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CAPIVARA solo danse : le corps archaïque et de son archéologie [Terrain 1, 1996]

Chapitre 1. L’ÉLAN VERS LA SERRA DA CAPIVARA

2. CAPIVARA solo danse : le corps archaïque et de son archéologie [Terrain 1, 1996]

Lévi-Strauss a mis en valeur la symbolique transcendantale du monde ancestral des amérindiens mais son étude a abouti sans expliquer finalement la relation entre science et magie chamanique. Le monde du sauvage souhaiterait une spéculation et non seulement la mythification. C’est peut-être pourquoi mon point de vue est différent : je perçois les concepts européens par le filtre de l’ancestral du Brésil et en général.

L’approche du corps primitif dans notre recherche amène à saisir ce qui se forme et qui apparaît en premier, à l'origine. Comment la construction imaginaire de l’origine peut-elle générer une source de création ?

En effet, le besoin de rêver à un geste de l’origine réveille une tension créatrice (notamment quand on se trouve loin de la terre natale) permettant une plongée dans le tissu d’une sensibilité à l’image d’une mémoire collective qui évoque un état ancestral. Le primitivisme propose pourtant l’éveil d’une esthétique suivant une spéculation engagée essentiellement à réactiver la nature du corps à travers l’art qui crée une magie. C’est différent de l’invention d’un produit artistique. Loin des classifications anthropologiques, nous sommes ici plus proches de ce que dit Bachelard (1884-1962) dans La poétique de l’espace : « On confronte alors l’être de l’homme à l’être du monde comme si l’on touchait aisément les primitivités49. »

Et pour mieux réfléchir à l’utilisation du concept primitif dans le cadre de cette thèse, il faut distinguer deux choses : d’une part, l’acception qui est faite du

48Cité en bas de page, dans Gilles Deleuze, Félix Guattari, Mille plateaux, op.cit. p. 196, l’Héliogabale d'Artaud. Le corps sans organe d’Artaud en tant que CsO serait la notion d’un corps articulée à d'autres concepts : l’organisme qui n’est pas le corps, mais phénomène d’accumulations, de sédimentation, le plan de consistance, les strates, les plateaux.

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mot « primitif » dans le cadre universitaire français, frileux à y faire recours, car c’est complètement dévalorisé et déprécié, et d’autre part, celle qui en fait se dégage de la conception des études anthropologiques ou postcoloniales actuelles. Effectivement, les études menées dans ces champs de recherche ont montré au cours du XXe siècle le caractère profondément hiérarchique et péjoratif sous-jacent à la catégorie « primitif» manié par les ethnographes.

Si l’on se détache plus de l’histoire pour rejoindre la mémoire, la notion bergsonienne « d’une mémoire sans récipient, d’un contenu sans contenant50», guidera vers l’imaginaire du primordial. Parce qu’elle active ce qui intéresse une remise en question sur le rôle du corps en rapport à cette force de l’origine en tant que mémoire. D’un côté, on cherche naturellement à se relier à la force mythique de la mémoire originelle comme élan vital. De l’autre, pour repenser la recherche à posteriori, il faut aller au-delà de l’idée d’archivage de souvenirs individuels.

Mais au-delà des souvenirs de vingt ans, lesquels seront remémorés au fur et à mesure, je rappelle que la force de mon attirance vers l’archéologie est venue d’un besoin inexplicable de m’enraciner à nouveau dans l’ancestralité de mon enfance. Et j’ai donc suivi l’écoute de mon corps vers la Serra da Capivara en Août 1996. Parce que ce lieu est révélateur de trésors archéologiques sur l'origine des gestes de notre humanité et pas uniquement de l'homme américain. Il me semblait incroyable que des traces des plus anciennes civilisations du continent américain se trouve au Piauí51, ma région d’origine au Brésil.

