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CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE

2.2 Le développement de la compréhension en lecture

2.3.4 Les difficultés dans la formulation de l'inférence

2.3.4.1 L'inférence et la compréhension en lecture

Oakhill mène deux études, une en 1982 sur l'inférence de cohésion, et une autre en 1984 sur l'inférence d'élaboration. En 1982, elle teste 13 bons et 13 faibles compreneurs (n= 26) de sept et huit ans. Ils doivent faire un lien entre trois courtes phrases. Par exemple, l'élève lit individuellement les phrases suivantes : The car crashed into the bus. The bus was near the

crossroad. The car skidded on the ice. (Oakhill, 1982, p. 15). Ensuite, la chercheuse propose

deux conséquences à l'histoire, une possible et une impossible, comme The car was near the

crossroad (inférence possible) et The bus skidded on the ice (inférence impossible) (Oakhill,

1982). Les résultats démontrent que les élèves du groupe de bons compreneurs sont plus à même de se construire un modèle cohérent de situation afin de dégager des fins impossibles aux courtes histoires lues. La chercheuse soulève l'hypothèse d'une gestion plus efficace des informations logées en mémoire et d'un accès plus rapide pour les bons compreneurs.

En 1984, elle évalue individuellement 12 faibles compreneurs et 12 bons compreneurs (n=24) afin de vérifier leur capacité à émettre des inférences d'élaboration. Les élèves, âgés de 7 et 8 ans, doivent déduire ce que le personnage principal fait à partir d'indices. Par exemple, cette phrase : He started pedalling at school as fast as he could (Oakhill, 1984, p. 38) sous-

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entend que le personnage se rend à l'école à vélo et qu'il est possiblement en retard ou poursuivi. Elle constate que les faibles compreneurs manifestent plus de difficultés à générer l'inférence qui clarifie ce que sous-entend le verbe pédaler, soit l'utilisation d'un vélo (Oakhill, 1984). Par ces deux recherches, Oakhill amorce une réflexion sur la difficulté que représente l'inférence d'élaboration, entre autres, pour les faibles compreneurs.

Par la suite, Oakhill et Cain collaborent et s'interrogent sur la direction de la relation entre l'inférence et la compréhension en lecture. Est-ce le fait de mal formuler une inférence qui perturbe la compréhension, ou l'inverse, c'est-à-dire que disposer d'une mauvaise compréhen- sion entrave le processus de formulation de l'inférence? Dans leur recherche de 1999, elles éva- luent des élèves de 7 et 8 ans, toujours avec les mêmes tests. Elles les répartissent en trois groupes selon leur âge de compréhension. Elles obtiennent les groupes suivants : groupe 1) les bons compreneurs (n=24), groupe 2) les faibles compreneurs (n= 29) (les élèves de ces deux groupes ont un âge chronologique moyen de 7 ans et 8 mois) et groupe 3) des élèves plus jeunes (6 ans et 8 mois, n=27) qui ont le même âge de compréhension que les faibles compreneurs. Ce troisième groupe agit comme groupe contrôle et permet d’isoler la variable de la compréhension en lecture, puisque ces élèves disposent d'un même niveau de compréhension que les faibles compreneurs (Cain et Oakhill, 1999).

Les chercheuses composent quatre textes comportant chacun six questions, soit deux questions d'inférence de cohésion, deux questions d'inférence d'élaboration et deux questions littérales12. Chaque élève est rencontré individuellement, lit les textes à voix haute et répond oralement aux questions. L'examinateur compile les réponses en fonction de trois types de ca- tégories : 1) 1er essai, bonne réponse; 2) 2e essai avec relecture (s'il commet une erreur à son 1er essai, l'élève peut consulter à nouveau le texte et répondre de nouveau à la question); 3) 3e essai avec l’aide de l’expérimentateur (si l'élève commet une deuxième erreur, l'examinateur lui in- dique le passage où l'inférence doit être formulée dans le cas des questions d'inférence d'élabo- ration seulement). Dans ce troisième contexte, l’expérimentateur pose à l’élève des questions

