• Aucun résultat trouvé

PARTIE II : LE TRAMAGE ARCHÉOLOGIQUE PAR LE CORPS Fouiller l’expressivité de la trace de gestes dont la signification nous échappe

Chapitre 1 : L’ESTHÉTIQUE ET LE FONCTIONNEL

2. De l’impression à l’expression

Est-ce que tout ce qui entre en moi s’imprimera dans mon être ? Quand le vent souffle sur la Terre il nous apprend que tout est instable, en transformation permanente, et ce serait peut-être le propre aussi de l’humain, en tant qu’être de la nature, que de changer la nature ?

Ces questions nous renvoient au sujet des ressemblances et des différences entre l’humain et l’animal dont on vient de parler à propos de l’esthétique et du fonctionnel. Pour Lumley la différence entre l’homme et l’animal serait que chez ce dernier « […] l’objet utilisé est instantanément oublié ; il n’est jamais ni conservé ni amélioré30. » Tandis que l’homme va perfectionner la conception de l’outil, son geste n’est plus « […] le prolongement de la main dans une action fugitive mais le témoignage d’une pensée conceptuelle spécifiquement humaine31 » Leroi-Gourhan dans Technique et langage [le premier volume de l’ouvrage Le Geste et la Parole], a posé un regard pointu sur le comportement matériel de l'homme appuyé par les observations de la neurophysiologie. Ses recherches montrent que depuis les origines l'utilisation simultanée de la main et du visage élabore le comportement d'un grand nombre d'espèces.

C’est pourtant l’approche « paléontologique du langage » qui permet de suivre le développement du corporel et du cerveau selon l’éclosion de techniques et esthétiques qui remontent aux chasseurs-cueilleurs, passant par l'agriculture, jusqu’aux conséquences « techno-économiques ». C’est ainsi que la découverte du feu a permis la création des céramiques et de la métallurgie. Ensuite il y a eu la formation des classes sociales et le développement du contexte urbain. Alors, technique, économie et langage s’orchestrent

30 Henry de Lumley, L’Homme premier – Préhistoire, évolution, culture, op.cit., p. 37. 31 Ibid.

dès le passé lointain jusqu'à l'analyse contemporaine neurobiologique de l'homme contemporain, porteur d’un développement plus holistique32. Nous sommes sans distance et en superposition avec les événements du monde, comment ne pas être connectés et touchés avec les autres.

Être impressionné, métaboliser, s’exprimer Au cours de la vie, le corps

accumule les impressions échangeant l’énergie de sa propre présence avec le monde. Sachant que le corps vivant est co-créateur des réactions chimiques qui se déploient et s’adaptent au fur et à mesure qu’il (le corps) répond aux stimuli de son milieu, c’est-à-dire il métabolise les impressions. En effet, l’impression se transforme en expressivité. Chaque geste imprime une manière d’être présent à l’autre. Entre agir et recevoir le corps

canalise une intention et une attention particulière qui va produire son expressivité. Il y a donc une expressivité fondatrice qui n’est pas uniquement une mise en fonction automatique entre les organes à l’intérieur du corps, mais un acte conscient, comme fait l’acteur sur la scène quand il se laisse impressionner. Dans sa finalité expressive le corps éveille la volonté du sujet qui n’est pas l’instrument de l’être, ni l’objet de projection de soi, mais sa présentation entière.

32 Le mot Holisme du grec ὅλος / hólos signifie « entier ». C’est un néologisme apporté par Jan Smuts, l’homme politique d’Afrique du Sud dans Holism and Evolution. Selon l’auteur, le holisme c’est « la tendance dans la nature à constituer des ensembles qui sont supérieurs à la somme de leurs parties, au travers de l'évolution créatrice. » Cf. Londres, Macmillan & Co Ldt, 1926, p. 362. [En ligne] disponible sur : https://archive.org/stream/holismandevoluti032439mbp/holismandevoluti032439mbp_djvu.txt [consulté le 21.01.2017]. Cette idée est venue d’autres penseurs, par exemple Émile Durkheim : « Le tout est plus que la somme des parties », [en ligne] disponible sur : http://libertariens.chez.com/lasocio.htm [consulté le 21.01.2017]. Pour lui l'holisme est une méthode pour voir le monde. Actuellement ce mot est très employé dans les appellations ésotériques.

