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Conclusions sur la description de la représentation sociale de l’éducation

CHAPITRE 5 LA REPRÉSENTATION SOCIALE DE L’ÉTUDIANT ET DE

6.1 Conclusions sur la description de la représentation sociale de l’éducation

Afin de mettre en lumière ce qui caractérise la représentation sociale de l’éducation chez les professeurs du collégial préuniversitaire, je me suis d’abord intéressée aux aspects collectifs, aux éléments consensuels et partagés par l’ensemble de mes informateurs. Pour Abric, rappelons-le, ces éléments stables, restreints à un petit nombre, permettent de définir l’essence de la représentation propre à un groupe. Par l’analyse des entrevues menées auprès de professeurs, j’ai donc circonscrit les éléments fondamentaux et communs de la représentation sociale.

En ce sens, j’ai décrit les tendances communes à chaque dimension (cognitive, affective et comportementale) au regard de chaque sphère. Décrire la dimension cognitive de la représentation sociale de l‘éducation a nécessité de cerner les conceptions qu’ont les enseignants du collégial de l’éducation. Pour ce faire, j’ai dégagé des typologies caractérisant la conception des informateurs relativement à la sphère sociale, puis institutionnelle, puis individuelle. Ensuite, j’ai utilisé ces typologies pour explorer la dimension affective de la représentation : j’ai fait ressortir l’organisation interne de la

représentation en faisant mettant en lumière la fonction identitaire, la valeur relative accordée à chaque catégorie de la typologie ainsi que les jugements portés par mes informateurs sur celles-ci. Enfin, en sondant les attitudes, les actions et les pratiques des enseignants, je me suis appliquée à décrire la dimension comportementale de leur représentation.

Il est ressorti, en ce qui concerne la sphère sociale et sur le plan de la dimension cognitive, que la représentation des enseignants correspondait à une typologie préexistante proposant quatre conceptions de l’école – et de l’éducation – dans la société : progressiste, humaniste, néolibérale ou utilitariste. J’ai constaté que la vision humaniste de l’éducation, soit celle véhiculée par notre système éducatif collégial depuis la Commission Parent et qui veut que l’éducation soit accessible à tous et axée sur la transmission de valeurs sociétales communes, est celle qui est la plus répandue. Sur le plan de la dimension affective, les trois autres conceptions (progressiste, néolibérale et utilitariste) ont toutes été critiquées, alors que la conception humaniste a fait consensus : elle est valorisée par tous, même si ce n'est pas toujours au premier titre. En fait, tous les informateurs affirment être des tenants de l’éducation humaniste, même lorsqu’ils tendent, sur le plan de la dimension comportementale, vers une autre catégorie. En effet, quelques légères incongruités entre les dimensions cognitive et affective d’une part, et la dimension comportementale d’autre part, sont relevées. Malgré tout, sur le plan de la sphère sociale, la représentation est caractérisée par une impression collective et partagée d’adhérer à une vision humaniste de l’éducation comme cadre de référence et comme valeur fondamentale commune.

En ce qui a trait à la sphère institutionnelle et sur le plan de la dimension cognitive, la représentation des enseignants s’est cristallisée autour de quatre visées de développement dévolues au système collégial : les visées de développement disciplinaire, académique, professionnel ou personnel et global. Sur le plan de la dimension affective, il y a consensus : la presque totalité des enseignants identifie, sous différentes formes, la visée de développement académique (la préparation à la poursuite d’études universitaires en termes de maturité intellectuelle ou personnelle) et la visée de développement global (en termes de culture générale, de citoyenneté ou de développement personnel et social) comme faisant partie de leur vision de l’éducation et de la raison d’être de l’institution collégiale. Ils considèrent que l’enseignement de leur discipline (la visée disciplinaire) est plutôt un prétexte, en somme, à la transmission et à

l’apprentissage d'éléments qu’ils jugent plus fondamentaux, liés à ces deux premières visées comme, par exemple, des connaissances générales, des habiletés de travail intellectuel ou des attitudes essentielles. En outre, la visée de développement professionnel est conçue comme moins essentielle que les trois autres. Au niveau de la sphère institutionnelle, les dimensions cognitive et affective semblent donc cohérentes avec la vision humaniste identifiée au niveau de la sphère sociale. En effet, les visées académique et globale réfèrent au développement d’une culture générale et à une vision holistique de la personne, contrairement aux visées de développement disciplinaire et professionnel qui s’avèrent plus spécifiques. Enfin, toujours en ce qui concerne la sphère institutionnelle, mais relativement à la dimension comportementale, aucune pratique déclarée n’a été mise en relation.

