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CHAPITRE 4 – LA REPRÉSENTATION SOCIALE DE L’INSTITUTION

4.1 Description de la représentation sociale de l’institution

4.1.4 Description de la visée de développement global

La visée de développement global est celle qui a été le plus souvent spontanément identifiée après la visée de développement académique, soir 15 fois sur 17 (voir tableau 4.1, page 54). Les informateurs tendent à faire part de leur vision de cette visée de la mission des collèges en décrivant différents aspects, allant de l’acquisition d’une « culture générale » (en termes de connaissances de base et de culture commune, etc.) jusqu’au développement personnel (meilleure connaissance de soi, plus grande autonomie, responsabilisation, etc.) en passant par la formation « citoyenne » (ouverture sur le monde, participation à la vie démocratique, exercice d’un jugement éclairé vis-à-vis d’enjeux sociaux, etc.). Comme on peut le voir dans le tableau 4.3, à la page suivante, 7 enseignants mentionnent un seul de ces aspects, alors que 3 autres en mentionnent deux et que 5 enseignants mentionnent tous les trois aspects.

En lien avec cette visée, 10 enseignants (voir tableau 4.3, page suivante) mentionnent la contribution de l’institution collégiale au développement d’une « culture générale », soit en utilisant directement cette appellation, mais aussi en termes d’« offrir un bon éventail de connaissances générales », de « formation de base », de « culture commune » ou de « bagage culturel ». À cet égard, plusieurs mentionnent l’apport important de la formation générale (cours de philosophie et de littérature notamment). Entre autres, l’informateur 4 (M, N, SH) dit : « c’est de la connaissance générale qu’ils gagnent à travers tout ça, en préU [programmes préuniversitaires] toujours, et même dans le secteur technique avec les cours de formation générale, de philo et tout ça ».

L’informateur 7 (M, O, SH) va dans le même sens en affirmant :

Quand on regarde les jeunes qui sortent du collégial, quand on a la chance de les avoir en première session versus les étudiants de deuxième année, quatrième session qui se préparent à partir à l’université, bien, on voit qu’ils ont un méchant bout de chemin de fait et ils le reconnaissent bien souvent les étudiants eux-mêmes qu’ils se voient vraiment différemment à partir du moment qu’ils ont terminé leurs études au collégial […] entre autres par les connaissances générales qu’ils sont allés chercher à travers tout ça et c’est important, justement, de valoriser toute la formation générale, il y a beaucoup de travail qui est fait à ce niveau-là. (Informateur 7 : M, O, SH)

Tableau 4.3 : Aspects évoqués quant à la visée de développement global

Inform

ateur Culture générale Citoyenneté Personnel et social Total

1 x 1 2 x 1 3 x x 2 4 x x x 3 5 x x x 3 6 x 1 7 x 1 8 0 9 0 10 x x x 3 11 x 1 12 x 1 13 x x 2 14 x x 2 15 x x x 3 16 x x x 3 17 x 1 Total 10 9 9

Par ailleurs, le tableau 4.3 permet également de constater que 9 enseignants traitent de l’apport des études collégiales dans la formation « de citoyens plus éclairés » (informateur 2 : M, O, SH). L’idée qui se dégage des propos de ceux qui abordent ce second aspect de la visée de développement social relève de l’ouverture sur le monde : élargir les horizons, comprendre dans quel monde on vit et la vie en société, développer une « citoyenneté critique », etc.

À cet égard, plusieurs évoquent que c’est l’âge où les jeunes deviennent adultes et se politisent. À ce sujet, l’informateur 9 (M, O, SN), après avoir mentionné que la mission du cégep est entre autres de « faire un meilleur citoyen », précise comment cela se concrétise : « Souvent, c’est au cégep que l’étudiant va être mis en contact avec

l’importance des associations étudiantes, de différents groupes, tu sais, comme si on parle de l’année passée, ils ont eu à voter la grève ou pas. C’est la première fois qu’ils ont à prendre des décisions citoyennes, à être actifs. Ils deviennent adultes, alors c’est leurs premières décisions en tant qu’adulte qu’ils prennent, c’est ça, c’est important ».