Fig. 54. Toca do Boqueirão da Pedra Furada, détail: figure de danse (posture en grand-plié) superposant des répresentations d’animaux. Région Serra Talhada–PNSC. © LdoC.

Il ne s’agit pas ici de réfléchir sur le déroulement de l’auto-génération appelé mécanisme de cause versus effet. Notre sujet d’archéologie de l’expression évoque la loi naturelle d’échange de substances vivantes du Soi vis-à-vis de l’autre et l’environnement que l’on appelle « maintenance réciproque33. » Au sens approfondi, cette loi règle la prise de conscience qui va jusqu’à l’atome. L’on parle d’une recherche d’équilibre entre ce que je reçois et ce que je dois rendre au monde, comment se positionner face à la vie de manière à travailler avec et pour les vertus intellectuelles et émotionnelles.

Dans la démarche de l’impression à l’expression il y a deux directions qui font penser à la maîtrise de l’art de tirer à l’arc. L’archer reste au milieu lorsqu’il travaille comment tenir l’arc, cibler la flèche. Tandis que son être est pénétré par une impression, il devient cette impression. Par conséquence une création veut s’exprimer, libérer quelque chose indicible de l’intérieur. L’artiste maîtrise une sensibilité rare travaillant à double sens: tantôt dans le si bref moment où il est touché par le monde, tantôt il crée la puissance irrésistible pour soustraire un motif. L’important dans cette dynamique est de savoir tenir l’inspiration pour objectiver un point de vue esthétique. Comment faire sentir à l’autre ce que je sens, comment lui faire voir ce que je vois, et ainsi de suite. Dans ce processus, il faut prendre en compte le comment faire et non seulement posséder un savoir-faire. Développer la qualité d’écoute, par exemple, n’est pas limitée à entendre avec nos oreilles mais avec tout notre corps.

La nécessité de nourrir l’équilibre de la vie a pour base et responsabilité les mécanismes de la pensée et de l'imagination d’où les impressions et les expressions se produisent réciproquement. Pour revenir à Serra da Capivara, nous percevons un monde autre d’expériences qui donnent à comprendre de manière plus fine notre réalité actuelle. Parce que le lieu invite le corps à redevenir une antenne perceptive et empathique avec tous les stimuli extérieurs pour l’éveil sensoriel, aussi dit l’extéroception. En fait, ce lieu d’inspiration peut réunir la sensibilité à toutes les impressions de l’environnement, faisant intervenir le vivant. La vision répond à l'extéroception, en même temps qu’elle active la proprioception à partir du moment où la nature sauvage invite à saisir les nouveaux

33 Terme apporté par G. I. Gurdjieff dans Récits de Belzébuth à son petit-fils. Critique objectivement

impartiale de la vie des hommes, Paris, Rocher, 1976. Actuellement disponible en version ebook, [en ligne],

disponible sur : http://www.histoireebook.com/index.php?post/Gurdjieff-Georges-Recits-de-Belzebuth-a- son-petit-fils-Tome-1 [consulté le 03.11.2017].

mouvements.

L’histoire nous amène à comprendre que le biologique et le culturel travaillent ensemble dans l’escalier de l’évolution morphologique du primate à l’homme moderne. Peut-on imaginer la capacité mimétique selon laquelle les mouvements et les gestes efficaces des animaux ont influencé notre évolution créatrice ? Etant donné que les animaux ne se posent pas de questions, ils trouvent les solutions intelligentes par pur instinct, sans nécessairement vouloir imiter le geste d’un autre animal, même s’il existe des espèces qui ont la capacité imitative.

Notre évolution n’a pas été linéaire. On dit qu’il y a toujours eu une oscillation entre des périodes de sauts rebondissant sur d’autres périodes d’inertie. Dans l’introduction de L’expressivité du corps, l’ouvrage-thèse de Michel Bernard, celui-ci évoque plusieurs fois les pensées métaphysiques de Ruyer et je lui emprunte celle-ci : « Au commencement était la source de l’expressivité […]34. » La vie s’exprime. L’intensification de la soif d’explication sur soi a-t-elle entraîné l’imaginaire à faire œuvre d’art ?