Pour ce qui est de la sphère individuelle, j’ai d’abord établi que les informateurs se positionnent tous dans l’une ou l’autre des quatre conceptions de l’apprentissage (comportementalisme, constructivisme, cognitivisme ou socioconstructivisme) au regard des trois pôles distinguant ces courants pédagogiques (objet/processus, instruction/action et symbolique/subsymbolique). Au niveau de la dimension affective, il est apparu que les enseignants valorisent majoritairement, dans leur discours, les pôles visant l’apprentissage de processus en passant par des méthodes d'apprentissage actif faisant appel à des moyens axés sur l’observation et la transmission par habituation. Ce faisant, ils se positionnent, pour la vaste majorité, dans une conception socioconstructiviste de l’apprentissage alors que quelques-uns se situent dans une conception plus constructiviste. Toutefois, la dimension comportementale s’écarte largement des dimensions cognitive et affective. Les pratiques des informateurs sont uniformément les mêmes, inscrites dans la tradition constructiviste. Ainsi, des contradictions flagrantes apparaissent entre ce qui est, d’une part, largement conçu et valorisé dans le discours et ce qui est, d’autre part, effectivement et unanimement fait. Ces incohérences semblent traduire une forme d’inconfort interne dans la représentation que les professeurs se font de leur rôle et de celui de l’étudiant. Des hypothèses ont été émises pour expliquer ces incohérences également pressenties au niveau de la sphère sociale : les informateurs semblent ressentir des pressions pour se conformer à des pratiques qui leur semblent être socialement désirables, mais auxquelles ils n’adhèrent pas véritablement. Ils en viendraient donc à adapter leur discours en ce sens, sans que cela se traduise pour autant dans leurs attitudes et leurs comportements.

En somme, la représentation sociale de l’éducation des enseignants du collégial préuniversitaire est largement tournée vers une vision humaniste de l’éducation, axée sur la culture générale et le développement global de la personne, et ce, sur la base d’une conception de l’apprentissage tergiversant entre le cognitivisme et le socioconstructiviste. Une forme de déchirement semble ainsi s’exprimer entre une vision plus traditionnelle et une vision plus progressiste de l’éducation humaniste classique.

6.2 Conclusions sur l’influence de la formation des maitres et du

programme enseigné

Le second objectif de cette recherche était d’examiner, par une analyse du discours, comment les trois dimensions de la représentation sociale sont susceptibles d’être influencées par des facteurs externes, soit l’influence de la formation des maitres et l’influence du programme enseigné. Il s’agissait cette fois de voir, au niveau de la sphère sociale, institutionnelle puis individuelle, ce qui diverge selon ces sous-groupes lorsqu’on les compare.

6.2.1 Sur la formation des maitres

D'une part, j’ai examiné l’influence potentielle de la formation des maitres sur la représentation sociale de l’éducation qu’ils s’en constituent. Je souhaitais voir si une orientation idéologique, transmise à l’enseignant au cours de la formation universitaire en pédagogie, orientait sa vision ou ses pratiques en classe, sa manière de voir, de concevoir ou d’appréhender son rôle et sa fonction.