Enfin, neuf enseignants mentionnent le troisième et dernier aspect de la visée de développement social, l’évoquant le plus souvent en mentionnant l’atteinte d’une certaine « maturité » de la personne, un apprentissage du sens des responsabilités et de l’autonomie. L’informateur 13 (M, N, SH), mentionne tout d’abord à cet effet : « il ne faut pas se le cacher, le cégep c’est aussi un lieu de socialisation ». « C’est une étape importante pour le développement de la personne en termes d’autonomie et de maturité. Pour certains c’est le départ de chez les parents, c’est une étape importante dans la définition de l’identité » (informateur 10 : M, N, SH). Quelques-uns mentionnent que si l’institution collégiale remplit cette mission, c’est plus en raison de l’âge des étudiants qui la fréquentent. Cette maturité ne découle pas nécessairement du passage au cégep, mais le passage au cégep coïncide avec un moment charnière dans la vie. Par exemple, l’informateur 17 (F, N, SN) mentionne : « C’est un âge tellement important. Ça se ferait même sans l’école, mais l’école est un maudit bon terreau pour structurer ça ».

En ce qui concerne les trois autres visées de développement qui constituent la représentation sociale de l’institution collégiale chez les enseignants rencontrés, la visée de développement global est l’une des plus importantes, à la fois en raison de la fréquence de sa mention qu’en raison de l’importance affective que lui accordent plusieurs des enseignants lorsqu’ils s’expriment à ce sujet.

Comme au chapitre précédant, après avoir décrit la représentation sociale que les enseignants se font de cette sphère, je m’intéresserai à présent à explorer les liens entre la représentation sociale et la formation initiale en pédagogie, puis entre la représentation sociale et le programme enseigné.

4.2 L’influence de la formation des maitres sur la représentation sociale de

l’institution

Le premier questionnement évoqué dans le cadre méthodologique, outre la description des différentes sphères de la représentation, consiste à s’interroger sur le lien entre la représentation sociale et la formation initiale en pédagogie reçue, ou non, par les enseignants. Au regard du tableau 4.4, ci-dessous, les informateurs n’ayant pas reçu de

formation en pédagogie évoquent, en moyenne, un plus grand nombre de visées en lien avec leur représentation de l’institution. Toutefois, bien que ceux n’ayant pas reçu de formation en pédagogie identifient un plus grand nombre de visées, aucune visée n’est particulièrement privilégiée par l’un ou l’autre groupe. Les informateurs se répartissent ainsi de manière sensiblement proportionnelle à l’échantillon à l’intérieur de chaque visée.

Tableau 4.4 : Visées de développement identifiées selon la formation initiale en pédagogie

Informateur Visées de développement Total Formation

pédagogique

Disciplinaire Académique Professionnel Global

1 X X X X 4 Non 2 X X X X 4 Certificat 3 X X X 3 DESS 4 X X X X 4 Non 5 X X X 3 Microprogramme 6 X X 2 Non 7 X X X 3 Certificat 8 X 1 DESS 9 X 1 Baccalauréat 10 X X X X 4 Non

11 X X X 3 DESS (en cours)

12 X X X X 4 DESS 13 X X X X 4 Non 14 X X X X 4 Non 15 X X 2 Non 16 X X X 3 DESS 17 X X 2 Non Total avec 5 8 5 7 - 9 Total sans 5 8 5 8 - 8

Cependant, si l’on décortique plus en détail la visée académique, on découvre que les 5 informateurs qui mentionnent que le collégial prépare à la poursuite d’études universitaires sans spécification particulière (voir section 4.1.2) ont tous une formation en pédagogie (voir tableau 4.5, page suivante). À l’inverse, c’est la totalité de ceux qui n’ont pas de formation en pédagogie qui spécifie ce qu’ils veulent dire au moment de parler de préparation à la poursuite d’études universitaires. Cette visée semble donc être plus précisément conceptualisée par ces derniers. L’écart entre les deux groupes, soit celui avec et celui sans formation initiale en pédagogie, est également important par rapport à l’importance accordée aux habiletés méthodologiques et intellectuelles favorisant la poursuite d’études. En effet, c'est 7 des 8 informateurs n’ayant pas de formation en pédagogique qui mentionnent la visée académique en spécifiant que le cégep participe à la maturité intellectuelle des étudiants. Au contraire, 2 des 3 informateurs qui, au moment de mentionner la visée académique spécifient que c’est plutôt sur le plan de la maturité personnelle, ont pour leur part reçu une formation initiale en pédagogie, tel que l’illustre le tableau 4.5 :

Tableau 4.5 : Aspects évoqués quant à la visée de développement académique selon la formation initiale en pédagogie

Enfin, si l’on se réfère au tableau 4.6, il est intéressant de comparer les deux groupes (avec ou sans formation initiale en pédagogie) en décortiquant plus en détail la visée de développement global, telle que présentée précédemment (voir section 4.1.4). Ce faisant, on constate que les informateurs sans formation initiale en pédagogie mentionnent, en moyenne, plus fréquemment les différents aspects de cette visée de développement global (soit : « culture générale », « citoyenneté » et « personnel et social »), que ceux qui ont une formation en pédagogie.