L’art doit intensifier la réflexion sur « la distinction du sens et de la signification » mettant en lumière une expressivité signifiante. L’expressivité artistique a pour but de dépasser l’affectivité. Les émotions et les passions ne font qu’orchestrer l’expressivité originaire des choses ou des êtres qui échappe à toute signification34. »

La phénoménologie husserlienne aussi inspire Michel Bernard pour théoriser sur l’expression, au sens strict du mot, qui ne serait pas le corps. Husserl voyait l’expression liée à l’activité de l’esprit ou de la volonté psychique. En allemand le mot Bedeuten, qui se traduit par signifier, exprime le sens signifiant du discours et amène à conjecturer l’unité et pluralité de l’être. Intéressé au corps qui libère l’expression sur le plan du discours, il propose que l’expression soit intelligible en soi-même en tant qu’état d’âme. Cela n’empêche pas que Husserl a consacré au corps la fonction de signifié, c’est-à-dire l’intentionnalité d’exprimer la pensée.

34 Michel Bernard, L’expressivité du corps. Recherches sur les fondements de la théâtralité, Paris, La Recherche en danse/Chiron, 1986, p. 21.

Si l’on pense la création à travers Spinoza, l’enchaînement de l’expression se faisait par rapport à la substance d’origine, c’est-à-dire à la qualia ou « mode » dont a priori l’expression a été nourrie. Le corps est aussi l’esprit. Ceci explique que la source de la création n’est pas hors du corporel. Sur la corporéité du geste, Michel Bernard dit que « l’expression n’a pas besoin de reconstitution par l’imaginaire, ni celui conjoint de déchiffrement par l’entendement : elle est lue directement et affectivement dans la mesure où le corps de l’observateur est disposé à l’accueillir [...]35 » Ce serait de prévoir que l’expression géométrise un corps distinct qui a pour désir être reçu, senti, écouté. En général ce serait l’expression d’un désir de l’autre. Il faut laisser le corps parler [s’exprimer] selon sa voie sensorielle indispensable à la plasticité de l’impalpable. De plus, le travail de reprise implique au passage à la « mémoire affective » qui est profondément enracinée dans le corps, qui à son tour est le véhicule et aussi sujet pour l’articulation du souffle de l’esprit qui le traverse.

Pensant à la question de l’expressivité du geste entre les mécanismes productifs et l’affectif, Michel Bernard ouvre une discussion qui, dans mes réflexions pédagogiques, m’occupe depuis longtemps. Il polarise l’acte percevant « l’instance du Moi » dans l’échange dynamique opéré par l’imaginaire et crée un schéma circulaire entre « impressivité et expressivité ». Il explique : « Sous l’influence de l’image spectaculaire, toute expression de l’enfant devient expression d’une impression fictive de soi […]36. »

Selon Bernard c’est par l’imaginaire que l’homme sélectionne et organise ses actes perceptifs qui poussent les gestes à manifester l’expression spontanée suivant le caractère fictif de l’imagination et production. Cela signifie que l’imaginaire n’est pas uniquement une épreuve du ressentir individuel mais une interaction des niveaux « impressif et expressif ». Le geste n’est qu’un jeu de la fantaisie, il est aussi la singularité sans écart dans les différents modes d’appréhension collective et sociale des gestes imprimés de l’autre.

35 Idem. p. 265.

Efficacité, sensibilité, singularité

Si l’esthétique est une immanence expressive comme pourrait-elle détourner sa fonctionnalité ? Les archéologues pensent à l’acte créateur mettant en valeur la faculté tantôt intellectuelle tantôt sensorielle du geste qui transforme la matière. Grattant la terre, il faut en même temps être à l’écoute des

strates et goûter la terre. Je m’interroge sur le lien entre l’esthétique et le fonctionnel pour situer la connexité ou écart entre les deux dans notre monde épuisé de l’industriel. Selon l’archéologie qui rejoindrait la notion classique d’André Leroi-Gourhan, Lumley explique : « Pour transformer un bloc de pierre en objet utile, les gestes devaient se succéder dans un certain ordre, et cet ordre implique un savoir. L’outil témoigne de l’émergence d’une pensée conceptuelle. Il introduit dans l’histoire une nouvelle dimension culturelle37. »

L’évènement rupestre simultané, gravure et peinture, dans le site Toca da Bastiana38 apparait comme un cas particulier dans les environs de la Serra da Capivara [fig. 55]. Ce lieu a entrainé de nouveaux enjeux remettant en cause les recherches quant aux datations antérieures. Si l’image de l’anthropomorphe correspond à la Tradition Agreste, cela

37 Henry de Lumley, L’Homme premier – Préhistoire, évolution, culture, op.cit., p. 36. Les fondements classiques par André Leroi-Gourhan (1911 – 1986) dans Le Geste et la parole ajoutent un point de vue sur l’efficacité du geste dans le trajet d’évolution cognitive de humanité.