12 Les textes et les questions sont les mêmes que ceux utilisés dans leur étude de 2012 et présentés à la section

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pour s'assurer qu’il dispose, en théorie, des connaissances nécessaires pour répondre à la ques- tion d’inférence d’élaboration qui lui est posée. Le tableau VII expose les résultats obtenus en fonction du groupe (bons compreneurs, faibles compreneurs et élèves plus jeunes du même ni- veau de compréhension en lecture) et du type de soutien apporté par l'examinateur. Il est rassu- rant de constater qu'avec l'aide de l'examinateur, les faibles compreneurs rejoignent presque les élèves du groupe d’élèves plus jeunes du même niveau de compréhension en lecture et comblent un écart de 32 points entre le premier essai (52 %) et le troisième (84 %).

Tableau VII Résultats des trois groupes selon les types de questions et le mode d'intervention (Cain et Oakhill, 1999)

Bons compreneurs Faibles compreneurs Élèves plus jeunes

Questions: 1er essai Avec relec- ture Avec aide 1er essai Avec relec- ture Avec aide 1er essai Avec relec- ture Avec aide Littérales 80 % 99 % 72 % 94 % 75 % 95 % De cohésion 83 % 97 % 59 % 94 % 76 % 97 % D'élaboration 70 % 82 % 95 % 52 % 67 % 84 % 58 % 73 % 87 %

Les chercheuses dégagent trois conclusions à partir des résultats obtenus. Premièrement, les faibles compreneurs obtiennent des résultats inférieurs aux autres groupes de participants, même comparativement aux élèves plus jeunes, et ce, en particulier pour l'inférence qui de- mande d'intégrer des informations personnelles au texte : l'inférence d'élaboration. Par contre, lors de la troisième tentative, lorsque l’examinateur apporte de l'aide, les faibles compreneurs ne se distinguent pas des autres en ce qui a trait à leur performance. Ils disposent donc de con- naissances comparables aux autres, mais ne réussissent pas à les intégrer au texte et à s'en servir pour mieux comprendre. Ces résultats suggèrent que la difficulté du faible compreneur à formu- ler des inférences relève plutôt d'un comportement stratégique inapproprié, le faible compreneur ne sachant pas accéder à une compréhension globale du texte ou un modèle de situation lui permettant de relier des informations entre elles afin de résoudre un bris de compréhension dans sa lecture.

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Deuxièmement, les résultats des faibles compreneurs démontrent qu'avec une relecture, ils peuvent formuler des inférences de cohésion, mais qu'ils ne le font pas par eux-mêmes. C'est d'ailleurs à ce groupe que la relecture s'avère la plus profitable, leur résultat passant de 59 % à 94 % dans le tableau VII.

Troisièmement, la formulation de l'inférence de cohésion peut expliquer un bris de com- préhension dû à une difficulté de repérage dans le texte. Cette difficulté se maintient pour les faibles compreneurs dans l'inférence d'élaboration et révèle un comportement non stratégique de la part de ces élèves (Cain et Oakhill, 1999). La capacité à repérer les endroits qui nécessitent de formuler une inférence pose problème aux faibles compreneurs, mais lorsqu'ils sont guidés, ils sont en mesure de formuler l'inférence appropriée.

L'intérêt de cette recherche réside dans l'accompagnement différencié au fil des épreuves qui agit comme soutien pour l'élève en difficulté. Ainsi, celui-ci parvient à résoudre, avec de l'aide, ses difficultés de compréhension pour l'inférence d'élaboration. Cela rejoint les idées de Vygotsky mentionnées précédemment quant à la participation de l'adulte comme médiateur pour faire progresser un élève dans sa zone proximale de développement. De plus, les résultats de cette recherche suggèrent qu’une difficulté à inférer peut provoquer un bris de compréhension (Cain et Oakhill, 1999). Dans le cadre de cette recherche, la direction de la relation irait de la formulation d'inférences vers la compréhension en lecture, ceci appuyé par les progrès obtenus en compréhension de la lecture lorsque les élèves en difficulté obtiennent de l'aide pour formuler une inférence. Regardons maintenant l'effet des connaissances générales et de la mémoire sur la formulation d'inférences pour mieux comprendre un texte.