Éprouver une corporéité atemporelle

Lorsque l'intrication geste et archéologie s’engage dans la quête de l’expression de l’origine, bien entendu, la danse et le théâtre du geste offrent l’espace inépuisable pour les idées de transformation humaine. À partir de la découverte des motifs rupestres inquiétants, notre recherche est primitivement associée aux scénarios d’archéogestes qui montrent une source d’inscriptions de l’esprit dans la profondeur du temps. La matière picturale inscrite dans les abris sous rocher montre l’expérience de l’art travaillé dans l’espace libre de la création. Ce grand berceau d’expressions de rêveries nous raconte

50 Cf. Denis Forest dans l’introduction à Matière et mémoire de Bergson, op.cit., p. 33. 51

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la joie de vivre, d’autant que j’ai conçu et mis en scène mon solo-danse CAPIVARA52 en 1997, liant la conception de gestes vivants à l’étrange vibration de ces peintures d’archéogestes rupestres. Gestes qui attestent l’expérience sensible des images mentales capables de reproduire la réalité donnant une autre dimension. Celle de l’expression qui permet d’altérer la forme pour éprouver la force de la création.

La recherche de l’expression est imbriquée aux enjeux de la corporéité et pourtant s’intéresse à la nature du primat au sens phénoménologique. Merleau-Ponty propose en 1946 un abordage courageux autour de « l’expérience de la perception qui nous enseigne le passage d’un moment à l’autre et procure l’unité du temps53. » Devant la Société française de philosophie Le primat de la perception merleau-pontien a fort excité un débat sur l’expérience du vécu : « l’être du sens », est-il irréfléchi ? En effet, Merleau-Ponty dit : « Je cherche seulement à faire voir le lien pour ainsi dire organique de la perception et de l’intelligible54. » Ce lien constitue de nos jours le sujet de recherche transdisciplinaire. Lorsqu’on parle d’une corporéité, le sujet se dissout dans une temporalité propre à l’esprit du geste archéologique. Ce geste permet de se reconnecter à la nature du primat qui peut s’éclaircir comme « l’être du sens ». Pour éprouver la trace (l’ancien), du point de vue esthétique, on parle d’une vibration expressive hors-temps.Soit le vécu intérieur s’exprime sur ma peau soit ma peau inscrit les sensations de mon aperçu immédiat du monde ancestral, en tout cas le dedans et le dehors sont réconciliés, à la faveur d’une poétique spécifique.

52Lors de la première à Cologne, « La chorégraphie de Do Carmo est un dialogue à la fois abstrait et impressionniste avec l’univers archaïque. Le résultat n’est pas une peinture romantique ethnique mais une

archéologie de l’expression et en fait une extension de son vocabulaire. » Par Josef Schloßmacher, in Ballett Tanz International, Berlin (Allemagne), Nov. 1997, loc.cit. pp. 20-21, [traduit par moi-même]. Le

critique spécialiste de la danse à cette époque m’a poussée à aller plus loin par rapport à ce que j’avais fait.

53Maurice Merleau-Ponty, Le primat de la perception et ses conséquences philosophiques [1946], Paris, Verdier, 2014, p. 34. Nous n’avons pas qu’une conscience mais différentes consciences, explique Merleau-Ponty mettant en rapport la conscience intellectuelle avec la conscience perceptive. Ce rapport suscite le paradoxe qui s’éprouve lorsque le corps nous parle, si on l’écoute.

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L'étude de l’expression du primordial doit commencer par une réflexion sur le silence, de la même manière qu'une étude sur la lumière devrait démarrer par une sensation sur les ténèbres, l'absence de lumière. Une étude sur la vision doit commencer par une étude sur ce que nous ne voyons pas, c’est-à-dire de diriger notre attention sur ce qui n’est pas là, car voir l’invisible ne veut pas dire rejeter ce qu’on regarde. Déclencher cette étape avant de se mettre à spéculer sur le discours du geste et de l’origine c’est le moment le plus important de l’acte créateur, le moment où nous préparons ce que nous voulons taire. C'est un moment d'incommunication comme expression, d’un coup se rendre plus sensible dans un monde embrouillé.