38J’ai visité ce site en 2002 et de nouveau en 2016 grâce à Senhor Pedrinho qui m’a guidée dans les terres où sa grande mère Bastiana habitait - d’où le nom du site - et encore aujourd’hui sa mère vit là bas très isolée dans une petite ferme, heureusement elle a un téléphone portable. Il m’a fait connaître six sites archéologiques qui sont enregistrés par la FUMDHAM. Le manque de ressources matérielles et humaines fait qu’il en reste beaucoup à approfondir. Récemment l’archéologue Eric Boëda a fait des travaux de fouilles très proches de la Toca da Bastiana. Les fouilles de la FUMDHAM dans Toca do Barrigudo permettent d’affirmer qu’il y a 9 000 ans environ existait là une forêt tropicale humide. Des squelettes humains et de la mégafaune ont été trouvés et sont exposés au Museu do Homen Americano et laboratoires de la FUMDHAM.

Fig. 55. Toca do Serrote da Bastiana. Détail : gravure et peinture. Région des Serrotes, en dehors du PNSC. © LdoC.

déconstruit ainsi les notions autour de l’origine de cette tradition39.

L’impression de force imprimée et exprimée par cette imposante figure humaine dépliée, à la fois peinture et gravure, nous permet de voir sur la grande paroi couverte d’autres images en couleur rouge, bleu – l’intention du geste qui confirme une forme de présence aborigène en train de manifester de l’intériorité. L’expression d’un acte pensant et subversif qui modèle dans et sur la pierre l’esprit d’une création fictive. A quoi sert ce geste-là ? Peut-il se rappeler ce qui a été imprimé dans l’expression ? L’imaginaire très complexe est simplifié par l’effort conscient révélant en soi-même l’expérience esthétique qui résonne d’une puissance archaïque mystérieuse.

S’agit-il d’une action rituelle de dédoublement de soi40 ? Une sorte de projection du Soi hors du corps ou une incarnation ? Comme l’explique la neuroscience, notre cerveau a par nature la capacité de créer un double Soi. Ce scénario rupestre suscite l’idée d’un sujet dépliable et d’une liaison à faire entre les deux figures, gravitant de la peinture à la gravure. D’ailleurs, ceci propose un passage à faire de la surface à l’immersion et au contraire, de l’image gravée - silhouettedu vide - à la vitalité de la peinture : l’archéogeste vibre dans le lieu métamorphosé en ruine du temps et magie. Chaque savoir faire engage un geste obstiné à intégrer une situation d’apprentissage avec le monde imaginé. C’est-à- dire que l’interface entre mon geste et mon être percevant sollicite ma créativité et l’expérience manifeste du vivant. Mon attention se canalise vers la finalité de l’esprit dans l’expérimentation charnelle.

La mise en écho de la plasticité sensori-motrice montre l’idée théâtrale d’un avatar ou fantôme. La figure peinte montre un sexe masculin; les bras ouverts jusqu’à l’extrémité des doigts accentuent la force énergétique dans la présentification amplifiée de la présence. La pensée qui forge l’avatar émerge de l’efficacité et la finalité d’un rite magique très ancien. L’ornement peint sur la tête de la figure apparaît dans plusieurs sites archéologiques dans le Parc. L’esthétique illustre une atmosphère spécifique, de manière à

39 Les peintures du site Toca do Serrote da Bastiana ont été datées entre 39 442 et 48 286 av. J.-C. par les méthodes de thermoluminescence. Cf. Elisabeth Buco, Turismo arqueológico…, op.cit., pp. 192-193. 40 Dans l’enseignement de Marcel Marceau, le dédoublement se réfère au travail de l’acteur entre deux rôles, deux personnages. Dans l’enseignement de danses sacrées ou les « mouvements » de Gurdjieff, cette expression traduit le travail d’observation du Moi intérieur (Je) et des petits je périphériques. Nous reviendrons sur ce sujet dans partie 3.

présenter de la fulguration duale. Comme si ce lieu avait été voué à l’événement rituel. On se sent pénétré par ce scénario qui est mémoire d’un impact visuel singulier.

