH)

Dans le même sens, les tenants des conceptions utilitariste ou progressiste ressentent aussi ce clivage. L’informateur 5 (F, O, SN) exprime, spontanément, ressentir cette division : « C’est sûr que ça change. On s’entend que moi je suis une étudiante du contenu, pis là on arrive à la compétence, fait qu’il y a eu un peu, dans les cours de pédagogie, ce clash-là, de : OK, ben là il faut enseigner avec la compétence […] Le département est quand même assez ouvert, c’est quelque chose qui est central au département même s’il y a certaines résistances. Mais cette dichotomie là on la retrouve dans tous les départements ». Dans le même sens, après avoir affirmé pencher vers une vision plutôt utilitariste, l’informateur 9 (M, O, SN) affirme : « Quand je pense à ça, je m’imagine automatiquement ceux qui voient ça comme une vision trop mécanique de l’enseignement… mais ça demeure ça! »

3.3 L’influence des programmes enseignés sur la représentation sociale de