Le fait de réfléchir à la trace des images mises en relief sur les rochers avec une pensée critique, « détruira la primitivité de l’imagination55. » A cet égard, d’après mon expérience, dès le premier moment de contact avec l’archéologie de la Serra da Capivara, j’ai priorisé de vivre ce témoignage du primitif intime-étrange, qui a conduit à un état de vacuité, synonyme de plénitude. Pourquoi les images de figures rupestres dépassent-elles notre esprit critique ? La trace de « l’image, dans sa simplicité, n’a pas besoin d’un savoir56. » De quel savoir parle Bachelard ? Dans La poétique de l’espace, il situe la pensée phénoménologique de l’expression comme expérience unifiante de notre être. Telle expression nous met en connexion avec le souvenir de nombreuses choses vécues, c'est-à-dire que les expériences deviennent connaissance. C’est ainsi qui la ces

55 Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, op.cit., p. 10.

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Idem. p. 4.

Fig. 14. Solo-danse CAPIVARA, scène Prélude souterrain, par Lina do Carmo, Cologne, 1997. © Gert Weigelt.

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scénarios rupestres amènent au constat de comment rejoindre la phénoménologie de l’expression comme l’a bien dit par Bachelard que « […] le sujet parlant est tout le sujet57. »

Une intéressante infusion philosophico-anthropologique, pour rejoindre l’introduction de Lévi-Strauss à l’œuvre de Marcel Mauss, d’ailleurs citée par Deleuze et Guattari dans Mille plateaux sur le régime de signes : « le monde a commencé par signifier avant qu’on sache ce qu’il signifiait, le signifié est donné sans être pour autant connu58. » Mais quelle aurait été la signification par derrière la trace des ces scénarios d’archéogestes rupestres ? La diversité des formes d’expression qui intéresse notre recherche s’imbrique à la forme du contenu non linguistique de l’expression59.

L’objet affectif de cette première recherche a été de relier la force vitale des traits inscrits dans ce passé lointain aux besoins esthétiques (selon mon aperçu) de la danse et du théâtre d’aujourd’hui. Je souhaitais apporter plus qu’un portrait exotique de moi- même. J’ai conçu les gestes dansés entrelacés avec les images de figures rupestres recherchées dans les sites archéologiques de la Serra da Capivara. Celle qui figure ci- dessus [fig. 14] par exemple, se trouve dans la Toca do Boqueirão da Pedra Furada- BPF, nous y reviendrons. A travers cette première recherche j’ai pu interroger l’ancestralité de ma propre culture, mais la sensation énigmatique produite par l’héritage des traces d’un possible forme de danse, laquelle nous laisse supposer et même éprouver une corporéité atemporelle.

Lier l’archéologie à l’expression

L’expérience de la danse met en cause le phénomène du temps parce qu’elle ne reste pas accrochée au temps fixé par l'horloge. C’est ce qui a orienté mon regard davantage sur l’avenir que sur le passé. Pour métisser ces images rupestres à une recherche chorégraphique visionnant l’archaïsme du corps, il a fallu traiter la création avec les sensations organiques et la perception visuelle comme une sorte de traversée

57Idem. p. 11.

58 Gilles Deleuze, Félix Guattari, Mille Plateaux …, op.cit., p. 141.

59 Je rejoins l’analyse d’Ariane Martinez sur « […] une confusion entre expression et langage, domaines qui ne partagent pas les mêmes caractéristiques structurelles. » Cf. Ariane Martinez, La pantomime

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archéologique intense. Où j’ai retrouvé une fluidité de nuances rythmiques essentielles pour rendre vital l’expression scénique d’aujourd’hui.

Le fait de connecter cette impressionnante source des archéogestes rupestres à l’idéalisation des figures archétypales, entre ce monde d’imaginaire archaïque et le passage à l’esthétique inexplorée du présent, le solo CAPIVARA a laissé sa trace dans l’altérité de la danse des années 90 en Allemagne et au Brésil [voir film 1, cf. clé USB en annexe]. D’innombrables tournées témoignent des impacts60 de la réception. Dans la dynamique de la recherche chorégraphique il y avait l’urgence d’une attitude d’auto- valorisation de l’origine pour montrer la puissance atemporelle des mémoires. « Ma mémoire est là, qui pousse quelque chose de ce passé dans ce présent. Mon état d’âme, en avançant sur la route du temps, s’enfle continuellement de la durée qu’il ramasse ; il fait, pour ainsi dire, boule de neige avec lui-même61. »