Imaginons que, dans ce monde là, la virtualité émergerait de l’animisme et que l’être humain exploitait toutes les puissances existant en lui, en symbiose avec les influences environnantes. On cherche aujourd’hui intensément à retrouver cet état d’immersion qui implique toute la sensibilité du corps. On énonce, par exemple, le concept d’« émersiologie » qui se penche sur le sentir du corps vivant comme une « immersion du corps dans le monde41 », une manière d’« écologiser42 » le rapport sensorimoteur du corps coexistant avec le monde.

L’ouvrage célèbre de Marcel Mauss « Les techniques du corps43 » n’est pas le seul à faire réfléchir au geste. Quand Bergson a écrit sur le rire, il explique le geste selon une approche au-delà de la production mécanique ou automatique du comique. Il analyse la complexité psycho-esthétique de l’homme. Jousse et Bergson par opposition au projet de productivité de Mauss, accordent au geste le caractère individuel de l’expression humaine, c’est-à-dire le geste est moteur primordial. Le geste serait-il alors pour Jousse du domaine intrinsèque du mimisme de l’être humain et pour Mauss, l’exploration technique ?

Marcel Jousse, élève de Mauss, a été un chercheur du geste jusqu’à saturer l’anthropologie vers une ouverture spirituelle. Il a également pensé le geste à partir de la théorie de Mauss qui explique pourquoi les gens savent utiliser leur corps à des fins productives pour que les gestes du travail mettent en valeur les savoirs pratiques de l’homme. Il me semble que l’anthropologie du geste de Jousse, a voulu susciter le geste rond qui rejoint la mémoire mythique, celle qui exprime le sens du rythme et de l’invisible, c’est-à-dire une vibration, une fluidité. Par ailleurs il a aussi manifesté de l’intérêt pour la pratique, ayant attiré celui de Marcel Marceau vers la profondeur de ses recherches.

41 Bernard Andrieu, Sentir son corps vivant – Émersiologie 1, Paris, Librairie de Philosophie J. Vrin, 2016, p. 20.

42 Ibid. Néologisme de Bernard Andrieu.

43Marcel Mauss, « Les techniques du corps », in Sociologie et anthropologie [1950], Paris, Quadrige/PUF 13e édition, 2013, pp. 365-384. Sur l’œuvre de Mauss, Lévi-Strauss consacre un éclairage général « Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss », p. 13 : « Chaque technique, chaque conduite, traditionnellement apprise et transmise, se fonde sur certaines synergies nerveuses et musculaires qui constituent de véritables systèmes, solidaires de tout un contexte sociologique. »

La pratique du geste dans le théâtre et la danse nous permet de voir plus clair en ce qui concerne la complexité entre la nature et le culturel, dans le comportement de nos ancêtres. De plus, il faut se rappeler que le geste est né avec notre être. Par ailleurs le geste est avant nous, il émerge de notre nature sensible et intelligente. Pour Edgar Morin, «si l’on décide qu’est culturel tout ce qui n’est pas inné, alors la culture existe chez les animaux. Mais si l’on dit qu’est culturel ce qui est organisé et qui s’auto-organise, alors on ne le trouve que chez l’homme44. » Il valorise la contrainte dans l’organisation de la différence qui m’inspire à propos de l’alchimie esthétique hybridée les impressions du semblable et du distinct dans les créations rupestres. L’émergence du geste fait simultanément imprimer une impression déjà expressive, pour revenir à l’idée de Michel Bernard : « l’exprimé est dans l’exprimant45. » En effet, le geste est aussi le sujet, celui qui installe un certain espace intentionnel, créant ainsi l’ouverture pour sa propre force tactile pour se perfectionner et s’approprier son propre corps.

Dans une organisation planétaire contrôlée par les satellites et le Cloud nous nous