En outre, bien que les aspects « culture générale » et « citoyenneté » prévalent de manière relativement équivalente chez les enseignants peu importe leur formation, l’aspect « développement personnel et social » fait l’objet d’une préoccupation largement plus fréquente chez les professeurs n’ayant pas reçu de formation en pédagogie (à raison de 7 sur 8 enseignants contre 2 sur 9, voir tableau 4.6 à la page suivante).

Informateur

Mention sans spécification

Mention avec spécification Formation

pédagogique

indirecte directe Maturité intellectuelle Maturité personnelle 1 X Non 2 X Certificat 3 X DESS 4 X Non 5 X Microprogramme 6 X Non 7 X Certificat 8 X DESS 9 X Baccalauréat 10 X Non

11 X DESS (en cours)

12 X DESS 13 X Non 14 X Non 15 X Non 16 X DESS 17 X Non Total avec 1 4 2 2 9 Total sans 0 0 7 1 8

Tableau 4.6 : Aspects évoqués quant à la visée de développement global, selon la formation initiale en pédagogie

Informateur Culture générale Citoyenneté Personnel et social Total Formation pédagogique 1 X 1 Non 2 X 1 Certificat 3 X X 2 DESS 4 X X X 3 Non 5 X X X 3 Microprogramme 6 X 1 Non 7 X 1 Certificat 8 0 DESS 9 0 Baccalauréat 10 X X X 3 Non

11 X 1 DESS (en cours)

12 X 1 DESS 13 X X 2 Non 14 X X 2 Non 15 X X X 3 Non 16 X X X 3 DESS 17 X 1 Non Total avec 5 5 2 - 9 Total sans 5 4 7 - 8

Au final, quoique les enseignants des deux groupes (avec ou sans formation initiale en pédagogie) ont une représentation sociale relativement équivalente de la formation collégiale, les enseignants n’ayant pas de formation en pédagogie ont toutefois une vision plus clairement définie des visées académique et globale de celle-ci.

4.3 L’influence des programmes enseignés sur la représentation sociale de

l’institution

Sur cette question, se dégage une tendance globale : les enseignants de Sciences humaines se représentent de manière plus large le rôle et la fonction de l’institution collégiale. En effet, des 9 enseignants de ce programme, un seul n’identifie que deux des 4 visées (la visée de développement académique et la visée de développement global) alors que 4 évoquent la totalité des visées. Lors des entrevues, c’est en moyenne 3 des 4 visées que les informateurs de ce programme identifient spontanément. En contrepartie, dans le cas des professeurs du Sciences de la nature, bien qu’il soit 3 informateurs à identifier la totalité des visées, 2 informateurs de ce programme n’en identifient qu’une seule. En moyenne, c’est moins de 3 visées que les informateurs de Sciences de la nature évoquent. Sans prétendre que ces valeurs soient statistiquement significatives en raison du faible échantillon, elles tendent à montrer une tendance quant à une représentation plus ou moins holistique de l’institution collégiale selon le programme de formation enseigné (voir tableau 4.7, page suivante).

Tableau 4.7 : Visées de développement identifiées selon le programme enseigné

Informateur Visées de développement Total Programme

enseigné

Disciplinaire Académique Professionnel Global

1 X X X X 4 Sciences de la nature 2 X X X X 4 Sciences humaines 3 X X X 3 Sciences humaines 4 X X X X 4 Sciences humaines 5 X X X 3 Sciences de la nature 6 X X 2 Sciences de la nature 7 X X X 3 Sciences humaines 8 X 1 Sciences de la nature 9 X 1 Sciences de la nature 10 X X X X 4 Sciences humaines 11 X X X 3 Sciences humaines 12 X X X X 4 Sciences de la nature 13 X X X X 4 Sciences humaines 14 X X X X 4 Sciences de la nature 15 X X 2 Sciences humaines 16 X X X 3 Sciences humaines 17 X X 2 Sciences de la nature Total SH 7 9 5 9 - 9 Total SN 3 7 5 6 - 8