Pour vaincre les confusions du dedans et du dehors,en liant le passé et le présent à une poétique du geste à venir, l’observation doit se tourner vers le corps en mouvement. S’ouvrent dans ce travail divers chemins pour penser la corporéité en tant que dynamo de l’expression. Comme point de départ dans la relation transdisciplinaire liant l’archéologie à la problématique de l’expression, le processus de création a installé une dynamique de recherche modifiant l’usage des techniques du corps. J’ai essayé de découvrir en quoi l’auto-affection et la perception changeraient l’esprit du travail corporel. Du point de vue phénoménologique, les images des scénarios rupestres apportaient la chaleur du bonheur primitivement arrondi de l’être-créateur de l’acte qui permet d’extérioriser corporellement l’origine. Quel que soit le chemin, l’artiste a besoin de vivre sa transformation, de sorte qu’il sera lui-même le témoin du moment auquel se révèlera l’idée qui se forme dans son intérieur et qui fera émerger son acte.

Pendant la recherche de ce solo CAPIVARA, quand pour la première fois je me retrouvais face à quelque chose d’inimaginable, sans une méthode spécifique pour croiser mon domaine artistique avec ce monde archéologique, j’ai plongé dans la porosité d’un temps sans date. Celui-ci fonde le présent, nous y reviendrons. Si l’on se laisse habiter par les images rupestres, l’acte archéologique s’engendre dans

60 Entre autres, la question d’un jeune homme qui est venu me saluer après la présentation de ce solo au festival SESC-Mundão à São Paulo en 1998. Sa curiosité a été de savoir où se trouvent les figures rupestres et où je suis née. Là, j’ai pu éprouver l’étrangeté de ma présence dans mon pays et la force contemporaine de l’art rupestre de la Serra da Capivara, encore peu diffusé à cette époque au Brésil.

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l’immédiat, prolongeant l’étonnement jusqu'à ce qu’une métamorphose s’incarne. De fait, réactiver la mémoire travaille à la fois intensité et extension, d’où le « souvenir pur » de Bergson signifierait une portion de mémoire préexistante et disponible pour coexister au présent. En cela, il y a ce phénomène intime du temps, qui s’explique par la possibilité de recréer le souvenir en l’incorporant au présent, malgré les ruptures du temps et les coupures de liens avec la mémoire.

Être face aux innombrables traits supra-expressifs des scénarios rupestres m’a fait ressentir l’impact d’une source du rêve. J’ai voulu me fondre dans cette ancestralité comme dans ma propre origine et à partir du cri de mon corps. J’ai pu ressentir cet « être spiralé » dont parle Bachelard sur « l’être [qui] doit être l’être d’une autre expression62. » Là, devant l’éveil d’un étrange sentiment d’arriver à l’endroit où j’ai toujours été, en tant qu’élève de Marcel Marceau, je me rappelais ce qu’il disait: « un artiste mime doit être capable de se créer lui-même63. » Mon corps de soliste mime- danseuse travaillait pour être l’espace privilégié de l’invention ou de la réappropriation de codes consolidant mon identité mutante dans le pays de mon imaginaire.

Imprégnée par la mémoire du processus des gestes assez incroyables, laissés comme témoignage par cette population ancestrale, cette ancestralité m’est apparue prédestinée pour mon objet affectif de recherche : relier la force vitale des traits inscrits dans ce passé lointain aux besoins esthétiques que je perçois dans le monde actuel.

Durant ce premier voyage à Serra da Capivara, j’ai retrouvé la création de l’infrastructure du Parc national qui était en pleine construction et l’accès aux sites archéologiques qui n’était pas encore structuré avec des pistes praticables comme on le voit aujourd’hui. Il était nécessaire d’investir de nombreuses heures en promenades, accompagnée d’un guide pour pouvoir découvrir les scénarios cachés dans les abris des rochers. J’ai pu visiter une trentaine de sites dans les régions du Parc national- appelées Serra Talhada, Desfiladeiro da Capivara, Serra Branca et Serra Vermelha ; ce sont des lieux distincts qui se situent par rapport aux petits villages pittoresques, qui donnent l’image culturelle suis generis de la complexité hétérogène du Brésil. Ces scénarios rupestres m’ont clairement montré comment l’expression du geste collectif, aussi bien en figures duos et solos, ritualisait la vie. J’ai laissé respirer en moi ces traits du passé afin de les transformer en métaphores visuelles.

62Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, op.cit., p. 193. 63

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À travers les impacts sensoriels que j’ai alors ressentis, touchée par la virtuosité du geste des artistes ancêtres qui ont pu forger l’expressivité en toute liberté de création, j’ai été guidée vers l’écoute du plus brut en moi, de mon « être sensoriel64 ». Les figures rupestres exposent la sexualité, évoquant l’expressivité du corps dénudé et transformé en figures de rêves, jusqu’à un degré quasiment de rupture avec la peur d’exister pleinement. Ou alors, en tant qu’espoir et jaillissement de la magie, une façon de surmonter la complexité de l’existence.

Les traces de ces archéogestes rupestres sont devenues une source inépuisable pour inventer ma corporéité dans la terre de Kant, me méfiant de ne pas rétrécir la recherche dans un raisonnement pur du primat « préhistorique ». Le geste dansé ou mimé étant le media essentiel pour s’écrire soi-même, je me suis centrée sur l’étrangeté de mon corps déterritorialisé65. Pour moi, ce corps-territoire est déraciné. Il est en processus d’intensité qui produit son devenir expressif en traçant les lignes de force entre l’ordre et le désordre du monde, l’état des choses imprévisibles. Travaillant sur l’idée d’un corps patrie imaginaire, j’en suis arrivée à une réutilisation de l’archéodanse. Autrement dit, une danse qui est inspirée d’un geste archéologique, basée sur l’acte de gratter, de vouloir reprendre contact avec son corps, rechercher à l’intérieur de la matière les vestiges plus profonds de ce que nous sommes. Ne serait- elle pas notre identité, fragile, imaginaire, rêvée du plus réel de notre être.

L’origine comme un réservoir dans le corps

Le geste de l’origine me semble avoir une force, à la fois hors du temps et de l’espace, plutôt mythique, et en même temps, elle se donne à voir à chaque instant, fait naître et renaître constamment des lignes formant les gestes embryonnaires.

64 Être sensoriel : dans le sens d’être une présence aboutie ou épurée de soi.

65Selon le concept deleuzien qui décrit la « déterritorialisation » comme « une ligne de fuite » et de « passage de multiplicité ». En cela on comprend la perception/expression esthétique comme un « plateau des devenirs et des intensités », [Deleuze/Guattari, Mille Plateaux …, op.cit. p. 305]. Dans ce plateau le corps humain se trouve fragmenté et en chaque rupture il peut jouer le rôle de rhizome de l’expression de la mémoire. Ce corps organique et inorganique, déjà double, est pour Deleuze/Guattari l’énonciateur de l’espace « lisse et strié », toujours oscillant entre «les milieux et les rythmes, qui le territorialise » [idem. p. 386].

Fig. 15. Solo-danse CAPIVARA, scène Prélude

souterrain, par Lina do Carmo, Cologne, 1997.

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Pour décrire ce sentiment de l’origine imaginons un point de frôlement à l’intérieur de l’être se déplaçant vers l’extérieur, comme l’explique bien le mot en allemand Ausdruck, donnant l’impulse vers l’expulsion dans le sens de l’expression, c’est-à-dire faire une pression vers le dehors ou pousser vers l'extérieur. A l’image du cercle, serait le trajet du centre (le JE) vers la superficie de la personne. L’extrinsèque est du domaine de la personnalité et l’intrinsèque du domaine de l’essence, c’est ce qu’explique Gurdjieff. Cette puissance d’action globale du devenir a pour origine le résultat d’un ensemble des sensations dialoguant du dedans vers le dehors et vice-versa. Mais, la force intérieur « du devenir par dedans » explique (l’élève de Bachelard)