Sur le plan de la sphère sociale et par rapport à la formation des maitres, une division a été relevée entre les professeurs ayant une formation initiale en pédagogie et ceux n’en ayant pas. Les conceptions humaniste et néolibérale de l’éducation sont privilégiées par les enseignants n’ayant pas reçu de formation en pédagogie alors que les conceptions progressiste et utilitariste sont préférées par ceux en ayant reçu une. À cet effet, le clivage est apparent : les tenants de la conception humaniste et néolibérale s’avèrent très critiques à l’endroit de la conception utilitariste comme de celle progressiste, qu’ils associent à de l’anti-intellectualisme ou à un matérialisme inapproprié. En effet, les conceptions humaniste et néolibérale ont entre autres en commun la valorisation de la réflexion intellectuelle, contrairement aux conceptions progressiste et utilitariste qui ont en commun l’importance accordée à la capacité d’agir, d’entrer en action. C’est sur la base de ce paramètre d’utilitarisme (pragmatisme) et d’idéalisme (intellectualisme) que se

cristallise une certaine division de la représentation sociale entre les informateurs ayant reçu une formation initiale en pédagogie de ceux n’en ayant pas reçu.

En ce qui concerne la sphère institutionnelle et vis-à-vis de la formation des maitres, une différence a là aussi été relevée entre les enseignants ayant une formation initiale en pédagogie et ceux n’en ayant pas. Au final, les enseignants des deux groupes (avec ou sans formation initiale en pédagogie) ont une représentation relativement équivalente de la formation collégiale : ils identifient les mêmes quatre grandes visées de développement (disciplinaire, académique, professionnel et global) dévolues à l’institution collégiale. Cependant, sur le plan de la dimension cognitive, les enseignants n’ayant pas de formation en pédagogie ont une vision plus fine et mieux définie de ces visées, particulièrement de celles liées au développement académique et global.

Enfin, par rapport à la sphère individuelle, aucun constat ne se dégage des propos des informateurs en ce qui concerne l’influence de la formation des maîtres sur la représentation sociale du professeur et de l’étudiant. Quoique les dimensions cognitive et affective varient d’un informateur à l'autre, cela n’est pas lié à la présence d’une formation initiale en pédagogie. Sur le plan de la dimension comportementale, les pratiques sont cette fois unanimement les mêmes chez tous les enseignants, peu importe la formation. Un malaise s’exprime par l’incohérence de cette représentation où les dimensions affective et cognitive présentent un discours qui ne se traduit pas dans la dimension comportementale au regard du rapport de l’enseignant à l'étudiant. Ce constat soulève un questionnement relatif à la valorisation croissante de la formation en pédagogie dans l’enseignement postsecondaire et au malaise ressenti à cet effet, par les enseignants.

6.2.2 Sur le programme enseigné

D’autre part, je me suis intéressée à observer si le programme dans lequel le professeur enseigne (Sciences humaines ou Sciences de la nature) a une influence sur la manière dont se caractérise ou s'organise l’une ou l’autre des dimensions de la représentation sociale, sous l’influence d'une vision du monde propre aux formations disciplinaires liées à ce programme ou aux caractéristiques des gens de ces milieux.

Sur cette question, en ce qui a trait à la sphère sociale, aucune tendance globale ne se dégage. La répartition des enseignants de Sciences humaines et de Sciences de la nature entre les quatre types de conceptions de l’éducation se fait pareillement, peu importe le

programme enseigné, et ce, bien que des différences selon les disciplines enseignées auraient potentiellement pu être observées.

Pour ce qui est de la sphère institutionnelle, la représentation que s’en font les professeurs diffère selon le programme. Il ressort de l’analyse que les professeurs de Sciences humaines se font une représentation plus multidimensionnelle de la visée de développement global remplie par l’institution collégiale que les enseignants de Sciences de la nature. En effet, en ce qui concerne cette visée de développement global, les aspects de culture générale et de citoyenneté sont plus souvent évoqués en Sciences humaines qu’en Sciences de la nature. Par ailleurs, c’est le troisième aspect de cette visée, soit l’aspect de développement personnel et social, qui constitue l’objet essentiel de la représentation en Science de la nature.

Pour ce qui est de la sphère personnelle, une forme de conviction en un enseignement humaniste classique semble profondément ancrée, peu importe le programme préuniversitaire enseigné. Cependant, des différences à ce niveau auraient sans doute été révélées si des programmes préuniversitaires, au lieu d’être comparés entre eux, avaient été comparés à des programmes techniques.