Il est à noter, si l’on poursuit en comparant de manière générale les deux programmes, que les visées de développement académique et de développement global sont mentionnées par la totalité des enseignants en Sciences humaines (voir tableau 4.7). C’est ensuite les visées de développement disciplinaire, puis professionnel, qui sont évoquées. Dans les cas des enseignants en Sciences de la nature, aucune visée ne fait l’unanimité. C’est toutefois les visées de développement académique, puis de développement global qui remportent la faveur, comme chez les informateurs du programme Sciences humaines.

C’est au regard de la visée de développement disciplinaire que l’écart le plus important entre les deux programmes est observable. Avec étonnement, 3 enseignants sur 8 de Sciences de la nature mentionnent cet aspect, contre 7 sur 9 en Sciences humaines. Rappelons toutefois que chez l’ensemble des enseignants, à l’exception d’un cas (en Sciences de la nature), la transmission de connaissances, d’habiletés ou de compétences d’ordre disciplinaire est perçue (même lorsque mentionné en premier) essentiellement comme un moyen d’atteindre l’une des trois autres visées, qu’ils jugent plus fondamentales, plutôt que comme une fin en soi.

Au regard de la visée de développement académique, aucune tendance ne se dégage selon le programme enseigné. Une vision commune de cette visée ressort des entrevues, peu importe le programme enseigné.

Toutefois, chez les enseignants du programme Science de la nature, la visée de développement professionnel prime sur la visée de développement disciplinaire (5/8 contre 3/8), contrairement à ce qui est observé dans l’autre programme. En effet, malgré le fait que les enseignants de Sciences de la nature évoquent de manière globalement moins fréquente les différentes visées de l’institution collégiale, ils sont pourtant plus nombreux en proportion à mentionner la visée de développement professionnel. Ainsi, la représentation de la formation collégiale des enseignants en Sciences de la nature est plus ancrée dans une démarche d’exploration des débouchés professionnels, alors que cet aspect est peut-être plus abstrait dans la représentation des enseignants du programme Sciences humaines.

Enfin, si l’on décortique les trois aspects de la visée de développement global (culture générale, citoyenneté et personnel et social), les enseignants de Sciences humaines mentionnent plus d’aspects distincts, soit plus de deux aspects sur trois en moyenne, comparativement à à peine un aspect sur trois en moyenne en Sciences de la nature, comme l’illustre le tableau 4.8 ci-dessous :

Tableau 4.8 : Aspects identifiés de la visée de développement globale selon le programme enseigné

Informateur Culture générale Citoyenneté Personnel et social Programme enseigné 1 X Sciences de la nature 2 X Sciences humaines 3 X X Sciences humaines 4 X X X Sciences humaines 5 X X X Sciences de la nature 6 X Sciences de la nature 7 X Sciences humaines 8 Sciences de la nature 9 Sciences de la nature 10 X X X Sciences humaines 11 X Sciences humaines 12 X Sciences de la nature 13 X X Sciences humaines 14 X X Sciences de la nature 15 X X X Sciences humaines 16 X X X Sciences humaines 17 X Sciences de la nature Total SH 7 7 5 Total SN 3 2 4

Bien qu’une majorité des répondants dans les deux programmes évoque cette visée de développement global (tous, en fait, à l’exception de deux informateurs issus du programme Sciences de la nature), la représentation que s’en font les enseignants diffère selon le programme. Notamment, les aspects de culture générale et de citoyenneté sont les plus souvent évoqués en Sciences humaines, soit sept fois sur neuf chacune, contre trois fois et deux fois sur huit dans le cas des enseignants en Sciences de la nature. Chez les informateurs du programme Sciences de la nature, c’est l’aspect de développement personnel et social qui constitue l’objet essentiel de la représentation (quatre fois sur huit). En définitive, les professeurs de Sciences humaines interviewés se font une représentation plus multidimensionnelle de cette visée, comparativement aux enseignants de Sciences de la nature.

CHAPITRE 5 - LA REPRÉSENTATION SOCIALE DE L’ÉTUDIANT